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vendredi, 16 septembre 2005

Le roman, l'écriture

En mars dernier, sur le forum de Romain Gary, j’avais ouvert un fil de discussion qui évoquait déjà ces questions du roman, de la littérature et de l’écriture. Je redonne ci-après l’essentiel du message initial et relance le débat dans le droit fil de ce que nous disions hier.

 

Ce qui m’ennuie, c’est cette assimilation – qui est celle de la plus grande partie du public – entre livre et roman. Lire, c’est lire des romans. Corollaire : un livre, ça raconte une histoire.

Et là, je ne peux plus suivre. Je lis des documents, des essais, des études, des biographies, des souvenirs, des recueils de correspondance, des pièces de théâtre, des poèmes, des livres d’histoire… et j’ai bien, cependant, le sentiment de lire. J’enrage d’ailleurs lorsque, pestant contre l’écriture souvent peu soignée de ce type d’ouvrage, je m’entends répondre : « Ce n’est pas un roman » ou « Ce n’est pas de la littérature ». En général, la personne qui me sort une ânerie pareille ne le fait pas une seconde fois. Comme si un document ne devait pas être écrit ! Encore que cela s’arrange un peu, depuis quelque temps.

Je ne peux pas comprendre qu’on oppose le roman en tant que genre supposé noble (et pourquoi diable ?) à tout le reste.

Évidemment, il y a Gary.

Gary et le roman. Mais il ne faut pas interpréter les paroles et les opinions d’un homme qui, comme vous le savez, est mort il y a à peu près un quart de siècle. Il faut être rigoureux : nous ne savons rien de la façon dont Gary aurait pu évoluer et de ce que serait devenue son opinion sur le roman. Surtout face aux six ou sept-cents romans publiés en septembre et cinq ou six-cents publiés en janvier, comme c’est systématiquement le cas depuis quelques années. Il faudrait connaître le sentiment de Gary sur l’évolution de l’édition depuis vingt-cinq ans et comme ce n’est pas possible…

En tout cas, et pour résumer, j’ai toujours beaucoup de mal à lire ces assimilations de la chose écrite au roman.

Qu’en pensez-vous ?

Dans le courant du débat, j’ai encore noté ceci.


Les invectives de Gary contre le Nouveau Roman, encore une fois, datent de l’époque... du Nouveau Roman. Nous pouvons continuer d’aimer Gary, mais il n’est plus là, il faut bien l’admettre, et ce depuis vingt-cinq ans. Que dirait-il aujourd’hui ?

Ce que je voudrais exprimer – et il semble que je n’en sois pas capable – c’est qu’il est humainement et intellectuellement impossible de considérer le roman (égale histoire racontée) comme Le Livre. Faites l’expérience, regardez ce qui se lit, ce qui se publie (qui flatte d’ailleurs servilement les lecteurs et surtout les acheteurs), ce qui s’emprunte. Parlez autour de vous, vous verrez : pour neuf personnes sur dix, lire, c’est lire un roman.

C’est ce que je voudrais souligner, parce que j’y pense depuis fort longtemps : l’acte même de lire est devenu celui de lire une histoire.

Commentaires

Comme d'habitude, le manichéisme est de mise. Si vous affirmez que l'on ne peut réduire la littérature au roman, la plupart des gens croient entendre le pédant affirmer que le roman n'est pas de la littérature. Or, bien entendu, il n'en est rien. La littérature, l'écrit, le Livre, appelons-le n'importe comment, peut aussi bien être un roman qu'une foule d'autre chose, comme vous le soulignez. Ne pas vouloir réduire l'écrit à la fiction romanesque n'empêche heureusement pas de reconnaître la valeur littéraire de certains romans. De même, une quantité d'essais, de biographies, de témoignages, de recueils historiques sont tout sauf de la littérature. Comme il a été dit hier, la façon dont certains ont bâclé leurs propres productions a poussé bien des gens à considérer que tout ce qui n'est pas fiction romanesque n'est pas littérature.
Ce n'est qu'une illustration de plus de l'enfermement toujours plus grand des pensées dans un manichéisme irréfléchi.

Écrit par : Tanguy Cardo | vendredi, 16 septembre 2005

Bien entendu. Mais comment sortir de là ? Comment lutter contre cette idée reçue ?

Incontestablement, les documents (ici, terme générique) sont aujourd'hui mieux écrits qu'il y a quelques années, heureusement. Mais ce n'est pas encore ça.

Mille quatre cents romans de plus chaque année n'amélioreront pas la situation.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 septembre 2005

Je fais une entrée tardive sur ce nouveau site et m’avance sur la pointe des pieds vers le devant de la scène afin de ne déranger personne.

Grave problème que celui évoqué, en effet, car on touche là à la définition même de la littérature. De plus , en y regardant de plus près, on s’aperçoit que cette définition évolue avec le temps. Chez tous les peuples, les premiers écrits (retranscription de récits oraux) sont épiques. L’épopée permet de glorifier les ancêtres et donc de légitimer la société établie par leurs descendants. On retrouve cela dans la Bible, chez Homère (l’Iliade), en France (Chanson de Roland), chez les peuples nordiques, etc.
Dans un deuxième temps, l’écrit prend ses distances avec la réalité historique qui était à la base de l’épopée (l’histoire de Roland est « romancée », glorifiée, déformée, mais il y a un fondement historique) pour se tourner vers des histoires plus ou moins merveilleuses. C’est l’Odyssée d’Ulysse, les romans de la table ronde, la quête du Grall, la légende arthurienne, etc.
Dans un troisième temps se développe une littérature dite classique. Des règles strictes conditionnent la production littéraire (Boileau, Racine ). Le jeu avec les règles peut d’ailleurs amener l’écrivain à privilégier la forme au fond. Certains sonnets vaudraient plus par le tour de force qu’ils représentent que par leur contenu.

Ensuite seulement vient le roman au sens où nous l’entendons. Le théâtre classique ne parlait que de rois (antiques de préférence) et il touchait au sacré, aux fondements de la société politique. Le romans s’adresse davantage aux membres d’une société qui s’est démocratisée. Les bourgeois au pris le pouvoir et ont renversé la noblesse. Du coup une partie du « sacré » a disparu. Dans les livres, on parle de la réalité quotidienne des gens ordinaires (même des couches les plus défavorisées avec Zola)..

La routine s’installant, il faut innover. C’est le nouveau roman, qui renonce à l’histoire racontée. Parallèlement à cette évolution, l’écrivain avait perdu le privilège de la maîtrise de la langue. Avant, on attendait de lui qu’il s’exprimât dans le meilleur des langages. Avec l’arrivée des grammairiens, ce rôle lui est ravi. Grevisse, le dernier, fonde encore son Bon Usage sur les « bons auteurs ». Depuis, seuls les linguistes universitaires font autorité. Et pour eux tout langage est bon à étudier. De leur point de vue, l’argot n’a pas moins d’intérêt qu’une langue châtiée.

Où est la littérature alors ? Si elle n’est plus dans la maîtrise de la langue (on parlait autrefois des Belles Lettres et l’aspect esthétique était prédominant) ni dans l’histoire racontée, il faut lui donner une nouvelle définition. Roland Barthes s’en chargera : un texte est littéraire parce que l’auteur a décidé qu’il l’était.

D’où la problématique du roman actuel qui tourne autour de la nécessité d’écrire. Ma vie n’a pas de sens donc j’écris. Et j’écris pour dire que j’écris. Aussi intéressant que cela soit, il me semble que l’on est dans une impasse (période de décadence ?)

Les plus grands bénéficiaires sont les universitaires. Socialement parlant, mieux vaut être professeur de linguistique, sociologue ou anthropologue dans une grande université qu’écrivain. Les sciences humaines sont maintenant sur le devant de la scène tandis que l’écrivain doit se contenter de diffuser son message auprès d’un cercle d’amis (sauf les romanciers fabriqués pour des raisons commerciales). Du coup, les études universitaires ont inventé un langage qui leur est propre (le plus obscur possible pour les non initiés). C’est non seulement une manière d’asseoir leur légitimité (elles deviennent la nouvelle littérature), mais aussi un moyen de prendre ses distances avec la masse du public pour se réserver un auditorat de choix.

Maintenant, pour revenir plus précisément à la question de Jacques, il est certain que le roman n’est pas la seule forme de littérature. La poésie en est une autre ainsi que le théâtre. Mais la poésie est devenue confidentielle, de nos jours, pour des raisons économiques (ou idéologiques : comment notre société mercantile où seul celui qui s’enrichit est déclaré intelligent pourrait-elle donner une place à la poésie ?).
Mais s’il est évident qu’une biographie ou un essai doit être bien écrit (et ils le sont rarement), appartiennent-ils stricto sensu à la littérature ? A mon avis non car leur démarche se veut scientifique et non imaginative. Est littéraire celui qui invente, qui transforme la réalité pour en faire autre chose. L’écrivain donne SA vison du monde (le monde tel qu’il voudrait qu’il soit ou tel qu’il le vit au milieu de ses angoisses et de son désespoir). Il y a donc un filtre déformant qui est sa subjectivité. L’essai est tout aussi subjectif, mais il vise à cerner LA vérité par-delà la subjectivité de son auteur.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 16 septembre 2005

Bonjour Feuilly, bienvenue.

"Est littéraire celui qui invente, qui transforme la réalité pour en faire autre chose" : je ne suis pas d'accord, pas trop. Non sur la définition elle-même, car l'art, c'est effectivement la réalité arrangée selon la vérité de l'auteur -- mais sur les conséquences de ta phrase, qui finalement conforte l'idée : lire, c'est lire une histoire, contre laquelle je lutte.

"L'essai vise à cerner LA vérité par-delà la subjectivité de son auteur", écris-tu. Cependant, concrètement, un document (terme générique, encore une fois) réussi est celui dont l'auteur, par-delà son modèle, parle de lui. Un poète qui présente un autre poète, par exemple, parle toujours de lui : c'est lui qu'il révèle, et heureusement.

Peut-être la seule solution consisterait-elle à écrire, je dis bien : à ECRIRE les documents, jusqu'à redonner le goût aux lecteurs de la chose travaillée en soi. Qu'il s'agisse ou pas de roman, le lecteur se rappellera alors ce que, peut-être, il a oublié : un livre doit être écrit, composé même.

Pour ce qui est de la poésie, je ne me fais pas tellement de souci. En fait, personne n'a jamais lu les poètes, depuis que le monde est monde, et la poésie est toujours là. Je crois qu'elle se survivra toujours, sous tous ses masques. Le poète peut très bien passer pour un rigolo, nous savons bien que la poésie est essentielle à l'homme et, puisqu'elle lui est consubstantielle, il y aura poésie, toujours.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 septembre 2005

La poésie est peut-être un peu plus menacée que vous ne le pensez. je ne veux pas jouer les Cassandre, je ne pense pas qu'elle disparaîtra demain. Cependant, depuis Jacques Prévert, n'importe qui pense qu'il suffit de coller deux phrases boiteuses sans souci de structure pour baptiser cela poésie. La qualité de certains textes de Brel permet à tout parolier venu de se prendre pour un poète. Je ne suis pas sûr que cela aide à relancer l'intérêt pour la poésie, alors qu'il y avait des épreuves de poésie aux Jeux Olympiques.

Écrit par : Tanguy Cardo | vendredi, 16 septembre 2005

"N'importe qui pense qu'il suffit de coller deux phrases boiteuses sans souci de structure pour baptiser cela poésie" : bien sûr, c'est vrai. Mais ceux-là, qui collent des phrases boiteuses, justement, disparaîtront très vite (s'ils éclosent jamais). Plus que partout ailleurs, le temps, en poésie, est impitoyable. Si, en poésie, tout se mesure à l'aune de l'exigence, le poète bancal et le rimailleur de salon, accoudé à la cheminée et mangeant des petits fours, n'auront aucun lendemain.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 septembre 2005

Jacques résume mon intervention en disant que je cautionne l'idée que "lire, c'est lire une histoire".

Pas vraiment. Pas vraiment une histoire en tout cas. Il n'y a pas d'histoire en poésie par exemple, mais la conquête d'une zone élevée qui s'apparente à un certain au-delà. Pas au sens religieux, mais au sens mystique en tout cas.

Mais dans tous les cas, roman, théâtre ou poésie, on se trouve devant une création subjective. Dans un essai ou un livre d'histoire, cette subjectivité existe, elle est inévitable, elle est même souhaitable, mais il n'en est pas moins vrai qu'elle doit être limitée. L'auteur de ces textes essaie de cerner une vérité qui lui est extérieure, vérité toujours recherchée et jamais atteinte sans doute, mais vérité tout de même. Toi-même tu milites pour que le plus petit détail d'une biographie soit véridique.

Si j'écris un texte de critique ou une biographie, je ne fais pas de la littérature au sens strict. Je parle SUR la littérature. De par mon sujet, on pourra classer ces livres à la rubrique littérature, mais je sais que c'est une paralittérature (sans rien de péjoratif ici) ou une méta littérature.

Certes le texte doit être bien écrit, couler de source et employer des figures de style pour mieux faire passer le message. Mais ce texte ne doit pas se substituer à l'objet de mon étude.

Je peux à moi tout seul constituer une oeuvre (de critique par exemple) en me créant une sorte d'univers bien à moi. C'est en ce sens que Juan Asensio dit qu'un critique peut ambitionner de créer une oeuvre. C'est vrai, mais est-ce de la littérature au sens strict? Cela le devient si mon texte devient tellement personnel qu'il s'éloigne de l'objet traité au point de devenir autre chose qu'une simple analyse. Mais il est alors soit une paraphrase de l’œuvre étudiée.

Si j’écris un livre de recettes culinaires, je me comporte en cuisinier. Si je fais un livre sur les habitudes alimentaires des 500 dernières années, je suis un historien, un anthropologue ou tout ce que l’on voudra, mais pas un cuisinier.

Je continue à dire que si on classe tout sous la rubrique littérature sous le prétexte que la langue employée est correcte, on peut aller très loin. Jusqu’où reculera-t-on la limite ?

Et puis l’histoire racontée n’est pas, justement, l’essentiel de la littérature. Voir le commentaire de J. Vebret (http://www.vebret.typepad.com/) au moment du décès de J. Carrière : « Ils n’ont pas compris, me dit-il un jour, que la littérature c’est ce qui reste une fois que l’on retire l’histoire. »

Écrit par : Feuilly | vendredi, 16 septembre 2005

Ah, la belle clausule, Feuilly ! Oui, le mot est bel et bon, mais c'est un mot. L'auteur de L'Epervier de Maheux se trompe.

"Si je fais un livre sur les habitudes alimentaires des 500 dernières années, je suis un historien, un anthropologue ou tout ce que l’on voudra, mais pas un cuisinier" : ça se discute, justement. Car entre en jeu, alors, la question de la compétence. Gardons le même exemple : comment peut-on sérieusement étudier (j'entends : avec grande rigueur) les habitudes alimentaires sur cinq siècles sans compétences particulières : en cuisine ; en agriculture régionale (l'une dictant l'autre) ; en sociologie ; en culture générale ; en géographie spatiale ; en connaissance des paysages ?

Or, ces connaisances sont -- ainsi que d'autres, selon les sujets étudiés -- le minimum qu'on puisse attendre d'un écrivain.

Le problème du roman aujourd'hui, ou plus exactement des romanciers d'aujourd'hui, est bien qu'ils ne connaissent rien à rien, à force de scruter leur nombril et d'en détailler les entrelacs. D'où, deux-cents pages essoufflées constituées de dialogues et de "paragraphes" de deux lignes.

Ce sur quoi je voudrais insister, enfin, est qu'on peut lire durant très longtemps tout autre chose que de la prose romanesque (en tout cas : récente) sans pour autant devenir idiot, sans avoir le nez qui gonfle et vire au vert, sans se complexer en se répétant : "Mon Dieu, je ne lis pas de littérature".

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 septembre 2005

… et vous avez parfaitement raison d'insiter comme vous le faites, Jacques.
Lire un roman contemporain pour neuf ouvrages documentaires (le genre est très large, dans mon propos, puisqu'il comprend la littérature classique et religieuse de tout un sous-continent…) sur un sujet auquel on se consacre depuis cinq ans, ce qui est mon cas, vous rend sans doute plus sensible, plus poreux aux qualités (comme aux faiblesses) du roman qu'on choisit d'ouvrir pour changer de méridien, d'altitude, de conditions climatiques…
Je m'interroge d'ailleurs sur l'opportunité de déporter du côté du lecteur (qu'est-ce qu'un lecteur ? comment lit-on ? pourquoi ?) une part significative des questions tout à fait importantes qui sont souvelées par votre propos et par les échanges qu'il suscite.

