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samedi, 28 juillet 2018

Cartes et livres

À Tarascon, voici cet estivant entrant, accompagné de quatre adolescents, dans la librairie Lettres vives. Je l’entends demander à la libraire, le plus sérieusement du monde, si elle vend des cartes à jouer. Devant sa dénégation polie, il demande où il peut s’en procurer. Enfin, il insiste, parle de cartes « avec des variantes, des tarots »... Amusant.

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dimanche, 01 juillet 2018

De la poésie

À Cavaillon, se tenait en 2018 le deuxième minuscule (sic) marché de la poésie. Il n’était pas si minuscule que cela, d’ailleurs, même si, naturellement, il n’y avait aucune commune mesure avec celui de la place Saint-Sulpice, à Paris. Ce qui frappait, c’était la beauté des plaquettes, le soin apporté à leur réalisation : papier, typographie, illustrations. Certains petits livres étaient magnifiques. Mais voilà : on regardait, on feuilletait, on achetait des objets et, du contenu, rien n’était dit ou envisagé. Il semblerait que la poésie contemporaine se soit réfugiée dans des volumes minuscules et parfaits, qu’il ne serait même plus nécessaire de lire. Étrange conception de la réalité de la poésie. Ce qui est indispensable à l’homme, le tient debout et le forme, commence au-delà du texte. La poésie, c’est ce qui découle du poème et non le poème en soi. Dans cet ordre, des poèmes imprimés sur du papier journal peuvent être vitaux et point n’est besoin de plaquettes aux couvertures gaufrées. Mais les poèmes sur papier journal, personne ne les lit, les achète, moins encore. C’est bien ce que je disais : dans ces manifestations, les lecteurs acquièrent des objets (souvent assez chers). Les éditeurs de poésie sont devenus des ateliers de typographie souvent talentueux mais à côté du problème. Je dois préciser que je n’ai pas la solution au dit problème. Je ne donne pas de leçons, j’observe.

La poésie, aujourd’hui, se tiendrait-elle uniquement chez les très grands, les incontestables d’une part et les auteurs de ces belles plaquettes d’autre part ? Où est sa place ? Les très grands existent dans les diverses collections de poche, les inconnus dans des plaquettes introuvables. La poésie, ce n’est pas seulement le texte, disais-je, c’est davantage. L’impression sur de délicieux papiers, la délicatesse de certaines peintures illustrant les vers, ou dictées par eux, les tirages microscopiques ne suffisent pas à dire l’indicible, que les très grands, d’ailleurs, ont déjà dit.

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samedi, 30 juin 2018

Deux librairies encore

À Marseille, où toute promenade finit sur le Vieux-Port, j’avais coutume de me rendre chez Richaud, seule librairie ouverte le dimanche, à une époque où cela n’existait pas. On y trouvait beaucoup d’occasions. L’après-midi, le soleil inonde le quai du Port : il pénétrait abondamment dans la boutique, malgré la bâche baissée et les présentoirs extérieurs qui ne parvenaient pas à lui barrer la route. Je pensais à Baudelaire : « Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes, / Il ennoblit le sort des choses les plus viles, / Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets, / Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais ». Et chez Richaud.

Richaud sera un jour victime d’un incendie, puis deviendra une carterie. On y vendait déjà cartes et souvenirs, mais des ouvrages demeuraient proposés au chaland. Ce sont évidemment eux qui ont été supprimés dans le nouveau magasin.

En remontant vers les Cinq-Avenues, La Touriale, 211, boulevard de la Libération, est un endroit qui m’évoque de nombreux souvenirs. Fondée en 1966, elle ferma en 1987 et, événement exceptionnel, rouvrit en 2008. Une librairie qui ressurgit au même endroit après vingt-et-un ans de fermeture, ce n’est pas courant.

Au vrai, la Touriale était une librairie-galerie, chose nouvelle au moment de l’ouverture, et le magasin d’aujourd’hui est une librairie « classique ». D’ailleurs, le lieu s’intitule réellement Bouquinerie des Cinq-Avenues mais il a conservé la bâche de naguère, où le nom prestigieux figure encore. L’assimilation se fait ainsi, tout naturellement, dans l’esprit des plus anciens. Pour les autres, il s’agit d’une librairie de quartier, ce qui est évidemment important et doit être soutenu.

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vendredi, 29 juin 2018

La Canebière, artère littéraire

Il existait à Marseille, sur la Canebière, quatre librairies anciennes et célèbres, toutes implantées du côté des numéros pairs de cette artère longue d’un kilomètre, qui descend voluptueusement vers la mer.

Flammarion était un temple. On n’allait pas acheter un livre, on allait « chez Flammarion » qui devenait un but en soi. Les deux entrées diamétralement opposées faisaient que, pour rejoindre la Canebière ou la rue Longue-des-Capucins, on traversait tout simplement la librairie, l’intégrant davantage ainsi encore dans la vie de la cité. Utiliser une librairie comme une voie de communication purement physique, matérielle, prouvait qu’on l’avait rendue vraiment nôtre, au quotidien.

L’immeuble comptait cinq étages de livres, chacun d’une surface considérable. Les murs étaient couverts de volumes du sol au plafond. Client ou promeneur, j’ai passé dans ce lieu un nombre d’heures incalculable et suis en quelque sorte devenu libraire par imprégnation. J’ai appris en observant, en notant visuellement, en photographiant mentalement, les rudiments d’un métier que j’exercerais plus tard, comme je l’ai raconté.[1] Éditeurs, collections, diffuseurs, rangement, production éditoriale, tout est entré par les yeux et s’est inscrit fermement en moi. Je crois que mes séjours chez Flammarion représenteraient au total, si l’on pouvait coller les heures bout à bout, plusieurs mois de mon existence. Je ne m’apaisais que là : toute adversité cédait aux portes de Flammarion. Le monde reprenait des couleurs, l’air devenait plus pur, l’amitié régnait sur terre, l’adolescence était enfin vivable, toutes les femmes souriaient, tous les hommes étaient sympathiques. Je pense que, du sous-sol au tout-dernier niveau, je connaissais le moindre recoin de ce paradis. Je ne me suis pas retrouvé, de toute ma vie, en telle osmose avec une librairie, même pas à Paris, chez Gibert, boulevard Saint-Michel, où le nombre d’étages et la surface de vente sont au moins aussi importants, peut-être davantage. La connivence surgit où elle veut.

