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mardi, 04 octobre 2005

Précision

Je voudrais préciser une chose qui me paraît importante, compte tenu des commentaires recueillis par le billet intitulé Cinéma inexistant.

On ne trouvera pas ici de notes de lecture, de notes sur des films, des expositions, des disques, des concerts ou ce qu’on voudra. Du moins, en tant que telles. Si je suis amené à évoquer, voire à critiquer, même durement, une œuvre, ce sera toujours dans l’optique d’un débat bien plus élargi, toujours dans le cadre d’une problématisation – le terme n’est pas élégant, tant pis. Je l’ai déjà dit, dans l’autre blog comme ici, je ne suis pas journaliste, ne traite pas l’actualité (en tout cas pas systématiquement), ne suis inféodé à personne, ne suis pas salarié par la Blog & Co Inc. ni par la Rue Franklin, Ltd., ne fais pas partie d’un groupe de presse.

Mon point de vue demeure toujours personnel, sans prosélytisme, et dérive souvent vers les questions de création artistique en général, littéraire en particulier. Je ne suis pas feuilletonniste et ne donne pas mon avis, en attendant que les commentaires me renvoient celui des autres. Non que celui-ci ne m’intéresse pas – pourquoi tiendrais-je un blog, alors ? – mais parce que je voudrais plutôt inviter chacun à aller plus loin en ma compagnie, comme en celle des autres amis qui participent aux discussions. Aller plus loin.

17:05 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (2)

Cartouche neuve

Changer la cartouche d’un stylo, c’est comme ouvrir un cahier neuf. Un monde, et des désirs d’écrire. Et puis voilà : quoi ? Nous sommes des pieds avec des désirs de marche – mais quelle est la route ?

 

Marguerite de Servanches.

12:20 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 03 octobre 2005

Cinéma inexistant

J’ai perdu deux heures hier soir à voir le film d’Yves Angelo, Les Âmes grises. Il n’est pas dans mes habitudes de parler d’un film pour le descendre en flammes, mais là, il y a exagération. Il faudrait signaler à Angelo que le cinéma a une histoire et qu’il n’est pas interdit de la connaître, de réfléchir quelque peu sur son métier et de se situer soi-même dans une lignée, qu’on choisisse de la rejeter ou de s’y fondre.

Bref, je ne vais certainement pas raconter l’histoire, en premier lieu parce que je ne pense pas qu’une œuvre artistique doive nécessairement raconter une histoire – on reconnaîtra ici le vieux débat que je relance chaque fois que possible sur le roman – en second lieu, parce qu’il s’agit là d’un fait divers pur et simple, sans intérêt aucun et aussi creux qu’une carapace de crabe vidée de son contenu par une fourchette habile.

Il faut être honnête, la plupart du temps, on va voir ce genre de film pour les acteurs. La belle affaire ! Aura-t-on avancé lorsqu’on aura dit que, s’ils sont bons, ils ne peuvent donner une quelconque épaisseur à des personnages non pas archétypés mais carrément caricaturaux. Le procureur est procureur parce qu’on le voit une fois dans le prétoire, réclamant la tête de l’accusé (cliché insupportable du procureur). L’institutrice est institutrice parce qu’on la voit une fois dans une salle de classe (elle y est d’ailleurs autant à sa place que la lumière de l’intelligence dans la tête de feu Lecanuet. Angelo est-il déjà allé à l’école ? Son institutrice est-elle déjà entrée dans une classe, a-t-elle déjà vu des enfants ? La nullité de cette scène est difficile à dire). Le juge cynique, uniquement préoccupé par la nourriture, qui dévore des œufs mollets au-dessus du cadavre d’une fillette, écrase les petits et flagorne les puissants, est aussi crédible que l’honnêteté de Chirac. Bref, des personnages de bande dessinée – et je précise que je n’ai rien contre la bande dessinée, oh non, j’emploie ici l’expression pour ce qu’elle véhicule habituellement : l’outrance du cliché et de la simplification des caractères et des characters. Et je n’évoque que pour mémoire ce colonel chauve quasi muet dont le rôle consiste à fumer le cigare en gardant la tête penchée en permanence. Il est sûrement prévu dans le scénario qu’il soit effrayant, presque sadique ; il est grotesque, une marionnette inanimée.

L’action est censée se dérouler durant la Première Guerre mondiale, nous sommes en 1917 ou aux débuts de 1918. Ce qui n’a aucune importance d’ailleurs, car il ne suffit pas de dire : « C’est la guerre » pour que la guerre soit, ni de faire défiler des théories de figurants vêtus de bleu horizon, ni de faire entendre un canon de laboratoire pour que le spectateur croie au conflit armé mondial. Il ne suffit pas de dire à plusieurs reprises qu’on est dans l’Est, à peine séparé du front par un coteau, pour que ça marche. Ni de montrer des blessés, l’un défiguré et aveugle au visage recousu par un maquilleur, l’autre en sang, pour que cela fonctionne.

Les clichés continuent dans la prise de vues. Filmera-t-on encore longtemps les pieds d’un personnage qui avance pour le faire entrer dans le champ avant de remonter le long de son corps ? Filmera-t-on longtemps encore en un panoramique au ras du sol pour donner plus de force (?) à certaines images, par exemple à des excréments couverts de mouches ?

Quand on ne sait plus quoi faire d’un personnage,c’est bien connu, on le fait mourir. Le dernier des romanciers vous le dira. Alors, que fait-on ici du personnage du juge ? Diable, on le fait mourir, bien sûr. Mais on ne voit pas la scène, c’est le procureur qui raconte le fait, dans la plus pure tradition du théâtre classique (le messager qui annonce ce que la règle des trois unités ne permet pas de montrer) – à ceci près qu’au moment où elle survient, cette mort ne sert strictement à rien dans le cours du récit, elle est parfaitement gratuite. Sa seule justification serait à la rigueur de soulager le spectateur, supposé dégoûté par la veulerie du personnage. Sauf que le personnage ne peut pas être veule, puisqu’il est risible tant le trait est forcé.

Je passe sur les effets « téléphonés » comme la réaction du procureur face à l’institutrice lorsqu’il la voit pour la première fois et qu’elle lui rappelle son épouse disparue, comme la réaction du même procureur lorsqu’il prend conscience de la ressemblance de la petite Belle avec sa femme et avec l’institutrice, espèce de lignée équivoque tendue comme une perche au spectateur durant tout le film pour être enfin montrée par trois photos collées dans un cahier, à la fin.

Je passe sur le faux suspense, le coup de théâtre raté que constitue l’exécution du déserteur que l’on croit accusé à tort de meurtre alors qu’il est réellement coupable. Tout cela ferait rire si l’on ne s’ennuyait pas tant, si tout, dans ce film, n’était conventionnel à un point inacceptable. On veut bien jouer le jeu parfois, être bon public, pourquoi pas – il y a des limites à l’indécence.

Ce film aurait pu être tourné il y a cinquante ans avec Gabin et Michel Simon, par exemple. Il aurait été exactement le même. Je n’ai rien contre les films d’il y a cinquante ans, encore que l’âge ne puisse constituer un critère suffisant. Mais dans l’intervalle, il s’est passé des choses, on a tourné des films, on a cherché, il faudrait en tenir compte aujourd’hui. Les Âmes grises, tourné par Rappeneau, aurait au moins eu du rythme, bien que n’ayant pas d’intérêt. Là, Angelo nous sert une charlotte réchauffée, un peu avachie, insipide.

Pétition

Reçu de Belgique une pétition contre la directive Bolkestein.

http://www.stopbolkestein.org/index.cfm?Content_ID=1000

10:19 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 30 septembre 2005

Tourne-pages

L’ami Feuilly appelle mon attention sur une machine nouvelle dont parle Le Monde. Cet article s’insère, je pense, dans la lignée des propos que nous échangeons depuis quelques jours sur le livre.