Écrit par : Dominique Autié | vendredi, 16 septembre 2005

C'est vrai. En tant que lecteurs, qu'en pensez-vous ?

Pour être juste, je peux dire qu'ouvrant Stendhal, Flaubert, Hemingway, Montherlant, Hugo, Vailland, Gary, des auteurs de ce niveau, genres et époques confondus, alors je n'ai plus rien, instantanément, contre le roman. Et Dumas, même ! Et Cervantès. Mais ensuite ?

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 septembre 2005

« Parlez autour de vous, vous verrez : pour neuf personnes sur dix, lire, c’est lire un roman. »

Mais dans les faits, les gens qui lisent ne lisent pas des romans neuf fois sur dix. Cette sorte de propos vient de personnes qui ne lisent pas. J’ai l’habitude de lire et je ne lis pas des romans en majorité, loin de là.

Quant au style, il est lié à la subjectivité. Dans tous les genres où celle-ci est bridée, le style s’en ressent, forcément. Qu’il s’agisse de l’histoire, de la biographie, de la critique. Rares sont les livres dans ces domaines dont on puisse dire qu’ils sont bien écrits, où alors relativement à la qualité généralement produite dans le genre en question.

Pour moi, comme pour Céline, la littérature c’est le style. Et le style commence avec le délire. Feuilly a raison : « Est littéraire celui qui invente, qui transforme la réalité pour en faire autre chose. » Et Barthes a tort au passage. Il ne suffit pas de décréter qu’un texte est littéraire pour qu’il le soit. Le Nouveau Roman est mauvais parce que le style est nul. Point final.

J’ai bien aimé ce qu’a déclaré Dantec dans une interview au Point récemment : « La science CHERCHE la vérité, c'est la LITTÉRATURE qui la DIT. » Je crois à l’existence d’une vérité qui ne se réduit pas à un assemblage de faits scrupuleusement vérifiés. N’est-ce pas Kierkegaard qui disait que la subjectivité, l’intériorité est la vérité ? Avec sa religion du fait vrai, la science ne peut que courir derrière la vérité, sans jamais la rattraper. Vous pouvez assembler tous les faits de la vie d’un homme célèbre, vous ne comprendrez rien à sa vie si vous ne vous coulez pas à l’intérieur de son âme, bref si vous n’adoptez pas sa subjectivité. Seule une subjectivité est capable de donner une cohérence à une succession de faits en apparence contradictoires.

C’est pourquoi tous les genres à prétention scientifique ressortissent difficilement à la littérature. Seuls quelques livres arrivent à entrer en littérature parce qu’ils sont portés par une subjectivité exceptionnelle. Par exemple les livres de Michelet n’appartiennent pas à l’histoire au sens strict.

La phrase de Jean Carrière est magnifique : « La littérature c’est ce qui reste une fois que l’on retire l’histoire ». Et ce qui reste c’est le style.

Écrit par : Sébastien | vendredi, 16 septembre 2005

Je crois qu'en fait, nous disons tous la même chose, différemment. Nous sommes tous d'accord sur l'impérieuse nécessité du style. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de la subjectivité bien comprise, "capable de donner une cohérence à une succession de faits en apparence contradictoires" comme dit Sébastien. C'est pour cela que je disais plus haut qu'un poète présentant un poète parlait de lui, surtout, et que c'était finalement nécessaire.

Comment mieux m'expliquer ? Je ne sais pas. En fait, tous ceux qui participent à cette discussion sont des lecteurs d'autres livres que des romans. C'est pour cela que nous tournons autour du sujet, alors que, fondamentalement, nous ne sommes pas éloignés.

J'en profite pour bien préciser -- mais était-ce nécessaire ? -- que je ne détiens pas la vérité et qu'ici, je pose des questions, uniquement. Je cherche à comprendre en même temps que vous et avec vous tous. Si je dis que je ne suis pas très d'accord, par exemple, c'est uniquement pour mieux chercher, pour aller plus loin, nullement pour contredire l'un ou l'autre.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 septembre 2005

« Le nouveau roman est nul parce que le style est nul. » J'ai comme l'impression alors d'une imprécation sans aucun examen sérieux, sans aucune vraie lecture, ou bien encore d'une généralité creuse qui ignore les individualités.

Écrit par : Dominique | vendredi, 16 septembre 2005

Oui Domnique, je reconnais n'avoir pas lu. J'ai sûrement exagéré. "La Route des Flandres" de Claude Simon est paraît-il un très bon livre. Mais est-ce que ce livre est représentatif du Nouveau Roman ?

Écrit par : Sébastien | vendredi, 16 septembre 2005

Ah Jacques, vais-je devoir copier-coller ma réponse sur le site de Gary ? ;o)

« Ma vie n’a pas de sens donc j’écris. Et j’écris pour dire que j’écris. Aussi intéressant que cela soit, il me semble que l’on est dans une impasse (période de décadence ?) »

Ça me fait penser que lorsque je bouquine, si le résumé en 4e de couv commence par nous dire que le héros est prof d'université ou écrivain, je dépose rapido le bouquin sur sa pile. Immanquablement, la notice sur l'auteur vous dira qu'il est professeur, écrivain.
À fuir.

Je discutais avec un ami artiste (arts visuels) qui, revenant d'une tournée de galeries, disait avoir développer une allergie aux installations d'artistes vous expliquant qu'ils avaient travaillé à « révéler » visuellement la théorie de Deleuze selon qui que sans oublier quoi etc. À hurler.

Jacques, je vous cite le Sganarelle de Gary (de mémoire) comme je le fis pour mon ami: il n'y a pas d'art qui soit sorti d'une théorie de l'art. Mais l'inverse.

C'est aussi pourquoi la théorie du Nouveau Roman a donné des romans "en théorie", étudiés avec enthousiasme dans les universités (les américaines en raffolent), donc par des théoriciens, mais rarement lus par les vulgaires lecteurs - enfin, ceux qui lisent d'abord des romans. Romans qui sont d’ailleurs désormais édités par des presses universitaires. (Cela dit, l’immense majorité de la littérature étrangère y est désormais édité par ces presses ou par des petits éditeurs spécialisés. Mais c’est une autre histoire…)

Il y a sans doute de bonnes choses à prendre dans le Nouveau Roman (remarquez que les plus grands y ont été associés après coup - Duras, Beckett, Claude Simon aussi je crois - ayant débutés leurs carrières littéraire dans les années 40, bref, pratiquant et non théorisant leur art) mais tout mouvement artistique ne créant que CONTRE ce qui fut, est ultimement voué à l'échec. Cela peut lui donner une étincelle de départ (la Nouvelle Vague - mais voyez le travail de Truffaut, Chabrol, si durs avec le cinéma français d'après-guerre, puis revoyez Le dernier métro...), un lieu d’ou partir, mais c'est tout.
Et c’est pourquoi le Nouveau Roman ne survivra pas : il s’est retranché dans une vision théorique du monde, plutôt que d’embrasser l’univers des possibles. Comme au cinéma, les cinéastes du DOGMA. Ça a donné deux ou trois bons films au début, mais rapidement c’est devenu sec, stérile. Prisonnier de contraintes artificielles (comme l’Oulipo). Dogmatique quoi.

Le progrès en art, ce serait quoi ?
En quoi le cubisme serait-il un progrès sur l'impressionnisme ?
Le Nouveau Roman sur Cervantès ?

Et que faire quand sa sensibilité à soi est d'abord sollicitée, en peinture, par Bosch ?
En littérature par Stendhal ? Est-on passéiste ? Et ça voudrait dire quoi ?
Qu'on ne vit pas aujourd'hui ? Personnellement, je ne lis pas un roman, regarde une toile, en plaçant le contexte de la création en priorité, je dirais même que je m'en fous.

J'irai voir APRÈS, parce que ma curiosité est éveillée par l’œuvre.
Je lirai sur, autour de. Mais il n'y a RIEN pour remplacer l’œuvre première.

Écrire sur, autour d'un artiste, c'est bien de la para-littérature, qui ne survit d'ailleurs que si l’œuvre examinée a quelque chance de durer, de demeurer pertinente aux yeux des générations futures. Mais: combien de commentaires et de recherches sur l’œuvre de Shakespeare écrites, disons, de 1850 à 1900 sont encore, lues, édités aujourd'hui ?

Est-ce une perte effroyable pour l'humanité, ou pour l'histoire littéraire et théâtrale ?

Je termine en rappelant certains faits avérés:
- les lecteurs sont d'abord des lectrices;
- les hommes, souvent, sont ceux qui veulent d'abord des histoires (bien linéaires - Tom Clancy, Robert Ludlum) et ça, c'est quand ils ne vous disent pas qu'ils n'ont pas de temps à perdre avec des "histoires".

Je généralise, bien sûr.
Mais bien que je lise, quantitativement, moins de romans qu'autres choses, c'est bien le roman qui m'emporte vers les sommets.

Pas un essai, article, pour égaler l'intense satisfaction, qui suscite l'admiration que j'éprouverai envers l'auteur des grands livres (tous des romans) de ma vie.
Il y a des romans qui m'ayant aidés à vivre, à passer "au travers de". Je lirai de la philo ou des essais ensuite, pour comprendre, moi et le reste. C'est nécessaire, essentiel.

L'Art est inutile, plein d'intuitions. C'est bien pour ça qu'il est essentiel.

L'écriture a ceci de particulier qu'il n'existe pas, dans les autres arts par exemple, un commentaire via une sonate de Machin-Chouette pour commenter une sonate de Bach. Ou un tableau de Picasso commentant Ingres. Inspiré de, l'étudiant, ou même le moquant, oui bien sûr, mais ce faisant, cette musique ou ces toiles existent à part entière, et peuvent êtres vues et appréciées EN DÉPIT de l'intention première de l'artiste.

On peut écrire ad vitam sur un autre écrivain et intéresser les autres passionnés, mais qui pourra entrer dans votre commentaire s'il n'a pas lu (ou entendu ou vu) l’œuvre étudiée, commentée ? Le Tombeau de Romain Gary de Nancy Huston est magnifique, mais il faudra nécessairement avoir lu quelques Gary pour l’apprécier.
Il me semble que d'évidence, il y d'abord les oeuvres artistiques, et ensuite, tout le reste.
S'interroger sur l'écriture c'est très bien, mais continuera t-on de lire Kundera grâce à La Plaisanterie ou L'Art du roman? Gary, grâce aux Cerf Volants ou Pour Sgnanarelle ?
Si leurs oeuvres romanesques perdurent, alors peut-être aussi leurs essais.
Lirait-on Choses Vues s'il n'y avait Les Misérables ?

Écrit par : Benoit | samedi, 17 septembre 2005

Benoît,

Bien sûr, vous aviez déjà lu ma note initiale, et pour cause. Vous savez, je me répète mais c'est nécessaire, je n'ai pas la vérité ; ici, je pose des questions pour discuter avec vous tous, simplement. L'échange, le partage, demeurent mes sources, celles d'où je coule.

Vous terminez votre commentaire en évoquant Hugo et Gary. J'ai moi-même dit, juste un peu plus haut, que lorsque j'ouvrais des livres de gens comme ça, évidemment, je n'avais plus rien contre le roman. Ce n'est pas d'eux qu'il est question, mais des mille quatre-cents livres que me sert régulièrement l'édition française. C'est à un autre niveau, quand même.

Bien sûr, aucun art n'est sorti d'une théorie de l'art, bien sûr Chabrol fait aujourd'hui le cinéma qu'il condamnait autrefois, bien sûr Truffaut, avec Le Dernier métro, se renie entièrement sans s'en rendre compte. Cela ne doit pas, cependant, dispenser l'artiste de se poser des questions sur sa pratique. A quoi bon, sinon ? Que serait une assurance telle qu'on oeuvrerait sans la moindre interrogation ? Certes, il ne faut pas aller jusqu'à la caricature, mais on ne peut pas ne pas réfléchir. Si j'étais menuisier, je me préoccuperais de l'histoire de la menuiserie et de l'évolution du métier et de l'outillage.

Je ne suis toujours pas convaincu qu'un récit authentique (par exemple, des mémoires) servi par une plume de grande qualité ne soit pas un ouvrage littéraire stricto sensu.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 17 septembre 2005

Sans doute, mais ça me rappelle ce passage des mémoires de Gore Vidal, un très beau livre intitulé Palimpsest, ou il se pose à un moment lui-même la question du pourquoi écrire un tel livre, puisque les noms qui le parsèment et qui ont fait sa vie, ont toutes les chances d'êtres oubliés, s'ils ne le sont déjà.

Les romans de Vidal m'ennuient, mais c'est un brillant essayiste. C'est d'ailleurs pour un recueil de ses essais qu'il a reçu le Pulitzer. Et bien je serais prêt à parier qu'il se souhaite une postérité d'abord pour son oeuvre romanesque.

Pour revenir à cette inflation éditoriale, elle existe pour plusieurs raisons qui ont peu à voir avec les premiers concernés, les lecteurs, mais avec une logique de production industrielle qui a perdu toute raison.

Mais je continue de croire que la littérature moderne est pleine de bonnes choses. La nostalgie de l'Âge d'Or est un piège, auquel je succombe moi-même lorsque je parle de musique. Toujours l'impression que c'était mieux avant - du moins pour ce qui était de la diffusion des oeuvres. Ainsi, je pouvais alors entendre Led Zeppelin, Gérard Manset, Joni Mitchell et Charlebois dans la même demi-heure. Si la pièce durait 8 minutes, et bien elle durait 8 minutes, point. Pas de formattage mais une ouverture qui permettait le rock et la chanson, le R&B et le folk. Hé bien malgré tout, je vous dirai qu'il y a autant de bonnes nouvelles musiques qui se créent. Il faut cependant la chercher. Et quand on cherche on trouve.

Mëme chose pour les livres. Mais là, je vous accorde que les filtres qui autrefois, permettaient de s'y retrouver un peu, ne font plus leur boulot. Et on en revient au matraquage qui fait que, 663 romans ou pas, c'est d'abord Houellebecq et 5 ou 6 autres qu'on voit partout.

Je me souviens Jacques, avoir lu dans Livres Hebdo dans son bilan de fin d'année (pour 2004) que la fiction, le roman dans son ensemble, vendait moins que la non-fiction comme disent les anglais. Étrange que vous ayez l'impression que personne ne lit plus de documents ou d'essais, alors que statistiquement parlant, les gens lisent de moins en moins de romans. Par contre, lorsqu'ils en lisent, c'est tous le même, au même moment.

Au bout du compte le libraire doit tout de même les placer sur ses rayons les foutues 663 nouveautés. Mais il y a peut-être un espoir, j'ai lu que beaucoup d'indépendants refusent carrément des offices-nouveautés cette saison. Ils prennent le risque de manquer deux ou trois ventes en coupant sur les coûts de manutentions inutiles.

Écrit par : Benoit | samedi, 17 septembre 2005

Pardon de vous envahir Jacques, mais vous avez provoqué une réflexion qui m'a poursuivi même pendant que j'achetais les ingrédients du repas qui vient, alors je vous retranscris ce que votre commentaire sur l'hermétisme du langage universitaire m'a rappelé.

Un passage de l'introduction à "C'est bizarre l'écriture", essai de la regrettée Christiane Rochefort, qui me manque décidemment beaucoup:

" Pourquoi faut-il pour pénétrer les arcanes du commentaire avoir été nourri dès bébé du lait de la culture bourgeoise, appris le grec et le latin antiques; de nombreuses heures devant soi, une patience de chartreux et une volonté de fer ? C'est une question bête je le sais, en tout cas personne n'ose la poser de peur d'avoir l'air du seul idiot qui n'a pas compris, mais moi je n'ai à perdre que mes chaînes alors je la pose: pourquoi ? Ou se tient la nécessité de donner un commentaire opaque d'oeuvres qui le plus souvent sont claires ? Vous êtes pourtant plein des meilleures intentions. Mais tandis que votre coeur aspire à la fin de la Culture de Classes, et que votre voix le proclame, et qu'il n'y a pas lieu de mettre en doute votre sincérité sur ce point, votre plume, tout comme si vous empruntiez une autre peau en vous asseyant devant du papier, la fait perdurer. Après on vous entend dire: il ne faut pas plus écrire c'est de la Culture Bourgeoise, il faut écrire sur les murs. Évidemment si "d'abord" vous écrivez en grec ou quasiment et dans une syntaxe imprenable. D'abord vous vous mettez à part et ensuite vous pleurez d'être séparé. Mais pourquoi diable écrivez-vous comme ça ?