Un buvard publicitaire, imprimé en vert sur fond blanc, indiquait (selon la typographie et l’alternance de capitales et de bas de casse, ce devait être dans les toutes premières années 60) : « Les librairies Flammarion / 54, La Canebière, 54 – Marseille / Grand choix de / livres classiques / Tous programmes / En exclusivité, un cahier de qualité / Le cahier vert ». Je ne sais pas ce que pouvait être ce cahier vert, mais c’était sûrement quelque chose de très bien…

En 1976, j’ai quitté Marseille. Y repassant de temps en temps, j’ai constaté la destinée amère de Flammarion, mon cher refuge. Alors que cette sorte de librairie créait une impression d’éternité, le sort de celle-ci fut abominable. Après sa disparition, décidée par l’éditeur (qui ferma de même ses autres magasins de Bordeaux, Paris ou Lyon), l’endroit fut, comment dire, « simplifié » – on y trouva moins de livres – et l’on y vendit aussi la presse. Cela s’appelait Le Temps de vivre et appartenait à Hachette. Puis les locaux devinrent ceux… de la police. Aux dernières nouvelles, c’était une boutique de vêtements – comme toujours, d’ailleurs : les librairies et les cafés qui ferment deviennent toujours des marchands d’habits ou des agences de banques. L’enseigne, maintenant, proclame : « Le 54, men, women, kids », et mes poings se serrent, mon cœur pleure, mon souvenir vomit, ma tête hurle. En 1987, toutefois, j’avais eu le plaisir de voir en vitrine, dans cet antre de ma jeunesse, mon premier ouvrage publié.

Un virus a certainement dû sévir. Lisant, en 2018, le livre écrit, conjointement avec sa fille Cécile, par Bernard Pivot, je m’amuse énormément en découvrant ces lignes : « La seule librairie qui a vraiment compté dans ma vie est la librairie Flammarion, aujourd’hui disparue, place Bellecour, à Lyon. Adolescent, puis jeune homme, entre les rayonnages où des millions et des millions de mots s’accumulaient, je promenais mon inquiète fragilité ».[2]

Sur la Canebière, ne demeure, au numéro 142, à l’angle de la rue Curiol, que Maupetit, que je ne parviens pas à reconnaître lorsque j’y entre. En 1998, le magasin a été racheté par Actes Sud, qui s’est ainsi offert une vitrine en haut de la célèbre artère. Maupetit avait ouvert en 1927. À l’image de nombre de ses confrères, il offrait autrefois un protège-livre, du reste fort laid parce que trop bariolé, portant cette mention : « Ce couvre-livre vous est offert par un membre du syndicat des libraires du Sud-Est ». Plus anciennement, un autre couvre-livre de « réclame » représentait un voilier faisant route vers le fort Saint-Jean. Au verso, on pouvait lire « Médecine / Droit / Littérature / Classiques / Neufs et occasion / Achat et vente / de bibliothèques / et lots de livres ».

Le papier à lettres de Maupetit (téléphone 59 71 77) était remarquable, en ceci qu’il présentait un en-tête interminable : « Nouveautés / littéraires, géographiques, scientifiques, etc. / Médecine, droit, marine / Ouvrages techniques / Chimie, électricité / Mécanique, automobilisme / Classiques neufs et d’occasion / Éditions de luxe / Ouvrages rares / Achat et vente / de livres neufs et d’occasion / Abonnements / à la lecture ». Ne manquait que l’âge du capitaine, ce qui, dans un port, est décevant. On retiendra toutefois que l’abonnement à la lecture – autrement dit le « club de livres » – existait alors couramment. Maupetit, à présent, est un nom, une appellation, et n’a plus rien à voir avec ce qui fut un des plus grands magasins de librairie de la ville.

Tacussel, fondé en 1883, ouvrit sur la Canebière en 1932 et y demeura jusqu’en 1989. En 1950, on lui dessina une devanture de céramique représentant des livres reliés. On pouvait lire : « Droit-Littérature-Sciences-Philosophie-Médecine-Classiques-Arts-Technologie » et, plus bas, « Publications Larousse-Cartes et guides-Livres pour la jeunesse-Fournitures scolaires-Souvenirs de Provence-Stylos des meilleures marques ». Tacussel existe toujours sur Internet et tient par ailleurs la librairie des Facultés, 191, boulevard Baille, fondée en 1977 et spécialisée en médecine et sciences. Comme Flammarion, Tacussel offrait un buvard, celui-là sur fond vert : « Un livre classique / s’achète… / s’échange… / se vend… / chez Tacussel / libraire / téléphone 59 40 04 / 88, La Canebière / où vous trouverez également / le plus grand assortiment d’articles pour écoliers. / Faites-vous inscrire pour recevoir gratuitement / notre catalogue de livres d’étrennes ». Disposition typographique, filets et marche suggèrent la fin des années 50 ou, de nouveau, les premières années 60.

Laffitte a fermé. Son héritière, Jeanne Laffitte, a ouvert en 1980 une autre boutique, Les Arcenaulx, cours d’Estienne d’Orves, mais dans un esprit un peu différent. Pas de surprise : la librairie offrait à ses clients un couvre-livre, dont le motif était identique à celui de Maupetit, bien que cadré différemment. Seule mention portée sur la face antérieure : « Librairie L. Laffitte / 156, La Canebière – Marseille », assortie d’un numéro de téléphone.

Outre qu’ils sont pleins de charme, ces papiers publicitaires, dont on ne peut qu’estimer la date, révèlent un temps – pas très éloigné – où toute communication passait par l’imprimerie. Comment, alors, faire connaître son activité autrement que par des tracts, prospectus, buvards, marque-pages, couvre-livres, en-têtes de lettre, calendriers de bureau, cartes et enveloppes ? Il existait même des imprimeries spécialisées, tirant en nombre des protège-livres dont elles se contentaient de changer l’intitulé, comme le montre l’exemple de Maupetit et de Laffitte.

 ______________________

[1]. Jacques Layani, Rien n’existe qui ne soit un livre, L’Harmattan, 2014.

[2]. Bernard Pivot et Cécile Pivot, Lire !, Flammarion, 2018.