15:36 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (4)

Hauts murs, 2

Oui, je pense vraiment aller passer quelques jours dans un couvent, à Vaylats (Lot), l’été prochain. La fascination que j’éprouve pour ce type d’architecture y prendra le temps de se raisonner, sera mise à l’épreuve des faits. J’aurais préféré le couvent de Gramat, mais la location de logis n’y est pas possible. Là, sont des jardins qu’heureusement on visite. Des jardins ? Un véritable parc, immense, comprenant des enclos avec des animaux, des cultures de plantes médicinales, un « jardin des couleurs » merveilleux, des expositions, la reconstitution de l’ancienne buanderie, du four à pain… Comment ne pas reconnaître que j’ai là ma place tout indiquée ? Cette image, d’ailleurs, en témoigne.

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15:00 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (6)

À bas les misogynes

Je relaie la note publiée par Luc Bentz, le 28 septembre dernier, sur Blog à part. Elle est intitulée Vieux démons.

 

http://lucbentz.hautetfort.com/archive/2005/09/28/vieux-d...

 

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11:50 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (11)

Louise Michel

Son altruisme était invraisemblable et sa charité envers tous les miséreux – animaux compris – était incroyable. Elle n’avait rien à soi ; sur son chemin, elle distribuait tout ce qui était sur elle ; elle donnait à qui lui semblait plus miséreux qu’elle ses quelques francs, son parapluie, son manteau et, si sa compagne ne l’avait protégée contre elle-même, elle serait rentrée, sa journée achevée, dans sa piètre demeure, absolument dépouillée de tout ce qui la vêtait à son départ ! 

Partie avec une robe neuve, elle revint en jupon de Saint-Étienne ; n’ayant plus rien à distribuer, elle l’avait donnée à plus malheureuse qu’elle…


 Extrait de P.-V. Stock, Mémorandum d’un éditeur, Stock, 1935.

10:00 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 29 septembre 2005

Stock, un éditeur

Dimanche dernier, j’ai acquis chez un bouquiniste des quais de Paris, rive droite, un volume en bon état, Mémorandum d’un éditeur, de P.-V. Stock, publié chez Stock en 1935. Il n’était toujours pas coupé et contenait encore le prière d’insérer, feuille de papier vert pliée en quatre. Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un prière d’insérer, je répondrai en utilisant cette formule qu’un directeur littéraire, chez Seghers, m’avait énoncée, alors qu’il me demandait d’en rédiger un, en 1987 : « Un texte pour les journalistes qui n’ont pas le temps de lire ».

Je lis, étudie et stocke (tiens…) depuis quelques trente ans des ouvrages sur l’édition, l’imprimerie, l’écriture, la librairie, le livre, les bibliothèques. Personne ici, je pense, ne s’en étonnera. En ce qui concerne la section « Édition », on trouve sur mes rayonnages mémoires d’éditeurs, biographies d’iceux, souvenirs de leurs épouses, monographies sur leurs maisons... Curieusement, je n’avais rien de ou sur Stock. Voilà qui comble donc une lacune. Je n’ai pas achevé ma lecture mais, dès à présent, quelques remarques me paraissent s’imposer.

Paru en 1935, soit. On ne se méfie jamais assez… Un livre de souvenirs, forcément, ça porte sur une période, plus ou moins longue, antérieure. Ici, le récit remonte à quelques cinquante ans auparavant, soit aux dernières années du XIXe siècle. Surtout, si l’on espère trouver en ces pages un état de l’édition française à ce moment-là, on peut toujours chercher. Le volume ne recèle pas davantage une histoire de la maison Stock. C’est regrettable. Au vrai, de quoi est-il constitué ? De souvenirs du patron, et ces souvenirs sont ce qu’il conserve de ses rapports avec quelques uns de ses auteurs. Qu’on n’aille surtout pas attendre, cela dit, un portrait des écrivains en question. Il s’agit uniquement de ses relations avec eux et notamment de questions de contrats, de droits, ainsi que de différends inévitables. Une correspondance abondante est reproduite in extenso. Aucun point de vue littéraire. Lorsque, d’aventure, Stock nous dit qu’Untel est un grand écrivain, c’est en général en l’affirmant purement et simplement.

Au passage, on relève quelques noms de célébrités du moment et les titres de leurs immortels romans, complètement oubliés de nos jours. Certains noms ne me sont même pas connus, fût-ce par ouï-dire. Ce qui nous ramène, par parenthèse, aux propos récemment échangés sur le roman, clef de voûte de la littérature... et bradé sur le trottoir chez Boulinier, libraire d’occasion, boulevard Saint-Michel. Je m’égare. 

12:00 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (18)

mercredi, 28 septembre 2005

Les mémoires du taulier, 2

Il est quelqu’un, sur internet, qui parcourt tous les blogs lui tombant sous la souris (il y en a paraît-il 1, 7 million en langue française), laissant partout le commentaire suivant : « Sympa, ton blog », avec cette variante : « Yop, sympa ton blog ». De toute évidence, l’auteur de ces mémorables notations ne lit rien de ce que lui proposent les gens « sympas ». Ce qui l’intéresse, c’est de signer et d’adjoindre à son paraphe un lien vers son carnet à lui… Alors là, on mesure l’étendue du désastre. Cette personne n’a rien à dire et le dit mal. Je trouve incroyable cette manière d’écumer la Toile pour se faire connaître. J’ai trouvé « Sympa, ton blog » en des lieux très divers, traitant de langue française, de politique… Je parle de ces domaines parce qu’évidemment, j’en suis moi-même lecteur, mais reste persuadé que beaucoup d’autres sont atteints. Tout est « sympa », ou « yop, sympa ». Le contenu ? Aucune importance.

*

Je ne comprends pas très bien pourquoi il est difficile d’entamer une discussion – et surtout de la maintenir au-delà de deux ou trois jours – sur des sujets littéraires techniques. J’entends par là : des sujets d’écriture et de composition. Comme si personne n’avait d’opinion… Cependant, quand on achète un livre, on attend bien de lui quelque chose, n’est-ce pas ? On ne l’achète pas pour rien. De plus, je sais bien que, sur ce blog comme sur le précédent (mais c’est le même, en fait), nombreux sont les participants pour qui tracer des lignes sur du papier constitue une suffisante justification à leur existence. Alors quoi ?

J’ai posé la question de l’écriture biographique avec une suite de réflexions qui, je pense, étaient fondées. En tout cas, pas ridicules. On pouvait n’être pas d’accord, il suffisait de le dire. Quand on lit une biographie, qu’attend-on ? Et ceux qui comme moi, très humblement, tentent d’écrire, n’ont-ils pas la moindre idée de ce que doit être, selon eux, une biographie ? Il n’était pas interdit – rien n’est interdit ici – de faire dévier le débat sur un autre plan que le genre biographique, pourvu qu’on argumentât. Las, seuls quelques commentateurs se sont lancés, et je les en remercie.

Je remarque encore que, dès qu’une note date de quelques jours, elle est considérée comme ancienne et ne suscite plus de commentaires. Je me demande honnêtement pourquoi et si cela ne relève pas purement et simplement d’une soumission au récent, d’un esclavage inconscient vis-à-vis de la nouveauté, laquelle bien entendu dure de moins en moins et réclame chaque fois plus vite son propre renouvellement. Dans ces conditions, la pratique du blog devient du journalisme – l’aurai-je assez dit, répété – et n’est plus mon propos. Ces carnets ne se veulent pas d’actualité et, si je les ai souvent comparés, par dérision, par amusement, à un restaurant, il reste que la maison ne sert pas forcément de plat du jour.

12:01 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (22)

jeudi, 22 septembre 2005

De la biographie

Pour poursuivre le débat sur le rôle de l’écrivain, son travail et la place qu’il tient ou devrait tenir (voir les notes Faites sortir la rentrée et Le roman, l’écriture, qui ont suscité, à elles deux, quatre-vingt quinze commentaires à ce jour), je redonne ici une note de l’ancien blog, récupérée à l’auberge Goût-Gueule. Elle porte sur le travail de biographie. Ce sont des réflexions rédigées au lendemain de la publication de ma vie d’Albertine Sarrazin.