"L'écriture est l'angoisse de la ruah* hébraïque éprouvée du côté de la solitude et de la responsabilité humaines." (Derrida: l'Écriture et la Différence) - Alors Jacques, le grec ne te suffit pas, on recourt à l'hébreu ? Désires-tu à ce point ne pas être entendu, ou de si peu ? Bon c'est peut-être vrai, mais je ne suis pas là pour chicaner sur le fond, je demande seulement: pourquoi ?
pourquoi ces barbelés de mots impénétrables, sauvagement défendus par leurs prisonniers mêmes, du haut de ténébreux miradors, à l'aide de procédés d'intimidation ? Qui protège t-on ici ? Contre qui ? Quel secret garde t-on si jalousement ?

Je dis il n'y en a pas. Il n'y a rien à protéger. Tout le monde peut entrer. Le matériel, livres, est à la portée de tous, lecteurs, il n'y a point de sens que son commentaire en soit ôté, que le mouvement de clairifier revienne à épaissir le brouillard, de donner des clés à élever des barrières. Moi en tout cas je n'en ai pas, je n'en sens pas le besoin, j'ai dû naître sans, une infirmité peut-être, en tout cas une inélégance, et pour aggraver mon cas, je crois que l'écriture - la création - n'est pas un domaine réservé, et qu'on en peut parler honnêtement et ouvertement. C'est une démarche vulgaire je m'en rends bien compte. Ce sera un ouvrage vulgaire. Tant mieux on en manque. Quand la poésie devrait être faite pas tous, le commentaire resterait un apanage ? Ça nous pend au nez." " Il faut se mouiller. Quitte à apparaître comme un chat tombé dans la bassine et non drapé d'angélique (ou démoniaque, ça revient au même) dignité, protectrice en fin de compte du privilèege d'Homme de Lettres. Lequel au reste sue un ennui cathédral et commence à sentir, je ne sais pas si vous avez remarqué. Il faut abattre son jeu, se mettre à table, croquer le marmot et vendre la mèche, d'abord c'est bien plus drôle, plus on sera de fous, et qui diable ça pourrait-il déranger. En plus, il n'y a pas de mèche.

* ruah: souffle, esprit, c'est moi qui traduis, pour ceux qui des fois ne sauraient pas l'hébreu. Un très beau mot au reste, qui mériterait d'ëtre importé si en même temps rendu accessible par sa conjointe traduction. Derrida nous l'a livré nu et opaque. Pourquoi ? "

in "Printemps au Parking", (pages 244-246), Cahiers Rouges/Grasset.

Écrit par : Benoit | samedi, 17 septembre 2005

Eh, Benoît, vous ne m'envahissez pas, au contraire. Voilà des discussions, c'est mieux que "Ouais" ou "Sympa, ton blog", qu'on lit partout.

Tandis que vous achetiez les ingrédients du repas, je dormais. Cétait la nuit, ici. Je vous trouve au réveil, en compagnie de l'excellente Christiane. Elle avait mauvaise réputation, surtout dans les années 60. Je l'ai lue à la fin de celles-ci, ou à l'orée des suivantes. J'ai dû lire Printemps au parking à l'époque où je commençais à faire des démarches éditoriales... Moi qui n'étais personne, justement, qui n'étais pas du sérail, qui n'habitais pas Saint-Germain-des-Prés, qui ne vivais même pas à Paris, qui n'étais pas universitaire, qui ne connaissais aucun journaliste et qui -- ah, le gros mot -- étais autodidacte...

Alors, vous pensez si je suis d'accord avec elle !

Cela dit, être autodidacte, c'est bien gentil, c'est admirable, tout ce qu'on voudra, mais ça fait perdre un temps formidable et des fois, on se prend à regretter de n'avoir pas eu d'aide professorale, je veux dire : un marchepied pour aller plus haut plus vite -- parce que la vie n'est pas infinie. Et puis, les autodidactes, au bout d'un moment, s'arrêtent. Pas parce qu'ils en ont assez, mais parce qu'ils ont atteint le point où, seul, on ne peut pas aller plus loin, surtout lorsque l'énergie vient à baisser, avec l'âge.

Il n'est pas facile de nier la culture bourgeoise tout en essayant de l'acquérir. Au bout du compte, on n'est ni bourgeois, ni prolo, seulement un être hybride, le derrière entre deux chaises sociales.

Enfin, je ne regrette rien, of course.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 18 septembre 2005

Les Mémoires du cardinal de Retz, c'est de la littérature et parmi ce qui se fait de mieux. Idem pour les Mémoires de Saint-Simon.

Donc pour répondre à votre question : oui, un récit authentique, servi par une grande plume, appartient à la littérature.

Écrit par : Sébastien | lundi, 19 septembre 2005

"Mais il n'y a RIEN pour remplacer l’œuvre première. " dit Benoît. Et il a raison. Il faut savoir revenir au texte et se débarrasser de tout ce qui l'entoure, à commencer par la vie de l'écrivain (ceci n'est pas une critique des biographes, je tiens à le préciser pour Jacques. Tout comme lui tient à préciser que ce n'est pas parce qu'il n'est pas d'accord, pas trop" avec mes propos qu'il s'oppose à moi mais que son but est en fait d'amener à réfléchir).

C'est dans un deuxième temps seulement qu'il faut aller lire ce qui s'est dit sur une oeuvre. Il faut, je crois savoir conserver un regard neuf. Il faut savoir lire avec nos yeux et non avec ceux des autres. Après, rien n'empêche de relire l’œuvre afin d'y découvrir ce que peut-être nous n'avions pas vu et que la critique nous a aidés à comprendre.


"Il n'est pas facile de nier la culture bourgeoise tout en essayant de l'acquérir." En effet.
Je me souviens des propos ironiques tenus un jour par un professeur d'université sur les enfants de pauvres qui fréquentaient la faculté. Lui qui était un grand bourgeois de gauche (et qui dans ses livres s'exprimait dans un langage digne de Derrida ou de Lacan), il avait ce jour-là affiché un certain mépris à l'encontre des jeunes qui voulaient gravir les échelons de la société et qui s'initiaient pour cela à la culture bourgeoise. Moi qui venait d'un milieu culturellement modeste (financièrement aussi d'ailleurs) cela m'a laissé perplexe. Il aurait fallu, selon lui, avoir le cran de ne pas s'instruire pour ne pas se compromettre avec la bourgeoisie. En attendant c'était facile pour lui de s 'exprimer de la sorte avec son traitement de prof. d'université en poche et toute l'aura de reconnaissance sociale que cela impliquait.

Bref, moi qui avait passé ma vie sur les bancs de l'école, voilà que j'étais désavoué avant même de rentrer dans la vie active.

D'autant plus qu'il soulignait avec justesse (et là je ne sais pas s'il regrettait la situation ou si cela l'arrangeait) que de toute façon les enfants d'origine modeste se retrouvaient dans l'enseignement, afin de permettre aux enfants des classes aisées de décrocher de beaux diplômes et surtout des places enviées.

Il avait raison. Dans les milieux aisés, on cible les formations qui débouchent sur des professions rapportant beaucoup d'argent.

Enfin, avec ces questions de sociologie sociale on s’éloigne un peu du roman.

Encore qu’il y ait des études de sociologie du roman (Goldmann). La thèse marxiste est de dire que le roman part d’un ordre pour créer le désordre (sinon il n’y aurait pas d’intrigue) avec comme ambition de recréer l’ordre à la fin (l’ordre bourgeois bien entendu). Vu comme cela, c’est un peu réducteur et vous dégoûterait de tous les romans.

Maintenant, j’ai un peu l’impression que le mépris que certains ont affiché ici à l’encontre de la réalité romanesque tient à la surabondance de notre rentrée littéraire. Personnellement je lis plutôt les classiques que tous ces produits issus du « marketing » ce qui explique sans doute que le roman ne me lasse pas.

Écrit par : Feuilly | lundi, 19 septembre 2005

Ah, Sébastien, nous sommes d'accord. Bon. Les autres ont-ils une opinion sur le sujet ? Quid de Saint-Simon, de Retz, du général de Gaulle, de Las Cases, d'autres encore ?

Feuilly : "Personnellement je lis plutôt les classiques que tous ces produits issus du « marketing » ce qui explique sans doute que le roman ne me lasse pas". Eh oui, bien sûr. Mais alors, à quoi servent les mille quatre cents romans de chaque année ? Successivement, on est tombé d'accord avec moi pour dire que personne ne les lirait tous (bien sûr) ; que le choix était une fausse question (à cause des limites du budget de chacun) ; que ces livres n'existaient pas réellement (marketing) ; qu'ils prenaient une place considérable ; que le style était une nécesité impérieuse (ils en sont dépourvus)...

Adoncques, si nous sommes d'accord sur tout, pourquoi dites-vous que j'exagère ? :-))

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Des mémoires oui, c'est de la littérature si le style suit. La subjectivité de l'auteur y est à l'oeuvre. Il croit tenir des propos objectifs (tel fait s'est produit de telle manière) mais le lecteur sait qu'il n'en est rien.
Comme on ne vise pas une vérité scientifique mais qu'on donne des impressions personnelles sur des événements qu'on a vécu, cela rentre pour moi dans ma définition de la littérature.

Mais je continue à dire qu'une biographie ou un livre d'histoire, c'est autre chose.

Écrit par : Feuilly | lundi, 19 septembre 2005

Ah, attention. Des mémoires, c'est aussi un livre d'histoire. Alors ?

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

événements qu'on a vécus avec "S" bien entendu.

Des mémoires c'est un livre d'histoire qui reste subjectif. C'est la vision de l'auteur sur les faits qui l'entourent.

Écrit par : Feuilly | lundi, 19 septembre 2005

Mais... s'ils font autorité (de Gaulle, Las Cases) ?

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Jusqu'où fait-on autorité sur des faits dont on est partie prenante ? Jules César fait autorité, mais, dans le même temps, sa glorification de l'héroïsme de ses adversaires ne fait que renforcer sa propre aura. Il y a toujours un problème de subjectivité. Mais que vaut-il mieux, du point de vue littéraire ? Un récit historiquement exact (c'est presque un oxymore) mais d'une platitude effarante, ou un texte très bien tourné mais terriblement subjectif ?

Écrit par : Tanguy Cardo | lundi, 19 septembre 2005

Sans hésitation aucune, je réponds "un texte très bien tourné mais terriblement subjectif ". Alors, on touche à l'oeuvre. L'objectivité, j'ai coutume de le dire, n'est souvent qu'une tiédeur bien habillée. Mieux vaut un chef d'oeuvre subjectif.

De toute façon, un chef d'oeuvre subjectif fera davantage autorité, justement. Même auprès des historiens. Pour traiter de la Seconde Guerre mondiale, les sources ne manquent pas, même si l'on n'aime pas de Gaulle. Pour traiter de la guerre des Gaules, on ne peut pas ne pas en appeler à César. Par conséquent, l'historien aura des sources subjectives. La subjectivité étant inévitable -- et je rappelle que je la trouve souhaitable, je redonne l'exemple d'il y a quelques jours, celui du poète écrivant d'un poète et se révélant lui-même --, autant que les siècles suivants y gagnent un chef d'oeuvre. La conjuration de Catilina nous intéresse surtout parce que Salluste la raconte. Je pense même (c'est un peu loin, c'est vrai) qu'il est plus intéressant que Cicéron, sur le même sujet.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Je commence enfin à comprendre où notre ami Jacques veut en venir. Il nous demande une définition de la littérature et certains ici (moi compris) répondent qu'est littéraire une oeuvre subjective et bien écrite.
Il pousse plus loin en parlant des mémoires (genre qui a un pied dans l'Histoire) . La réponse des participants est identique. Tout est dans la subjectivité.

Puis il retourne ses cartes: un livre d'histoire ou une biographie ne valent pas par leur recherche d'objectivité, mais par leur subjectivité même.

Donc, l'Histoire et la biographie sont de la littérature.

Nous avons tous été bien attrapés.

Bon, redevenons sérieux et laissons-là les syllogismes. La Guerre des Gaules? Je ne pense pas que César voulait faire une oeuvre littéraire au départ. Il s'agissait de vanter son action pour parvenir à être à la tête de l'Etat. Comme c'est écrit en latin et que c'est bien mené par ailleurs, cela a été récupéré par l'enseignement qui en a fait une oeuvre classique.

De même qu'on cite Buffon en histoire de la littérature. Montaigne, à y réfléchir, serait plutôt rangé parmi les philosophes s'il publiait son oeuvre aujourd'hui. Mais bon, on a dit plus haut qu'il ne parviendrait plus à se faire éditer, alors...

Écrit par : Feuilly | lundi, 19 septembre 2005

Mais non, Feuilly, je ne veux en venir nulle part. Je dis depuis le début que je cherche à comprendre et que je vous demande à tous -- si vous le voulez -- de m'y aider. Pas davantage. Je me méfie par dessus tout des syllogismes, justement. Je cherche.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Je blague bien entendu. Et ce syllogisme ressemble à un sophisme.

Du temps où la littérature se définissait par son appartenance aux Belles Lettres, il est sûr qu'une oeuvre bien écrite, fû-elle de critique ou d'histoire, en aurait fait partie.

Aujourd'hui on réduit la littérature au roman et celui-ci doit être court. Les éditeurs refusent les briques de 700 pages. Ils disent que les lecteurs sont pressés. C'est faux, je ne suis pas pressé, moi. Je préfère lire un livre de 770 pages qui tient la route que sept livres de cent pages qui ne racontent rien et qui ne vous prennent pas aux tripes.

Écrit par : Feuilly | lundi, 19 septembre 2005

Donc, nous revenons à la case départ : "Aujourd'hui on réduit la littérature au roman et celui-ci doit être court". Et pour sortir de là, que peut-on faire ?

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Ne pas les lire et se contenter des classiques. Puis écrire son propre roman, de préférence de 700 pages. Ensuite le lire.

Je blague à peine. Francis Ponge avait écrit "La rage de l'expression" de mai à août 1940 parce qu'il n'avait plus rien à lire quand il était réfugié en Haute Loire. Il n'écrivait pas pour écrire mais pour avoir enfin quelque chose à lire (voir l'article sur Ponge dans l'avant-dernier Journal de la Culture).

Écrit par : Feuilly | lundi, 19 septembre 2005

En même temps... ne pourrions-nous pas considérer que les temps changent ? Dans le temps, c'est à dire avant ce que vous voulez, peu de gens avaient accès à la littérature, peu étaient lettrés. Aujourd'hui, la proportion s'est heureusement inversée, mais tout le monde, pour être alphabétisé, n'a pas le bagage culturel qui lui permet de sortir de la facilité (les termes sont ici à prendre avec doigté). Le roman est bien souvent plus accessible qu'un essai, une pièce de théâtre ou une biographie (hors celles des participants d'émissions de téléréalité). Selon l'adage bien connu, il faut donner au public ce qu'il veut avoir, et non pas essayer de tirer les gens vers le haut, réflexe hautement criticable et qui dénote la condescendance, l'élitisme et le conservatisme de celui qui y pense. Donc, on donne du roman à haute dose, du film de divertissement et des émisisons de potache, et ce non pas parce que "ça fait vendre" et qu'on peut ramasser un bon paquet, mais parce qu'on répond aux attentes du public qui sait bien ce qui est bon pour lui.
L'augmentation du taux d'alphabétisation est une excellente chose qui a des effets pervers.

Écrit par : Tanguy Cardo | lundi, 19 septembre 2005

Mais... Moi, je ne sais pas... Comment faire sortir de la tête des gens l'idée qu'un roman est un roman ? Comme s'il n'y avait aucune différence entre Victor Hugo et... (chut, pas de noms, ça froisserait la nuit comme une insulte).

Plus près de nous, qui a lu Kazantzaki ? Pourtant, Alexis Zorba -- le plus immédiatement lisible, disons --, ce n'est pas dur, quand même.