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mercredi, 27 juin 2018

Deux très bonnes librairies

À Salon-de-Provence, deux librairies, plus petites que L’Alinéa de Martigues, cependant fournies en livres et dont les choix sont intelligents, m’attirent. Le Grenier d’abondance, 38, rue Auguste-Moutin, a la particularité d’être tenu par des femmes, exclusivement, assez nombreuses, du reste, et par conséquent jamais ou presque jamais les mêmes, pour qui passe de loin en loin. La Portée des mots, 34-36, rue Kennedy, plus claire, plus lumineuse, propose d’autres choix tout aussi sensés. Ces deux endroits distants de peu, leurs fonds dissemblables et leur intérêt égal dans leur diversité, prouvent que la librairie est bien, le chaland achetât-il ou pas, un lieu de promenade, ce que j’ai toujours revendiqué.

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mardi, 26 juin 2018

Une très bonne librairie

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J’aime, à Martigues, la formidable librairie L’Alinéa, 12, rue Jean-Roque, dans le quartier Ferrières, vaste, lumineuse et bien fournie en ouvrages. Depuis que la tenue de stocks a atteint des proportions financièrement très difficiles à assumer, les meilleurs magasins de librairie se contentent de proposer un peu de tout, quelques livres sur tous les sujets, autant dire qu’on n’y trouve rien. L’Alinéa, bien au contraire, offre beaucoup de tout – disons : pas mal de tout – et c’est une excellente chose. Bien que située sur un seul niveau, la boutique, profonde et large, présente de très bons choix de volumes, nombreux, importants (notamment, le rayon consacré au livre et à ses évolutions). Plusieurs canapés, des fauteuils, parsèment l’endroit et, au rebours de beaucoup d’autres librairies où ils sont là pour remplir l’espace, n’occupent pas la place des livres.

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samedi, 14 novembre 2015

La mère et l'enfant

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Une image de douceur, en réponse à la folie de cette nuit.
Certes, c'est naïf et sûrement ridicule, mais que faire ou dire ?

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jeudi, 08 janvier 2015

Je suis un peu mort avec eux en 2015

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mercredi, 07 janvier 2015

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jeudi, 20 juin 2013

La langue à la mode

929070_004.jpgAu hasard d’Internet, je me retrouve sur des sites de vente de vêtements, de chaussures, bref, des sites de mode. Je suis très chiffons, comme on dit, et ça ne me déplaît pas, mais l’intérêt pour la langue n’est jamais loin, surtout lorsque je peux lire l’argumentaire suivant :

« Avis aux modeuses : ces magnifiques ballerines aux coloris actuels sont le nouveau must have de la saison ! Ce modèle minimaliste se distingue par un bout pointu doré ou coloré qui joue les contrastes forts et donne un esprit extravagant superbe. Chaussées avec une jupe ou un slim, ces ballerines hyper-stylées donnent lallure à toutes vos tenues ! Voilà pourquoi elles sont un vrai must have. Dessus et première simili cuir, semelle synthétique ».

Et encore, j’ai rétabli l’orthographe et la ponctuation, sans quoi, cela devenait totalement incompréhensible.

On notera le néologisme (« modeuses »), l’anglais obligatoire, les points d’exclamation parfaitement superfétatoires et tellement galvaudés qu’on finit par les confondre avec le point, tout simplement – mais tellement convaincants, commercialement parlant. On remarquera les manies langagières (« joue », « forts », « un vrai »), l’ordre approximatif des adjectifs (« un esprit extravagant superbe » n’est pas exactement « un superbe esprit extravagant » et, cela dit, j’aimerais comprendre comment une chaussure peut donner non de l’esprit – à la rigueur – mais un esprit ; enfin, plutôt que le donner, il me semble qu’elle le confère bien davantage), le charabia (« donnent lallure »). On sourira, comme toujours, devant l’hyperbole (« hyper-stylées ») et la simple exagération (« toutes vos tenues »), qui contrastent avec une volonté de simplicité, que l’absurde tic de langage « minimaliste » est supposé traduire. Enfin, on prendra en compte la bizarrerie de la phrase : « Chaussées avec une jupe ou un slim, ces ballerines, etc. » (« portées », je crois, conviendrait mieux).

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jeudi, 30 mai 2013

Mariage homosexuel, suite et encore

Le premier mariage homosexuel en France a été célébré hier et retransmis en direct sur Internet. Les journalistes de nombreux pays étaient présents.

Compte tenu de son histoire, de ses traditions, la France aurait dû être le premier pays au monde à ouvrir le mariage aux couples de même sexe. Le pays de Voltaire, de Victor Hugo, la terre des droits de l’homme et de la liberté, l’historique terre d’accueil est en réalité le quatorzième endroit du monde (sur dix-sept) où le mariage ne fait plus de distinction entre les uns et les autres. Le pays de Robespierre et de Danton s’est décidé – malgré mille déchirements et des déchaînements de haine homophobe et rétrograde – après la très catholique Espagne, après le Portugal, après l’Afrique du Sud, après la Nouvelle-Zélande. Il n’y a pas de quoi se vanter.

À présent, les homosexuels ont, en France, le droit de se marier. Ils n’y sont évidemment pas tenus : un droit n’est pas une obligation. Ils décideront eux-mêmes, naturellement. L’important est l’égalité et la prise en compte, par la société, de la réalité.

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jeudi, 25 avril 2013

Tics journalistiques

Il y a près d’un quart de siècle, lorsque je travaillais à Paris V, un étudiant avec qui je bavardais me disait ne pas pouvoir souffrir les « unes » de magazines portant des titres comme « Dieu existe-t-il ? ». Il ajoutait : « J’ai toujours l’impression qu’on va me dire : “Réponse en page 4” ». Cela m’avait beaucoup amusé.

Depuis quelques années, maintenant, le titre d’une information est très souvent, vraiment très souvent, formulé à la forme interrogative. C’est devenu une mode, pour ne pas dire un tic d’écriture journalistique. Comme chaque fois qu’on abuse d’une tournure, elle ne veut bientôt plus rien dire. À cette manie très agaçante, s’est ajoutée une autre habitude, celle de faire commencer la question par « Faut-il ». Comme si l’article pouvait répondre, moins encore trancher le débat à jamais.

