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lundi, 22 mai 2006

1844-1896

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vendredi, 19 mai 2006

Le jeu du vendredi

Je vous propose d’être iconoclaste, le temps du week end. Et de commencer à détruire les phrases trop connues de nos écrivains, vous savez, ces phrases qui sont devenues des lieux communs parce qu’on les ressasse, parce que les adolescents du monde entier les ont écrites sur leurs classeurs ou gravées sur leurs pupitres, parce qu’elles ont l’air de vérités superbes alors que, souvent, elles sont un peu culcul-la-praline, il faut bien le dire. En tout cas, on voudrait qu’usées jusqu’à la corde, elles disparaissent, mais rien n’y fait.

Allez, je commence avec Saint-Ex.

« S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction. »

Celle de la télévision.

mercredi, 17 mai 2006

À un mouchoir

Lorsque vous étiez en tissu, fraîchement repassé et rangé dans l’armoire aux senteurs mêlées de bois et de lavande ou dans le buffet rimbaldien aux rêves, il arrivait que vous fussiez brodé au chiffre de votre maître. Dérisoire habitude et curieuse inconséquence qui contraignait l’appendice nasal du susdit à souiller un linge aussi personnalisé. Il arrivait aussi que l’on vous parfumât. Quelques gouttes à peine rendaient la journée odorante.

 

Je suis fin repasseur et je me plaisais, on ne s’en étonnera guère, à vous plier comme un livre. Le fer brûlant sanctionnait la pliure et vous deveniez ainsi un petit volume de tissu. En pile, soigneusement rangé parmi vos camarades, vous aviez fière allure et j’avais le sentiment d’une bibliothèque dont les volumes eussent été posés à plat.

 

Quand vous étiez mouillé, trempé, même, par un rhume indécent et entêté, vous finissiez par devenir une boule informe au fond d’une poche, semblable à la brume des fins de journées d’hiver citadin. Vous poissiez.

 

La tâche que vous aimiez le moins accomplir consistait à éponger la sueur des fronts fatigués par le travail ou chauffés par d’impudents soleils. Mais vous ne détestiez pas réconforter les dames soucieuses, en épongeant la légère moiteur que l’inquiétude d’un moment avait fait poindre dans leurs paumes, le temps, l’éclair d’un tourment.

 

Parfois, votre mission était plus noble. On vous chargeait d’essuyer des larmes. Vous procédiez alors à petits coups de tampon doux, ou bien vous vous écrasiez durement sur les yeux trempés, rougis, gonflés. Cela dépendait de l’origine de la crise et de la finesse des paupières, de la beauté des yeux qu’elles abritaient. Vous n’agissiez pas de la même manière envers une dame ou envers un grand costaud. D’ailleurs, vous changiez de tenue selon le possesseur : vous étiez de gros coton, large et imprimé, ou tout en finesse, en dentelles, en broderies.

 

D’autres fois, votre travail relevait du secourisme. Vous étiez tenu d’éponger quelques gouttes de sang sorties d’une malencontreuse blessure, vous vous faisiez pansement, voire garot, sans jamais avoir pris la moindre leçon d’assistance. On s’émerveillait alors de vos facultés d’adaptation, de votre souci de bien faire, de rendre service, on admirait votre talent indépendant de toute formation continue.

 

Vous êtes devenu jetable. On vous vend en paquet de dix au café du coin, chez le marchand de journaux, et votre destin est à présent le même que celui des feuilles de chou : on vous jette, on vous oublie. Vous souffrez de la précarité de l’emploi. Le mouchoir à durée indéterminée, c’est terminé, vous a-t-on ressassé. Vous devez vous estimer heureux de signer des contrats brefs et de ne rencontrer que des nez infidèles. Pensez à tous les mouchoirs qui n’ont pas de travail, qui rêvent d’un rhume magistral ou d’un simple refroidissement d’entrée de saison, et vous verrez que vous n’avez pas à vous plaindre. Et puis, pensez aussi aux retraités, ces mouchoirs en tissu, usés jusqu’à la trame par les naseaux fureteurs et les lessives agressives ; ils ne servent plus, attendent leur mort dans un tiroir. Vous voyez, vous n’êtes pas à plaindre.

À un chemin

Vous êtes le tortillard des bois, l’omnibus du promeneur, le tramway des chênes et des bouleaux. Quand je vous emprunte, il se peut que je ne sache pas où vous menez. Il est étonnant que l’on nomme de la même manière une voie dont on sait l’issue et celle dont on ignore où elle vous entraînera.

 

On dit aussi « mon chemin », « son chemin ». On dit : « Voilà où l’a mené son chemin » et c’est en général dépréciatif. Alors que si l’on s’exclame : « Celui-là, il a fait son chemin ! », c’est plutôt admiratif. Ne trouvez-vous pas cela frappant ? Et cette différence entre « cheminot » et « chemineau », cela ne vous laisse pas de marbre, tout de même ? Encore qu’un chemin de marbre aurait une allure princière à laquelle le quotidien ne nous a guère accoutumés.

 

Ce qui me séduit en vous, c’est, outre vos circonvolutions et votre air rebelle, votre secret et vos cheveux longs, c’est que vous passez toujours à l’ombre de mes amis les arbres. On n’emporte pas les arbres, vous le savez, n’est-ce pas ? Je n’aime guère marcher au soleil, c’est pourquoi j’apprécie beaucoup que vous m’emmeniez dans les bois, dans ces zones de maquis que j’affectionne tant, bien davantage que la garrigue, moi qui, pourtant, ai grandi en pays de garrigue. Rien à faire, je préfère l’odeur du maquis, sa chemise d’humidité légère et son pourpoint de broussailles.

 

Dans les endroits que j’aime hanter, il n’y a pratiquement pas de terrain plat. Alors, vous montez et descendez, obliquez, tournez, prenez la pente par le flanc. Quelquefois, vous n’êtes pas très stable, vous penchez un peu, comme si vous aviez bu une essence enivrante. Vous avez le déroulement persuasif : il est rare que je renonce en cours de route, sans savoir le bout de votre aventure. Je puis, surtout si je marche seul, à allure réduite, les mains dans le dos et la désolation du monde dans mes pensées, continuer longtemps dans notre silence commun. Se crée alors entre le marcheur et le lieu de son avancée une communion qui n’est pas à regretter et que je n’oserais qualifier de solennelle parce que vous n’aimez pas les mots trop faciles, trop évidents. Ils sont à l’esprit ce que les autoroutes sont à vos amis les chemins secrets – un manque de politesse, une exagération, voire une boursouflure.

mardi, 16 mai 2006

À mes archives

Vous avez commencé petit, comme il est convenu de dire, et puis vous avez atteint un stade inquiétant. Vous êtes cependant mon histoire – oh non, c’est trop dire, une image de mon histoire. Dans le jaunissement que je devine sans même ouvrir les boîtes, elles-mêmes vieillies, qui vous abritent, il y a mon temps mis en pages, en feuillets, en formulaires, en arrêtés, en déclarations, en bulletins, en récépissés, en dossiers. C’est terrible : nous creusons notre tombe non pas avec nos dents comme le veut la légende, mais avec des papiers.