Pour qui sonne le glas ?, c'est passionnant ! Ce n'est pas... (chut, pas de noms, ça froisserait la...)

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Je redonne ici, récupérée grâce à Google et ses versions "en-cache", la note inaugurale du blog précédent qui viendra à l'appui de notre discussion, y compris avec son aveu final, qui me coûte beaucoup mais est nécessaire.


L’inacceptable légèreté du livre

Ma conception de la littérature et, au-delà, de l’écriture elle-même, est celle de l’exigence. Ce désir fort qui appelle en moi le besoin de pousser les miens, mes amis, moi-même évidemment, vers plus haut – cette pulsion m’est vitale. Je n’ai jamais pu, en quelque domaine que ce soit, me contenter du médiocre. Il peut m’arriver de m’en accommoder, lorsque les circonstances l’imposent, mais c’est toujours, alors, les poings serrés au fond des poches. Et des poches, d’autres, sous les yeux de ma colère. Ma conception de la littérature n’est pas élitiste, elle est, je le répète, exigeante.

Il n’y a pas de question : l’artiste a une fonction sociale. Le poète dans la cité a sa place et son rôle. Poète au sens le plus étendu : trouveur, éveilleur de consciences, orfèvre, dénonciateur, gueule ouverte, témoin… La place de l’artiste est politique, c’est-à-dire sociale, philosophique. L’écrivain doit être utile, ou il ne sera qu’amuseur, bouffon, comique. Distrayant. Il faut choisir, accepter de risquer sa réputation, « se mouiller » comme on dit familièrement. L’œuvre qui ne se mouille pas est une distraction, mot horrible, une détente, mot petit-bourgeois, une sortie, mot touristique.

L’écriture n’est pas un jeu de salon. Les cheminées où l’on s’accoude pour dire des vers ou lire l’extrait choisi d’une pièce, entre deux tasses de thé, sont des accessoires de pose. À vous faire grincer des dents, à vous faire sentir sous vos pieds la démangeaison du botteur de train professionnel, brûlant d’exercer ses fonctions.

La preuve, s’il en était besoin, de l’importance de l’écrivain dans la cité – et, en toute logique, de son utilité – est donnée par l’attitude des puissants eux-mêmes. Ils ne s’y sont pas trompés. Quand La Fontaine, outré par une injustice commise par Louis XIV, compose Les animaux malades de la peste et en donne lecture à la Cour, il risque l’embastillement, rien de moins. Louis XIV ne bronche pas. En un instant, le souverain a compris que le poète en prison, c’est son nom à lui qui restera entaché à jamais. Il ne retire même pas à La Fontaine la pension qu’il lui verse. Quand Sartre est arrêté, l’Olympe qu’est alors l’Élysée (ça a bien changé depuis) s’émeut. Le général de Gaulle tonne : « On n’arrête pas Voltaire » et le philosophe est immédiatement remis en liberté. Dans une des dernières vespasiennes de Paris, une nuit, est arrêté un monsieur âgé qui joue à touche-pipi avec de beaux garçons. Il est emmené au poste. Le commissaire du quartier, une fois n’est pas coutume, avait des lettres. Il fit immédiatement raccompagner chez lui, sous escorte discrète, monsieur de Montherlant, de l’Académie française. On voudra bien me pardonner d’avoir cité des anecdotes. L’important est là : les puissants du jour ne perdent pas le nord. La Fontaine à la Bastille, Sartre à la Santé, Montherlant à Fresnes, c’est la fin de leur réputation et de leur place dans l’histoire. Et Dieu sait combien nos princes tiennent à cette place ! Pourquoi tout cela ? Parce que l’artiste a dans la cité une fonction de responsabilité. Changeons d’échelle. À la fin de sa vie, Sagan, écrasée d’impôts, sans le sou, est hébergée par des amis. Une bonne partie de la France estime que le fisc aurait dû effacer sa dette (ce ne fut pas le cas, d’ailleurs). Pourquoi ce privilège accepté de bonne grâce quand, appliqué à des politiques, il aurait à juste titre fait hurler ? Parce que l’écrivain jouit d’un statut et que ce statut lui confère des responsabilités.

Je ne vais évidemment pas dresser des listes, établir des états : tel auteur à louer, tel à flétrir ; tel sur l’autel, tel à l’index. Je me contenterai d’évoquer les trois plumitifs qui représentent pour moi ce qu’il existe de plus exécrable au pays des mots. Trois pollueurs de librairies.

Modiano représente pour moi, et depuis longtemps, l’archétype de l’écrivain inutile. Ce même livre récrit depuis un quart de siècle, portant sur une période qu’il n’a pas connue, cette façon d’éviter systématiquement tous les problèmes de son temps, ces ficelles usées jusqu’à la corde, ces cordes mal ficelées, cette incapacité à maîtriser l’oral qu’il ne faut pas excuser en disant qu’il est un homme de l’écrit – c’est trop simple, bien sûr –, tout cela fait de lui ce produit fabriqué autrefois par Pivot, du temps où il dirigeait le magazine Lire. Il est d’autres produits fabriqués, l’inexistante mais omniprésente Amélie Nothomb en étant l’exemple le plus récent. Il y a entre Amélie Nothomb et l’écriture autant de rapport qu’entre une horloge normande et la grotte de Pech-Merle. Elle constitue certes un phénomène médiatique, voire un personnage de bande dessinée de mauvaise qualité, mais c’est tout. Fausse Bécassine aux yeux immenses d’ailleurs pas très beaux, elle prend son personnage pour son talent. Le succès n’est pas plus une preuve de qualité que l’échec ou l’ignorance ne sont celle du contraire. Elle sera inéluctablement oubliée. Plus anciennement, Nyssen a fabriqué Nina Berberova, écrivain sans intérêt aucun, reconnue par beaucoup parce qu’imposée par son éditeur, qui a dit et martelé que c’était bien.

Ces auteurs ne sont porteurs d’aucun avenir pour l’écriture non parce que je ne les apprécie tout bonnement pas, mais parce qu’ils ne sont porteurs d’aucune nouveauté de pensée, d’aucune inquiétude. Car il vaut mieux, n’est-ce pas, être inquiété par un écrivain que ronronner doucement d’une rentrée dite littéraire à l’autre. Il est naturellement plus facile de fabriquer le ronronnement plutôt que l’inquiétude. Le lecteur a peur de la fièvre, l’édition lui sert donc, préventivement, des antibiotiques. Pourtant, l’inquiétude est nécessaire en littérature comme elle l’est parfois dans la relation intime : demandez à une femme amoureuse si elle ne la préfère pas à l’ennui.

Bref, sans vouloir opposer à la littérature légère, gazeuse, la littérature à bulles, une autre, plus sérieuse, qui serait alors la littérature lourde, il reste qu’on ne peut penser que tout vaut tout, moins encore le faire croire, et qu’il ne s’agit pas seulement, en l’espèce, de goûts littéraires, mais d’engagement dans la vie. Par ailleurs, comme je le dis souvent (mais, chaque fois, j’ai le sentiment qu’on n’attache pas suffisamment d’importance à cela), j’ai devant moi moins d’années que derrière. En d’autres termes, et s’il faut souligner au crayon rouge, je suis mortel parmi les mortels, ne connaîtrai du siècle que son premier tiers (au mieux) et ne puis par conséquent me permettre de perdre mon temps avec des livres sans densité, sans utilité. J’ai beaucoup lu et je fais maintenant très attention au choix de mes livres. Ce choix est devenu une quête, c’est-à-dire quelque chose de plus intime, de bien plus essentiel. Une quête de livres rares, qui m’apporteraient du nouveau et me seraient utiles. Je n’insisterai jamais assez sur ce terme. Devinant l’inutilité induite par la décourageante absence de pensée de la production contemporaine, je n’achète pratiquement plus jamais un livre tout de suite. Je tourne autour, le hume, le lape, reviens, tourne encore, pique à même le rayon quelques lignes, deux pages, renifle le style, cherche l’eau dans la bouche – je veux dire la volupté, l’appétit surgissant –, lui fais la cour, mords dans le fruit et, la plupart du temps, pressens l’ennui, crains la redite et renonce à l’achat. Cela peut durer des semaines.

On me demandera certainement – et l’on aura raison – si j’estime avoir atteint, dans mes propres livres, le niveau que je réclame des autres.

Non.

Bien entendu, non. Et c’est mon problème – mon drame, n’est-ce pas ? Ne pas être soi-même à la hauteur de sa propre exigence est une chose difficile à vivre. Cet aveu fait, j’ajouterai sans me cacher sous la table que c’est à moi de m’arranger avec ça ; cela ne saurait en aucun cas justifier que mon attente diminue, que mon désir de lecteur s’amenuise, que mon impatiente envie de crier s’effrite.

L’attente, le désir, l’impatience, sont les vêtements clairs de la jeunesse. La diminution, l’amenuisement, l’effritement, sont des conséquences de l’âge. Ayons vingt ans, toujours. Ce n’est pas uniquement une clausule.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Les deux sont liés. On donne au public ce qu'il a envie de lire et du même coup on fait de l'argent.

Quant au taux d'alphabétisation, il explique aussi le grand nombre de romans. Il y a aujourd'hui beaucoup de gens qui veulent écrire, ce qui n'aurait pas été envisageable autrefois.

Écrit par : Feuilly | lundi, 19 septembre 2005

Feuilly pose les faits de manière fausse en mettant en avant le référent qui serait obligatoire dans tout texte non littéraire (selon ses critères). Il y a un référent aussi dans les œuvres fictionnelles, cela a été d'ailleurs le sujet principal de recherche de la fameuse école des sources qui a bien montré ses impasses et son absurdité. Cela a été aussi le fondement même du roman policier, de la science-fiction, du réalisme et du naturalisme, mais aussi un souci constant de bien d'autres écrivains qui sont plus versés dans la création d'un monde autonome : la géographie ou l'histoire selon Proust ou Faulkner sont référentielles. Ce n'est pas parce qu'un écrivain doit faire attention au référent qu'il est moins écrivain. Ce n'est pas parce qu'un écrivain rédige une autofiction ou un roman autobiographique qu'il est plus écrivain. Poser la question du référent comme le critère de non-littérature est un faux argument scientiste et non scientifique : on n'aura jamais accès totalement à tout le référent, la mimésis ne pourra jamais correspondre à la diégésis, toutes les œuvres sont des créations de l'imaginaire qui comble les vides ou qui projette une vision personnelle, même le plus minuscule fait-divers dans un journal. Cependant, ce fait-divers en trois lignes peut acquérir un statut littéraire s'il est signé par Fénéon. Cela se nomme le style.

Écrit par : Dominique | lundi, 19 septembre 2005

"toutes les œuvres sont des créations de l'imaginaire qui comble les vides ou qui projette une vision personnelle, même le plus minuscule fait-divers dans un journal"

Donc, à vous suivre Dominique, la théorie de la relativité d'Einstein est une œuvre de l'imaginaire. Pourquoi pas. Mais alors qu'est-ce qui distingue une œuvre littéraire d'une œuvre scientifique ? Le style, l’émotion, me direz-vous. Il est vrai que E = mc 2 ne provoque pas chez moi des frissons d’enthousiasme. Mais qu’en est-il pour un scientifique ? Ne sera-t-il pas touché par la beauté de cette équation ? Savez-vous que l’élégance d’une théorie, sa simplicité, est un critère de sa véracité ? (*) Les hommes de science sont donc attentifs au style d’une théorie.

Bien entendu qu’il y a un référent à toute œuvre littéraire. La Recherche de Proust doit beaucoup à sa fréquentation des salons et Céline se fonde sur sa propre enfance pour écrire Mort à crédit. Sans compter les références à d’autres œuvres littéraires.

Reste que dans une fiction, on peut perdre de vue le référent sans dommage. C’est même vivement conseillé si on veut être un grand créateur. Il est rare que la réalité soit aussi passionnante qu’un bon roman. Alors qu’un texte scientifique sera jugé en fonction de son respect du référent. Deux démarches qui sont à l’opposé l’une de l’autre.


(*) http://leportique.revues.org/document236.html

Écrit par : Sébastien | lundi, 19 septembre 2005

Ah ah, voilà qui devient passionnant. Je vous laisse débattre et vous lis avec grande attention.

Cependant, cette opposition science-littérature ne me satisfait guère. Je suis de ceux qui n'opposent pas, en général, dans la vie. Einstein jouait du violon et n'opposait pas physique et musique. Ingres, avec son violon, n'opposait rien non plus.

Et puis, si un document (toujours terme générique) possède une démarche rigoureusement scientifique et qu'il est composé dans un style de grande tenue, alors, littérature et science se rejoignent... et je suis tout content.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

D'une manière générale, dans la vie, j'ai une phrase-fétiche : "En quoi est-ce incompatible ?". Je la sors chaque fois qu'on veut me faire croire que telle et telle chose s'opposent alors que, la plupart du temps, c'est inexact. Il y a au monde, entre les choses comme entre les gens, beaucoup plus de complémentarités qu'on croit.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

« La conjuration de Catilina nous intéresse surtout parce que Salluste la raconte. »

Surtout ? L’ex-étudiant en Histoire que je suis ne peut que vous souligner que vous faites là un amalgame de toute beauté.
La guerre des Gaules nous intéresse PARCE QUE Jules en aurait fait le récit ? Ah bon. Dans mille ans, la 2e guerre mondiale nous intéressera parce que De Gaulle a écrit ses mémoires ?

Ne voyez-vous pas, d’évidence, qu’il y a là deux publics ?
- Celui qui s’intéresse D’ABORD à l’Histoire et qui, comble de chance, dispose, sur la conjuration, du récit de Salluste; sur les Gaules, de celui de César, et sur la 2e Mondiale, celui de De Gaulle, Churchill, et de centaines d’autres.
- Et puis il y a vous Jacques, et beaucoup d’autres, érudits, en tout cas, curieux, et d’abord passionnés de littérature, et qui trouvent chez les pré-cités, une valeur ajoutée : le style.

L’écriture de l’Histoire a changé parce qu’il y a maints commentateurs, une diffusion large de leurs commentaires via non seulement l’écriture, mais l’image, et que ces visions croisées permettent les subjectivités simultanées de tous ces gens sur un même événement.
Nous n’avons pas ce luxe pour l’Histoire antique. Donc on ne peut traiter tous les récits, mémoires et ouvrages historiques de Salluste à De Gaulle sur le même plan; et dire comme vous le faites, si du moins on s’intéresse VRAIMENT à l’histoire, que la conjuration de Catilina nous intéresse SURTOUT parce que c’est Salluste qui la raconte.

Un historien qui dans ses recherches découvre des faits et les écrits, même platement, est un historien. S’il a du style, c’est un gros +, mais ce n’est pas là, le but premier du travail de l’historien.

Maintenant, pour ce qui ou n’est pas de la littérature, ce me semble être un faux débat.
Un philosophe qui écrit avec style, est un écrivain.
Un philosophe qui écrit sans style, est un philosophe.
Certains philosophes reprocheront à d’autres philosophes (des imposteurs selon eux) de cacher derrière un soi-disant style, une pose précisément littéraire, une absence de substance philosophique. Sont-ils jaloux du talent littéraire qu’ils ne possèdent pas eux-mêmes ou dénoncent-ils à juste titre, une imposture ?
Oui mais, si c’est bien écrit et si un plaisir esthétique s’en dégage ? Alors ?

Je m’excuse d’insister, mais il y a une foultitude d’écrits qui emportent l’adhésion des lecteurs, qui triomphent même, qui ne sont pas du roman : Christian Bobin, Philippe Delerm. Pour Bobin, qui ne m’a jamais "parlé", j’accorde volontiers à ses très nombreux admirateurs qu’il est un écrivain, sans doute aucun. Et puis je ne vais pas ressortir ce qui devient une scie, mais tout de même, et puisque votre blog origine de l’Hexagone, comment ne pas souligner l’autofiction ? Et elle se vend, pas comme du Coelho, mais tout de même, Angot tire à 50,000, ce n’est pas rien.

« l’artiste a une fonction sociale »
C’est indiscutable. Mais je vous trouve un peu rapide à l’enfermer dans ce que cette fonction doit être. « L’écrivain doit être utile, ou il ne sera qu’amuseur, bouffon, comique. » C’est une pétition de principe pour moi irrecevable. Ce mépris du bouffon, de la comédie, du divertissement, ce n’est pas une exigence, c’est un… élitisme de l’engagement ?