Dans la seule page d’accueil du site du Monde, ce jour, je relève : « La PMA, victime de l’opposition au mariage homosexuel ? », « PSA Peugeot-Citroën : c’est encore loin la mer ? », « Quelle importance la Chine accorde-t-elle à la France ? », « Déblocage de l’épargne salariale : une fausse bonne idée ? », « Les banques ont-elles cessé de prêter ? », « Des “bundles” de moins en moins humbles ? », « L’agro-écologie est-elle l’avenir de l’agriculture française ? », « Qui a peur de la génétique sportive ? », « Après Benoit XVI, quelle nouvelle papauté ? », « Quelle science politique pour Sciences Po ? », « Et si l’éventail redevenait un accessoire de mode ? », « Notaires : peut-on leur faire confiance ? »

Je ne suis pas certain d’avoir tout noté. Je trouve ces formules consternantes et, surtout, elle sont pour effet immédiat de me faire fuir. Je ne lis pas les articles auxquels elles se rapportent.

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mercredi, 24 avril 2013

Mariage homosexuel, enfin

Homosexuels, homosexuelles, il était temps que le pays de Victor Hugo et de Voltaire vous accorde le droit au mariage, devenant en cela le quatorzième pays à le faire, et le neuvième en Europe (il n’y a pas de quoi se vanter). Depuis des années, cette question est évoquée ici et j’en parlais déjà avant la naissance des blogs. Enfin ! À présent, la décision de vous marier ou non vous appartient, l’important était que vous puissiez le faire.

Méfiez-vous plus que jamais de l’homophobie, malheureusement remise à la mode ces temps-ci.

Bravo à vous. Je vous salue fraternellement et vous embrasse.

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lundi, 15 avril 2013

Mariage homosexuel, encore et encore

Ainsi donc, ce que la France compte de plus ringard et de plus attardé mentalement se radicalise, comme on dit. Les opposants au mariage homosexuel – ceux qui ne sont « pas homophobes mais », comme on n’est « pas raciste mais » – parlent de « dictature », proclament que Hollande « veut du sang », assurant qu’« il en aura ». Les manifestations en faveur d’une cause perdue d’avance se multiplient : on en prévoit prochainement quatre en un mois. Les homosexuels recommencent à être agressés et tabassés (cela a-t-il jamais cessé, d’ailleurs ?) La droite et l’extrême-droite phagocytent des opposants totalement manipulés et, surtout, tellement ridicules avec leurs poussettes et leurs enfants brandissant des pancartes où s’étalent des slogans auxquels ils ne comprennent rien. Qu’importe ? Ils apprennent à penser comme leurs parents.

Ainsi donc, la grosse erreur, dans cette affaire, a été de choisir cette appellation stupide de « mariage pour tous », qui a forcément entraîné des idioties comme « manif pour tous » ou, tout récemment, « camping pour tous ». Si l’on avait continué à parler de mariage homosexuel, comme je le fais ici depuis des années et bien avant que la question ne soit à l’ordre du jour, on ne se serait pas attiré de réponse du berger à la bergère.

Ainsi donc, le mariage homosexuel, dans quelque temps, sera instauré, institutionnalisé et, dans quelques années, plus personne n’aura le souvenir de la plus grande débauche d’imbécillité que la France aura jamais connue. Je ne suis pas certain que le mariage homosexuel fera disparaître l’homophobie, je ne le crois pas, malheureusement. Au moins confèrera-t-il aux homosexuels les mêmes droits qu’aux autres Français, puisqu’ils ont les mêmes devoirs.

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jeudi, 24 janvier 2013

Il y aura autre chose

Mazuet.gifJe lis le bref libelle de Dominique Mazuet, libraire à Paris, qui s’élève contre le livre numérique et contre les ventes en ligne d’ouvrages. Il a voulu lui donner un titre de forme classique, Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers, augmentée d'une réponse aux objections courantes composant un court Essai contre la dématérialisation du monde. Bien que beaucoup de choses soient proches de moi dans ce petit ouvrage qui se veut pamphlétaire (mais ne l’est guère, Mazuet écrivant vraiment très mal et très lourdement), je pense que son auteur se trompe du tout au tout. Il y a de la place pour tout le monde.
On sait ici l’intérêt que je porte au papier imprimé. J’ai été employé de librairie, documentaliste, bibliothécaire, revuiste, archiviste, je suis auteur et, évidemment, lecteur. Je suis extrêmement attaché au livre.
Sont arrivées les tablettes, les liseuses et, comme chaque fois qu’une nouveauté apparaît, on s’étripe. Les partisans du livre en appellent à six siècles d’imprimerie, les autres avancent que le lire est plus important que le livre – ce qui non seulement n’est pas idiot mais est bien formulé, il faut le reconnaître. Le lecteur tranchera, comme toujours, et lui seul.
Je ne crois pas que disparaîtront les libraires, pas plus que le livre, qui n’a été tué ni par la radio, ni par le disque, ni par la télévision, ni par la cassette audiographique, ni par la cassette stéréo-8, ni par la cassette vidéographique, ni par le disque compact, ni par le vidéodisque, ni par le DVD, ni par Internet, ni par le mp3, ni par... Pourquoi serait-il mis à bas aujourd’hui, alors que la liseuse est tout de même ce qui se rapproche le plus possible de lui ?
Je lisais Mazuet ce matin dans le métro quand, levant les yeux, j’aperçus devant moi un homme jeune, porteur d’une liseuse. C’était amusant. J’ai jeté un œil : il s’agissait d’un roman policier. Au passage, je signale que l'ouvrage du libraire protestataire est en vente en ligne, y compris chez son ennemi déclaré Amazon, ce qui constitue un insolent pied-de-nez.
Amis libraires, organisez-vous et faites-vous une place nouvelle tandis que le livre numérique trouve la sienne sans vous demander votre avis. S’il faut vous rassurer contre je ne sais quelle peur, dites-vous que le numérique lui-même sera détrôné un jour. Pourquoi le mouvement cesserait-il ? Après le livre numérique, il y aura autre chose, évidemment. Quoi ? La vie.