 

Dans mon placard, vous avez envahi les rayonnages et, depuis quelque temps, vous vous entassez au sol. Comme s’il n’y avait pas assez de quatre mille livres, de nombreux dossiers documentaires, d’une foule de classeurs, de dizaines d’albums de photographies, de centaines de disques et de cassettes, de dizaines de DVD, de cartons entiers de courrier, de collections d’agendas, de kilogrammes de manuscrits que les ordinateurs, maintenant, ont le bon goût de stocker sans prendre de place, il faut vous ajouter, vous, pauvres boîtes pas trop écrasées pourtant, avec, dans vos entrailles, toutes ces chemises fanées, sans parler de celles qui souffrirent un jour de 1992, lors d’une inondation due à une machine à laver laissée en marche le matin, en partant. Le soir venu, au retour, tout était lessivé, ô combien ! Il fallut appeler les pompiers. Depuis, certaines liquettes cartonnées ont un air gondolé, leur contenu est un peu collé et tout cela sent furieusement le papier moisi… Pour défroisser tout ça, il faudrait au moins les repasseuses de Degas, mais elles sont débordées, m’a-t-il répondu l’autre jour.

 

Ce qui est curieux, c’est le nom qu’on vous donne, boîtes qui accueillez cette mémoire de papier. Autrefois, on disait « boîtes archives », on vous désigne aujourd’hui sous l’appellation de « boîtes transfert » et l’un comme l’autre ne me paraissent pas très corrects pour ce qui est de l’exactitude de la langue. Cependant, je serais indélicat si je vous repoussais pour une question de terminologie, quand vous me rendez le signalé service de garder au chaud – ou, cliché pour cliché, au frais – tout ce qui fut moi, dans une société donnée, en un temps précis.

 

Parmi les innombrables feuillets qui attestent que j’ai vécu, j’ai retrouvé, en plusieurs fois, des dizaines de cartes, témoins de ce monde du fichage et de l’appartenance dans lequel nous nous débattons. La plus ancienne, je crois, remonte à 1960, avec une photographie montrant ma mine de petit garçon mi-sérieux mi-intimidé. J’ai mis dans un classeur vert toutes ces cartes, rangées dans des feuilles de plastique à pochettes. C’est amusant, vous savez, très amusant. Les photographies, surtout, font sourire. Toutes ces cartes, certainement, prouvaient quelque chose, ouvraient des droits, je suppose. Aujourd’hui, ce sont des feuilles mortes et mon classeur vert est un herbier du temps administratif. Les cartes étaient toutes différentes lorsqu’elles étaient en carton : taille, aspect, typographie, la variété était charmante. Elles sont devenues des rectangles de plastique rigide qui ont tous le même format. C’est nettement moins drôle.

 

Je n’ignore pas que vous contenez des choses parfaitement inutiles. Par exemple, tout ce qui concerne l’achat d’un dictionnaire encyclopédique en douze volumes (et en douze mensualités), en 1978. Je n’ai acheté que trois choses à tempérament, dans ma vie : outre cet ouvrage, il s’agissait d’une série de livres sur la peinture, en 1973, et d’une banquette-lit, en 1984. J’espère que cela ne se produira plus. La paperasse qu’entraînèrent ces acquisitions dort encore en vous, boîtes témoins au carton plein de réminiscences. Elle ne servira plus jamais à rien, naturellement. Nos souvenirs non plus ne servent à rien, ils sont des talons asséchés, des souches mortes. Un jour viendra où cette colossale colonie administrative finira à la décharge ou dans une cheminée dont elle se sera trop approchée. Cela n’aura plus d’importance, le temps alors m’aura subrepticement archivé.

Spectacle d’un homme, par Martine Layani-Le Coz

Je le détaille de bas en haut, par étonnement autant que par souci d’épargner la brève et méprisante descente.

 

Les pieds, si douloureux quand le poids de tout le corps les oblige à danser ! Mais si intense le plaisir irradié en sens opposé et tout ce temps si bref, d’eux jusqu’au cerveau, qui suffit à inonder les ramifications de ses frissons sous les caresses… Le dos, qui vit à ses dépens et attire à lui ses sens endoloris quand la fatigue rejoint l’axe en aiguë colonne, qui nous porte à bout d’os et de muscles, douleur sublime qui nous pince au même lieu que le désir en ces reins mal nommés, constitués de hanches, de fesses d’où les viscères sont absents.

 

Les mains, qu’elles soient tranquilles, habiles ou maladroites, excitées, pressées ou bien tenaces langues de serpents, sont les interprètes des fruits défendus ou flagrant délit de dons. Les yeux, témoins jusqu’où fidèles de l’extérieur vers l’intérieur, piètre miroir de soi vers l’autre. La bouche, cet instrument de baiser, de parole, reste un mystère. Même muette, elle est expression d’amour ou de haine.

 

Enfin les cheveux, avec peut-être la blondeur, cette brume palpable, ce soupir très léger qui descend en brise des yeux jusqu’aux pieds, comme une hésitation de l’ange avant le saut, un mensonge inventé pour rire, une vérité, un printemps, l’enfance et sa lumière qui se tait sous la main. Mais il y a aussi le brun de l’été, sa chaleur exaltée, ce charme bavard aux nuances diverses, aphrodisiaque et long sous les soleils curieux, son ardeur. Sa chanson, c’est l’aplomb du bonheur à la face des ans, la grâce évidente aux chevilles souples qui court vers demain. Quant à la rousseur, cet automne éclatant qui croise l’été sans faiblir, accompagne la neige en mélodie très ancienne, berceuse et danse à la fois, fée descendue dans la rue, fleur éclatante des pavés, c’est la légende et le rêve, le mets délicat réservé à la tendresse inattendue d’un sourire absolu. Restent les cheveux blancs… ni gris, ni bleus, sincères et nobles, immobiles sous les dessins des mondes qui s’envolent.

 

Qu’à pleines poignées, le vent ramène sur les visages fatigués, ces rives d’éternité.

lundi, 15 mai 2006

À mon stylo

Je vous possède depuis près de quarante ans. Vous m’avez été offert par une grand-cousine lors de ma réussite à cet examen que l’on passe en fin de classe de troisième, épreuve qui s’appelait alors le brevet d’études du premier cycle (BEPC). Je vous trouve toujours aussi beau et vous m’avez suivi au long de ces nombreuses décennies, même si, prudemment, vous ne sortez plus de chez moi depuis longtemps. Vous vous appelez Waterman, comme votre père, et vous avez été baptisé CF. On vous disait autrefois – et la publicité ne mentait pas – « le plus beau stylo du monde. » Ce n’est pas rien.

 

L’ennui, c’est qu’il faut vous nourrir à l’aide de cartouches d’un modèle unique, des cartouches spécialement créées pour vous, petits réservoirs de plastique qu’on nommait « cartouches CF » et qu’on ne trouve plus depuis des années. Seule, une officine spécialisée du boulevard Saint-Michel, à l’enseigne de Stylo-City, tenait encore, il y a peu, près du Luxembourg, un stock qu’elle cédait à prix d’or. Les cartouches d’encre au prix du gigot – mais que n’eussè-je fait pour vous ! Las, c’est terminé, le taulier a vendu la dernière boîte, mon ultime espoir. L’autre jour, Martine est allée en acheter. Elle est revenue avec… un encrier et une petite cartouche à pompe, objets censés suppléer à l’absence de ces cartouches inédites, désormais épuisées. Je n’ai pas encore osé vous faire porter cet attirail indécent et je vide peu à peu, mais régulièrement, les toutes dernières cartouches que je possède encore et que je range dans une boîte de bois.

 

On dit que l’écriture manuscrite, l’ouvrage fait à la plume, n’ont plus de justification, que les doigts se sont accoutumés à la douceur des claviers et les yeux aux fantasmes de l’électronique. En quoi est-ce incompatible ? Je passe des heures devant des écrans, mais j’apprécie lorsque je vous retrouve et qu’avec vous, je sculpte les mots, même si – suis-je un piteux artiste ! –  l’outil fatigue ma main et mon avant-bras, quand d’autres porte-plumes de moindre extraction, pourtant, n’effrayaient pas, jadis, mon humble dextre.