Je ne voulais pas changer le monde quand j’avais dix ans, et je remercie chaleureusement Agatha Christie d’avoir écrit tous ses livres. Et vous m’excuserez Jacques, mais cette femme est une artiste. Son art n’a pas la résonance d’un… ou d’une…., mais il ne saurait y avoir de littérature tout court s’il n’y a pas AUSSI tout ce qu’elle peut être – et ça passe par Agatha Christie, et tout le reste.

Modiano ? Ses livres suintent l’ennui, me tombent des mains, mais je connais des gens sensibles, estimables, qui l’apprécient. Il n’a pas connu la période sur laquelle il écrit ?
So What ? Ses parents l’ont connue, et sa vie s’en est trouvée changée. Qu’il en fasse des livres inintéressants pour moi, n’enlève rien au droit absolu de l’artiste d’ « obsessioner » autant qu’il le veut sur ce qu’il voudra. Je me garde le droit de le critiquer sur le résultat – son écriture, pas son sujet. Quant à en faire un produit, inventé par Pivot dans Lire (créé en 1975) ou Apostrophes, c’est refaire l’histoire après-coup Jacques. Modiano a tout de suite été remarqué,louangé et abondamment lu dès son premier bouquin (Rue des Boutiques obscures, si je ne me trompe, en 1968) donc bien avant l’âge d’or pivotien. L’éventuel « effet Pivot » ayant bénéficié aussi bien au produit-Modiano qu’àu produit-Jankélévitch, au produit-Bukowski qu’au produit-d’Ormesson, je serai le dernier à le décrier. (Pour ça, aller plutôt du côté d’Ardisson qui a lancé le produit-Thierry Messan après le 11 septembre.)

Sagan ? En quoi est-elle engagée ? Je n’ai lu que ses beaux portraits, Avec mon meilleur souvenir, et Bonjour tristesse, il y a une (longue) mèche, pas étonnant qu’elle ait eu un statut comme vous dîtes, bien qu’elle ait semble t-il beaucoup écrit de nullités par la suite. Mais, engagée ? Socialement ?
Amie de Sartre, c’est un peu court comme engagement tout de même….

Votre preuve par la réaction des puissants montre surtout que ces derniers avaient une sensibilité artistique, comprenaient le travail de l’artiste. Tant mieux. Mais tout ce que ça prouve, c’est que l’artiste, son statut, sa réputation déjà considérable, l’a protégé des injustices commises sur le commun des mortels par des despotes conscients de leurs postérités. Et il me semble que ramener le Roi Soleil et De Gaulle dans le même paragraphe, confondre le risque encouru par La Fontaine et celui de Sartre sous De Gaulle c’est historiquement parlant, s’emmêler les pinceaux, en plus de mêler délits d’opinions et de mœurs. Car Montherlant faisant du touche-pipi dans les vespasiennes, oui il a eu de la chance, mais je récuse toute interprétation selon laquelle il était normal qu’il soit « excusé » becôse c’était un « artiste ». Parce qu’il a une fonction sociale éminemment importante ? Foutaise.

Et hélas, il me faut me porter à la défense de Berberova et Nothomb. Parce qu’elles ont écrits de bons livres. Oui oui. Le livre qui a lancé Berberova, C’est moi qui souligne, ses mémoires, m’avait ennuyé, mais L’accompagnatrice, Le mal noir, Le laquais et la putain, sont de beaux petits romans, longues nouvelles plutôt. Est-ce qu’elle méritait tout le ramdam médiatique que Nyssen lui décrocha ? Peut-être pas. Mais qui le mérite ? Et qui en décidera ? Au moins, Pivot (puisqu’on parlait de filtres faisant leur boulot) donnait à lire, à gauche à droite, en traduction, en poésie, en essais en politique etc.

Nothomb : « Bécassine aux yeux immenses d’ailleurs pas très beaux, elle prend son personnage pour son talent. Le succès n’est pas plus une preuve de qualité que l’échec ou l’ignorance ne sont celle du contraire. Elle sera inéluctablement oubliée. » Mauvaise foi que la vôtre. Elle a un personnage, des chapeaux, encore une fois, so what ?
Vous en parlez à votre tour. Mauvais procès que celui là. Toute personnalité un tant soit peu excentrique, de nos jours, risque de ne passer QUE pour l’image qu’elle projette, consciemment ou pas. Que BHL porte des chemise blanches, Nothomb de grands chapeaux, Gary en son temps des ponchos mexicains, si c’est tout ce qu’on en trouve à en dire, je n’en jette pas le blâme sur ces écrivains.
Elle publie beaucoup (enfin, un livre par an – moi il me semble que si on a la chance de vivre de sa plume et de s’y consacrer à temps plein, et qu’on a un lectorat, les commentateurs de la chose littéraire qui vont soupirer « Encôôôôre un Nothomb! » je m’en foutrais royalement à sa place) et je remarque que c’est précisément dans le récit de sa propre vie qu’elle réussit ses meilleurs livres (Le sabotage amoureux, Stupeur et tremblements, Métaphysique des tubes). Elle a un ton, un style. Qu’il vous déplaise c’est bien sûr votre droit, mais cette fille est une écrivaine, ou comme l’on préfère par chez vous (le prestige masculin englobant le féminin) un écrivain (ou comme disait Christiane pour elle-même, une écrevisse ;o). C’est lorsqu’elle écrit des romans-romans qu’elle erre, et qu’elle commet de très mauvais bouquins (Péplum, que je fus incapable de terminer, aussi court fut-il, et son récent pensum sur la télé-réalité).

« ils ne sont porteurs d’aucune nouveauté de pensée, d’aucune inquiétude. »
Vous êtes bien la dernière personne chez qui j’aurais crû trouver une obsession de la nouveauté ! La vrai nouveauté, en Art, elle se produit combien de fois par décennie ?
Qui présentement, écrit « neuf » ? Parlez-vous des fondateurs de langue ou d’explorations de thèmes nouveaux ?
L’inquiétude, le soi-disant ronron, et bien mon dieu, je ne sais pas de quoi vous parlez.
La superbe Biographie de la faim de Nothomb, récit de cette atroce quête d’absolue pureté qui l’a fait côtoyer la mort ne me semble pas précisément ronronner, mais bon. Ne croyez-vous pas (me voilà psychologue de bazar, mais c'est vous qui avez commencé hein !) que vous reprochez surtout à ces auteurs de ne pas parler de VOTRE inquiétude ? Lit-on pour voir le monde tel qu'on le perçoit, confirmé par d'autres sensibilités ou accepte t-on de mesurer sa sensibilité à d'autres, différentes ? Je me pose la question autant qu'à vous. Et en ce qui me concerne, je constate que je suis peut-être et de plus en plus, coupable du même délit dont je vous soupçonne: l'impatience menant à une intolérance que l'on doit garder sous observation. Ces envies d'absolu, de noir et blanc... J'étais tellement malheureux à 20 ans que je ne vais pas y retourner.
Non, je veux mon corps de 20 ans et mon vécu de maintenant, ah oui ça tout de suite. J'ai d'ailleurs commandé un nouveau corps pour mon anniversaire mais ça n'a pas marché.

« Je tourne autour, le hume, le lape, reviens, tourne encore, pique à même le rayon quelques lignes, deux pages, renifle le style, cherche l’eau dans la bouche..." –
C’est la meilleure façon de découvrir des livres, profusion éditoriale ou pas, et je n'en connais pas d'autres.

J’ai peut-être aussi atteint l’âge ou il y a moins devant que derrière, et pour ma part, j’espère ne jamais perdre de vue cette essentielle légèreté, luxe de l’angoissé, qui permet de supporter le tout et d’avancer. Cette quête d’un surplus de sens ne risque t-elle pas de vous étouffer ? Je ne suis pas du tout zen, (sans doute pas assez) mais cette crainte qui chez vous surgit si souvent, cette peur du « peu qui reste » si transparente dans vos écrits, me fait vous souhaiter de tout cœur qu’elle trouve un apaisement, une sortie (non-touristique ;o) – quoique les voyages personnellement m’apaisent, chacun ses potions.)

Polémiquement vôtre,
et avec toute mon amitié,
Benoit.

Écrit par : Benoit | lundi, 19 septembre 2005

Benoît : « Reste que dans une fiction, on peut perdre de vue le référent sans dommage. C’est même vivement conseillé si on veut être un grand créateur.  »

Je suis désolé, mais le référent n'est jamais perdu, surtout chez les plus grands auteurs ! Stevenson est un très grand romancier parce qu'il est exact dans ses descriptions et qu'il est aussi un critique ayant pénétré vraiment l'âme des textes. Il existe deux écoles littéraires en gros : les écrivains qui sont contre toute forme de critique (l'exemple type est Marcel Aymé ou Gary), les écrivains hyper-critiques (l'autre exemple serait Baudelaire ou Proust).

La littérature peut très bien s'accommoder du référent ; mieux : elle en fait sa propre matière et elle le change. Le Degas de Valéry ne nous apprend pas seulement des choses sur Degas, mais aussi sur Valéry, et nous allons de l'un à l'autre, sans arrêt. Nous ne voyons plus de la même manière après : tâche impossible avec les textes de Bobin et de Delerm qui ne sont pas de la littérature.

Écrit par : Dominique | lundi, 19 septembre 2005

Benoit, vos propos sur Amélie Nothomb me réconcilient avec la littérature !
J'ai aimé Peplum. Je suis d'accord avec vous au sujet d'Acide sulfurique.

Écrit par : de Savy | lundi, 19 septembre 2005

Bon, j’arrive.

Salluste ? Catilina ? C’est de ma faute, ça m’apprendra à mieux tourner mes phrases. Je voulais dire – et que ne l’ai-je dit suffisamment ! – que l’histoire de Catilina nous était mieux contée par Salluste que par Cicéron. Item, la Seconde Guerre mondiale nous est mieux narrée par le général de Gaulle que par Churchill. Cela se nomme le style. Mais c’est de ma faute, ma phrase était mal tournée.

Les philosophes qui ont du style n’auraient pas, aux dires de certains de leurs confrères, de qualités philosophiques ? Fichtre et foutre ! Ventre saint-gris, par ma barbe et nom d’une pipe ! Que font-ils de celui qui vivait 2, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève ? L’ami Bachelard ? L’exemple même du philosophe qui ne perd pas de vue la science et qui a une plume de haut niveau. Non ?

Bobin ? Delerm ? Angot ? Eh, cher Benoît, nous parlions d’écrivains, non ? Pas de cacahuètes.

Modiano-Nothomb-Berberova, vous ne me convaincrez jamais, jamais, jamais. J’exècre absolument ces trois produits fabriqués, je le répète, persiste et signe. Nothomb n’existe pas et j’en demande pardon à l’ami de Savy qui l’adore, et moi j’aime bien de Savy – et il le sait – mais la mère Nothomb n’existe pas. Si j’ai parlé de son personnage, c’est parce qu’elle n’est qu’un personnage. Gary portait des ponchos, eh oui, diantre, mais il avait produit une œuvre, celle de Gary. Nothomb aurait une œuvre ? C’est nouveau ? Dites, camarade Benoît, vous voyez Nothomb inventer Ajar ?

La Fontaine, Sartre et Montherlant ? Oui , j’ai mêlé délits d’opinions et délits de mœurs, sciemment. Parce qu’il est indéniable que les artistes, les écrivains ont ce régime de faveur et que la différence entre Louis XIV et Pinochet – et je ne m’emmêle pas les pinceaux – c’est que Louis XIV ne touche pas à La Fontaine quand Pinochet ou un autre sinistre pantin comme lui l’aurait embastillé immédiatement.

L’inquiétude, je persiste, là aussi. Un écrivain doit nous inquiéter. Nous inquiéter n’est pas nous terroriser, c’est nous empêcher de nous endormir sur nos certitudes. Ce n’est pas le clown Modiano qui va y parvenir, ni la trapéziste Nothomb, ni Berberova, écuyère un peu fatiguée sur sa Rossinante actesudienne.

Pour cette question de référent, je suis entièrement d’accord avec Dominique, qui parle toujours juste.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 septembre 2005

Benoît : « Reste que dans une fiction, on peut perdre de vue le référent sans dommage. C’est même vivement conseillé si on veut être un grand créateur. »

Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Sébastien. Mais je suis plutôt d'accord, en ce que lorsqu'un romancier nous donne sa recherche référentielle en patûre, ou lorsqu'on s'en aperçoit, c'est comme si on avait droit au clin d'oeil du bon étudiant - non mais regardez, j'ai fait mon travail non ? Oui, mais pour le roman, c'est (souvent) raté.

Dominique, on ne vas pas se comprendre, les constats avec préambules du genre "en gros il y a deux types de littérature" me sont inutiles. Seulement deux ?
Quel ennui.

Et d'ou tenez vous que Gary refuse la critique ? Il refuse le dogme ça oui. Mais les genres, types, sous-genres, il les prend tous à son profit de romancier - d'ailleurs, on lui a assez reproché en France ses talents de romanciers multiformes (à l'opposé d'un Modiano pour y revenir). Il a même pondu un gros essai pour dire sa haine des diktats mais sa réelle admiration pour, d'autre part, le talent littéraire de ces mêmes thuriféraires de l'Ère du Soupçon, niant au romancier le droit d'être dieu de son petit univers romanesque.

Le roman moderne peut difficilement se pratiquer comme à l'époque de Stevenson ou Balzac puisque le lecteur a une profusion d'informations déjà à sa portée qui rendent souvent caduque la nécessité de descriptions détaillées du monde physique.

Cela dit, et je vous cite Gary pour terminer: " Nous vivons dans une époque de surdocumentation dangereuse mais qui offre précisément au romancier des possibilités illimitées."

Un écrivain qui travaille sur le spirituel, hors la fiction, comme Bobin, va utiliser quel référent pour écrire son oeuvre ? Et ceux qui le lisent et en tirent un bonheur qui les changent, ils sont quoi, mythomanes ?
Décider ex-cathedra qui "écrit" ou pas relève de la bulle papale. Or je ne me sens pas capable d'assumer l'infaillabilité, je laisse donc Bobin à ses admirateurs et vous laisse vos deux littératures.

Écrit par : Benoit | lundi, 19 septembre 2005

Benoît : « Le roman moderne peut difficilement se pratiquer comme à l'époque de Stevenson ».

Stevenson est un écrivain plus que moderne qui ne se pose pas seulement la question de sa documentation, il a dépassé la question de la représentation telle que vous vous l'imaginez. Les fadaises bondieusardes de Bobin et les radotages pseudo nostalgiques de Delerm en revanche ne transforment pas du tout le regard.

Écrit par : Dominique | lundi, 19 septembre 2005

Bon, Jacques, pour la philo, je pose simplement une question: sa pratique requière t-elle une prose stylée ?
Même chose pour l'histoire.
Jacques LeGoff écrivant sur la naissance du Purgatoire, en fait un livre d'histoire pasionnant. Mais son étude écrite platement, serait toujours un bon livre d'histoire pour ceux que le purgatoire intéresse. Libre à un bon romancier d'en tirer un bon roman historique, respectueux des faits. Ce qui n'empêcherait ni Le Goff d'écrire son essai, ni le romancier d'en faire son affaire.

Par ailleurs, je ne suis pas spécialiste, mais si vous croyez vraiment que la théorie de la relativité devait être artistiquement énoncée pour obtenir d'être considérée par les autres scientifiques, m'est avis que vous errez dans les bégonias.
Anyway.

Hé oui Jacques, souffrez que de Savy et moi-même parfois reconnaissions à Nothomb un réel talent littéraire.

La pauvre est victime de son succès ( bon, elle ne doit pas trop souffrir quand même). En effet, et tiens donc, et comment, ses deux-trois premiers bouquins furent accueuilis favorablement, et quand le public s'est ému et l'a portée en triomphe, qu'allait faire le milieu ?
Comme c'est étonnant, il ne l'aime plus beaucoup. Alors qu'elle a écrit ses meilleurs livres APRÈS.

Qu'elle rate ou qu'elle cartonne littérairement parlant, elle a des fidèles, BEAUCOUP de fidèles qui la font triompher commercialement à défaut d'un support critique qui lui fera désormais, je parierais une bonne bouteille là-dessus, toujours défaut. Et vous n'êtes pas si loin Jacques. Elle devra sans doute, le jour ou elle en aura assez de se faire reprocher sa productivité ses chapeaux et son succès, se trouver un pseudo...