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lundi, 14 janvier 2013

Mariage homosexuel, une fois de plus

Ainsi donc, ce que la France, pays des Lumières et des Droits de l’Homme, compte de plus ringard, de plus passéiste, de plus médiéval, de plus obscurantiste, a défilé hier contre le mariage homosexuel, déjà instauré dans de nombreux pays dont la très catholique Espagne, pays qui, tous, ont survécu à ce que l’on nous présente comme une apocalypse qui ne serait pas de Saint-Jean.
Naturellement, toutes ces forces du passé et de l’ordre moral se défendent de toute accusation d’homophobie (comme ça y ressemble, cependant) et prétendent défendre (contre qui ?) les valeurs traditionnelles de la France (lesquelles, vraiment ?) et de la famille, alors que la famille « classique » n’est nullement menacée et qu’il s’agit uniquement de faire vivre légalement, à ses côtés, de nouvelles familles, lesquelles existent déjà, d’ailleurs. Il n’est question que de leur conférer un cadre légal.
L’archevêque de Paris a fait savoir qu’il ne s’agissait pas d’une manifestation de l’Église contre le gouvernement (comme ça y ressemble, cependant). Il n'empêche que l’Église, totalement manipulée par l’UMP, n’a pas craint de marcher main dans la main avec le Front national. L’hypocrisie des cortèges et des points de départ différents ne saurait tromper personne, le lieu d’arrivée étant le même et les buts identiques.
Les chrétiens de gauche, étrangement étouffés depuis quelques semaines, hormis une prise de position parue dans Témoignage chrétien, souffrent d’être assimilés au troupeau bêlant et à la crétinerie avancée dont témoignent leurs frères en Christ qui, après avoir chanté l’amour, la charité, l’égalité de tous dans le cœur de Dieu, sont allés, à la sortie de la grand-messe dominicale, manifester.
Le nombre de participants, si l’on établit une cote mal taillée entre les chiffres avancés par les organisateurs et ceux délivrés par la préfecture de police, doit se situer aux alentours de cinq à six cent mille, ce qui est fort peu pour un soi-disant enjeu vital, historique, séculaire.
J’espère de tout mon cœur que le gouvernement ne se dégonflera pas et que, d’ici quelques semaines, cette loi sera adoptée et s’imposera à la République. Dans peu d’années, on se demandera comment on a pu seulement en parler, tant le mariage dit « pour tous » sera entré dans les mœurs, tant les enfants élevés par deux hommes ou par deux femmes seront intégrés dans la société. Faut-il encore, en 2013, l’assurer : les homosexuels doivent jouir des mêmes droits que l’ensemble de la population, ou bien alors, qu’on les dispense d’avoir les mêmes devoirs et,  pour commencer, de payer l’impôt sur le revenu, par exemple.
D’ores et déjà, nos amis des pays du Nord se penchent à leur balcon septentrional et soulignent d’un rictus amusé le sentiment de désuétude que leur inspire notre vieux, indécrottable pays latin.

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lundi, 17 décembre 2012

Au zinc

Au Départ Saint-Michel, grignotant au comptoir mon sempiternel sandwich, j’observe les allées et venues des serveurs, le travail des cuisiniers, celui du caissier. C’est un café où le nombre de consignes écrites est effarant. La moindre boîte de plastique est étiquetée, le plus petit dossier aussi. Cela, je ne peux pas ne pas le remarquer : ce qui est écrit m’aveugle toujours. Au passage, sur une boîte contenant des biscuits salés destinés, je suppose, à accompagner l’apéritif, je relève : « Six bretzels, une personne. Deux personnes, dix bretzels », décompte qui me paraît singulièrement mesquin. Près du robinet, je lis : « Consommer l’eau avec modération » ; ce n’est pas une plaisanterie, mais un rappel à l’économie. Surtout, sur un banc de service, à peu près à hauteur d’yeux, je déchiffre, de loin, l’inscription que voici, dont je rétablis l’orthographe fort défaillante : « L’élocution est forcément prononcée avec parcimonie et gentillesse envers le barman et les officiers ; le personnel de salle n’est pas un supérieur dans la voie hiérarchique ». En résumé, et en bel et bon langage françois, les garçons doivent s’adresser courtoisement à l’employé du bar comme aux cuisiniers, instruction qui me semble juste et bienvenue. Je pense alors à cette phrase de Montherlant, qui écrivait (je cite malheureusement de mémoire) : « Le garçon qui lance à l’adresse du barman : “Un café, un !”, est heureux parce qu’il commande ». Montherlant habitait quai Voltaire, fût-il venu manger un sandwich au zinc du Départ Saint-Michel, il eût appris quelque chose et, par surcroît, nous eussions conversé.

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mercredi, 12 décembre 2012

Mariage homosexuel, toujours

J’ai évoqué ici le mariage homosexuel, en un temps où il ne s’appelait pas encore « mariage pour tous ». Plus que jamais, puisqu’il semble qu’enfin, on approche du but, il convient de défendre le droit au mariage pour les homosexuels qui le désirent. On y arrive, on y vient. Une pétition est présentée à votre paraphe par le Parti socialiste. On sait que, depuis 1983-1984 environ, je n’aime plus beaucoup les socialistes, mais cela n’empêche pas de signer.

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mercredi, 09 mai 2012

Les varices de la langue

« Privilégiez les transports en commun », nous enjoint une affiche de la RATP, vantant je ne sais quelle manifestation à laquelle nous sommes supposés désirer assister. On mesure ici combien les mots ont été gaspillés, galvaudés. Rappelons-nous ce qu’étaient autrefois les privilèges réels. Et voici qu’aujourd’hui, c’est à un simple mode de déplacement urbain que s’applique ce vocable. On ne sait plus parler avec l’efficacité qu’assure pourtant la simplicité : « Empruntez les transports en commun », ou bien encore : choisissez, préférez, optez pour, décidez-vous pour. À l’extrême rigueur, « prenez », qui est parfaitement impropre, mais immédiatement compréhensible dans son humilité quotidienne. Eh bien non, on doit « privilégier ». Voilà ce qu’est devenue la langue française, dans ce monde au parler télévisuel. L’usage qu’on en fait aujourd’hui rend la langue variqueuse : on ne s’étonnera pas si elle a mal aux jambes.