 

À dire vrai, j’ai dû changer plusieurs fois votre plume d’or de dix-huit carats. L’inconvénient est qu’on doit, pour satisfaire votre rang, changer tout le bloc-plume en même temps et que cela coûtait, la dernière fois, quelques cinq cents francs. Tant pis pour moi, je n’avais qu’à faire attention. Êtes-vous donc toujours le même, à présent ? C’est un peu comme un homme au cœur greffé : est-il vraiment lui ? Cela me rappelle un problème insoluble. Vous connaissez cela, n’est-ce pas ? Un pêcheur possède une barque, il s’en sert longtemps puis, un jour, doit changer une planche. Plus tard, il laisse la barque à son fils qui, à son tour, change une planche, puis deux, puis trois car l’embarcation vieillit. Vient un jour où toutes les planches ont été changées. Vous me voyez venir avec ma question, je crois, ma question pleine de poison : est-ce toujours la même barque ? Si oui, pourquoi, puisque plus aucune planche n’est celle d’origine ? Si non, quand la barque est-elle devenue autre ? Lors du premier renouvellement de planche ? Du second ? Du dernier ?

 

Je n’insiste pas. Vous êtes l’outil et vous allez me répondre : « Je suis là pour écrire la solution de l’énigme sur la page blanche, mais c’est à toi de la chercher. » Vous n’aurez pas tort. Et vous me tutoyez quand, personnellement, je n’ai jamais osé en faire autant. De nous deux, vous êtes le seigneur, incontestablement.

 

Je ne suis absolument pas fétichiste ni maniaque, mon stylo, mais j’ai pour vous cette affection ancienne que l’on porte aux beaux objets, tout bonnement pour leur allure. Les bourgeois disent « leur classe. » Curieusement, j’ai eu, dans mon demi-siècle dépassé, une série de Waterman. Il y a des hommes-Waterman, paraît-il, et des hommes-Parker (c’est un peu comme cette vieille querelle des années 50, entre ceux qui lisaient Spirou et d’autres, qui préféraient Tintin, et cela, incroyablement, révélait, dit-on, des différences socio-culturelles, en tout cas de tempérament.) Je n’aime guère les Parker. Le seul outil d’écriture de cette marque à la flèche que je possède est en réalité le stylo à bille de mon père, que j’ai repris lorsqu’il est allé voir ailleurs si l’air était doux, un jour de 1993. Moi, je reste un homme-Waterman. C’est amusant ; un temps, on s’est moqué de ceux qui disaient : « Moi, je suis Peugeot » (ou une autre marque, qu’importe ?) On trouvait cela ridicule, avec raison. Et voilà que je me plais à dire : « Je suis Waterman ». Ce n’est même pas vrai, je suis aussi Bic ou ce que vous voudrez. De toute manière, je parle ici d’un prince et le prince, c’est vous.

 

Prince d’opérette, peut-être. Vous existiez aussi tout en or, et même guilloché, s’il m’en souvient. Une dynastie, quoi. Votre costume était de coloris différents, on vous proposait en diverses teintes à une époque où la couleur n’était pas reine, et cela augmentait votre singularité. J’ai omis de préciser que, sans figurer au sommet, vous êtes, vous, un peu mieux que le modèle de base et qu’en 1967, vous avez coûté fort cher à la généreuse grand-cousine.

 

Vous savez, si je pouvais, tout simplement, écrire des textes aussi beaux que vous, s’il m’était donné de composer une prose qui ait autant d’élégance, de grâce et de finesse, je pense que je pourrais m’estimer heureux. Je ne suis pas certain d’y parvenir, même avec votre aide. J’ai d’ailleurs remarqué qu’il vous arrivait de faire la fine plume lorsque ma phrase vous paraissait indigne. Vous n’alliez pas alors jusqu’à avoir des ratés, non, ni jusqu’à couler – c’est là, pour une personne de votre rang, chose inimaginable – mais vous n’étiez manifestement pas heureux. Vous preniez un air dégoûté, votre silence montrait votre gêne, vous aviez l’air de Victor Hugo découvrant Amélie Nothomb.

vendredi, 12 mai 2006

Une scène de Colpi

Nous avons parlé plusieurs fois ici, en regrettant qu’il soit introuvable, du film Une aussi longue absence, d’Henri Colpi qui en est l’auteur et d’Alida Valli, l’héroïne.

 

Les archives de l’Ina – dont on a également parlé – proposent un extrait (deux minutes vingt-huit seulement) de cette œuvre. Il s’agit de la scène où le couple que forment Alida Valli et Georges Wilson danse sur la chanson Trois petites notes de musique, que fait entendre un juke-box. Ce n’est pas long, c’est isolé du contexte, mais cela vaut la peine d’être vu.

13:55 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (3)

jeudi, 11 mai 2006

Charabia

Sarko-compatible, c’est le mot qu’on peut lire dans Le Monde du 12 mai 2006. Je propose aussi ségo-habilité, interfacé-Villepin, chiracomestible, génétiquement-hollandifié. D’autres idées ?

16:55 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (4)

Nous sommes revenus

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samedi, 06 mai 2006

À une autre fois

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Nous nous absentons un peu,

de samedi après-midi à mercredi soir.

jeudi, 04 mai 2006

Droit d’auteur et pédagogie

Puisque nous parlons ces jours-ci de droit d’auteur, je vous invite à lire cet article du Monde, à propos de « l’exception pédagogique ». À force de vouloir légiférer sur tout, on parvient au grand royaume d’Absurdie. Il est bien évident que les professeurs peuvent utiliser des œuvres dans le cadre de leur enseignement. C’est ce qu’ils font depuis toujours. Selon toute évidence, ils continueront à le faire. J’espère qu’on ne leur mettra pas de bâtons dans les roues.

mardi, 02 mai 2006

Dominique, chasseur de mots

Je vous propose d’effectuer un petit tour sur le blog animé par Dominique, afin d’y lire une note réellement étourdissante, intitulée Ouvroir de contrats potentiels. C’est à mourir de rire, à donner le vertige.

dimanche, 30 avril 2006

Les archives de l’Ina

Les archives de l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) s’ouvrent au public. Enfin ! Enregistrements sonores, images, toute cette richesse historique et culturelle est désormais accessible. Toute ? Non. Seule une partie des documents a été mise à disposition sur Internet. Qui a fait les choix et selon quels critères ? Le mystère est entier.

 

Tous les journaux, les télévisions, les radios ont annoncé l’événement, en précisant que 80 % de l’offre étaient gratuits. Tant mieux. C’est sans doute le sort malin ou un hasard curieux qui font que, systématiquement, toutes mes demandes sont payantes. Elles font partie des 20 % restants, certainement. Ne soyons pas de mauvaise humeur, le prix demandé n’est pas excessif : d’un à quatre euros par document, si l’on désire acheter (on peut aussi, c’est alors un peu moins cher, simplement consulter).

 

J’ai essayé, pour commencer, avec vingt euros, immédiatement encaissés. On m’a même fait une fleur : deux euros de « bonus ». Me voilà avec vingt-deux euros à ma disposition. J’achète donc, pour sept euros, deux documents… que je ne peux télécharger depuis plusieurs jours. Même le bon docteur Dalmasso, professeur émérite, immédiatement contacté par téléphone afin d’obtenir une consultation en urgence dans son service de CIA (chirurgie informatique appliquée), n’a rien pu faire pour moi, lui qui, pourtant, est le plus grand spécialiste mondial des problèmes informatiques et des ordinateurs malades.