Tout n'est pas égal, en effet.
Gary a du génie.
Nothomb a du talent.

Mais je ne lis pas toujours avec les mêmes attentes.
Et pas que des génies, à moins de se condamner à ne lire que les "classiques".
Et là ou Nothomb se plante, je dis simplement: meilleure chance la prochaine fois.
Mais n'y voir qu'un produit est faire preuve de myopie.
Nyssen a crû à son auteur Berberova. C'est bien ce que doit faire un éditeur non ? Et à l'époque, Actes Sud était encore une petite maison avec des moyens réduits, et faire un coup marketing avec les nouvelles d'une vieille russe oubliée, enfin, vous ne trouvez pas que "produit" marketing et industrie, c'est aller un peu loin dans le procès d'intention fait à Nyssen ? Il n'y a pas de commune mesure entre les lancements de produit comme on les fait de nos jours (Fayard a fait ça très bien cet automne) et le soutien d'un Nyssen à une Berberova. Ou à une Nancy Huston d'ailleurs...

Écrit par : Benoit | lundi, 19 septembre 2005

Hé bien Dominique, je ne vois qu'une solution: il me faudra lire un Stevenson ! Que recommandez-vous ?

Écrit par : Benoit | lundi, 19 septembre 2005

Ses textes sur l'art de la fiction et sa correspondance avec James pour commencer.

Écrit par : Dominique | lundi, 19 septembre 2005

Petite pécision: "Rue des Boutiques obscures" de Modiano est de 1978 et non de 1968.

Écrit par : Feuilly | mardi, 20 septembre 2005

Oui, je pense que, selon la formule consacrée, les lecteurs auront rectifié d'eux-mêmes.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 20 septembre 2005

Le premier livre de Modiano est bien paru en 1968, mais c'était La place de l'étoile. Mea Culpa.

Écrit par : Benoit | mardi, 20 septembre 2005

j'ai du mal à comprendre les commentaires sur les universitaires écrivant sur...et des résultats de leurs réflexions à fuir (je sais je prends des raccourcis). C'est un peu facile de taper sur les universitaires, tant qu'à écrire un truc évident et un peu bête, c'est comme partout, il y a des bons et des moins bons.
Le "il vaut mieux être anthropologue qu'écrivain" et blah blah. Pour l'aspect financier, peut-être parfois mais sur ces gens que l'on préfèrait lire par rapport aux écrivains, c'est un peu n'importe quoi. La plupart des universitaires que je connais veulent autant que possible que les étudiants abordent l'oeuvre directement. Les critiques, essais sont des béquilles très utiles pour certains aspects, pour commencer ou pour aller plus loin parfois.
Sur l'aspect romancé des ouvrages qui ne sont pas des romans, certains commentaires l'on souligné mais je le redis. R. G. Collingwood a fait une très bonne analyse sur la part de subjectivité, de fiction qui est inhérente à tout ouvrage historique, ce qu'il a nommé Emplotment. Hayden White écrit:
"Selon Frye, ainsi que nous l’avons vu, l’Histoire (ou du moins la véritable Histoire) appartient à la catégorie de « l’écriture discursive » ainsi donc lorsque l’élément de fiction ou bien l’élément mythique dans la structure de l’intrigue est de toute évidence présent, elle cesse complètement d’être de l’histoire et devient un genre bâtard, produit d’une union impie, tout en étant naturelle, entre l’Histoire et la poésie".
Je ne suis pas tout à fait d'accord car la référence est le roman/la poésie qui seraient les premiers à avoir raconter une histoire mais c'est une autre discussion (jen ai un peu parlé le 30/08/05 sur mon blog dans réponse par de Certeau).
Ce que je retiens ici c'est qu'il y aurait une histoire partout même dans les ouvrages qui ne sont pas des romans. Le scientifique voit aussi une histoire que le littéraire (pour schématiser) ne voit pas dans la formule. Expérience personnelle: on m'explique à la maison le "transformé de fourrrier" comme une histoire (je vous mets au défit de voir une histoire là dedans:
http://perso.wanadoo.fr/chrismich/sciences-math-fourrier.htm.
Ce n'est pas parce que c'est le meilleur moyen pour que je comprenne mais car celui qui expliquait le voyait ainsi (c'est une histoire que je n'ai d'ailleurs toujours pas comprise).
Un ami physicien me parle de sa thèse sur l'influence la lune sur les marées comme une histoire.
De là je me dis que l'acte de lire est peut-être, pour répondre à Jacques, lire une histoire et il n'y a aucun mal à ça. Lire c'est lire une histoire racontée autrement et pas seulement par l'écrivain seulement on oubli d'expliquer aux gens qu'il n' y a pas de mal à lire autre chose que le roman. Toute cette discussion et les commentaires des intervenants et les références données me font dire qu'on ne peut pas reprocher aux gens de penser que lire c'est lire un roman finalement. Non?!

Écrit par : Livy | mardi, 20 septembre 2005

Avant de faire ma petite contribution à ce fil de discussion sur la littérature, je ferais remarquer la belle pertinence des propos des intervenants. Un beau forum, en effet, que celui-ci.

La question de savoir si une forme d'écriture est de la littérature ou non, c'est de chercher à savoir, à mon sens, si l'auteur est capable de transcendance, peu importe la catégorie d'écriture. Feuilly dit "qu'est littérature celui qui invente, qui transforme la réalité pour en faire autre chose". Je dirais que la littérature, témoin de la réalité, la rend accessible plus facilement au lecteur, au point de l'habiter. Voilà alors un texte digne d'être qualifié de littérature. Et une autre façon de parler de transcendance, oserais-je dire. Sébastien dit avec justesse: "Seule une subjectivité est capable de donner une cohérence à une succession de faits en apparence contradictoires". Oui, absolument. Ce sont sans doute les premiers pas vers la transcendance. La vérité n'est pas le résultat d'une succession de vérités, mais plutôt une succession de faux-mensonges...( Comme si la vérité était dotée d'ailes de colombes et qu'elle échappait constamment à la main de l'homme. Aussi, elle n'est jamais définitive.) Dans un même sens, Benoît avance "qu'il n'y a pas d'art qui soit sorti d'une théorie de l'art". C'est une autre façon de dire que la vérité et l'art dépassent les règles. Et qu'à ce titre "Dogma" et "Le Nouveau Roman" font fausse route à vouloir définir les paramètres de l'expression artistique. Ces écoles ne resteront que des cas d'espèce, des essaies exotiques de la "Nature", le long du chemin menant à la vérité d'un groupe humain, d'une collectivité.

Le piège, c'est la règle. Feuilly, dans son beau tour d'horizon de l'évolution de la littérature dans une culture, parle du classissisme comme de la cristallisation des règles, ultime étape d'une culture avant qu'elle devienne une civilisation. (Avez-vous lu "Le déclin de l'occident" du philosophe allemand Oswald Spengler?) Ooooui! Le débat, dirais-je, évolue forcément vers la question éternelle de la forme et du fond. À mesure qu'une culture évolue, elle se pose plus de questions sur la forme que sur le fond, de telle sorte que l'obsession de la règle cannibalise ou phagocyte tout le reste, dont l'idée ou le message. Là où je veux en venir, c'est que le message (le fond) devrait profondément imprégner l'auteur, de telle sorte que les questions formelles deviennent accessoires. Une maîtrise du sujet et de l'émotion personnelle qui s'y rattache permet à l'auteur d'atteindre ce territoire qu'on appelle la création. Rendu à cette étape de la création artistique, l'auteur devient transcendant, peu importe son champ d'expression. Comme on le dit souvent, cet auteur est alors "inspiré". Cervantès est de cette catégorie. Michelet, comme historien, l'est tout autant. Chateaubriand, dans ses Mémoires, l'est franchement. Et Casanova, encore plus, malgré les italianismes éparpillés le long de ses fameuses mémoires. À sa manière, Jean Baudrillard, oserais-je avancer, est transcendant, quand bien même il est philosophe. Et même un auteur moins connu comme Gilles Plazy (son essai "Mona l'ange noir de Henry Miller") est du même calibre: son écriture est vive, juste et adroite. À l'heure actuelle, les Français, en général, ont peut-être trop porté attention aux questions formelles et intellectuelles, alors que les Américains, pour combien de temps encore?, se sont contentés de s'exprimer, tout simplement. Les auto-didactes comme Miller, Kerouac, Bukowski, Harrison, Fante, Brautigan, en sont la preuve. Djian avait quelque chose des Américains, et peut-être est-il encore de cette lignée...

Quelqu'un a cité Céline selon qui "la littérature, c'est le style". Il voulait peut-être dire, si je peux préciser le propos d'un géant, que la littérature, c'est une question de transcendance. Au-delà de ses idées fort discutables, cet auteur était transcendant.

Écrit par : ski-doo | mardi, 20 septembre 2005

"il vaut mieux être anthropologue qu'écrivain"
Petite précision. Par cette phrase, je voulais dire que dans la société actuelle le prestige (au sens de prestige social mais aussi de prestige symbolique) des sciences humaines est plus grand que celui de la littérature. Victor Hugo, de son vivant, c'était quelqu'un. Sartre aussi. Ils pouvaient s'exprimer sur tous les sujets. Aujourd'hui, on a l'impression que l'écrivain a moins de "puissance", que le public le respecte moins. On ne lui demandera pas de trouver une solution à la crise irakienne ou à celle des logements sociaux de Paris. Pour cela on interrogera plus facilement un sociologue ou un politologue renommé. Voyez la place occupée par un Bourdieu ou un Chomsky par exemple.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 21 septembre 2005

Ski-Doo, vous avez eu le courage de tenter la synthèse d'une soixantaine de commentaires. Bravo. Vous feriez un médiateur de haut rang.

En tout cas, je suis bien content de voir que ce blog "fait" forum, qu'il y a de bons échanges, plutôt fructueux, et qu'on peut n'être pas d'accord sans se taper dessus.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Feuilly : c'est exactement ce que je regrette, cette disparition (ou, au moins, atténuation) de la place de l'écrivain dans la cité.

A mon avis, cela est dû au fait que l'écrivain s'est endormi sur sa création, sur ses romans déconnectés du monde. Il a cédé le pas. Il est grand temps qu'il redécouvre l'engagement, plus exactement : qu'il se rappelle que l'artiste est engagé par définition, constitutivement. Et qu'il cesse de ne faire que des romans pour, artiste engagé, s'intéresser aux choses de la cité et ne s'interdire aucun domaine de création.

Ah, on y arrive !

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Pour ce qui concerne la notion d'artiste et de sa référence sociale, on voit de nos jours les médias poser des questions sur la marche du monde aux acteurs, chanteurs de tout poil plutôt qu'aux auteurs.
J'y vois le signe d'une perte de confiance dans ceux qui écrivent, et/ou une sorte d'éloignement du public, devenu peut-être un peu paresseux.

Excusez l'apparté.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Bon. Pour une fois que je participe, mon prénom n'y tient pas...

Écrit par : Martine Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Je connais deux cas d'aspirants écrivains à qui l'éditeur a dit qu'il refusait leur manuscrit (manuscrit non lu, bien entendu, l'éditeur s'étant contenté d'un résumé d'une page) parce que trop engagé. L'un critiquait la colonisation du Zaïre en se moquant du roi des Belges Léopold II (les faits remontent au siècle passé pourtant; enfin au siècle encore avant, je me crois toujours au XX°), l'autre a été taxé d'altermondialiste parce qu'il traitait de la politique économique occidentale en Amérique du Sud. "Impubliable. Vous comprendrez que je ne peux me compromettre en éditant de tels textes."

Donc, non seulement la critique journalistique reste en surface et se contente d'encenser en fonction des intérêts de chacun, non seulement les éditeurs ne pensent plus qu'à faire du commerce (si pas eux, du moins les actionnaires qui dirigent en fait leur société), mais en plus on n'édite que ce qui est politiquement correct. Comme de leur côté les écrivains ont tendance à devenir nombrilistes, on finira par se demander où est la vraie littérature.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 21 septembre 2005

Jacques, j'ai été plus enthousiaste que lucide... Je suis encore fasciné par la communication instantanée sur a Toile, malgré les grandes distances.

Je voulais juste souligner, encore une fois, que j'y crois à cette idée de transcendance, sans pour autant sombrer dans le mysticisme. Et si nos écrivains ne sont plus aussi "puissants" qu'ils l'ont déjà été, c'est qu'ils ne sont plus aussi transcendants qu'ils l'ont été par le passé. À ces époques, ils touchaient encore le lecteur par un contact plus "direct", avant de s'emprisonner dans les théories absconses.

Bon, faut que j'aille bosser, transcendance ou pas... C'est l'heure!

Écrit par : ski-doo | mercredi, 21 septembre 2005

Feuilly : "Non seulement la critique journalistique reste en surface et se contente d'encenser en fonction des intérêts de chacun, non seulement les éditeurs ne pensent plus qu'à faire du commerce (si pas eux, du moins les actionnaires qui dirigent en fait leur société), mais en plus on n'édite que ce qui est politiquement correct".

Tu sais, ça a toujours été le cas. Aujourd'hui, ça se voit beaucoup parce que tout se voit beaucoup à présent, mais c'est tout. A part Pauvert et Losfeld, peut-être, qui se sont pris des procès et des saisies à n'en plus finir sur le nez, personne n'a jamais rien osé, du côté des éditeurs. Après eux, il y a eu Maspéro, mais c'est tout. Il ne faut pas rêver. Ces maisons n'existent plus, évidemment.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Du temps de l'ancien régime (je parle des rois de France, non de l'ère pré-Sarkozy) il restait la possibilité d'aller se faire publier à l'étranger: Hollande, Belgique (la ville de Bouillon, celle du preux Godefroid qui s'en alla autrefois conquérir Jérusalem, a vécu longtemps de cette lucrative activité, qui lui permettait en outre d'apparaître comme une cité où foisonnaient les idées nouvelles).

Pour affiner le débat, il faudrait préciser que par engagement de l'écrivain il ne faut pas seulement entendre un engagement politique (mais aussi celui-ci) mais existentiel. Un bon livre est celui qui fait réfléchir l'homme (ou la femme, je le précise pour Martine qui est en train de sortir du bois) sur sa destinée et sa place dans le monde.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 21 septembre 2005

Bien entendu, engagement existentiel aussi. C'est pour cela que je disais plus haut que l'artiste est engagé constitutivement, par définition. Pour cela aussi que j'ai remis dans le courant de cette discussion la première note de l'ancien blog, et que j'en redonne ici un extrait, pour bien enfoncer le clou.

Il n’y a pas de question : l’artiste a une fonction sociale. Le poète dans la cité a sa place et son rôle. Poète au sens le plus étendu : trouveur, éveilleur de consciences, orfèvre, dénonciateur, gueule ouverte, témoin… La place de l’artiste est politique, c’est-à-dire sociale, philosophique. L’écrivain doit être utile, ou il ne sera qu’amuseur, bouffon, comique. Distrayant. Il faut choisir, accepter de risquer sa réputation, « se mouiller » comme on dit familièrement. L’œuvre qui ne se mouille pas est une distraction, mot horrible, une détente, mot petit-bourgeois, une sortie, mot touristique.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Remarquons que la presse, elle aussi, a parfois tendance à devenir uniforme. Les clivages politiques étaient mieux marqués autrefois. Le Figaro, ce n'était pas l'Humanité ni le Canard enchaîné.
Aujourd'hui, par la mainmise de l'actionnariat, on se demanderait bien ce qu'il en est vraiment. Ainsi le contenu du Monde ne me semble plus ce qu'il était. Il est en tout cas fort différent de celui du Monde diplomatique, qui lui reste financièrement indépendant. Jusqu'à quand?

Mais je ne voudrais pas faire dévier sur le journalisme ce débat si intéressant.

Notons cependant que beaucoup d'écrivains sont par ailleurs journalistes. Soit que cette activité leur permette d'avoir un emploi rémunérateur, soit que c'est dans le corps des journalistes qu'on recrute les écrivains, "parce qu'ils sont déjà connus et que leur nom a une chance d'émerger."

