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mardi, 16 mai 2006

Spectacle d’un homme, par Martine Layani-Le Coz

Je le détaille de bas en haut, par étonnement autant que par souci d’épargner la brève et méprisante descente.

 

Les pieds, si douloureux quand le poids de tout le corps les oblige à danser ! Mais si intense le plaisir irradié en sens opposé et tout ce temps si bref, d’eux jusqu’au cerveau, qui suffit à inonder les ramifications de ses frissons sous les caresses… Le dos, qui vit à ses dépens et attire à lui ses sens endoloris quand la fatigue rejoint l’axe en aiguë colonne, qui nous porte à bout d’os et de muscles, douleur sublime qui nous pince au même lieu que le désir en ces reins mal nommés, constitués de hanches, de fesses d’où les viscères sont absents.

 

Les mains, qu’elles soient tranquilles, habiles ou maladroites, excitées, pressées ou bien tenaces langues de serpents, sont les interprètes des fruits défendus ou flagrant délit de dons. Les yeux, témoins jusqu’où fidèles de l’extérieur vers l’intérieur, piètre miroir de soi vers l’autre. La bouche, cet instrument de baiser, de parole, reste un mystère. Même muette, elle est expression d’amour ou de haine.

 

Enfin les cheveux, avec peut-être la blondeur, cette brume palpable, ce soupir très léger qui descend en brise des yeux jusqu’aux pieds, comme une hésitation de l’ange avant le saut, un mensonge inventé pour rire, une vérité, un printemps, l’enfance et sa lumière qui se tait sous la main. Mais il y a aussi le brun de l’été, sa chaleur exaltée, ce charme bavard aux nuances diverses, aphrodisiaque et long sous les soleils curieux, son ardeur. Sa chanson, c’est l’aplomb du bonheur à la face des ans, la grâce évidente aux chevilles souples qui court vers demain. Quant à la rousseur, cet automne éclatant qui croise l’été sans faiblir, accompagne la neige en mélodie très ancienne, berceuse et danse à la fois, fée descendue dans la rue, fleur éclatante des pavés, c’est la légende et le rêve, le mets délicat réservé à la tendresse inattendue d’un sourire absolu. Restent les cheveux blancs… ni gris, ni bleus, sincères et nobles, immobiles sous les dessins des mondes qui s’envolent.

 

Qu’à pleines poignées, le vent ramène sur les visages fatigués, ces rives d’éternité.

Commentaires

Très beau texte. Existe-t-il en version imprimée (livre ou revue) ? Où se le procurer ?

Écrit par : Pierre B. | mardi, 16 mai 2006

Je l'ai imprimé et archivé dans ma boîte aux trésors littéraires -- mais il mériterait une plus noble destinée et un meilleur retentissement -- avec l'espoir que "d'autres petites choses en réserve" le rejoindront prochainement.

Écrit par : Pierre B. | mardi, 16 mai 2006

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