 

 

Je donne ici à lire un extrait de mon ouvrage Avec le livre, propos et réflexions, L’Harmattan, 2003.

Il y a quelques années encore, le terme de biographie recouvrait tout écrit relatif à une personne et à son œuvre. Était dit biographe tout exégète, commentateur ou biographe stricto sensu. Aujourd’hui, on le sait, le biographe est celui qui raconte la vie de son modèle et seulement cela, à telle enseigne qu’on peut lire régulièrement que X est l’auteur d’une biographie sur Z. Incroyablement, on ne rédige plus la biographie de Z, mais une biographie sur lui. Il n’y a pas meilleur exemple du devenir récent de la biographie, maintenant genre littéraire en soi (littéraire, pas toujours, hélas, mais c’est un autre sujet), que ce glissement de langage.

L’offensive a commencé dans le domaine historique et, durant de longues années, on n’a connu que les vies d’hommes d’État, de rois, de militaires fameux. Petit à petit, tous les domaines de l’activité humaine ayant leurs maîtres et leurs fleurons, des biographies sont nées, d’écrivains, d’artistes, de savants et, genre dans le genre, d’éditeurs, celles-ci étant très prisées. On remarquera que ces travaux voisinent aisément avec les souvenirs et mémoires des intéressés. Dans le meilleur des cas, tous deux se complètent et s’éclairent. Dans le pire, bien sûr, ils se contredisent.

La biographie dite « à l’américaine » qui exige un volume de grand format de quatre cents à mille pages, une enquête policière et l’examen approfondi des notes de restaurant du modèle, a pratiquement occis ce qu’on nommait biographie jusque là, des volumes de pagination plus raisonnable dans lesquels l’humain passait avant le détail maniaque ou scabreux, le contenu supplantant encore le paraître. Il faut résister et ne retenir du travail « à l’américaine » que son côté curieux, qu’il convient de doubler de rigueur pour pouvoir prétendre à l’intéressante appellation de biographie « scientifique », récemment apparue.

Revers de la médaille, la biographie a pour ainsi dire tué l’essai, annulé l’exégèse, relégué la glose – mot dont on a oublié le sens. Proposer aujourd’hui à un éditeur un livre consacré à un personnage célèbre équivaut évidemment à s’entendre dire : « Ah oui, une biographie de Y ! » Il faut alors préciser que non, il ne s’agit pas de ça. On est soudain curieusement regardé. Une glose ? Une étude thématique ? Une analyse ? Une exégèse ? La biographie, au moins, on sait ce que c’est.

Mais il ne faut pas diaboliser la biographie, tenter, au contraire, d’en faire un outil de travail et de plaisir mêlés et, si elle doit être édifiante, pourquoi pas, encore que la valeur d’exemple ait fait son temps.

La biographie est un genre impossible. Une vie ne tient pas dans un livre, fût-il de mille pages, de deux-mille pages. Une vie n’est pas linéaire, elle s’engage simultanément dans de nombreuses directions, elle est le plus souvent constituée d’une série d’épisodes thématiques. Elle ne peut donc pas se dérouler de la page 1 à la dernière page. À partir de cette constatation, il importe de ne pas dresser un constat d’échec et d’examiner ce qu’il convient de faire pour être un biographe sérieux. Le mot « sérieux » doit être pris ici dans son sens le plus fort, le plus puissant. Il doit qualifier le biographe comme il qualifie le scientifique. Avec prestige et respect, sans idolâtrie toutefois.

Le biographe ne doit pas outrepasser sa fonction, mais il ne lui est pas interdit de poser des questions. Il doit toutefois se montrer honnête, avouer qu’il ne possède pas forcément les réponses. Alors, la biographie devient genre en mouvement, vivant, utile.

S’interdire rigoureusement tout dialogue fictif, toute conversation imaginaire, tout propos supposé, même s’il est vraisemblable. Le biographe n’était pas là au moment des faits qu’il rapporte. S’interdire aussi toute extrapolation romanesque, surtout si elle est tentante, lorsque, par exemple, l’existence du modèle l’a elle-même été. Ces pièges sont évidents, ces façons de faire sont des facilités indignes d’un biographe compétent.

Le plus laborieux est de retrouver les témoins, de les contacter et de les décider, de les rencontrer. Après, les choses vont seules. En ce sens, il est certainement plus facile de rédiger la biographie de Villon ou de Charlemagne que celle d’Albertine Sarrazin. Dans le premier cas, il n’y a personne à rencontrer et il existe des sources et des travaux préalables. Dans le second cas, c’est très exactement le contraire. Il est des personnes qu’il faut retrouver et très peu de travaux préalables, souvent mauvais d’ailleurs.

Si le biographe, au cours de ses recherches, découvre un aspect peu glorieux de son modèle, doit-il le rapporter ? On peut s’en remettre à l’importance de la chose en question dans la vie (et l’œuvre, s’il y en a une), du modèle, mais qui est juge ? Le biographe ? Et s’il se trompe, donnant à quelque chose de mineur une valeur exagérée ? Le pouvoir du biographe doit-il être régalien ?

Trahir son modèle est interdit. Bien le trahir peut être recommandé, tout dépend du talent du biographe. Qu’est-ce que bien trahir ? C’est parler de soi en croyant évoquer l’autre. C’est en effet le seul moyen de signer un ouvrage personnel, non conventionnel, ce qui est recommandé. Mais on en revient toujours au talent, à l’allure, qui sont indispensables. Bien trahir ne suppose pas que l’on manque de rigueur, au contraire.

On peut tout supposer de circonstances ne s’étant pas produites. Malgré tout, il serait déshonnête de ne pas faire ressortir l’opinion de témoins, qui se serait révélée fréquente, même si elle n’est pas satisfaisante pour l’esprit et pour le cœur. L’affectif n’a pas sa place ici, mais la recherche de l’authenticité historique, oui. Le biographe est contraint à des choix et sa réserve, souhaitable, ne doit pas occulter le réel. Chacun pensera ce qu’il voudra.

Le biographe est-il un historien ? Pour être sérieux, il doit l’être. En tout cas, il doit apprendre à se comporter comme tel : raisonner historiquement, c’est-à-dire replacer le fait dans son contexte, savoir en déceler les causes, analyser les conséquences même lointaines et en donner une explication socio-culturelle.

Il est une raison précise, pour laquelle le biographe doit effectivement réagir en historien et se comporter comme tel. Il importe en effet d’éviter à tout prix cette monstruosité qu’est le biographisme, qui consiste à expliquer l’œuvre en fonction de la vie et uniquement ainsi. Avec cette conséquence absurde mais évidente que la lecture de la biographie finit par dispenser purement et simplement de celle de l’œuvre, par la remplacer, ce qui est une aberration. Ce serait grotesque si ce n’était grave, et à rapprocher en cela des adaptations et morceaux choisis qui font croire au lecteur qu’il a lu une œuvre, quand il n’en possède qu’une vue partielle et faussée, arbitraire, gratuite, aussi absurde qu’une compilation, aussi cloisonnée qu’une anthologie, aussi superficielle qu’un résumé.

Dans le cas d’un modèle qui serait un écrivain ou un artiste, le biographe est-il un critique ? Vraisemblablement pas. Cependant, il faut le supposer connaisseur du sujet et de la période traités – sans quoi il n’est qu’un feuilletonniste. À partir de là, il a nécessairement compétence critique. On en revient encore au talent. Les biographes qui, au départ, sont journalistes, demeurent journalistes, et leur prose reste à l’unisson de leur fonction. Le biographe doit donc bien se comporter en historien, seule façon pour lui de se démarquer du plumitif et du raconteur d’anecdotes. À ce propos, il est bien évident qu’il faut bannir celle-ci, autant que faire se peut, de tout travail sérieux. Un recours rarissime à elle peut se concevoir lorsque, par exemple, le biographe aura su rendre l’extrême tension d’une période et éprouvera la nécessité stylistique de conclure son mouvement narratif par un sourire. Cela doit rester l’exception. Encore, l’anecdote susdite devra-t-elle être fort significative, sans quoi, elle serait gratuite ou posée là telle une affiche publicitaire. Utilitaire, l’anecdote est peu digne de considération.