Écrit par : Feuilly | mercredi, 21 septembre 2005

Ski-Doo : Et qu'à ce titre "Dogma" et "Le Nouveau Roman" font fausse route à vouloir définir les paramètres de l'expression artistique.

D'où tenez-vous cette baliverne et qui est l'auteur ectoplasmique nommé « le nouveau roman » ? Il s'agit seulement du ressassement des clichés.

Écrit par : Dominique | mercredi, 21 septembre 2005

"l'écrivain s'est endormi sur sa création, sur ses romans déconnectés du monde. Il a cédé le pas. Il est grand temps qu'il redécouvre l'engagement, plus exactement : qu'il se rappelle que l'artiste est engagé par définition, constitutivement. Et qu'il cesse de ne faire que des romans pour, artiste engagé, s'intéresser aux choses de la cité et ne s'interdire aucun domaine de création."

Finalement l'on va peut-être finir par se rejoindre !

Le roman engagé, comme la chanson engagée, ne m'intéresse que fort peu, lorsqu'il se présente comme tel. Pour moi, le soucis (message) du créateur doit passer dans sa création, dans son travail d'artiste, parmi tout le reste. Si message il y a, il passera, et sera transcendé comme le dit bien Ski-doo. Pour ce qui est du roman. Les essais polémiques d'écrivains sont rares et c'est effectivement dommage. Je vous citais Rochefort et son essai sur l'écriture, mais son unique autre, Les enfants d'abord, fut démoli (par les "spécialistes" de l'enfance) parce qu'elle ne savait pas de quoi elle parlait, c'est juste un écrivain !

Je maintiens que l'artiste qu'il soit écrivain ou autre chose, a droit à l'entière liberté dans ses choix, message (conscient) ou pas, qu'il décide de parler du monde entier, de son nombril ou de son jardin.

Quant à l'auteur non-sollicité par la Cité pour savoir que penser de ci ou de ça, je vous fais remarquer que, partout, et en toutes circonstances, désormais le généraliste a mauvaise presse. Qui a dit déjà que l'on vivait désormais dans une société ou plusieurs savent tout sur très peu mais très peu sur tout ?

On n'a qu'à entendre les péremptoires demandes de preuves (diplômes) qui nous sont faites du moment qu'on a la prétention de simplement s'exprimer, en tant que citoyen, et sans même gueuler, sur des problématiques qui nous touchent. (Vous vous rappelez Jacques cette discussion sur le sida ?)

Regardez la condescendance avec laquelle toute remise en question du tout-à-l'économie et du sacro-Saint-Fric est accueillie. "Les spécialiste disent" en conséquence, fermez vos gueules. Qui êtes-vous pour prendre la parole ? Vos papiers !

Souvenez-vous l'accueil fait à Vivianne Forrester quand elle écrivit L'horreur économique, le dédain pas même masqué des Minc Sorman et cie. Les faits par elle relatés pouvaient êtres vrais, mais vous comprenez, un écrivain, et une femme (donc hystérie, irrationalité et tutti quantti), qui critique l'Ordre mondial, la fin de L'Histoire, mais c'est qui cette bonne femme ?

Je cite Diane qui elle-même citait Robert Lalonde dans son "Vacarmeur" (chez Boréal, à découvrir):
¨L'écrivain n'est pas un être mais un LIEU, un monstrueux appareil récepteur, capable de recueilir toutes les sensations. L'écrivain n'est ni un inventeur, ni un clairvoyant, encore moins un rapporteur; il est
le lieu où passent les visions, les parfums, les sensations, les sentiments, tous ces éclats de vie partielle qui vivent durablement.¨

C'est une définition qui donne à l'écrivain ce statut de réflecteur, de pythie ? En tout cas, de passeur.

Jacques, là ou je vous rejoins, c'est qu'en effet, beaucoup d'écrivains auront acceptés pour eux-mêmes ce qu'on nous demande à nous tous de devenir: des êtres passifs à qui l'on dit comment et quoi penser (je vous ramène à vos commentaires sur le référendum européen). Oser SE penser globalement, aller se foutre dedans, n'est plus très bien vu. Voyez l'accueil fait à J.C. Ruffin, Goncourt ou pas et quoi que l'on pense de ses livres, qui ont du moins le mérite de sortir de l'exclusif MOI-JE.

Il y en a, des écrivains qui disent la société telle qu'ils la voient et la prédisent, comme Houellebecq, mais ils n'en voient qu'une partie, "réduisent le ciel à ses nuages" comme dit JP Nataf, et ne proposent rien.
C'est à ceux-là désormais qu'on trouve du génie.
Cul-de-sac, dira t-on.

En attendant, heureusement qu'il y a (eu) les Chomsky et les Bourdieu. Mais ne les écoute t-on pas parce qu'ils sont "sérieux", linguiste et sociologue ? Ils n'auraient publiés ne fut-ce qu'un seul roman et je vous garantis qu'on aurait trouvé le moyen d'en faire un argument (chez leurs détracteurs) décrédibilisant. Quel mot affreux, faudrait que je termine sur autre chose.

Tiens v'là le soleil, en attendant la queue de Rita qui va sans doute finir par nous tomber dessus, comme Katrina avant elle. Et le réchauffement global est, selon Bush, une fadaise bien entendu.
Espérons que Rita s'invite dans son ranch...

Benoit.

Écrit par : Benoit | mercredi, 21 septembre 2005

L'auteur "ectoplasmique" du Nouveau Roman, ou celui qui a énoncé la "baliverne" ?
Ski-doo synthétisait mon argument. Ce qui ne vous étonnera pas sans doute.

Clichés peut-être, mais un cliché, vous le savez, est tout de même fondé sur une réalité tellement connue que c'est pour ça qu'elle devient cliché.

Cela dit, à partir de combien de nouveaux romanciers lus, de films réalisés selon le Dogme vus a t-on le droit de ne pas y souscrire (pour les raisons précités?)

Dominique, je sens qu'à partir de votre théorie littéraire bi-polaire, vous allez m'expliquez quelque chose...

Écrit par : Benoit | mercredi, 21 septembre 2005

En fait, dans cette discussion qui prend une ampleur appréciable, nous ne sommes nullement loin les uns des autres. Nous disons des choses finalement proches, mais très différemment.

Je vais tenter de résumer ma position.

L’écrivain ne doit s’interdire aucun « genre » et, mieux, s’employer à abattre les cloisons étanches. Il doit être à même de traiter de nombreux sujets (pourvu qu’il possède une compétence certaine, évidemment) de la manière la plus écrite possible. Il ne peut légitimement se contenter de pondre des romans comme il ne peut être versé que dans un domaine, plutôt qu’un autre (naturellement, il ne peut prétendre à la connaissance universelle, aujourd’hui moins que jamais). Mais je ne peux plus entendre des choses comme : « Je fais une biographie de Machin, ça n’a pas besoin d’être écrit ». L’écrivain doit s’impliquer dans la vie courante, ce qui suppose de ne pas laisser sa place à Bourdieu (ou un autre) mais dans le même temps d’être capable de discuter-disputer avec Bourdieu (ou un autre). Il faut fiche en l’air les catégories. Car enfin, l’écrivain capable de traiter de philosophie, de poésie, de roman, de théâtre et de politique, ça existe, non ? Il y en a même eu un il n’y a pas si longtemps, comment se nommait-il déjà ? Sa… Sart… Ce n’est qu’un exemple. Des gens comme Breton, Vailland et d’autres ont eux aussi été « pluridisciplinaires » (pff, quel mot, on dirait un terme de droit pénal).

Benoît note : « On n’a qu’à entendre les péremptoires demandes de preuves (diplômes) qui nous sont faites du moment qu’on a la prétention de simplement s’exprimer, en tant que citoyen, et sans même gueuler, sur des problématiques qui nous touchent. (Vous vous rappelez Jacques cette discussion sur le sida ?) ». Et comment, je me rappelle très bien, c’était cet été, et j’avais souligné le pitoyable ridicule de votre contradicteur qui, avec vous, tombait on ne peut plus mal. Il faut abattre les cloisons, encore une fois. Zut à ceux qui demandent des preuves.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Benoît, je crois avoir compris que Dominique attend des détracteurs du Nouveau roman des raisonnements étayés, argumentés et non des déclarations. Je serais étonné qu’un homme qui, croyez-moi, est le contraire d’un sot, ait une vision bi-polaire de quoi que ce soit. Mais je ne veux pas répondre à sa place.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Qui est donc ce fameux auteur qui serait à lui seul tout le nouveau roman ? Qui ? On se demande franchement encore ce qui déclenche une telle fureur contre des auteurs aussi divers que Sarraute, Pinget, Ollier, Butor, Simon, Claude Mauriac (et même Beckett présent sur la fameuse photo des éditions de Minuit) alors qu'ils n'ont jamais été dogmatiques, qu'ils ont seulement écrit à l'occasion sur leur pratique d'écriture, sur leur conception des textes anciens ou sur leurs attentes de lectures et qu'ils n'ont jamais dû leur fortune critique grâce à la promotion d'un auteur nommé Nouveau Roman par des cours qu'ils auraient donné dans les universités américaines où justement le fameux auteur Nouveau Roman était très à la mode et où il est toujours reconnu comme le dernier écrivain français moderne.

Écrit par : Dominique | mercredi, 21 septembre 2005

Bien, nos commentaires se sont croisés. Je pense donc que je ne m’étais pas trompé sur les attentes de Dominique.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 septembre 2005

Merci Benoît d'avoir fait cette mise au point sur l'origine (!) du terme "Nouveau Roman" dans ce fil. Ça m'apprendra à vouloir résumer les propos des autres participants! Et finalement, je crois bien que Jacques a bien résumé les interventions: il faut autant que possible abattre les cloisons. Aussi, l'importance accordée aux diplômes, aux yeux des éditeurs, est un leurre. J'imagine qu'on ne devrait pas ici tomber dans le même piège et attendre des démonstrations à toutes les affirmations... Quand même...

Écrit par : Ski-doo | mercredi, 21 septembre 2005

"J'imagine qu'on ne devrait pas ici tomber dans le même piège et attendre des démonstrations à toutes les affirmations... Quand même..."

Merci Ski-doo, c'est bien ce que je disais à Dominique à propos concernant le nombre de livres nécessaires qu'il faut avoir lu pour pouvoir décider qu'on est pas très chaud envers une école théorique.

Il y a très longtemps que je n'ai fréquenter ces auteurs, dont Dominique a raison de souligner la disparité, d'autant que certains ont tenus à se dissocier de cette école (si on se dissocie, c'est qu'on ne veut pas être associé, et que donc il y a identification et que ça existe, non ?), un peu rapidement présentée par cette célèebre photo, Duras entre autres - de qui j'ai beaucoup apprécié certains bouquins, romans ET récits/essais, enfin, écriture - et pas du tout certains autres, surtout sur la fin - dont le si mal nommé Écrire, ouch !

Cela dit, Nouveau Roman a fait un triomphe critique comme vous le soulignez, alors, comment s'étonner que les universités américaines y trouvent leur compte, si on leur dit que la littérature française, c'est d'abord ÇA ?

On ne va pas repartir sur Sokal et les mystificateurs, c'est un autre débat. Quant à l'Oulipo que j'évoquais également, j'ai essayé Garretta (baîllements et incompréhension - j'étais très mauvais en math, chimie et physique à l'école), pas aimé La vie, mode d'emploi (malgré le titre qui m'avait attiré, ado que j'étais, et qui espérait malgré lui sans doute, avoir trouvé une solution. Mais non.) Par contre j'aime bien Calvino, Aventures et Le baron perché. Je vous dis tout ça juste pour qu'il soit clair que pour moi, un bon livre est un bon livre - MALGRÉ les théories. Pas à cause de.
Ainsi, (Jacques, bouchez-vous les oreilles) je reconnais en Bobin, Modiano (pour demeurer dans les pré-cités sur ce fil sinon on n'en finit plus) des ÉCRIVAINS que je n'aime pas.

Les théories des littérateurs du Nouveau Roman sont une escroquerie. Cela dit, Sarraute, Robbe-Grillet et leurs copains sont des écrivains, ils n'attendaient de toute façon pas après Benoit From Montreal pour le savoir et l'être (s'ils sont toujours.)

Cela dit, le Nouveau Roman a fait un tort considérable au roman français. Pour avoir habiter pendant neuf années en Amérique anglophone, vous dirai-je le nombre de fois ou je me suis fait dire par d'ex-étudiants combien la littérature française était rédhibitoire ( et je parle ici de collègues de travail, libraires) à part Camus, qu'ils appréciaient tous, ah L'étranger, La Peste etc. Et une jeune fille qui raffolait de Duras because... L'amant bien entendu. Et un poète, désormais publié et même récompensé, qui ne jurait que par Blanchot. Et Breton. Bref, rien de trop récent.

Alors, si Mister Nouveau Roman est "toujours reconnu comme le dernier écrivain français moderne" en Amérique (en ce qui me concerne, ceci explique cela) allez-y Dominique, et faites nous une Défense et illustration des avancées de Nouveau Roman.

Je veux bien essayer Stevenson, mais vous ne me referez pas lire Les Gommes, No Sir !

Amicalement,

Benoit.

Écrit par : Benoit | jeudi, 22 septembre 2005

Vous avez raison, Martine. Pour moi itou ce sont de vrais rencontres..
Certains deviennent de grands amis. Ils sont aux premières loges de ma bibliothèque. J'y reviens souvent lire quelques extraits et j'ai l'impression de m'attabler avec eux pour une jasette...

Tiens, il me vient une analogie. Vous dites: ¨j'aime ou pas et je me demande ensuite pourquoi¨..
C'est comme certains plats qu'on goûte et regoûte..
Pourtant ça sent bon! C'est probablement la texture..

La nourriture de l'âme a aussi ses préférences..

Écrit par : diane | jeudi, 22 septembre 2005

C'est vrai, Diane, c'est la texture, autrement dit le style. Mais, autant pour les goût physiques on a vite fait de s'apercevoir si un plaisir peut être le sien, autant pour l'attrait esthétique, cette attirance peut rester trouble.
je m'explique : on peut apprécier un style et ne pas partager l'évolution de la pensée - quand il y en a une, évidemment - de son auteur.

Dans ce cas, moi je recrache. Tant pis pour l'impolitesse. J'estime que l'admiration style, cela se remplace et peut changer à moindre frais ; qu'il vaut bien mieux chercher ailleurs - quitte à oser écrire soi-même - et rester d'accord avec ses idées propres. La littérature véritable est une bombe très bien cachée.

Écrit par : Martine Layani | jeudi, 22 septembre 2005

Je reviens sur cette histoire du Nouveau roman qui serait la cause de tous les maux de la littérature contemporaine.

L'association des différents auteurs en question est due à un seul personnage qui était le directeur littéraire des éditions de Minuit après le départ de Georges Lambrichs. C'est lui qui a utilisé l'expression Nouveau roman dans un essai, là où d'autres comme Magny parlent d'école du regard, comme Barthes de littérature blanche ou de degré zéro.

Nathalie Sarraute n'a publié qu'un seul livre dans cette maison (Tropismes) et c'était la réédition d'un livre d'avant-guerre, avant les éditions de Minuit et le Nouveau roman. La forme de Sarraute est à l'opposé de la description comportementaliste du Grand Gourou. Elle déconstruit le récit, mais elle s'appuie au départ sur ce qu'il y a de plus balzacien : Portrait d'un inconnu, c'est Eugénie Grandet revu à travers un style différent. Les Fruits d'or, on se croirait chez les Verdurin. Si on veut trouver une négation complète du personnage, il faut la chercher dans son premier recueil, mais bien moins dans les romans qu'elle a pu écrire ensuite. Sarraute a écrit quatre textes critiques en tout et pour tout, et encore deux d'entre eux sont consacrés à sa pratique des classiques comme Flaubert. Elle les a recueillis dans l'Ère du soupçon, mais on ne peut pas l'accuser d'avoir terrorisé les écrivains après 1956 : elle ne s'est pratiquement plus jamais exprimée sur la littérature en général, sauf dans de rares interviews. Je crois même qu'elle était absente des colloques de Cerisy sur le Nouveau roman et sur son œuvre.