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jeudi, 11 décembre 2008

Produit et coproduit

Chacun aura remarqué, je suppose, combien les jingles sonores ou visuels s’accumulent désormais. On ne peut plus s’apprêter à regarder une émission de télévision, un film en DVD, sans que défilent, accompagnés en général d’une musique aussi laide qu’assourdissante, les logos des différentes sources de financement, des producteurs et coproducteurs. Or, ils sont toujours plus nombreux puisque le coût d’une réalisation ne cesse d’augmenter et qu’il faut multiplier les participations. Le malheureux spectateur doit donc supporter parfois trois ou quatre animations qui lui signalent que ce qu’il va voir, il le doit, heureux homme, à telle et telle maison de production. Le spectateur, bien évidemment, n’en a cure. Rien à faire, il aura droit à tout. Le pire est que ces avertissements publicitaires sont neuf fois sur dix d’une laideur repoussante, très souvent stupides et presque toujours graphiquement ratés. Bien sûr, il suffit de ne pas regarder, mais il est presque plus contraignant de devoir jeter un rapide coup d’œil de loin en loin pour voir si « c’est fini » ou non.

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vendredi, 05 décembre 2008

Immondices immondes

Au hasard des informations glanées sur la Toile, j’apprends que, durant les cinq dernières années, le nombre de sacs jetables distribués dans les magasins a été réduit de 80 %. Il s’agit uniquement du commerce alimentaire : rien n’est précisé des « autres secteurs de distribution », comme on dit aujourd’hui. De dix milliards en 2002, on serait passé à deux milliards en 2007. Dont acte. On a finalement décidé de supprimer, dans les trois ans qui viennent, ces fameux sacs dont la spécialité est de se retrouver dans les rues balayées de vent ou dans les cours d’eau. Cela concernera les grandes surfaces comme le petit commerce.

 

Parfait. Cette décision, il me semble, était autant attendue que nécessaire.

 

Pourquoi patienter trois ans ? Selon Jérôme Bédier, président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), il s’agit de « convaincre les clients de prévoir à l’avance un cabas ou un sac réutilisable ». Soit. Encore que cela suppose qu’on ne pourra plus effectuer de courses d’une façon impromptue (sauf à ne plus se déplacer sans cabas, comme le faisaient les petites vieilles des années 50 et 60) ou à transporter en permanence, plié dans sa poche… un sac de plastique.

 

Mais le même Bédier veut maintenir les sacs réservés aux fruits et légumes. Il argue que « les commerçants ont besoin de sacs pour vendre des fruits et des légumes ». Certes. « Il n’y a pas d’alternative », assure-t-il.

 

Si. Les fruitiers ont toujours vendu des légumes et des fruits – et même des œufs, parfois – dans de petits sachets de papier kraft qu’on peut détruire sans difficulté. Beaucoup le font encore. Pourquoi ne pas généraliser leur emploi ? Ce ne serait qu’un retour à ce qui s’était toujours fait avant l’apparition puis la généralisation du sac jetable, tellement entré dans les mœurs qu’on en est venu à l’appeler sakanplastic avant, l’usage fautif se généralisant, de le dénommer sakplastic.

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lundi, 17 novembre 2008

Incompréhensible

La vente des papiers et du mobilier de Gracq a donc eu lieu.

 

La correspondance que lui avait adressée Breton était estimée entre 30 et 35. 000 euros. Le lot était important. Le catalogue décrivait trente-deux lettres autographes signées (dont huit cartes postales) et une lettre signée, portant sur la période 1939-1966. Cela représentait environ quarante-deux pages de formats divers, avec quelques en-têtes de Medium et d’Arcy galleries, International Surrealiste Exhibition…). Les enveloppes étaient conservées.

 

À cet ensemble, étaient joints : une copie autographe par Gracq de la lettre du 10 juin 1939 ; trois télégrammes ; deux cartons d’exposition annotés et signés par Breton, avec enveloppes ; une lettre autographe signée de Gracq à Breton en date du 30 mai 1946 (renvoyée à l’expéditeur) ; le faire-part de décès de Breton ; une lettre autographe signée d’Aube Elléouët à Gracq, de l’année 1958.

 

C’est dire que, sans difficulté, le lot a trouvé preneur à 75. 000 euros… et a été immédiatement préempté par l’État. Ce fonds a donc rejoint les collections de la bibliothèque Jacques-Doucet, laquelle possédait déjà les lettres de Gracq adressées à Breton. Il était logique, nécessaire, évident, que les deux fonds fussent rassemblés.

 

Compte-tenu du prestige du scripteur, de celui du destinataire, et vu le grand nombre de documents, il était clair comme le jour que les enchères atteindraient un tel montant, en ce monde où la valeur marchande prime sur l’intérêt artistique, littéraire, historique. Gracq ne pouvait ignorer que les choses se passeraient ainsi. Il avait eu soin de léguer ses manuscrits à la Bibliothèque Nationale. Que n’en a-t-il fait autant pour sa correspondance ? L’État aurait pu recevoir le fonds par testament. Au lieu de cela, il acquiert les mêmes documents pour 75. 000 euros. Je ne comprends pas l’attitude de Gracq.

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mercredi, 29 octobre 2008

Grakavendre

On parle ici, quelquefois, des ventes concernant tel artiste, tel écrivain. La succession Julien Gracq va se jouer à Nantes, le 12 novembre prochain. Ses papiers, bien entendu, ses livres et, ce qui m’embête le plus, sa correspondance (dont, naturellement, des lettres et cartes postales de Breton)… Tout, on vend tout : un bureau, une bibliothèque et même un téléphone, un cendrier… Les corbeaux, ce sont ses cousins puisque Gracq n’avait pas de descendance directe. On vend tout, vous dit-on, messieurs-dames (à part les manuscrits, légués à la Nationale). À vendre ! À vendre ! De l’argent ! De l’argent ! Ironie, l'hôtel des ventes se trouve... rue de Miséricorde.

 

Le catalogue complet est en ligne. Il comprend les sottises habituelles : « Elsa (sic) et André Breton », par exemple. Ou bien un « tirage d’époque colorisé » (re-sic) : on ne sait plus dire « rehaussé » ou tout simplement « colorié ». « Colorisé » est non seulement un anachronisme, mais, de plus, une erreur de vocabulaire : qu’on y soit favorable ou non, la colorisation est un procédé technique bien précis, qui n’a rien à voir avec le fait de rehausser de couleur une photographie en noir et blanc.