Dans la forme, il ne devrait plus être concevable de faire paraître une biographie sans indication systématique des sources et des références. En ce domaine, il ne faut pas craindre la redondance parce que l’usage qui peut être fait de ces indications est, chaque fois, différent. On mentionnera donc les références complètes des citations en notes infra-paginales, les sources étant thématiquement regroupées en fin de volume.

Il n’est pas davantage admissible qu’un travail de ce genre soit privé d’annexes importantes, non pour effectuer un stupide déballage d’érudition, mais pour permettre au lecteur qui en est désireux d’aller plus loin. Au minimum, les annexes comprendront bibliographie, discographie et filmographie. On ne peut faire moins – sauf, à l’évidence, si l’une ou l’autre était sans objet. Elles seront complétées, selon le sujet, de toute liste, tout état thématique utiles à l’obtention de bons repères dans l’ouvrage.

Évidemment, un index des noms est rigoureusement indispensable, qu’on complètera d’un index des lieux, voire d’un index des œuvres. Sans index, le volume n’est plus consultable une fois achevée la lecture initiale, à moins d’être doté d’une remarquable mémoire, ou de connaître soi-même le sujet à fond.

Ces annexes ne devront pas représenter un total inférieur à une trentaine de pages, sauf à être incomplètes et, par conséquent, inutilisables. Le but, naturellement, n’est pas de « gonfler », très artificiellement, l’ouvrage, mais d’en faire un outil de travail, sans exclure le plaisir de la lecture. Aucun lecteur n’est tenu de servir des annexes. Il importe toutefois de lui en donner la possibilité. Une biographie « nue » est rarement très belle.

 

mardi, 20 septembre 2005

Après une semaine

Cinquante-deux commentaires apportés, à ce jour, à la note Le roman, l’écriture, auxquels il faut ajouter les quinze de celle intitulée Faites sortir la rentrée, soit soixante-sept commentaires soulevés par un sujet presque unique.

Puisque nous parlons chiffres, cinq personnes, parmi celles que j’ai conviées, ne se sont jamais exprimées. Comme je l’ai dit, il n’y a aucune obligation, évidemment. C’est juste pour faire le point après une semaine d’activité de ce blog « réservé ». Sa fréquentation quotidienne a chuté des deux tiers par rapport à l’ancien. Le pic horaire de 10 h-11 h 30, remarqué sur l’ancien blog, existe toujours, mais il est très nettement devancé par un autre, qui se situe aux alentours de 15 h.

Tout cela n’est pas si mal, peut-être, compte tenu des portes fermées, des sujets traités et de l’importance (en longueur aussi) des commentaires. Je vous remercie tous.

11:40 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (12)

lundi, 19 septembre 2005

Ainsi parlait le paysage, 3

Dans les deux précédentes notes de cette série, parues dans lancien blog, le paysage interdisait, puis commandait.

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Ici, il réserve, ce qui est au fond une façon dinterdire. Quant aux marchés, il en existe vraiment de toute sorte.

Quand je pense que quelquun a écrit un livre intitulé On nemporte pas les arbres. Ce nest même pas vrai...

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dimanche, 18 septembre 2005

Petite ode à la ville-piège

Écœurés du retrait d’hiver, il arrive que nous tirions la porte. À peine avons-nous laissé nos bois, qu’une sorte de vertige nous saisit. Paradoxalement, le choc est moins fort quand nous roulons à deux-mille kilomètres : loin, l’habitacle de la voiture nous protège, devient une part de la maison déléguée dans l’espace géographique. Quand nous « montons » à cinquante kilomètres, le tunnel de l’autoroute nous expulse vers un monde obscur. Paris crayonne avec ses suies, ses arbres brûlés sur ses bords. Ses vapeurs empoisonnées regorgent de distractions, de belles femmes.

 

 

Je sais des gens qui ne peuvent supporter un crépuscule à la campagne : l’égorgement quotidien du soleil les affole. Pour ces sensibles, qui n’ont pas admis nos combats, et nos férocités, la mort partout présente bouche les issues. La ville pose un bandeau sur leurs yeux. Elle les rassure, mais à quel prix ? Ils roulent, travaillent, procréent, meurent, sans rien savoir de l’agitation qui les mène. Les yeux calcinés aux lumières, ils oublient le trou devant eux et se bercent au grondement que la ville fait vibrer : les turbines, les transmissions, qui domptent la nature des choses et montent un rempart devant la nuit. Évacués de leur personne, les habitants des villes acceptent toutes les brimades. Ils s’estiment privilégiés quand on veut bien de leur argent. Ils paient pour s’arrêter. Ils paient pour repartir. Ils paient pour uriner et pour s’asseoir. Pour traverser et pour se faire verbaliser. Les grandes images colorées qu’ils vont voir dans les cinémas assument leurs sensations et leurs désirs. Ces ombres tuent, pillent, violent, torturent, séduisent à leur place. Elles enchaînent avec les cauchemars et les poursuites de leur existence. Quelquefois même, elles les font rire.

 

 

Les dernières bêtes libres, couchées au fond des bois, dans une boucle du fleuve, observent. Elles attendent que la ville s’effondre pour entrer. Demain sera le jour de leur victoire.

 

 

Luc Bérimont, Les Ficelles, EFR, 1974.

samedi, 17 septembre 2005

René

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Mon père tenait dans sa main

Toutes les forêts familières

Mon père tenait dans sa main

Toutes les boucles des chemins

 

(…)

 

Mon père tenait dans sa main

Toutes les lampes des chaumières

Mon père tenait dans sa main

L’ombre soyeuse des sapins

 

(…)

 

Mon père tenait dans sa main

Toutes les sources de la terre

Mon père tenait dans sa main

L’étoile froide des matins

 

(…)

 

Loin derrière et puis loin devant

La terre a la couleur du vent

Dans les jardins plantés en pente

Les oiseaux sont des fleurs volantes

 

Luc Bérimont

 

 

 

 

14:35 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (1)

Septembre

Septembre a la peau moite. Il se fait lourd sur la ville aux arbres que leur condition de prétexte angoisse. Le septembre urbain sent la voiture et l’huile de vidange. Il a la couleur du flic de service : septembre est bleu-marine. Son air collant empoisse le béton. Les feuilles des platanes craquent dans la cour comme si Jupiter marchait dans un sous-bois, quêtant une terrienne aux cheveux défaits et aux seins ronds et blancs. Le gravier se prend pour un chapelet et le vent le chasse en priant. L’oralité du vent est, en septembre, le cantique patient de l’attente.

07:00 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (5)

vendredi, 16 septembre 2005

Les mémoires du taulier

J’ai récupéré l’essentiel des Réflexions sur les blogs, parues dans « Les mots ont un sens » avant sa fermeture. Je les redonne ici, sous le titre, désormais générique puisqu’à n’en pas douter, il y aura d’autres remarques, de Les mémoires du taulier.

 

 

C’est un phénomène de mode, certes, et la plupart n’ont rien à dire, qui l’écrivent gaiement et à répétition. Qui n’a pas aujourd’hui son blog, version virtuelle du nombril à l’air, vitrine de l’autosatisfaction dérisoire ? Dans le même temps, et c’est cruel, révélateur des médiocrités.

Le blog, c’est la quintessence du souffle court, la couronne de lauriers de la plume aux petites jambes. C’est la justification du pas grand-chose quand il se prend pour un éditorialiste de renom. Et les éditorialistes, déjà, ce n’est vraiment pas beaucoup… Pourtant, il est bon, je pense, que chacun puisse écrire ainsi ce qui lui tient à cœur. Un jour ou l’autre, la source est tarie et le blog ferme.