Butor a publié quatre romans en tout et pour tout. Il est venu au roman parce qu'il voulait faire un lien entre ses poésies et ses essais sur la littérature, les arts graphiques, la géographie, etc. À partir de Degrés (env. 1960), Butor n'a plus jamais écrit de fictions et ce livre n'est pas qualifié de roman ou de récit. Précisons quand même que Passage de Milan, c'est Pot-Bouille revisité,e et la Modification c'est Une belle journée d'Henry Céard lié à l'histoire, la géographie, soit deux références purement naturalistes. Il s'est insurgé contre l'épithète de Nouveau roman dès 1957 ou 58. Il était absent du colloque de Cerisy sur le Nouveau roman et justement cela a été largement discuté alors. On peut ne pas aimer les textes de Butor et leur foisonnement, leur architecture complexe dans des ensembles à découvrir sur plusieurs plans (dialogue avec les peintres, renvois d'une époque à une autre, composition d'une collection de volets), mais c'est un critique qui a ouvert de nouvelles voies pour lire des textes classiques et c'est vraiment l'homme qui refuse tous les dogmatismes. Quand Butor sera mort, on découvrira tout un continent inconnu tellement il a produit dans l'indifférence complète des médias. C'est peut-être de la littérature pour profs de fac à l'heure présente, mais Butor n'est pas lu ou il est lu pour ce qu'il n'est plus depuis très longtemps. C'est le plus grand méconnu.

Claude Simon a commencé avant et pendant la guerre lui aussi. Son travail sur la mémoire et sur la guerre, la terre ne le rattache pas du tout à Monsieur Nouveau roman. J'ai déjà eu à expliquer des textes de Simon, c'est vraiment très jouissif d'un point de vue professoral : on a la même complexité que chez Chateaubriand ou Proust par l'imbrication des niveaux temporels, mais à lire dans la continuité... cela me plaît moins que Sarraute et sa musique, ou Butor et ses idées associées. On ne peut pas accuser Simon non plus de terrorisme : le seul texte où il évoque ses positions, c'est le discours de Stockholm, et le reste ce sont les discussions de Cerisy où en fait il ne dit pas grand chose que ce qu'aurait pu dire un Malherbe, il se définissait comme un artisan, les théories lui passaient par dessus la tête.

L'épithète Nouveau roman est un ectoplasme vide de tout sens. Cela convient bien aux journalistes en quête de cases prédéfinies (comme pour les Hussards, où se trouvait un certain Roger Vailland). Cela convenait aussi aux enseignants qui s'imaginent avoir une clé magique, une grille d'explication de l'histoire littéraire qui aurait été dans un sens unique de manière hegelienne. Cela convenait aussi aux amateurs de conformisme stylistique et de démagogie grossière, les Stil ou Troyat ou Druon ou Droit, qui dévidaient du cliché toutes les lignes et qui pensaient ainsi être clairs.

Écrit par : Dominique | jeudi, 22 septembre 2005

Le "Nouveau roman qui serait la cause de tous les maux de la littérature contemporaine."

Nuance: je parlais tout de même d'une perspective extérieure (géographiquement) et surtout, d'une perception, promue et entretenue par les médias peut-être, mais qui fait tout de même long feu, cinquante ans après.

L'étudiant étranger (américain ou autre) à qui on donne à lire La modification ou Marienbad ou Claude Simon (et Michel Tournier et Houellebecq, bientôt, sûrement), et à qui on dit: voilà, c'est le corpus littéraire de la modernité française, il se fait son idée avec ÇA.

J'ai moi-même souligné ailleurs sur ce fil ou un autre (en tout cas chez Jacques) que Simon, Duras et Beckett avaient déjà une carrière derrière eux lorsque l'étiquette Nouveau Roman fut créée, et ne s'identifiaient pas eux-mêmes comme locataires de M. Nouveau Roman.

Votre érudition m'apporte ou me rappelle des éléments intéressants d'information, mais qu'on parle des Hussards, du Nouveau Roman ou des Nouveaux philosophes, aussi vide soient-elles, ces étiquettes regroupent un certains nombre d'auteurs d'une période donnée, un certain mouvement. Une couleur.
Les auteurs Minuit, ont une couleur, un ton - Lindon faisait des choix d'éditeurs autour d'une esthétique tout de même particulière. N'est-ce pas encore le cas aujourd'hui ? Echenoz, Chevillard, Rouaud, Toussaint etc.

On a parlé d'une Terreur dans les lettres dans ces années de rectitude politique, de lignes de partis.
Les tentatives de sortir de la théorie et de simplement donner droit de cité au roman polymorphe (notamment soutenu par Gary dans son Sganarelle) étaient assassinées par cet "establishment". Et en France, les critiques sont souvent auteurs, donc "establisment critique", ça ne veut pas tout à fait dire la même chose qu'ailleurs.)

Butor dites-vous, n'a écrit que quatre romans, (le dernier en 1960) et voulait précisément faire du roman comme une expérience de laboratoire. Très bien, mais comment peut-on alors, l'enseigner comme représentant de la modernité française ?

Quel Roman moderne peut sortir d'une expérience théorique ou esthétique, ou alors d'écrivains clamant la mort du roman, sa pratique devenant impossible puisqu'on ne peut suspendre son "disbelief"(L'ère du soupçon de Sarraute) - roman d'ailleurs abandonné par d'illustres practiciens (Sartre au premier chef) qui n'y croyaient plus.

La modernité, c'est quoi ?
Jacques demandait: qu'est-ce qui est littéraire ?
Moi je vous demanderai, qu'est-ce qui est moderne ?

Et pour en revenir à votre phrase et au ton exaspéré qui la sous-tendait (le "Nouveau roman qui serait la cause de tous les maux de la littérature contemporaine.") tout de même, ce repli sur soi, sur l'objet, sur le microcosme, le petit bout de la lorgnette, n'est-ce pas ce qui afflige le roman "moderne", français, et que décrie si vigoureusement Jacques ?

Comment ne pas y voir une conséquence directe de cette "école" prêchant l'abandon de la prétention du romancier écrivant des "romans-mondes" ?
Le roman contemporain américain, scandinave, australien etc. ne semble pas souffrir de cette frilosité. Et j'y trouve plus souvent que chez le romancier français ce qui me nourrit.
Et combien de lecteurs ont maintenant, par chez nous du moins, l'impression que le roman français, c'est nécessairement un huis-clos, quatre personnages, dans un petit milieu, on baise et on ergote etc.

Clichés ? Oui ben, quand on doit surmonter l'aversion du client pour lui vendre un bon bouquin français, le cliché il se plante bien là.

Écrit par : Benoit | jeudi, 22 septembre 2005

Je ne tiens pas à engager une polémique sur ce fil de discussion, mais quand on m'apostrophe avec des mots comme "balivernes", "auteur ectoplasmique" et "ressassement de clichés", là j'acquiers le droit de répondre. Ça fait longtemps que je me pose des questions sur la littérature française contemporaine. Il me semble que rares sont les auteurs français signifiants depuis Cendrars (décédé en 1961!) et peut-être Djian, suffisamment de transcendance au point de pouvoir traverser les frontières, au lieu de se contenter de son nombril hexagonal. Tous ces supposés grands auteurs du Nouveau Roman sont peut-être lus dans les coteries locales et les universités américaines, mais l'homme de la rue, celui qui, lui aussi, lit des livres sans devoir aller jusqu'à afficher un diplôme au-dessus de son fauteuil, CELUI-LÀ NE LES LIT TOUT SIMPLEMENT PAS! D'AILLEURS, IL NE LES CONNAÎT MÊME PAS! Où sont-ils les nouveaux Hugo, Flaubert, Giono et compagnie, ceux qui parlaient à monsieur tout le monde, non comme à des abrutis ou des retardés, mais comme des hommes libres capables de réfléchir? Faut-il épuiser la banque d'auteurs du "Nouveau roman" pour pouvoir se prononcer là-dessus? Non. Il me suffit de lire quelques auteurs (Beckett et Butor) pour voir de quoi il retourne. Il me suffit de lire dans un encyclopédie (ce n'est pas juste une invention de journalistes) que le "Nouveau roman", c'est l'aventure de l'écriture qui se confronte à elle-même... Belle façon, en effet, de parler de nombrilisme carabiné. Tout cette jonglerie intellectuelle n'appartient d'ailleurs qu'au domaine desséché du conceptualisme et de l'intellectualisme décadents. Il y a un auteur américain qui a déjà dit vouloir poursuivre un seul but en littérature et ça se résumait à seulement y mettre de la vie. Mais c'est trop bête de poursuivre un but aussi simple, n'est-ce pas? Voilà, ce que j'avais à dire. Et je l'ai fait, je ferais remarquer, sans avoir envoyé d'insultes à qui que ce soit! Merci encore une fois à Benoît pour avoir exprimé avec encore plus d'éloquence ce que j'ai ici essayé d'exprimer. Je regrette ne pas te connaître davantage, cher monsieur!

Écrit par : Ski-doo | jeudi, 22 septembre 2005

Benoit : « Butor dites-vous, n'a écrit que quatre romans, (le dernier en 1960) et voulait précisément faire du roman comme une expérience de laboratoire. » Vous avez le chic pour prêter aux autres des propos qu'ils n'ont jamais écrits, j'ai coupé la suite aussi malhonnête que cette assertion.

Quand vous commencerez à prendre en compte les opinions des autres sans projeter vos préjugés dans ce qu'ils auraient pu dire et sans leur attribuer alors des déclarations jamais tenues, vous pourrez commencer un début de réflexion.

Je suis désolé de devoir le dire, mais vous ne savez pas lire, ou bien vous ne voulez pas lire. Je sentais déjà votre petit truc rhétorique depuis un bout de temps, et permettez-moi de vous dire qu'il sent fort mauvais.

Écrit par : Dominique | jeudi, 22 septembre 2005

Dominique: "Butor a publié quatre romans en tout et pour tout. Il est venu au roman parce qu'il voulait faire un lien entre ses poésies et ses essais sur la littérature, les arts graphiques, la géographie, etc. À partir de Degrés (env. 1960), Butor n'a plus jamais écrit de fictions et ce livre n'est pas qualifié de roman ou de récit."

Benoit: "Butor dites-vous, n'a écrit que quatre romans, (le dernier en 1960) et voulait précisément faire du roman comme une expérience de laboratoire. »

L'expert de Butor, c'est vous cher Dominique. Je me contente de reprendre les faits décrits par vous. D'autre part, la mienne affirmation selon laquelle Butor fait des expériences de laboratoire, en effet, c'est moi qui le dit, et quiconque a suivi le fil, ne fera pas d'amalgame. Cela dit, roman + arts graphiques + essais + poésie= expérimentation de laboratoire. SI j'ai commis là un impair, expliquez moi pourquoi.

Je ne sais pas lire ni ne le veut ? Ah bon.
Ma rhétorique est nauséabonde ?
Je croyais simplement avoir engagé une intéressante discussion, et comme toutes les discussion vraiment intéressantes, elle découle de la confrontations de sensibilités différentes. Vous alliez me faire lire Stevenson.

Je le lirai peut-être un jour, plus à cause de vous, mais malgré tout.

Et à l'avenir, je m'abstiendrai de commenter vos messages, faites donc la même chose des miens, nez sensible que vous êtes.

Le bucheron dans sa Cabane au Canada (les odeurs y sont naturelles, bien qu'un peu fortes, mais pas trafiquées...)

Écrit par : Benoit | jeudi, 22 septembre 2005

Bon, qu'est-ce que je fais, moi, dans tout ça ? Je ne suis pas l'arbitre. Encore une réflexion à faire sur le rôle du taulier...

Du diable si, vous invitant tous dans ma rue, je me serais douté que vous vous frotteriez le nez. Pour moi -- étais-je enfant ! --, à partir du moment où je vous connaissais tous, où vous étiez tous mes amis, vous ne pouviez que vous entendre. Eh oui, les illusions...

Il faudrait peut-être que je vous présente.

Benoît, voici Dominique, connu sur le blog LSP (correcteurs du Monde.fr) sous un autre nom. Sous celui de (dito), ce n'est pas un secret, je pense. Diane, qui fréquente maintenant LSP, elle aussi, vous dira de quelle considération il jouit là-bas, et de quelle estime. C'est le type le plus érudit jamais rencontré par moi, éminent lexicographe, philologue et connaisseur de tous les faits de langue. Un phénomène.

(Pour information, Diane est la soeur de Benoît, ce n'est pas un secret non plus).

Dominique, voici Benoît de Montréal. Sur le site de Romain Gary où j'ai eu l'honneur et le plaisir de le connaître, il est, comme je le dis souvent, le meilleur d'entre nous. Une connaissance sans faille de l'oeuvre, doublée de beaucoup d'amour et de finesse, ourlée de qualités de coeur incontestables.

Si vous pouviez vous aimer, ça m'arrangerait. Enfin, il n'y a pas d'obligation, mais ce serait bien... :-)

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 23 septembre 2005

Dieu que c'est compliqué les relations sur Internet. Même dans ce salon privé voilà qu'on se met à casser les tasses de thé.

Bon, pour calmer tout le monde, je dirai que j'ai lu l'autre jour l'acacia de Claude Simon et que j'ai trouvé cela très bien. Très peu "nouveau roman", finalement. C'est une réflexion sur la guerre et sur sa vie, le tout raconté sur un mode d'alternances chronologiques. On est à mille lieues du planétarium de Sarraute.

Donc, finalement, nos petites discussions...

Écrit par : Feuilly | vendredi, 23 septembre 2005

Ski-doo : « Il me semble que rares sont les auteurs français signifiants depuis Cendrars (décédé en 1961!) »

Chez une Fuligineuse parlant de sa relation à la lecture, vous répondiez à un commentateur qui avançait que, dans l’ensemble, les Français paraissaient s’intéresser relativement peu à la littérature étrangère. Si j’ai bonne mémoire vous n’étiez pas tout à fait d’accord avec lui.

Pourtant, il me semble qu’il existe des pans entiers de la littérature mondiale qui ne sont guère connus en France, ou plutôt qui n’intéressent qu’une petite frange du “lectorat” français.

Les Britanniques par exemple me semblent beaucoup plus tournés vers le monde extérieur. “Paris, city of the dead” : dans un article évoquant la place des “intellectuels” (français) au sein de la vie publique française, Hywell Williams raillait ce travers qui consisterait à brasser beaucoup d’air avec force mots (creux en général), BHL occupant d’ailleurs une place de choix parmi ceux qui sont cités ici.
http://www.guardian.co.uk/comment/story/0,,1439455,00.html
“And a visit to a French Left Bank bookshop is depressing, with all those rows of Gallimard books so beautifully produced and so full of vacuous wordplay”, disait l’auteur et homme politique gallois. Hum...

« Se contenter de son nombril hexagonal ». C’est vous qui employez ces mots que je n’ai pas osés dire. Mais je dois bien avouer que lorsque j’entreprends la lecture d’un auteur français contemporain, j’ai en général un peu tendance à piquer du nez sur le livre en question. On se demande bien pourquoi...

Écrit par : Siganus Sutor | vendredi, 23 septembre 2005

"Paris is a city of the dead -- a beautiful tomb for a dead culture", telle est la clausule de l'article dont vous proposez le lien.

Je commence à en avoir par-dessus la tête du jugement anglo-saxon sur les Français. De Gaulle avait bien raison de se méfier comme de la peste des Anglais et des Américains, de leur préférer cent fois les Allemands, quitte à oser, si peu d'années après la guerre, recevoir chez lui le chancelier allemand.

Les Anglo-Saxons me courent depuis longtemps sur le haricot. Quant à la présentation qui est faite de Sartre dans l'article, elle est répugnante.

En plus, cet article est complètement faux. A Paris, la rue Racine ne fait pas le coin de la rue Bonaparte, même si le journaliste fait pipi par terre et se roule dedans. La rue Bonaparte est effectivement rejointe par la rue Visconti, où mourut Racine. C'est autre chose.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 23 septembre 2005

Jacques, il n'est pas question d'amour.
J'ai reconnu l'érudition évidente du sieur Dominique, ai trouvé intéressante ses interventions, ai écouté sa recommandation demandée par moi, pour finalement me faire dire (parce qu'il y a désaccord ?) que ma rhétorique pue. Ça c'est de l'argumentation et du savoir-vivre !

Que l'expert de Butor soit un butor dans ses échanges est malheureux, mais je ne suis pas ici en quête d'amour, et ne présenterai certainement pas l'autre joue. Désolé.

Écrit par : Benoit | vendredi, 23 septembre 2005

Dont acte.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 23 septembre 2005

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