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vendredi, 17 octobre 2008

La disparition de l’allure

La société a évolué d’une façon incroyable. Il est courant à présent de voir des gens – hommes et femmes, parfois âgés, en bonne santé, habillés correctement, raisonnablement nourris, fouiller dans les poubelles pour y récupérer Dieu sait quoi. Souvent, il s’agit d’y prendre un de ces « journaux » pourtant distribués gratuitement partout… Le reste du temps, je n’imagine même pas ce qu’ils peuvent bien chercher là. Ces fouilles se font sans honte, sans pudeur, sans gêne. Elles sont devenues monnaie courante. On ne considère plus que fouiller dans les détritus des autres soit déchoir, à tout le moins : soit triste, déplorable.

 

Autre chose. Comme j’attendais hier ma fille devant la fontaine Saint-Michel, j’ai vu une dame qui attendait aussi – c’est habituel, à cet endroit. C’était une dame plus âgée que moi. Elle s’était purement et simplement assise par terre et appuyée au poteau d’un lampadaire. La clochardisation est en marche ou, plus précisément : la notion même de clochardisation a disparu. Et, avec elle, le maintien, la tenue, l’allure. Même jeune, je ne me rappelle pas m’être jamais assis par terre ; au pire, l’ai-je fait sur des marches d’escalier, ce qui est entièrement différent. Mais à même le trottoir !

 

J’ai encore relevé que, dans un ascenseur, les gens, désormais, s’appuyaient systématiquement contre la paroi de la cabine : hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux ne peuvent plus se tenir debout, fût-ce le temps de quelques étages. Ils s’appuient. L’avachissement est devenu la norme.

 

Ces remarques sont fondées sur une observation de plusieurs mois, des mois qui, peut-être, forment maintenant quelques années. Je trouve tout cela consternant.

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mercredi, 15 octobre 2008

Conditionnement

Vous avez certainement remarqué comme moi que, désormais, un objet à vendre n’est plus en état, mais en condition. On parle de la condition d’un livre d’occasion, par exemple. Jusqu’à il y a peu, on parlait de conditions d’existence, de condition pénitentiaire (ou autre), de bonne condition physique, mais un objet était, lui, en bon état, en piteux état, voire « en l’état » comme disent les bouquinistes désireux de vendre très cher un ouvrage abîmé en laissant entendre que le prix tient déjà compte de cela. Désormais, les descriptions, dans les sites de vente sur internet et partout ailleurs, évoquent tranquillement la condition de l’objet. Cela ne m’ennuierait que très relativement puisque le sens demeure clair et la phrase intelligible, si je n’avais le sentiment qu’il s’agit d’une traduction immédiate, littérale et stupide de l’anglais condition, c’est-à-dire, finalement, d’un retour aux origines. Car au vrai, ceux qui usent de ce terme me paraissent agir sous une influence anglo-saxonne non pas subie, mais parfaitement acceptée. Un conditionnement, en quelque sorte.

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lundi, 22 septembre 2008

Feu à volonté

« Tirez sur la porte, merci ».

 

Telle était l’expression figurant sur une feuille de papier collée à l’entrée du magasin « Beaux-Arts » de la librairie-papeterie Joseph Gibert, boulevard Saint-Michel à Paris.

 

Obéissant, discipliné, je sortis mon arme et fis feu.

 

Jugez de ma désolation lorsque, sortant de la boutique, j’avisai le même écriteau, enjoignant cette fois : « Poussez sur la porte, merci ». Je poussai si fort sur elle, qu’elle chuta.

 

Dira-t-on jamais suffisamment que le langage, arbitré par la grammaire et discipliné par la syntaxe, est destiné à se faire comprendre d’autrui et doit être porteur de sens ? Oserai-je ajouter qu’un emploi maîtrisé de la langue peut même permettre de faire passer des nuances ? Et qu’enfin, il est loisible d’en faire, plus qu’un simple moyen, une source de plaisir ? En ces temps, on ne peut plus tirer simplement la porte ni la pousser, il faut que, par surcroît, cela se fasse sur.

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vendredi, 19 septembre 2008

Illimitez votre player addict

Qu’est-ce que cela veut dire ? Je n’en ai pas la moindre idée. C’est en tout cas ce qui est écrit sur les murs du métropolitain parisien, là où figurent les affiches publicitaires. C’est également indiqué dans les vitrines des officines de télécommunications. J’en déduis que cela entretient un rapport quelconque avec les téléphones cellulaires, communément dénommés « portables ». Je n’en possède pas et n’en aurai nullement. D’ailleurs, je ne vois pas à quoi cela me servirait, puisque je ne téléphone jamais, ayant cela en sainte horreur. Il reste que je n’ai pas la réponse à la phrase (oui, c’est une phrase, semble-t-il) dont j’ai jugé bon de faire un titre.

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dimanche, 13 janvier 2008

De quoi être fier ?, par Martine Layani-Le Coz

Le Monde titre : « Cinq cents radars supplémentaires par an pour faire baisser la mortalité sur les routes » et on nous montre cette photo :

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Le Parisien reprend l’injonction et Cécile Petit, déléguée interministérielle à la sécurité routière, se satisfait à l’avance que, sous la barre des trois mille morts sur les routes (même d’ici 2012), la France serait alors la première. De quoi être fier ? Fier de confondre la route et la ville ? Fier de savoir « mettre la pression », quitte à la mettre sur des personnes qui ne sont finalement considérées que comme consommateurs ? Un Monde responsable de ses bulletins, autant que Le Parisien, au lieu de reprendre l’ordre donné par la super-hiérarchie, doit –  information exige – nous donner la liste de cette fameuse « cinquantaine de mesures » prévues… et ne pas sacrifier à l’imagerie facile en illustrant l’article d’une photo urbaine, quand on parle principalement de route.

 

Mais pourquoi met-on la route en avant ? Parce que l’image, là encore, parle avant la lecture, quant à la réflexion minimale… Oui, bien sûr, la rue peut aussi tuer, même à Paris, mais aucun radar n’empêchera un piéton de ne pas regarder avant de traverser ; c’est même du dernier snobisme. Après s’en être pris aux fumeurs, après avoir tenté les consommateurs de métro et bus avec des vélos lourds et non pratiques, on ne va pas leur faire obligation de se prendre en charge, ce serait trop. Par contre, l’idée du contrôle des deux roues semble bonne, les gaz d’échappement de ces engins n’étant pas moins néfastes qu’une cigarette.