Je ne connais pas tous les blogs, certes, mais pour le moment n’en sais pas plus de quatre ou cinq, lisibles et de haute tenue. Et originaux, ce qui ne gâche rien. Puisse celui-ci venir s’agréger à ses plus illustres devanciers.

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Je me suis souvent demandé ce que les lecteurs des blogs venaient chercher.

Est-ce pitance, c’est-à-dire mets de leur goût ? Si oui, aiment-ils uniquement quelques plats ou apprécient-ils le restaurant, voire la patronne ? Dans le premier cas, se trouverait expliqué le fait qu’incompréhensiblement des notes de quelque intérêt demeurent sans commentaires. Dans le second, rien ne l’expliquerait car, s’ils n’apprécient que l’endroit, le chef, le service, la taulière mais non les plats, que viennent-ils faire, sachant que le menu change tout le temps et n’est jamais à prix fixe ? Quand je vois une note s'éterniser sans commentaires, j'ai parfois l'impression qu'on jette les couverts avec les reliefs du repas.

Peut-être aimeraient-ils donc trouver autre chose, ces lecteurs. Mais quoi ? Ils devront bien comprendre qu'on ne leur servira pas forcément ce qu'ils demandent, bien plutôt ce que le patron aura décidé. En aucun cas, on ne proposera de soupe claire, de plat tiède ou de boisson douceâtre. Le café est servi sans sucre, sans chocolat, sans gâteau et sans verre d'eau. Austérité.

Cela dit, si vous avez envie de serrer la main du propriétaire, de partager avec lui une bouteille de château-margaux, de traîner un moment d'éternité dans les yeux attentifs et discrets de la serveuse, si vous avez envie de silences éloquents, bienvenue, mais enfin, signalez-vous.

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Le phénomène des blogs a donné à chacun une possibilité de libre expression et d’immédiateté. Lorsque la mode sera passée, on verra bien lesquels demeureront.

Il a, je pense, sonné le glas des revues littéraires dites de création. Les auteurs n’attendront plus six ou neuf mois, voire davantage, pour être « publiés » dans des opuscules confidentiels, mal mis en pages, mal imprimés, non diffusés et lus de loin par les responsables d’une autre revue. Car les lecteurs des revues littéraires sont les administrateurs de la revue d’en face, et réciproquement. Tout ce petit monde s’auto-commente et s’auto-congratule. Désormais, c’est terminé. Je sais de quoi je parle, ayant autrefois donné à lire plusieurs dizaines de textes dans des revues de France, de Belgique et d’Italie, ayant moi-même fait partie des équipes rédactionnelles de deux revues. J’ai arrêté lorsque je me suis convaincu de l’inanité de tout cela – après cinq années de revuisme, tout de même. Le minable pouvoir des « directeurs de publication », des « rédacteurs en chef » et des « comités de lecture » ringardissimes, auscultant avec grand sérieux des manuscrits essoufflés de deux à trois pages, prétentieusement ornés du timbre sec d’un huissier de justice – des fois qu’on veuille voler un tel trésor, le publier sous un autre nom ! – tout cela a disparu. Avec le blog, publication immédiate. Ce qui explique aussi qu’on puisse voir paraître, sur nos écrans, de calamiteux carnets agrémentés de photos de famille ratées. C’est un autre problème et la fin de la mode effacera tout cela, fera le tri.

Le blog a donné aussi aux jaloux l’occasion de nuire à peu de frais et toujours courageusement cachés derrière leur anonymat, bien sûr. En ce qui concerne ce lieu, la règle que je me suis fixée est fort simple : je ne répondrai jamais aux commentaires ironiques, insultants ou donneurs de leçons. Je ne les effacerai pas, bien entendu. Ils demeureront là, tragiquement isolés dans la stérilité et la médiocrité, seuls, sans écho, pauvres témoins d’un défoulement momentané de leur auteur.

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Dans Le Monde du 21 mai a paru un article consacré aux blogs, article d’une rare indigence et d’une consternante banalité. On s’attriste de trouver une telle platitude dans ce qui fut un journal de référence.

Cette piteuse lecture m’amène à de nouvelles réflexions sur les blogs. En un peu plus d’un mois de pratique, j’ai bien constaté que ce qui faisait réagir les lecteurs était l’actualité : sujets politiques et de société. Le reste, notes consacrées à des écrivains, nouvelles, humeur, propos « techniques », intéresse bien moins. Ce qui tendrait à faire de l’activité du blogueur une forme nouvelle de journalisme pur et simple, ce contre quoi je m’insurge évidemment. Plus exactement, il faut certes profiter du blog pour priver la presse d’une partie de son pouvoir jusque là exclusif – encore faut-il en avoir le talent – mais ne pas limiter à des billets d’actualité ce qui peut relever d'une invention formidable.

Je pense que certains blogueurs n'hésitent pas à donner à leur public des notes sur mesure, écrites pour intéresser et recueillir le maximum de commentaires. Cette forme d'audimat privé ne me convient guère. Cependant, la lecture des innombrables blogs permet, à l'évidence, de le constater, et ce quel que soit le thème initial du blog. Quand il en a un.

Dans une note du 19 avril dernier, j'écrivais : « Ils [les lecteurs] devront bien comprendre qu'on ne leur servira pas forcément ce qu'ils demandent, bien plutôt ce que le patron aura décidé ». En ce lieu, en tout cas, il en va et en ira ainsi.

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Je ne pensais pas publier si rapidement d'autres réflexions sur les blogs. Il se trouve que Le Nouvel Observateur vient de faire paraître un article réellement très pauvre, faisant le point (un point bien rapide, bien superficiel) sur les blogs littéraires. Je n’ai rien contre l’Observateur, encore que, comme Le Monde, il soit devenu l’ombre de lui-même. La platitude de cet article est vraiment consternante. Où est le savoir épicé de l’Observateur que j’ai connu ?

Sartre, revenez, on s’ennuie !

J’allais écrire que la presse traditionnelle (comprendre : la presse en papier, quoi, avec des pages qui se déchirent à défaut d’être déchirantes) commençait à être agacée par les moustiques libres de piquer ici et là sur internet – oh, juste agacée, il ne faudrait pas nous exagérer notre importance tout de même – lorsque j’ai lu la même chose, en substance, sous la plume de
Juan Asensio qui m’avait devancé. Il reste que les blogs existent suffisamment pour que, coup sur coup, Le Monde et l’Observateur s’en aperçoivent et s’en émeuvent comme on gratte une piqûre soudainement apparue, en se disant que c’est gênant mais au fond bien peu de chose et que cela disparaîtra bientôt.

La quasi nullité des articles proposés par ces deux grands journaux doit toutefois nous encourager chaque jour à davantage d’exigence dans nos lectures, dans notre pensée, dans notre écriture. C'est difficile. Vivre debout est toujours difficile.

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J’ai remarqué que certains blogs proposaient des liens vers… les journaux. Cela m’a paru incroyable. Quel est l’intérêt de lier Le Monde, Libération ou un autre ? Comme si l’on avait besoin de ces blogs pour trouver le chemin des grands quotidiens… C’est à se demander si l’architecture prévue par les plate-formes de blogs n'en arrive pas à contraindre les auteurs à utiliser par principe toutes les fonctionnalités, même s’ils n’ont rien à dire, rien à y mettre. Bientôt, sur les blogs, des liens vers la météo ! À noter (et à regretter) que cela se produit même sur les blogs supposés littéraires. Ça doit faire bien, cela doit poser son auteur, de lier Le Monde. Enfin, dans l’esprit de l’auteur…

On constate aussi que certains liens sont communs à des gens très opposés. C'est tout de même étonnant, surtout lorsqu'ils aboutissent à des blogs très connotés politiquement. Peu importe ici lesquels. La chose en soi me laisse sans voix. Je sais bien que je suis d'un âge préhistorique où l'on disait : « Tout est politique », mais je pense qu'il ne peut pas être indifférent de lier tel ou tel.

