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jeudi, 20 avril 2006

Dominique Aury par Angie David, 2

Le premier pas de Dominique Aury dans l’édition est la réalisation d’une anthologie de poésie pour laquelle elle effectue le choix, l’introduction étant signée de son amant Jacques Talagrand, alias Thierry Maulnier.

 

Introduction à la poésie française paraît chez Gallimard en septembre 1939. On tombe difficilement plus mal. Cependant, le succès est immédiat et considérable. En moins de deux mois, deux mille exemplaires sont vendus. André Breton en personne remarque l’ouvrage. En mai 1940 – on pourrait imaginer qu’à ce moment, on est préoccupé par autre chose – on procède à la troisième réimpression.

 

Pour une somme de poèmes, c’est à proprement parler incroyable, même si, traditionnellement, les anthologies se vendent mieux que les ouvrages originaux. Et pourtant, les choix des auteurs sont discutables. Hugo est considéré comme médiocre et l’on tente d’y trouver ce qu’il comprend de plus fort. Le XIXe, en dehors de lui, est limité (si je puis dire) à Rimbaud, Baudelaire, Mallarmé, Nerval. Verlaine est ignoré. L’accent est mis sur le XVIe siècle, on s’en félicitera.

 

Bien sûr, au XVIIe, Racine est célébré et l’on tentera de pardonner à Maulnier bien des erreurs, notamment politiques, pour avoir écrit : « Racine porte à leur état de fusion poétique intégrale les matériaux jusque là rebelles de l’art tragique. (…) Racine jette au milieu du plus policé des siècles, d’un siècle qui attend de lui de beaux spectacles ordonnés, amoureux, héroïques, les bûchers humains, les meurtres rituels surgis du fond des âges, le vol noir des sorts funestes, le va-et-vient dans les âmes des grandes marées homicides. »

 

La belle réussite de ce livre peut prouver que la poésie est évidemment consubstantielle à l’homme : elle s’impose même en des temps on ne peut plus troublés. Une autre opinion consiste à penser que l’on se réfugie dans le génie français au moment où, justement, le quotidien entreprend de l’anéantir : c’est un peu ce que soutient l’auteur de cet étrange volume qui n’en finit pas de m’agacer tout en continuant à m’intéresser. J’y reviendrai certainement, d’autant que je suis de plus en plus persuadé d’une chose : c’est une supercherie littéraire. L’auteur désigné n’est pas le vrai. Je n’ai évidemment pas la moindre preuve de ce que j’avance. C’est un sentiment personnel, une impression confuse. Je continue à penser, par ailleurs, que c’est un bien étonnant éditeur que celui qui choisit volontairement de ne pas inclure d’index dans un tel volume ; surtout, qui accepte les choix incompréhensibles de l’auteur et ces redites permanentes, non seulement d’une partie à l’autre, mais à l’intérieur de la même partie.

Commentaires

La part énorme du XVIe s. doit tout à Dominique Aury. Elle citait régulièrement les poètes de cette période, elle critiquait sévèrement les éditions dans la NRF, elle avait un quatrain de Bertaud en sous-verre sur son bureau, etc. Mais j'ai deux remarques à faire :
1) La redécouverte des poètes baroques et maniéristes plus ou moins inconnus est un courant de fond à la fin des années 30 (publication d'Eugenio d'Ors notamment). Bien sûr, cela se traduira dans le domaine universitaire à partir des années 50 seulement (à la suite de Rousset) parce que c'était très mal considéré.
2) Je me demande si l'absence de ces auteurs chez Gallimard (à l'exception d'une Pleiade et de quelques babioles) jusque vers la fin des années 80 n'est pas le fait de Dominique Aury parce que ces auteurs étaient publiés ou traduits ailleurs, et pas forcément chez des éditeurs universitaires comme Droz ou Champion. Or Gallimard a rattrapé une petite partie de son retard dans ce domaine précis depuis que Dominique Aury est partie.

Écrit par : Dominique | jeudi, 20 avril 2006

Mon commentaire s'est croisé avec celui de Dominique. Je ne peux malheureusement pas répondre à ces questions. Je ne sais pas. Et ce n'est pas dans le livre que je lis sur elle que je trouverai la réponse.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 20 avril 2006

Zylberstein a été l'éditeur des œuvres complètes de Paulhan chez Tchou (la version Folio est une reprise partielle), il a établi sa bibliographie à l'époque (arrêt en 67, j'avais complété la partie suivante jusque 89 pour le brouillon de mes mémoires), il appartient à la SLJP (comme moi) où Dominique Aury était en fait la grande bienfaitrice qui permettait l'édition de livres à perte, il a été le conseiller juridique à titre gratuit pour tout ce qui concerne Paulhan et Aury.

Écrit par : Dominique | jeudi, 20 avril 2006

Oui, oui, c'est bien sûr. Et que fait-il ici ? A quel titre est-il invité à cette rencontre ?

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 20 avril 2006

Comme ami de la famille, voyons ! Il a fréquenté Paulhan durant les cinq dernières années de sa vie, surtout pour la publication des œuvres, et il s'est ensuite occupé d'un certain nombre d'affaires touchant les proches de Paulhan, notamment pour toutes les questions de contrats. Mais c'est vrai qu'il a plusieurs casquettes et que c'est aussi l'éditeur que l'on invite, or il y a une certaine convergence entre lui et Dominique Aury par l'attention au domaine anglo-saxon.

Écrit par : Dominique | jeudi, 20 avril 2006

Moui... Tout ça me paraît de plus en plus suspect. Enfin, pas intellectuellement, mais éditorialement, bien sûr. Cette Angie David n'a pas dû écrire ce livre. Si je ne me trompe pas, alors, pourquoi cette mise en scène ? (Je n'ai pas de certitude prouvable et je n'écrirais pas cela ailleurs que sur ce blog à l'audience limitée.)

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 20 avril 2006

Zylberstein a participé à une rencontre sur "Romain Gary diplomate" au colloque tenu il y a quelques années, simplement parce qu'il aime l'écrivain. Le festival de littérature qui vient tout juste de se terminer ici à Montréal, a l'habitude de mettre en présence pour de nombreuses conversations autour d'une oeuvre, l'auteur et un autre écrivain, simplement intéressé par l'oeuvre de son collègue, qu'il rencontre parfois pour la toute première fois.

Avec tout ce que raconte Dominique sur Zylberstein et sa connaissance de Paulhan, la rencontre ne risque t-elle pas d'être simplement intéressante parce qu'il saura de quoi il parle ?

Cela dit, j'ai vu des pubs pour le livre d'Angie David et on a peu l'impression qu'on nous vend... Angie David.
Ce qui, pour une biographie, est tout de même plus qu'étonnant.

Écrit par : Benoit | jeudi, 20 avril 2006

Eh oui. C'est bien ce qui m'embête et me fait trouver tout ça très suspect.

Je tiens qu'il y a un canular là-dessous, dont la raison m'échappe. Elle m'échappe d'autant plus que la qualité du livre est réelle, en dépit de ses insupportables défauts.

Alors ?

Mais n'est-ce pas notre culture garyenne qui nous fait suspecter des supercheries partout ?

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 20 avril 2006

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