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mardi, 06 novembre 2007

Antiageing

Connaissez-vous l’antiageing ? Ce n’est pas une nouvelle école littéraire ni une façon d’accommoder le homard, mais l’appellation commerciale d’un produit en vente en pharmacie, produit destiné à lutter contre les marques que le temps imprime à notre visage. 

Je passe sur le fait qu’il s’agit bien évidemment d’un attrape-crétin. Ce qui m’intéresse – c’est beaucoup dire – c’est ce qui est inscrit sur le tube, dont la photographie figure sur un panneau publicitaire exposé dans la vitrine d’une officine ; ces panneaux publicitaires qu’on nomme aujourd’hui PLV, soit « publicité sur les lieux de vente ».

Antiageing. À qui s’adresse cet anglais de bazar ? Certainement pas aux anglophones. Cela s’adresse aux Français qui ne savent plus lire leur langue et demandent qu’à tout le moins, le français soit suivi d’une inscription anglaise. Le tube contenant le produit miracle en question porte donc les mentions : « Soin anti-âge », « Antiageing ». Et voilà. La forme grammaticale qu’au lycée, on nous apprenait comme s’intitulant « forme en -ing » appliquée à toutes les sauces, ou plutôt à toutes les crèmes. C’est un peu comme si l’on usait de la forme progressive en disant : « Anti-âgeant ». C’est enrâgeant, pardon : enrageing.

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lundi, 05 novembre 2007

Un livre de Simone Veil

Je suis en train de lire Une vie, les souvenirs de Simone Veil parus tout récemment chez Stock. J’ai toujours eu de l’estime pour elle, bien qu’elle soit à l’opposé de mes opinions. Sans doute à cause de la loi qui porte son nom, qui était plus que nécessaire et qu’elle imposa autrefois avec courage, contre la majorité de l’opinion et celle de ses collègues dans une assemblée à dominante masculine.

Cependant, je suis très étonné par le ton général de ce volume, non pour ce qu’il contient mais par la manière dont il est construit, agencé. Simone Veil accumule les souvenirs d’une manière plus ou moins ordonnée mais on a le sentiment qu’elle les pose là, comme des objets, certes rangés mais non reliés entre eux ou presque. Elle pose là, sur la table, des faits. Mais il ne faut pas chercher la moindre mise en perspective, le plus petit prolongement, un brin de réflexion historique. Je ne connais pas plus anti-scientifique que ces mémoires. Assurément, la biographie de Simone Veil reste à écrire et c’est un tiers qui s’en chargera.

Je trouve que c’est là une caractéristique des gens de droite : l’absence de vision historique des choses. Pas de reflet : les faits sont indépendants, les événements sont des évidences, rien n’est relié à rien, rien ne découle de rien. Au besoin, quelques affirmations toutes simples étaieront l’ensemble branlant. Surtout pas de dialectique, ça sent trop son matérialisme, son marxisme, même. Les faits sont des potiches sur un buffet, des bibelots posés les uns à côté des autres.

Qui plus est, Simone Veil n’a aucune idée du rendu de la durée dans un ouvrage. Elle ne maîtrise pas le temps du récit ; elle se risque à des échappées thématiques dans le cours de la chronologie – c’est l’exercice le plus périlleux qui soit ; elle laisse subsister de grands « blancs », conséquence de l’attitude dite plus haut : les événements ne sont pas dépendants les uns des autres. Évidemment, dans ces conditions, tout est sur le même plan, le souvenir important et l’anecdote (on sait, je pense, combien j’exècre l’anecdote). Les contradictions, au moins apparentes, et qu’un doigt de réflexion et de précision eût pu nous aider à considérer comme des complémentarités, ne sont pas résolues, elles sont ignorées. Toujours cette optique faussée : les faits, les agissements, sont des objets sans mécanisme les liant. C’est l’erreur grossière de la droite : il n’y a pas d’histoire, seulement des agissements individuels, lesquels ne sont pas conditionnés socio-culturellement, et à peine par le contexte et l’immédiateté. Quelle erreur.

Je suis également un peu déçu par la langue. À la moitié du volume, j’ai relevé des tics de langage, deux pléonasmes, une anacoluthe et force clichés. C’est encore la preuve évidente que les livres ne sont plus relus ni par des correcteurs – on a dit ici de nombreuses fois que ce poste avait été éliminé du budget des maisons d’édition – ni par des directeurs littéraires compétents – il en est encore, heureusement. Ou bien a-t-on considéré que, par principe, la prose de Mme Veil n’avait pas à être reprise ? Certes, le résultat n’est pas repoussant mais de petites corrections eussent ajouté du charme à un style qui est seulement correct et, par endroits, très plat.

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jeudi, 25 octobre 2007

Les courtisans sont priés de répondre à l’appel

« Le Premier ministre, François Fillon, recevra les romanciers de la rentrée littéraire 2007, en présence de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication. Jeudi 25 octobre à 18 h 30 à l’hôtel de Matignon », apprend-on sur le site du Premier ministre. On se demande bien pourquoi le clown suffisant et sournois reçoit des auteurs – et pourquoi des romanciers uniquement – à l’hôtel de Matignon (c’est la première fois que j’entends appeler ainsi cet endroit), lui qui n’a probablement lu aucun de leurs livres. « N’importe qui aurait suffi » comme disait de Gaulle, par exemple la mère Albanel dont la seule fonction est d’émarger mensuellement au budget de la République, pour une telle réception.

Le plus effrayant est qu’un très grand nombre d’auteurs ait accepté de répondre favorablement à cette invitation. Des écrivains, c’est-à-dire, en principe, des esprits libres, indépendants et lucides, toutes qualités qui auraient dû leur interdire de fréquenter les salons en général et les pitres en particulier. Que nenni, les voilà tous, empressés, faisandés, se bousculant devant le buffet, faisant des ronds-de-jambe au Premier ministre le plus inculte de tous les temps et à la potiche fêlée et poussiéreuse de la rue de Valois. C’est une honte. Le premier devoir d’un écrivain est d’être indépendant et de ne céder ni aux invitations lustrées ni aux pressions des éditeurs, toujours soucieux d’être bien en cour.

On est prié de vomir sur eux.

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