 

L’Ina a vu petit, tout petit. On a prévu un million de connexions quotidiennes. La réalité : trois millions huit cent mille connexions par jour. Le système ne fonctionne plus. Saturation totale. Les documents que j’ai achetés sont ainsi annotés dans l’historique de mes commandes : pour l’un, « poids du fichier 0 Mo », ce qui n’est vraiment pas beaucoup ; pour l’autre « Patientez ». Et ça s’arrête là.

 

Je peux comprendre les problèmes techniques, évidemment. Mais on pouvait s’y attendre. Jusque là, les consultations à l’Ina se faisaient avec beaucoup de barrages : il fallait montrer patte blanche, justifier d’un travail en cours, produire une attestation, un contrat, bref, obtenir une autorisation. Il fallait, s’il s’agissait d’archives du film, aller à Bois-d’Arcy, dans un fort, sur rendez-vous, avec badge à la boutonnière. D’autres documents, à la maison de la Radio, étaient plus proches mais tout aussi difficilement accessibles. Par dessus tout, le coût était exorbitant : une demi-journée de consultation d’archives sonores coûtait, en 1996, la somme de cinq cents francs.

 

Il n’était pas difficile, par conséquent, de prévoir le succès de cette ouverture sur Internet. Non, personne, apparemment, n’a imaginé la bousculade.

 

Hier, un peu agacé, j’ai tenté de joindre le service d’assistance, non au téléphone que je devinais saturé et dont le prix était à mon sens un peu élevé, mais en envoyant un message, puisqu’un bouton « Contact » est prévu. Les messages ne partaient pas. Impossible. J’ai utilisé ma messagerie, en ayant bien lu, sur le site, l’engagement pris par l’Ina de répondre dans les quarante-huit heures. Voici ce que j’ai écrit :

 

Bonjour, il m’est impossible de télécharger les deux documents que j’ai achetés  depuis le premier jour. Il est indiqué : « Poids du fichier : 0 Mo » pour  l’un, et « Patientez » pour l’autre. Merci de me répondre (en revanche,  le paiement, lui, fonctionne bien mais… pour rien.) Avec mes remerciements, Jacques Layani.

 

Je dois à la vérité de dire que la réponse est arrivée dans les dix minutes qui ont suivi. En voici le texte :

 

Bonjour Mr Layani, En effet vu l’affluence sur le site ina.fr, plus de 3,8 millions de personnes, il se peut que la préparation des documents progresse lentement voire se bloque. Nous nous excusons du désagrément occasionné. Je vous prie de réessayer cette opération ultérieurement. Merci de votre confiance et à très bientôt sur Ina.fr !  

 

Ce n’était pas la réponse que j’espérais. La situation, je la connaissais, je voulais une solution. J’ai donc répondu, un peu agacé :

 

Je suppose que cette réponse est une plaisanterie ? Si c’était pour me dire de recommencer plus tard, je pouvais m’en douter. Pour payer, ce n’est jamais plus tard, n’est-ce pas ? L’affluence ! Cela fait des décennies que les chercheurs attendent cette ouverture des fonds au public. On ne pouvait pas se douter qu’il y aurait affluence ! On a préféré voir petit, tout petit, comme d’habitude. C’était difficile, en effet, de prévoir des millions de connexions ! Je suis furieux. C’est se moquer du monde. Jacques Layani.

 

Oui, je sais, j’ai été désagréable. Dans l’heure, j’ai obtenu une autre réponse :

 

Bonjour, vous avez pas perdu votre argent juste le temp que les téléchargement seront Ok vous retrouverez dans l’historique tous vos télécharment. Merci de votre confiance et à très bientôt sur Ina.fr !

 

Que pouvais-je faire ? J’attends toujours. Ce matin, j’obtiens une annonce informant le public qu’en raison de l’affluence, le service est purement et simplement suspendu pour quelques heures.

12:15 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (25)

mercredi, 26 avril 2006

Réglement intérieur – Un acte d’indiscipline à l’École normale supérieure de jeunes filles de Fontenay-aux-Roses en 1961

Dans l’impossibilité où je me trouve de publier ce récit, je le donne à lire ici en espérant qu'il pourra intéresser ceux qui sont curieux d'histoire des mentalités et, bien entendu, tous ceux que touche, de près ou de loin, celle de l’Éducation nationale. Réglement intérieur paraîtra en dix fois.

 

AVANT-PROPOS
Ce bref récit est établi à partir de documents archivés depuis 1961 dans les papiers de l’École normale supérieure de jeunes filles de Fontenay-aux-Roses. Ils sont soumis au délai de communication trentenaire et peuvent donc, par conséquent, être reproduits. Si les faits qu’ils rapportent étaient seulement concevables à présent, on les qualifierait de péripétie.
Cependant, l’anecdote est d’un profond intérêt, aussi bien en ce qui concerne l’histoire de l’Éducation nationale – celle, en particulier, d’un prestigieux établissement – que celle des us et coutumes. On dira, pour résumer, que, sept ans avant Mai-68, un mouvement de protestation plutôt mesuré va prendre des proportions inusitées, être répercuté par la presse et s’achever en déférentes lettres d’excuses, avant qu’un courrier ministériel ne sonne la fin de la récréation.
Mai-68, qui a existé pour moins que ça, n’est pas né sans gestation. Depuis longtemps, en silence mais obstinément, se manifestait un désir d’autre chose. L’évènement mineur, mais combien intéressant sociologiquement et culturellement, qu’on va raconter ici est une des minuscules pluies qui firent germer le grain. Les jeunes filles concernées avaient, à l’époque des faits, entre vingt et vingt-quatre ans. Si elles se sont trouvées, plus tard, parmi les actrices de Mai, elles ont donc compté parmi les plus âgées (vingt-sept à trente et un ans). Elles sont maintenant retraitées ou sur le point de l’être.
Ce qu’on va lire est beau et modeste comme une histoire d’école, cependant grave comme une histoire de femmes et important comme une histoire des mentalités.
 

