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lundi, 05 novembre 2007

Un livre de Simone Veil

Je suis en train de lire Une vie, les souvenirs de Simone Veil parus tout récemment chez Stock. J’ai toujours eu de l’estime pour elle, bien qu’elle soit à l’opposé de mes opinions. Sans doute à cause de la loi qui porte son nom, qui était plus que nécessaire et qu’elle imposa autrefois avec courage, contre la majorité de l’opinion et celle de ses collègues dans une assemblée à dominante masculine.

Cependant, je suis très étonné par le ton général de ce volume, non pour ce qu’il contient mais par la manière dont il est construit, agencé. Simone Veil accumule les souvenirs d’une manière plus ou moins ordonnée mais on a le sentiment qu’elle les pose là, comme des objets, certes rangés mais non reliés entre eux ou presque. Elle pose là, sur la table, des faits. Mais il ne faut pas chercher la moindre mise en perspective, le plus petit prolongement, un brin de réflexion historique. Je ne connais pas plus anti-scientifique que ces mémoires. Assurément, la biographie de Simone Veil reste à écrire et c’est un tiers qui s’en chargera.

Je trouve que c’est là une caractéristique des gens de droite : l’absence de vision historique des choses. Pas de reflet : les faits sont indépendants, les événements sont des évidences, rien n’est relié à rien, rien ne découle de rien. Au besoin, quelques affirmations toutes simples étaieront l’ensemble branlant. Surtout pas de dialectique, ça sent trop son matérialisme, son marxisme, même. Les faits sont des potiches sur un buffet, des bibelots posés les uns à côté des autres.

Qui plus est, Simone Veil n’a aucune idée du rendu de la durée dans un ouvrage. Elle ne maîtrise pas le temps du récit ; elle se risque à des échappées thématiques dans le cours de la chronologie – c’est l’exercice le plus périlleux qui soit ; elle laisse subsister de grands « blancs », conséquence de l’attitude dite plus haut : les événements ne sont pas dépendants les uns des autres. Évidemment, dans ces conditions, tout est sur le même plan, le souvenir important et l’anecdote (on sait, je pense, combien j’exècre l’anecdote). Les contradictions, au moins apparentes, et qu’un doigt de réflexion et de précision eût pu nous aider à considérer comme des complémentarités, ne sont pas résolues, elles sont ignorées. Toujours cette optique faussée : les faits, les agissements, sont des objets sans mécanisme les liant. C’est l’erreur grossière de la droite : il n’y a pas d’histoire, seulement des agissements individuels, lesquels ne sont pas conditionnés socio-culturellement, et à peine par le contexte et l’immédiateté. Quelle erreur.

Je suis également un peu déçu par la langue. À la moitié du volume, j’ai relevé des tics de langage, deux pléonasmes, une anacoluthe et force clichés. C’est encore la preuve évidente que les livres ne sont plus relus ni par des correcteurs – on a dit ici de nombreuses fois que ce poste avait été éliminé du budget des maisons d’édition – ni par des directeurs littéraires compétents – il en est encore, heureusement. Ou bien a-t-on considéré que, par principe, la prose de Mme Veil n’avait pas à être reprise ? Certes, le résultat n’est pas repoussant mais de petites corrections eussent ajouté du charme à un style qui est seulement correct et, par endroits, très plat.

10:40 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

La droite voit des faits extérieurs que les individus tentent d'infléchir selon leur volonté. Il n'y a donc pas d'histoire au sens propre, mais des victoires personnelles. L’individu « s’arrange » avec la réalité et il ne tente d’ailleurs de la modifier que si il a une chance d’y parvenir.

La gauche, elle, perçoit sans doute mieux les lames de fond. Comme elle met du temps pour les infléchir, elle en comprend mieux l'importance. Sans compter que, plus idéaliste, elle a un projet (plus ou moins utopique) à long terme. Elle « pense » donc les faits d’un point de vue historique.

A contrario, c’est ce qui faisait dire au Stalker qu’il n’y a de littérature que de droite puisqu’il s’agit alors d’illustrer un point de vue individuel (tandis qu’à gauche, on se perdrait dans des destinées collectives).

Écrit par : Feuilly | lundi, 05 novembre 2007

Tu as parfaitement compris ce que je voulais dire, que je craignais d'avoir mal exprimé. Cette différence est fondamentale. C'est pour cela qu'il n'y aura jamais de centre réel : il n'y a que deux manières de voir la vie (de ce point de vue, bien entendu ; je ne suis pas sot au point de prétendre autre chose).

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 05 novembre 2007

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