Autre constatation : il se crée de plus en plus de blogs dont l'objet est d'en choisir d'autres afin de les faire connaître. Je ne discuterai pas ici des choix effectués ni de l'autorité auto-proclamée des sélectionneurs. Ce qui est intéressant à remarquer, c'est bien l'émergence d'une forme de critique des blogs. Il est piquant de constater qu'une chose récente ou nouvelle, quelle qu'elle soit, fait rapidement naître une administration, une intendance, une gestion : ici, après les annuaires, la critique, l'argus, sont en train de s'installer. Sur le fond, pourquoi pas ? La réserve porte sur la forme, on s'en doute : c'est une critique journalistique, disons, c'est-à-dire répondant aux critères suivants : sollicitations clinquantes et brièveté insipide des notes. À quand Le Monde des blogs ? Peu importe d'ailleurs, puisque naîtra peut-être un jour une critique de blogs de haute volée.

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Entre 10 et 11 h 30 environ, la fréquentation de ce blog connaît une pointe. Chaque jour, sans exception, le confirme. Lorsqu’il n’y a pas de nouvelle note, elle baisse rapidement, juste le temps, je suppose, pour les visiteurs, de lire les derniers commentaires, ceux de la veille, de la nuit, du matin, avant de s’en aller.

D’où la question que se pose, forcément, le taulier. Doit-il publier une note chaque jour ?

En juin dernier, je l’ai fait par jeu. Ce n’était pas très intéressant pour moi, même si, pour les autres, c’était varié. Disons-le : on ne peut pas faire une note par jour. J’entends : un texte d’une longueur au moins moyenne, qui dépasse tout de même les trois lignes, avec ou sans photographie, et qui ait une signification si possible autre qu’anecdotique. Mon but n’est certes pas de critiquer ceux qui le font, je ne livre ici que des considérations personnelles.

Donc, et ce n’est pas la première fois que j’en parle ici,
mais c’est peut-être parce que j’y pense souvent, je me demande ce que viennent chercher les lecteurs. J’ai la chance d’avoir un public dont les réflexions dépassent « Moi aussi », « Ah oui, c’est vrai », et ce, que nous soyons ou non d’accord. Mais, en tout état de cause, je le répète, ici, le patron sert ce qu’il veut. Je refuse de tomber dans le piège du « Qu’est-ce que je pourrais bien leur raconter aujourd’hui ? ». Je persiste à dire que les forums sont plus riches que les blogs dans leur principe, parce que chacun peut proposer des sujets, lancer des discussions. Dans le blog, la plupart du temps, les commentaires sont liés au billet initial : ici, et j’en suis heureux, ils s’en détachent souvent, des conversations naissent alors entre les participants, ce qui finalement recrée un forum.

Autre sujet d’interrogation : jusqu’où dois-je rester courtois ? Il se trouve que je ne fais aucun effort, c’est ma tendance naturelle, ici et dans la vie. Mais je ne peux m’empêcher de réfléchir à cela. S’il se dit ici des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord, quelle doit être mon attitude ? Je suis sûr d’une chose : je n’ai jamais effacé ni caviardé aucun message et je ne le ferai jamais (il ne manquerait plus que ça !). Il a pu m’arriver de laisser dire, voire de protester sans trop de vigueur. C’est le débat dans lequel je me trouve à présent. Ma tendance naturelle, encore elle, est : « Cause toujours ». Donc, je ne dis rien. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas. Toutefois, je déteste la polémique. Par conséquent, il est difficile de cerner mes possibilités de protestation et leurs conséquences éventuelles. Il est certain toutefois que je ne laisserai pas dire d’énormités dans ces pages sans gueuler un brin.

14:30 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)

Le roman, l'écriture

En mars dernier, sur le forum de Romain Gary, j’avais ouvert un fil de discussion qui évoquait déjà ces questions du roman, de la littérature et de l’écriture. Je redonne ci-après l’essentiel du message initial et relance le débat dans le droit fil de ce que nous disions hier.

 

Ce qui m’ennuie, c’est cette assimilation – qui est celle de la plus grande partie du public – entre livre et roman. Lire, c’est lire des romans. Corollaire : un livre, ça raconte une histoire.

Et là, je ne peux plus suivre. Je lis des documents, des essais, des études, des biographies, des souvenirs, des recueils de correspondance, des pièces de théâtre, des poèmes, des livres d’histoire… et j’ai bien, cependant, le sentiment de lire. J’enrage d’ailleurs lorsque, pestant contre l’écriture souvent peu soignée de ce type d’ouvrage, je m’entends répondre : « Ce n’est pas un roman » ou « Ce n’est pas de la littérature ». En général, la personne qui me sort une ânerie pareille ne le fait pas une seconde fois. Comme si un document ne devait pas être écrit ! Encore que cela s’arrange un peu, depuis quelque temps.

Je ne peux pas comprendre qu’on oppose le roman en tant que genre supposé noble (et pourquoi diable ?) à tout le reste.

Évidemment, il y a Gary.

Gary et le roman. Mais il ne faut pas interpréter les paroles et les opinions d’un homme qui, comme vous le savez, est mort il y a à peu près un quart de siècle. Il faut être rigoureux : nous ne savons rien de la façon dont Gary aurait pu évoluer et de ce que serait devenue son opinion sur le roman. Surtout face aux six ou sept-cents romans publiés en septembre et cinq ou six-cents publiés en janvier, comme c’est systématiquement le cas depuis quelques années. Il faudrait connaître le sentiment de Gary sur l’évolution de l’édition depuis vingt-cinq ans et comme ce n’est pas possible…

En tout cas, et pour résumer, j’ai toujours beaucoup de mal à lire ces assimilations de la chose écrite au roman.

Qu’en pensez-vous ?

Dans le courant du débat, j’ai encore noté ceci.


Les invectives de Gary contre le Nouveau Roman, encore une fois, datent de l’époque... du Nouveau Roman. Nous pouvons continuer d’aimer Gary, mais il n’est plus là, il faut bien l’admettre, et ce depuis vingt-cinq ans. Que dirait-il aujourd’hui ?

Ce que je voudrais exprimer – et il semble que je n’en sois pas capable – c’est qu’il est humainement et intellectuellement impossible de considérer le roman (égale histoire racontée) comme Le Livre. Faites l’expérience, regardez ce qui se lit, ce qui se publie (qui flatte d’ailleurs servilement les lecteurs et surtout les acheteurs), ce qui s’emprunte. Parlez autour de vous, vous verrez : pour neuf personnes sur dix, lire, c’est lire un roman.

C’est ce que je voudrais souligner, parce que j’y pense depuis fort longtemps : l’acte même de lire est devenu celui de lire une histoire.

jeudi, 15 septembre 2005

Autres rapaces

À titre indicatif, j'ai encore été insulté deux fois ce matin, en l'espace de deux minutes, par deux personnes différentes, l'une dans ma messagerie personnelle (Traube, sous son véritable nom), l'autre sur LSP (sous pseudonyme). Tout est dans l'ordre.

 

Ces personnes, comme toujours, n'ont rien à me reprocher sinon le fait d'exister. C'est comme ça. Je dérange.

 

11:26 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)

Faites sortir la rentrée

L’hypocrite marée qu’on a coutume de désigner sous le nom fallacieux de « rentrée littéraire » est remontée jusqu’à la rive. Voilà, ça y est, la mer est pleine, nous sommes tranquilles jusqu’en janvier, date à laquelle une autre marée submergera le littoral.