I
DANS L’ÉCOLE
L’École normale supérieure de jeunes filles, au n° 5 de la longue rue Boucicaut à Fontenay-aux-Roses (Seine), est une des sept ENS de France. Elle a été créée par un décret de Jules Ferry, du 13 juillet 1880. De cette date jusqu’à 1937, elle est rattachée à la direction de l’enseignement primaire, puisque sa vocation est alors de former des institutrices. À partir de 1937, elle dépend de la direction de l’enseignement supérieur. Par décret du 19 février 1945, l’ENS d’enseignement primaire devient ENS préparatoire à l’enseignement du second degré pour les jeunes filles. Le droit syndical est reconnu aux élèves en 1945. De 1948 à 1954, elles acquièrent, progressivement, le statut de fonctionnaires stagiaires, et la loi n° 54-304 du 20 mars 1954 le leur confère définitivement. Elles perçoivent un traitement sur lequel elles doivent payer à l’établissement le coût de leur entretien. René Coty est alors président de la République et André Marie, ministre de l’Éducation nationale. En 1956, la formation est portée à quatre années, et la préparation à l’agrégation inscrite dans les textes – elle était, jusque là, pratiquée de fait. C’est justement pour cette préparation qu’en 1959, est acceptée, au ministère, la proposition de la directrice d’accepter des auditeurs libres.
La rentrée d’octobre 1960 a lieu dans un contexte politique douloureux. L’Union nationale des étudiants de France (UNEF) distribue un tract, imprimé sur un papier bleu : « Pour la paix en Algérie (...) pour la reprise des négociations, pour la défense des libertés et de la démocratie, tous devant la Mutualité jeudi 27 octobre, à 18 heures ». La manifestation initialement prévue place de la Bastille a été interdite, mais elle est autorisée à la Mutualité.
En 1960, on compte soixante-dix mille étudiants à Paris (vingt pour cent d’entre eux sont mariés), dont quatorze mille vivent en cités universitaires et en foyers. Le problème du logement est important et l’accroissement de cette population d’ici 1970, tel que le prévoient l’INSEE d’une part, les doyens des cinq facultés de l’université de Paris d’autre part, le rendra plus difficile encore. Les Fontenaysiennes, en théorie, sont logées dans leur établissement, mais ce n’est pas tout à fait le cas.
Elles sont, en effet, réparties dans plusieurs centres. Si la majorité d’entre elles (cent cinq) se trouve à l’École elle-même, desservie par la ligne de Sceaux – la gare de Fontenay se situe à deux-cents mètres de l’établissement – trente sont logées à la résidence universitaire Jean-Zay d’Antony,[1] trente-cinq au « logement féminin » de la rue Lhomond,[2] quinze au foyer Concordia,[3] tout proche du précédent, et six au foyer des étudiantes, boulevard Raspail.[4]
Les cent cinq élèves qui habitent l’École sont inscrites en première et deuxième années en toutes sections, ainsi qu’en quatrième année de mathématiques-sciences.
Les jeunes filles installées dans les centres extérieurs connaissent des impératifs particuliers. Ainsi, rue Lhomond, elles doivent être rentrées, chaque soir de la semaine, à 22 heures 30, sauf le samedi et le dimanche. Elles payent 1 nouveau franc pour prendre une douche ou bien 0, 20 nouveau franc pour pouvoir être admises à sortir après 22 heures, le samedi ou le dimanche. Afin de préserver le silence nécessaire à l’étude, on leur interdit l’emploi de transistors et d’électrophones. Surtout, elles savent qu’elles sont admises au foyer en tant qu’étudiantes et non comme élèves de Fontenay, ce qui leur interdit, de fait, de se regrouper. Boulevard Raspail, les élèves de troisième année, littéraire ou de mathématiques, partagent à quatre l’espace étroit d’un studio. C’est d’autant plus regrettable qu’une très belle résidence universitaire de jeunes filles est en cours d’achèvement à Fontenay-aux-Roses. Elle est due aux architectes Cazaneuve et Peray, comprend deux cent douze chambres et ouvrira le 1er janvier 1961. À Antony, les Fontenaysiennes ne bénéficient pas du tarif fixé pour les étudiants et doivent verser une redevance complémentaire.
Bien sûr, le fait d’être éloignées de l’École contraint les élèves à des déplacements constants, rapidement fatigants et coûteux, car l’assistance aux cours dispensés à Fontenay reste obligatoire. Enfin, il n’est pas nécessaire d’insister sur le fait qu’il n’y a pas de contact réel entre des élèves aussi disséminées, isolées de leur établissement. Ces conditions ne permettent pas une réelle vie scolaire, une « vie d’École » ni, par conséquent, une authentique identité de Fontenaysiennes.
Les candidates au recrutement doivent être âgées de plus de dix-huit ans et de moins de vingt-cinq ans au 31 décembre de l’année du concours. Elles doivent encore avoir souscrit un engagement décennal et avoir été jugées aptes médicalement. Depuis trois années déjà, les effectifs augmentent. On a établi, de longue date, les plans d’un nouvel internat, mais rien n’a encore été réalisé. Dans ce contexte, ce sont naturellement les cent cinq élèves de l’École qui sont les plus favorisées, en tout cas les moins à plaindre, puisque les mieux installées. C’est pourtant parmi elles que va naître l’incident majeur de l’année universitaire 1960-1961, à Fontenay.
Le Cartel fédéral des Écoles normales supérieures, qui fait partie de l’UNEF, installé 45, rue d’Ulm, non loin du Panthéon, a l’idée, a priori parfaitement légitime, d’unifier les réglements intérieurs des sept établissements qu’il « chapeaute ». Il élabore donc un projet. Avant de le présenter au ministre de l’Éducation nationale ainsi qu’au haut-commissariat à la Jeunesse et aux sports, il désire le soumettre à l’approbation des directeurs et directrices des Écoles. Le 18 février 1961, il adresse ce document de travail – il importe d’y insister – qui comprend onze articles, à chaque chef d’établissement, accompagné d’une lettre de deux pages, signée du président du Cartel. Cette lettre est ainsi rédigée :[5]
 
Madame la Directrice,
 
Le Cartel des Écoles normales supérieures, au nom des élèves des sept ENS, a décidé de présenter au ministère de l’Éducation nationale et au haut-commissariat à la Jeunesse et aux sports, un projet de réglement intérieur qui serait commun à toutes ces Écoles, et soumet d’abord ce projet à votre approbation.
Si la situation dans votre École est celle que prévoit ce projet, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir appuyer notre action en nous donnant sur ce sujet un avis favorable, qui aurait d’autant plus de poids qu’il serait autorisé par une longue expérience.
Dans le cas contraire, nous vous demandons de bien vouloir prendre notre projet en considération et de nous communiquer vos objections au cas où il s’en présenterait.
Nous n’ignorons pas qu’il existe entre les sept ENS des différences sensibles, différences en premier lieu des [sic] conditions matérielles (locaux, situation géographique), différences de fonctions puisqu’elles préparent à divers ordres d’enseignement, différences entre Écoles de jeunes filles et de jeunes gens, différences enfin dues aux traditions des Écoles, dont la création s’est échelonnée sur plus d’un siècle. Néanmoins, depuis 1951, les élèves des ENS ont le même statut de fonctionnaires stagiaires ; ils bénéficient du même traitement et effectuent un reversement annuel de taux identique. De plus, ils se préparent tous à la profession d’enseignant.
Il existe donc, à notre avis, assez de traits communs pour justifier l’extension de l’uniformité de leur statut à l’organisation même de la vie dans chaque École.
La plupart des élèves des ENS sont majeurs et sont tous en âge d’être considérés comme responsables de leurs actes. Il est nécessaire que rien ne vienne entraver leur liberté personnelle, qui ne soit indispensable à la bonne marche de leurs études.
En outre, il n’est pas possible de confiner à la seule École normale supérieure la formation d’un futur enseignant, il doit dans l’intérêt de sa formation professionnelle et culturelle, participer à de multiples activités extérieures (théâtre, conférences, concerts…).
Enfin, le libre choix reconnu à chacun dans les domaines politique, syndical et religieux, n’implique pas seulement la possibilité de participer à de telles activités à l’extérieur mais aussi d’exercer ce droit à l’intérieur de chaque École qui en constitue le cadre naturel.
C’est pourquoi nous avons élaboré un projet de réglement intérieur, dont les dispositions essentielles suivantes seraient communes aux sept ENS :
– liberté de sorties ;
– liberté des visites, non limitées au parloir ;
– liberté pour les élèves de tenir les réunions et conférences de leur choix à l’intérieur des Écoles ;
– liberté de diffusion de tracts, journaux et livres de toute nature ;
– droit pour les élèves de prendre les repas en dehors [sic] et d’être indemnisés dans les limites de prévisions nécessaires à l’intendance, dans les Écoles où il ne fonctionne pas de système de tickets ;
– possibilité pour les élèves d’être logés dans les Écoles pendant les vacances de Noël et de Pâques quand ils y sont contraints par des nécessités familiales ou pécuniaires ;
– représentation effective des élèves au Conseil d’administration de toutes les Écoles.
Nous estimons en outre qu’il serait souhaitable d’associer les élèves, à l’avenir, à toute révision du réglement intérieur des Écoles et de prévoir des dispositions pratiques à cet effet. Cette participation des élèves sera également souhaitable pour envisager l’adaptation de ce réglement aux conditions locales de chaque École [mais alors, il ne s’agirait donc plus d’un réglement intérieur commun !].
Cette collaboration que nous espérons fructueuse entre la direction et les élèves de chaque ENS ne sera possible que s’il est procédé dès maintenant à un large échange de vues sur ces questions.
Dans l’espoir d’une réponse favorable, nous vous prions, Madame la Directrice, d’agréer l’assurance [sic] de notre profond respect.
 