Plusieurs centaines de romans, désormais, paraissent ainsi deux fois par an. Le phénomène n’est pas si vieux. Il y eut toujours des « rentrées littéraires » – comme si la littérature sortait –,  mais elles ne proposaient pas, deux fois l’an, six à sept-cents romans. Et puis, une question : si l’on ne veut pas de romans, que fait-on ? Car, on ne le dit peut-être pas assez, ces volumes, il faut les disposer sur les tables et dans les rayons, sur les éventaires, dans les vitrines. Ces livres prennent la place d’autres. Répétons-le : ces ouvrages occupent une place que l’on pourrait utilement réserver à d’autres domaines. Disons-le encore : les romans occupent tout l'espace. Martelons : il n'y a plus d'endroit où poser les livres relevant d'autres préoccupations. Pour tout le monde, lire, c’est lire des romans.


Il n’est pas question de manifester un quelconque ostracisme. Il est uniquement question de réclamer pour les autres livres le droit à l’existence. Un peu d’air pour eux, les pauvres. De toute manière, l’amateur de romans ne lira jamais mille quatre-cents livres par an. Il n’en lira pas trente non plus, ne serait-ce que parce que son budget ne le lui permettra pas. J’entends déjà l’argument que l’on croit susceptible de convaincre : le choix. Ah, le choix !


D’abord, c’est faux. Si l’acheteur de romans au budget moyen élimine tout ce qu’il ne pourra pas s’offrir, le choix devient restreint. Ensuite, qu’est-ce que choisir entre rien et rien ? Tous ces textes interchangeables, ces couvertures racoleuses, ces quatrièmes de couverture préfabriquées… Ces briquettes de papier encollées à la diable n’ont pour but que de faire de la cavalerie, c’est-à-dire de la trésorerie pour les éditeurs. En inondant les librairies d’ouvrages de sa marque, l’éditeur Machin étale son label jusqu’à ce que le chaland, inconsciemment, le photographie : s’il y a tant de livres parus dans cette maison, c’est qu’il s’agit d’un grand éditeur et, corollairement, les livres sont bons puisque ce sont ceux d’un grand éditeur. Quant aux « offices », ils procurent de l’argent frais. Enfin, les sept-cents titres de l’automne disparaîtront forcément quand arriveront les sept-cents volumes de janvier. Sans compter qu’entre-temps, il aura fallu faire de la place pour les livres d’étrennes, ces boîtes de chocolats que personne n’ouvre jamais mais qui ont l’avantage de coûter cher.


Je proteste aussi contre l’appellation « littéraire ». La littérature, ce n’est pas que le roman. Il faudra bien, quelque jour, faire rendre gorge à cette idée reçue. Et cela ouvre un autre débat que j’avais esquissé ailleurs sur l’impérieuse nécessité d’écrire les documents, les biographies, les études, les livres de critique, d'histoire. Je me propose d’y revenir.

mercredi, 14 septembre 2005

Rapaces sans miséricorde

Tout de même, je ne puis m’empêcher de penser à ce dont sont capables des esprits qui s’ennuient et qui nuisent. Internet donne un « courage » – c’est vraiment une façon de parler – que les mêmes, évidemment, n’auraient pas, s’ils voyaient en face d’eux les personnes dont ils ont fait leurs cibles de prédilection. Alors que, devant un écran… (Je m’amuse d’ailleurs considérablement d’entendre dire, en permanence : « Derrière un écran ». Il vaut mieux, à mon avis, se trouver devant).

 

La pathologie de ces rapaces sans miséricorde mais non sans médiocrité me laisse coi. Quel médecin de génie saura-t-il un jour les soulager de leur infortune ? Ce qui est effarant, c’est de constater combien les crétins considèrent l’humanité entière comme un ramassis d’idiots. Combien ils se croient indispensables, voire investis d’une mission. Hors d’atteinte de la raison raisonnante, loin des effarements du cœur naturellement, ils respirent l’air d’un no man’s land indécis où ils se prennent pour ceux qui disent le droit. J’ai parlé ailleurs d’ « imprécateurs en carton ». Cette effrayante maladie mentale qui fait que tout se mêle, fatras de mots, de rancœur, de mégalomanie, de souffrance, de médisance et d’hystérie n’est pas mesurable. On ne peut donc qu’en faire les frais.

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D’où vient par ailleurs que, dans tous les forums et blogs que j’ai pu fréquenter, des bagarres soient nées rapidement, culminant aux alentours du sixième mois ? Y aurait-il une durée particulière et fixe des gestations du désordre ? J’ai beau être le plus amical des hommes, rien n’y fait. Autrefois, j’en souffrais considérablement. Aujourd’hui, je m’en moque mais me lasse toutefois rapidement. Comme je hais les polémiques, il ne me reste qu’à m’en aller. La stérilité m’est insupportable. Savoir qu’il demeure devant soi moins de chemin à parcourir que, derrière, celui déjà arpenté, n’ajoute guère à la patience. Il reste trop peu de temps, trop peu de vie à l’horizon, tout gaspillage serait catastrophique.


 

 

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mardi, 13 septembre 2005

Deux notes du blog précédent

mercredi, 24 août 2005

Août, 2

Rien à faire, l’été s’obstine à s’éteindre. Il conserve une peau douce et quelques traits de mascara vert, mais une sueur froide a pris son front et le ceint d’abandon. Ses  lauriers ternissent. Il semble qu’une main gigantesque l’attire sinistrement vers un gouffre sombre et qu’il n’ait guère le goût de résister. Le vent donne la parole au feuillage des chênes que leur seul nom de « vert » paraît garantir du naufrage. Leurs glands tombés s’embrument de vieillesse. Dans les branches, un bruit régulier signale la présence d’une bête invisible. Ce n’est pas un oiseau, peut-être un écureuil, cet enfant de rousseur aux yeux d’outre-monde. Sous les pas du promeneur, les feuilles mortes déjà craquent sensiblement, comme la mémoire d’une force enchaînée, éteinte. Les mûres ont noirci, mais pas toutes. Chaque journée en fera rougir puis foncer de nouvelles. Parfois, d’immenses ronces recourbées en protègent les grappes. Certains ronciers sont stériles. À quoi peut bien servir un roncier stérile ? Dans les pierriers, les ronces s’agrippent au temps qui passe.

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samedi, 20 août 2005

Août

L’été se casse lentement. Il a passé une chemise de vent et s’est curieusement coiffé. Il lui arrive de pleurer ce qu’il pressent de son avenir. Les murs de son appartement de collines seront à repeindre l’an prochain. Il faudra aussi changer la moquette, au printemps. Son souffle est moins ample, il respire à plus petites bouffées, s’économise. Il devient raisonnable. De pamphlétaire, il vire au feuilletoniste. Sur le plateau du tourne-disques, un enregistrement de poèmes du XVIe siècle. De magnifiques blasons. Ce qu’il ne fallait pas faire pour amener la belle au déduit, tout de même ! C’est charmant – et quel talent ! Dans les verres, un bordeaux très honnête sinon grand. Le pain s’ouvre sous le couteau, le fromage sent le fromage. Fichu pays de France… Dans les sous-bois déjà, des morceaux d’or chutent gracieusement et forment au sol la litière des dieux. La fougère, cette barbe de trois jours des coteaux mal rasés, brunit rapidement. Il semble que les routes tortillonnent vers l’oubli. Sur le bas-côté, les gravillons et l’herbe folle ont scellé leurs destins.

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Les trois dernières notes du blog précédent

dimanche, 11 septembre 2005

Pour finir

Le nombre de mes ennemis présents sur la Toile ne cesse d’augmenter. Je les dérange en existant, en somme. Tout cela n’est pas très important. J’ai autre chose dans ma vie. Toutefois, je n’ai pas d’énergie à consacrer à des débats stériles avec eux, c’est très ennuyeux, lassant.

J’ai dit cent fois ici et ailleurs que ce blog n’était pas indispensable à ma survie. Mes réflexions sur les blogs et l’utilisation qui en est faite, qui pourrait surtout en être faite si le monde était intelligent, montrent – du moins, je le pensais – que je n’agis jamais sans réfléchir à ce que je fais, à sa nature, à sa très éventuelle valeur. Imaginer que, ce faisant, je me prends au sérieux serait une erreur. Bah, brisons là.