Pour le bureau du Cartel : le Président.

 

À suivre

© Jacques Layani


 


[1] La résidence universitaire Jean-Zay fonctionne depuis novembre 1955, date à laquelle le premier pavillon d’habitation a pu être mis en service. L’inauguration a lieu en juin 1956. Fin octobre 1956, tous les pavillons sont ouverts, logeant mille trois cent quarante-huit jeunes gens et cinq cent quarante-huit jeunes filles. À la fin de l’année 1956, sont disponibles les trois pavillons destinés aux étudiants mariés, soit quatre cent quatre-vingt-dix ménages.

[2] La maison d’étudiantes du 53, rue Lhomond (Ve arrondissement) dite foyer Pierre-de-Coubertin, a été fondée par Yvonne de Coubertin, qui en fera don à l’État en 1966.

[3] Ce sont des donateurs protestants américains et français qui ont fondé, en 1912, le cercle Concordia, pour aider les étudiants. Dirigée par Mme R. Rocard de 1946 à 1963, la résidence, située 41, rue Tournefort dans le Ve arrondissement (Gobelins 75-16), sera cédée à l’État en 1962, et gérée alors par le comité parisien (COPAR) du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS).

[4] Il s’agit de la maison des étudiantes, 214, boulevard Raspail dans le XIVe arrondissement (Danton 76-09), gérée par la société universitaire des amis de l’étudiante, fondée sous le haut patronage du ministre de l’Instruction publique et du recteur de l’académie de Paris, reconnue d’utilité publique.

[5] Dans cette lettre comme dans tous les documents cités dans cet ouvrage, on s’autorisera quelques annotations personnelles. Ces incidentes sont signalées entre crochets.

Alida Valli

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Nous parlions il y a quelque temps du film de Colpi, Une aussi longue absence. J’apprends aujourd’hui qu’Alida Valli, comédienne, est décédée à Rome le 22 avril.

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mardi, 25 avril 2006

Pour Bernard Delvaille

J’apprends par Le Monde la disparition de Bernard Delvaille, retrouvé mort le 18 dernier à Venise. Ça ne m’étonne pas, les artistes, les poètes meurent toujours à Venise. On le sait depuis Thomas Mann, et singulièrement depuis Visconti.

 

Je l’avais un peu connu – pas Visconti, Delvaille – aux éditions Seghers, il  y a vingt ans. C’était un homme raffiné et cultivé, un grand spécialiste de poésie. Il avait entre autres dirigé la collection « Poètes d’aujourd’hui ».

 

Une fois n’est pas coutume, une anecdote. Delvaille m’avait parlé de Blanche, la taulière du Bar Bac, 13, rue du Bac à Paris, un établissement (il existe toujours) qui, autrefois, restait ouvert toute la nuit par autorisation préfectorale, afin que les typographes de l’imprimerie, voisine, du Journal Officiel, puissent venir se désaltérer. Blanche était un personnage « haut en couleur » comme il est convenu de dire. Dans la salle, Delvaille, un jour, discutait de poésie avec des amis. Ils reconstituaient de mémoire un poème de Maurice Scève et ne se trouvaient pas d’accord sur le texte. L’un d’entre eux insistait : « Je te dis qu’il manque deux vers ». La dispute, certes toute littéraire, fit monter le ton et les éclats de voix parvinrent jusqu’à Blanche. De sa caisse, elle tonitrua, de la voix qu’on imagine : « Deux verres, deux verres ! Vous n’allez pas vous disputer pour deux verres ! Je vous les offre, vos deux verres ! »

lundi, 24 avril 2006

Un nouveau livre de Malraux

Exaspéré par les redites permanentes (d’une page à l’autre, maintenant ! Sans parler d’extraits de lettres cités deux fois !), je prends un instant pour respirer, au cours de la lecture du Dominique Aury d’Angie David, livre qui, je l’ai souvent dit, réussit à être aussi calamiteux qu’intéressant. Et je vais voir ailleurs.

 

Gallimard vient de faire paraître un mince volume, cousu, agréablement imprimé (avec des marges, enfin, quel repos pour mes yeux), intitulé Carnet du Front populaire, 1935-1936, signé Malraux. Le titre est un peu abusif, il n’est pas de Malraux, et d’ailleurs, le carnet manuscrit d’où est extrait le texte ne comporte qu’une seule date complète, les autres étant partielles ou pouvant être déduites des événements rapportés. Il s’agit en réalité d’un ensemble de notes, pas du tout d’un journal, prises par l’auteur, relatées comme des choses vues, parfois jetées sur le papier abruptement. Au total, il ne s’agissait évidemment pas d’un volume destiné à la publication, mais d’une mine, d’un ensemble de ressources, d’une somme d’idées destinées à servir, quelque jour, à un ouvrage. Certaines sont précédées d’un « R » qui indique vraisemblablement une destination : un roman à venir. Mais ce ne sera pas le cas. Le roman qui suivra sera L’Espoir, qui n’utilisera pas ce matériau.

 

Quoi qu’il en soit, quel plaisir de l’esprit, quel délice aigu représente cette lecture. Une note de Malraux, une bribe de quelques lignes seulement, réjouit davantage l’intellect que trente pages d’Angie David. Partout, fuse l’intelligence acérée.

 

Dominique estime, je crois – il n’a pas entièrement tort – que Malraux est un grand orateur alors qu’il n’a commis que des romans mal bâtis. Précisément, dans ces notes hâtives, aucune écriture ne semble avoir pris le pas sur le jaillissement de la pensée, l’originalité du fait entrevu. Pourtant, c’est écrit. Je ne suis pas du tout un malrucien idolâtre, mais il est difficile de nier qu’un premier jet, une observation hâtive, sont chez Malraux meilleurs que de laborieux chapitres signés par d’autres.

dimanche, 23 avril 2006

Le taulier vous salue bien, 5

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Ne reculant devant aucune démagogie pour complaire à son public, l’horrible taulier se montre maintenant tout nu. Labjection qui règne sur ce blog nest plus douteuse.

vendredi, 21 avril 2006

Dominique Aury par Angie David, 3

Je suis un lecteur, toujours très intéressé, de journaux et de correspondances. Pour un auteur, de plus, ces œuvres sont toujours des sources d’information importantes.

Angie David, dans ce livre que je trouve toujours incompréhensible dans son mouvement comme dans sa structure, utilise à loisir une très importante correspondance. Les lettres sont référencées avec précision, mais toujours attribuées à une « collection particulière ». J’aurais préféré une mention entre parenthèses comme « (archives d’Untel) », même si Untel n’est pas directement partie prenante de l’histoire et a reçu ces lettres en héritage, en legs ou pour quelque raison que ce soit. Passons.

Angie David, donc, a recours à la correspondance de Dominique Aury, essentiellement celle qu’elle échangea avec Paulhan, Maulnier et Blanchot. C’est très bien. Ce qui est moins bien, c’est que, durant des dizaines et des dizaines de pages, l’« action » ne progresse qu’au travers d’extraits de lettres. Ces extraits sont reliés entre eux par quelques lignes de l’auteur, voire quelques mots seulement, et l’on devine que ces lignes, ces mots, reprennent tout simplement la substance des passages non cités. À ce rythme, on eût mieux fait de publier purement et simplement une correspondance de Dominique Aury, éventuellement annotée par Angie David.

Parmi les choix éditoriaux étonnants, je signale celui-ci. Les lettres sont des citations reproduites dans le courant du texte et l’on doit les présenter comme telles, en romain, uniquement entourées de guillemets. C’est le cas. Mais il faut aller au bout de cette logique typographique, c’est-à-dire que les titres d’œuvres cités dans les extraits choisis doivent alors être imprimés en italique, et qu’il n’est pas nécessaire d’indiquer les retours à la ligne présents dans le manuscrit original. Or, dans cet ouvrage, on a mélangé allègrement deux types de disposition graphique : d’une part, la citation pure et simple ; d’autre part, la présentation qui est celle des recueils de correspondance, à savoir : titres soulignés (tout simplement parce que c’est l’usage dans un manuscrit, par impossibilité de rendre autrement l’italique), et traits obliques figurant les retours à la ligne. Bref, sur ce point comme sur d’autres que j’ai déjà relevés, le travail d’éditeur n’est pas réalisé correctement.

 

Angie David travaillant aux éditions Léo Scheer, on se demande si elle ne s’est pas chargée elle-même de ce travail, justement. Si c’est le cas, elle n’a pas les connaissances nécessaires et, surtout, c’est une erreur importante car le travail de correction doit être effectué par quelqu’un qui possède un regard extérieur. Mais ce n’est peut-être pas le cas.

Fin d’année

L’année se défile, s’effiloche. Je hais ces périodes, chaque fois un peu plus. Cependant, la paix calme de la campagne d’hiver est doublée par cette latence permanente de l’entre-deux-réveillons et c’est d’autant mieux. Paix silencieuse. Au loin, toutefois, une tronçonneuse chante le bois de l’hiver, l’âme du chauffage, le sang du poële. C’est comme le bruit familier d’un oiseau enroué. L’oiseau de décembre fait rendre gorge au bois qui crie son désespoir de foyer.

 

Louis Vaugier, Le taureau n’écrit jamais.

jeudi, 20 avril 2006

Dominique Aury par Angie David, 2

Le premier pas de Dominique Aury dans l’édition est la réalisation d’une anthologie de poésie pour laquelle elle effectue le choix, l’introduction étant signée de son amant Jacques Talagrand, alias Thierry Maulnier.

 

Introduction à la poésie française paraît chez Gallimard en septembre 1939. On tombe difficilement plus mal. Cependant, le succès est immédiat et considérable. En moins de deux mois, deux mille exemplaires sont vendus. André Breton en personne remarque l’ouvrage. En mai 1940 – on pourrait imaginer qu’à ce moment, on est préoccupé par autre chose – on procède à la troisième réimpression.

 

Pour une somme de poèmes, c’est à proprement parler incroyable, même si, traditionnellement, les anthologies se vendent mieux que les ouvrages originaux. Et pourtant, les choix des auteurs sont discutables. Hugo est considéré comme médiocre et l’on tente d’y trouver ce qu’il comprend de plus fort. Le XIXe, en dehors de lui, est limité (si je puis dire) à Rimbaud, Baudelaire, Mallarmé, Nerval. Verlaine est ignoré. L’accent est mis sur le XVIe siècle, on s’en félicitera.

 

Bien sûr, au XVIIe, Racine est célébré et l’on tentera de pardonner à Maulnier bien des erreurs, notamment politiques, pour avoir écrit : « Racine porte à leur état de fusion poétique intégrale les matériaux jusque là rebelles de l’art tragique. (…) Racine jette au milieu du plus policé des siècles, d’un siècle qui attend de lui de beaux spectacles ordonnés, amoureux, héroïques, les bûchers humains, les meurtres rituels surgis du fond des âges, le vol noir des sorts funestes, le va-et-vient dans les âmes des grandes marées homicides. »

 

La belle réussite de ce livre peut prouver que la poésie est évidemment consubstantielle à l’homme : elle s’impose même en des temps on ne peut plus troublés. Une autre opinion consiste à penser que l’on se réfugie dans le génie français au moment où, justement, le quotidien entreprend de l’anéantir : c’est un peu ce que soutient l’auteur de cet étrange volume qui n’en finit pas de m’agacer tout en continuant à m’intéresser. J’y reviendrai certainement, d’autant que je suis de plus en plus persuadé d’une chose : c’est une supercherie littéraire. L’auteur désigné n’est pas le vrai. Je n’ai évidemment pas la moindre preuve de ce que j’avance. C’est un sentiment personnel, une impression confuse. Je continue à penser, par ailleurs, que c’est un bien étonnant éditeur que celui qui choisit volontairement de ne pas inclure d’index dans un tel volume ; surtout, qui accepte les choix incompréhensibles de l’auteur et ces redites permanentes, non seulement d’une partie à l’autre, mais à l’intérieur de la même partie.

mercredi, 19 avril 2006

Varia, 2

Mme Stirbois est décédée. On ne la regrettera pas. J’ai rarement vu et entendu quelqu’un d’aussi haineux, d’aussi dur, d’aussi mauvais.

 

Démêlés constants avec les éditeurs qui ne respectent pas leurs engagements contractuels, en particulier au moment de la reddition des comptes. Contacts pris avec un avocat à qui j’ai soumis deux dossiers. J’attends sa réponse pour savoir s’il accepte de s’occuper de mes petites préoccupations.

 

Comment ne pas voir la tendance généralisée, en ce moment, au téléfilm de semi-fiction : Le Grand Charles, Le Procès de Bobigny, Les Amants du Flore, L’Adieu, L’Âge des passions… Des reconstitutions soignées et, le plus souvent, un résultat sans intérêt, du moins pour ceux que j’ai pu regarder car la télévision, on le sait, m’ennuie beaucoup. À part Le Procès de Bobigny dont j’ai un peu parlé ici-même, le reste… En tout cas, une constante : de la guerre aux années 70, on considère maintenant qu’il s’agit d’histoire. On reconstitue.

 

Mon collègue de bureau porte un nom plutôt courant et un prénom qui ne lui autorise pas suffisamment d’originalité pour éviter la rencontre d’homonymes. Je lui parlais de ces fréquentes homonymies, alors que je venais de lire un article consacré à une librairie dont le gérant s’appelait exactement comme lui, nom et prénom.

Lui :

- On va voir si tu as des homonymes, toi.

- Des Jacques Layani, il y en a au moins quatre.

Ce qui est rigoureusement exact.

Lui, les pieds dans le plat de Google :

- Oh, qu’est-ce que tu as  comme homonymes ! Jacques Layani, Jacques Layani… Ah mais, Jacques Layani, c’est un écrivain, en fait.  Il a écrit Albertine Sarrazin, une vie et puis Dix femmes, et puis…

Leçon d’humilité.

 

François Angelelli, « mon plus vieil ami sur la terre », ainsi que j’ai coutume de le désigner, est de passage  à Paris pour deux jours. Nous nous connaissons depuis quarante ans. Près du Panthéon, j’ai envie de l’emmener admirer Notre-Dame-du-Mont, cette petite église de la montagne Sainte-Geneviève, toute d’harmonie et de proportions, que je tiens pour un joyau. Je voudrais qu’il la découvre. Nous entrons en pleine messe : c’est le dimanche de Pâques. On ne circule pas durant les offices. Raté. À défaut de pouvoir lui montrer, près l’autel de la Vierge, le pilier sous lequel sont enfouis les restes de Racine, de retour de Port-Royal, je lui rappelle que, là, fut célébré le service funèbre de Verlaine, décédé à quelques dizaines de mètres, rue Descartes. Dans l’assistance, figurait Paul Fort. Cela fait trois poètes chers à  mon cœur. Je lui raconte, en partant, qu’il y a quelques années, un soir, je passais dans l’église en question, attendant, ô païen, l’heure de la séance d’un cinéma de la rue des Écoles. Dans la demi-pénombre, une petite dame, bien âgée, s’approche :

- Monsieur...