Ce lieu fermera donc dimanche prochain, le 18 septembre au soir. Je laisserai cette note affichée une semaine, afin d’informer ceux que mes petites bêtises intéressaient, pour qu’ils ne se cassent pas le nez sur une porte fermée, avec cette désagréable mention : « La page est introuvable ». Les commentaires restent ouverts, mais cette fois, je n’y répondrai pas.

Je n’ai aucune colère, aucune animosité, aucune aigreur.

Amitiés à tous. Bonsoir.

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jeudi, 08 septembre 2005

Les mémoires du taulier

Entre 10 et 11 h 30 environ, la fréquentation de ce blog connaît une pointe. Chaque jour, sans exception, le confirme. Lorsqu’il n’y a pas de nouvelle note, elle baisse rapidement, juste le temps, je suppose, pour les visiteurs, de lire les derniers commentaires, ceux de la veille, de la nuit, du matin, avant de s’en aller.

D’où la question que se pose, forcément, le taulier. Doit-il publier une note chaque jour ?

En juin dernier, je l’ai fait par jeu. Ce n’était pas très intéressant pour moi, même si, pour les autres, c’était varié. Disons-le : on ne peut pas faire une note par jour. J’entends : un texte d’une longueur au moins moyenne, qui dépasse tout de même les trois lignes, avec ou sans photographie, et qui ait une signification si possible autre qu’anecdotique. Mon but n’est certes pas de critiquer ceux qui le font, je ne livre ici que des considérations personnelles.

Donc, et ce n’est pas la première fois que j’en parle ici, mais c’est peut-être parce que j’y pense souvent, je me demande ce que viennent chercher les lecteurs. J’ai la chance d’avoir un public dont les réflexions dépassent « Moi aussi », « Ah oui, c’est vrai », et ce, que nous soyons ou non d’accord. Mais, en tout état de cause, je le répète, ici, le patron sert ce qu’il veut. Je refuse de tomber dans le piège du « Qu’est-ce que je pourrais bien leur raconter aujourd’hui ? ». Je persiste à dire que les forums sont plus riches que les blogs dans leur principe, parce que chacun peut proposer des sujets, lancer des discussions. Dans le blog, la plupart du temps, les commentaires sont liés au billet initial : ici, et j’en suis heureux, ils s’en détachent souvent, des conversations naissent alors entre les participants, ce qui finalement recrée un forum.

Autre sujet d’interrogation : jusqu’où dois-je rester courtois ? Il se trouve que je ne fais aucun effort, c’est ma tendance naturelle, ici et dans la vie. Mais je ne peux m’empêcher de réfléchir à cela. S’il se dit ici des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord, quelle doit être mon attitude ? Je suis sûr d’une chose : je n’ai jamais effacé ni caviardé aucun message et je ne le ferai jamais (il ne manquerait plus que ça !). Il a pu m’arriver de laisser dire, voire de protester sans trop de vigueur. C’est le débat dans lequel je me trouve à présent. Ma tendance naturelle, encore elle, est : « Cause toujours ». Donc, je ne dis rien. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas. Toutefois, je déteste la polémique. Par conséquent, il est difficile de cerner mes possibilités de protestation et leurs conséquences éventuelles. Il est certain toutefois que je ne laisserai pas dire d’énormités dans ces pages sans gueuler un brin.

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mercredi, 07 septembre 2005

Un texte de Luc Bérimont sur la critique


Voici une opinion de Luc Bérimont (1915-1983), poète et écrivain français trop oublié. Elle a été publiée dans la revue Tel Quel. Je ne puis malheureusement pas préciser la date de la livraison, mais on sait que Tel Quel a paru à partir de 1960.
Quelques aspects de ce texte, peu au bout du compte, ont vieilli. Pour le reste, cette glose, d’une belle exigence, demeure considérable et proche de notre temps. Je n'en déteste pas la clausule.


J’attends de la critique qu’elle soit « éclairante », c’est-à-dire qu’elle me renseigne sur mes erreurs et sur mes fautes de parcours. J’attends aussi qu’elle comprenne le chiffre du livre, qu’elle décrypte, qu’elle m’aide à mieux m’enfoncer, à mieux entrer dans le jeu qui est le mien, dans la combinaison qui est la mienne à mon insu. Or – à une ou deux exceptions près – la critique (qui devrait servir de pont entre l’écrivain et ses lecteurs) est résolument tournée vers le public, à qui elle adresse des clins d’œil – quand elle ne fait pas des bons mots ! Le critique fait la roue, étale son érudition, masque le livre qu’il a pour mission d’éclairer. Le raisonnement analogique, les données comparatives, embrouillent encore plus, s’il se peut, les conclusions hasardeuses des docteurs. J’ai été, pour un roman récent, comparé tour à tour à Cronin, à Malaparte, à Camus, à Kafka et à Barbey d’Aurevilly. Je m’excuse de ne pas me sentir flatté de ces patronages illustres. Et surtout, je voudrais comprendre ce qu’il peut y avoir de commun entre Cronin et Malaparte ? Je sais bien qu’il y a un livre – le livre ! – écrit tous les deux ou trois siècles, et que tout le monde imite, interprète ou recopie, ou prolonge. Mais cela m’aiderait tellement si la critique était d’accord sur le livre que je prolonge, moi !...

Donc, et en conclusion, il est inutile de s’écrier : « Il n’y a plus de critique », ceci en levant les deux bras. « Plus de critique depuis Thibaudet ! » (sic). Il n’y a sans doute jamais eu de critiques « créateurs », au sens noble de l’expression. Si, Bachelard était un critique créateur. Mais était-ce un critique ? Pas une fois, il n’a sacrifié à l’anecdote, au pittoresque, au goût du jour. Il y a, d’un côté, la critique à ce niveau-là et, de l’autre, les échotiers. Le nom est d’autant plus justifié que, de nos jours, le critique ne lit plus – sinon « en diagonale ». La fréquentation des milieux littéraires, des cocktails et des confrères suffit à l’alerter. « Bel écho. Criez fort ». Ceci explique pourquoi tout le monde parle du même livre, en même temps : en chaîne. La curiosité, le crédit littéraire, sont morts depuis longtemps. Les mauvais écrivains célèbres les ont tués. Je comprends du reste parfaitement que la nécessité où se trouve le critique d’un grand journal de parler du dernier roman de la strip-teaseuse à la mode ou de la récente autobiographie de l’abominable homme des neiges ait dégoûté et détourné notre homme de la littérature. Un critique posait récemment la question : « Si Montaigne vivait de nos jours, trouverait-il un éditeur pour ses Essais ? » Franchement, je ne le crois pas. De même que je ne crois pas qu’il trouverait deux lecteurs parmi ces professionnels de la critique qui ne cessent de l’invoquer. On joue bien avec Robbe-Grillet, mais on sait que personne ne l’a lu. Alors ?... Alors, si l’un de nous a du talent, cela se saura dans un siècle ou deux : juste après la guerre atomique à laquelle personne ne croit mais qui aura lieu quand même. Je le parie sur nos ossements.

14:50 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)

Pour commencer

Et voilà.

Je n’allais pas me taire, tout de même. Je ne me suis jamais tu. « La bêtise au front de taureau » dont parlait Baudelaire n’emportera pas tout sur son passage. Il suffit de renaître, c’est très facile. Pour cela, un retour au lit qui nous vit apparaître est rapidement fait. 14, rue Franklin, je suis venu au monde, « sous le signe du paratonnerre » comme je me plais à le dire, pour plaisanter.

14, rue Franklin, je renais aujourd’hui. Mon décès aura duré vingt-quatre heures. Bienvenue.

Évidemment, créer un lieu public et en limiter l’accès peut paraître paradoxal, surtout pour quelqu’un qui ne vit que pour partager. Qu’y faire ? Il faut avancer. Trop peu d’énergie pour lutter contre les abrutis et les jaloux… Trop vieux pour ça, peut-être.

On repart.

11:25 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (40)