- Madame.

- Vous êtes prêtre ?

On ne me demande pas ça tous les jours. Avec toute la politesse dont je puis être capable :

- Ah, non, madame, non.

Elle, posant sur ma manche une petite main fragile, ancienne, une main en dentelle, et avec un air mi-confus, mi-complice :

- Vous en avez l’air.

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mardi, 18 avril 2006

Quel métier !

L’ami Feuilly me signale, sur le site Fabula, une recension, faite par Thomas Mercier, du livre dirigé par Bertrand Legendre et Christian Robin, Figures de l'éditeur, représentations, savoirs, compétences, territoires, paru en 2005 chez Nouveau Monde Éditions.

 

Je relève dans ce compte rendu que, pour les étudiants en formation, ceux qui apprennent le métier, l’éditeur « n’est ni incarné par une figure héroïque ni appréhendé comme un marchand ou un artisan. Il est davantage fantasmé comme une constituante du milieu artistique. Les jeunes interviewés n’envisagent que l’éditorial, le graphisme et le service de presse, ils oublient systématiquement la partie fabrication et la partie diffusion. Aucun d’entre eux ne perçoit l’éditeur comme un chef de projet qui formalise une idée de collection, alors que c’est bien souvent ce qu’il est. »

 

C’est a priori l’aspect le plus intéressant de l’ouvrage, si j’en juge, à tout le moins, par ce simple article. Car ce rêve éditorial, s’il est a priori sympathique, uniquement tourné vers la partie artistique de la fonction (encore que le service de presse n’en relève pas exactement), ne correspond à aucune réalité. Pis, la notion de contenu est ici totalement absente. Cela promet de beaux tristes jours pour le livre de demain.

14:40 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (6)

lundi, 17 avril 2006

Le taulier vous salue bien, 4

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Sur cette photographie de 1954, vous pouvez voir l’horrible taulier en train d’exécuter une manœuvre hardie sur le balcon du 14, rue Franklin.

 

Ainsi se poursuit la série des enfants et des cycles.

samedi, 15 avril 2006

Édifiant

Histoire de ne pas oublier qu’il existe toujours, en France, des municipalités fascistes, on peut lire un article du Monde.

19:15 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

La taulière vous salue bien

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Sur cette photographie de 1951, vous pouvez voir la belle taulière poursuivre, en même temps qu’un but inconnu, la série des cycles et patinettes inaugurée hier en ce lieu.

Le taulier vous salue bien, 3

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Sur cette photographie de 1964, vous pouvez voir l’horrible taulier, son cousin Thierry et sa cousine Élisabeth. Dans cette cour de garage de Colombes, les poubelles sont garanties d’époque.
Il n’y avait qu’un vélo pour trois. Comme nous sommes dans les histoires de cycles, en ce moment, j’ai pensé continuer la série.

vendredi, 14 avril 2006

Dominique Aury par Angie David

Compte tenu de la presse énorme dont elle bénéficie, il est peu probable que le nom d’Angie David vous échappe en ce moment. Cette jeune femme (née en 1978) dont je n’avais rigoureusement jamais entendu parler, mais qui est paraît-il un peu connue comme comédienne, vient de publier, aux éditions Léo Scheer (où elle travaille) un ouvrage intitulé Dominique Aury, présenté comme une biographie. Le livre compte 560 pages de grand format, imprimées serré. Ce n’est pas rien. Avec une telle densité, il faut du temps pour le lire, sauf à n’avoir que ça à faire. Je me demande par conséquent à quel moment les journalistes ont bien pu être en possession de ce volume, paru il y a quelques jours à peine. C’est à se demander s’ils n’ont pas reçu en service qu’un seul titre, ces dernières semaines.

 

Je suis en train de le lire moi-même. J’ai lu la première partie qui compte près de 200 pages et constitue déjà un livre en soi. Elle est titrée « Pauline Réage ». Je viens d’entamer la seconde partie, « Anne Desclos ». La troisième sera « Dominique ».  Le choix de la structure est curieux. Si l’auteur veut nous montrer que Dominique Aury a eu plusieurs vies simultanées, ce qui paraît être évident, il est étonnant qu’elle les scinde en parties aussi distinctes. Pire, à la fin de la première partie, l’héroïne meurt. On tourne la page, elle naît. C’est original, mais déboussolant.

 

Pour ce qui est de la première partie, il faut bien dire qu’on y parle davantage de Jean Paulhan et de la vie littéraire du moment que de Dominique Aury, hormis une peinture de la sortie d’Histoire d’O, faite dans les premières pages. Il y a gros à parier que ça va continuer dans les deux parties suivantes. Bref, on a le sentiment de ne pas lire l’ouvrage qu’on a cru acheter, mais un autre. Les redites sont extrêmement nombreuses et très ennuyeuses. Fréquemment, des phrases nominales, parfois réduites à de simples groupes de mots, tombent dans le récit d’une manière très abrupte. Tout ça est prodigieusement agaçant, mal fichu.

 

Cela étant, si l’on fait exception des défauts énoncés ci-dessus, le livre est bien écrit. Je veux dire : tout le reste, car son épaisseur est grande et sa documentation est sans faille. Le plus étonnant est la familiarité de l’auteur avec son sujet, alors qu’elle n’a pas connu son modèle et n’a pas vécu cette période. Étonnante empathie. Une très volumineuse correspondance, en grande partie inédite, est utilisée et citée. Les références sont très précises. Ce sérieux, justement, contraste avec les erreurs qui m’ont fait précédemment exprimer des réserves.

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Dominique Aury à la fin des années 40 (studio Lipnitzki).

Il n’y a pas de cahier de photographies, ni d’index des noms cités. L’auteur nous prévient, au bas de la page des remerciements : il s’agit d’un choix de l’éditeur. C’est très curieux. Les photos, passe – d’ailleurs, l’auteur a déposé de nombreuses images sur un blog – mais l’index ! Sans repères, l’ouvrage, une fois achevée la première lecture, sera pratiquement inutilisable. Comment retrouver, dans une pareille somme, un passage, quel qu’il soit, sans liste de noms ? Autres petites choses très agaçantes : les poses maniérées de l’auteur (cliquer sur « Galerie ») et la bande racoleuse : « La vie secrète de l’auteur d’Histoire dO », totalement à côté du sujet. 

Le taulier vous salue bien, 2

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Sur cette photographie de 1964, vous pouvez voir l’horrible taulier et son cousin Michel, alors âgé de trois ans. Je jouais avec lui et le pauvre garçon était obligé de me pousser sur son tricycle. Je ne sais plus d’où vient la casquette d’adulte qu’on lui avait mise sur la tête. Cette image est devenue un sujet de plaisanterie entre nous : « J’avais trois ans, lui douze et il m’obligeait à le pousser ! » raconte le Michel en question, devenu père de famille, à qui veut l’entendre.

jeudi, 13 avril 2006

Twicken Layani’s blog

Ce qui me frappe depuis longtemps, c’est l’inflation du vocabulaire et celle des appellations. Il semble que plus rien, jamais, ne puisse être simple. Boulevard Saint-Germain, le Balto de mes dix-huit ans s’appelle depuis longtemps déjà le Twickenham. Place d’Italie, il a suffi d’un changement de propriétaire pour que La Descente du métro – nom ridicule, j’en conviens – devienne le Bomby’s Café.

10:49 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)