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mercredi, 17 mai 2006

À un chemin

Vous êtes le tortillard des bois, l’omnibus du promeneur, le tramway des chênes et des bouleaux. Quand je vous emprunte, il se peut que je ne sache pas où vous menez. Il est étonnant que l’on nomme de la même manière une voie dont on sait l’issue et celle dont on ignore où elle vous entraînera.

 

On dit aussi « mon chemin », « son chemin ». On dit : « Voilà où l’a mené son chemin » et c’est en général dépréciatif. Alors que si l’on s’exclame : « Celui-là, il a fait son chemin ! », c’est plutôt admiratif. Ne trouvez-vous pas cela frappant ? Et cette différence entre « cheminot » et « chemineau », cela ne vous laisse pas de marbre, tout de même ? Encore qu’un chemin de marbre aurait une allure princière à laquelle le quotidien ne nous a guère accoutumés.

 

Ce qui me séduit en vous, c’est, outre vos circonvolutions et votre air rebelle, votre secret et vos cheveux longs, c’est que vous passez toujours à l’ombre de mes amis les arbres. On n’emporte pas les arbres, vous le savez, n’est-ce pas ? Je n’aime guère marcher au soleil, c’est pourquoi j’apprécie beaucoup que vous m’emmeniez dans les bois, dans ces zones de maquis que j’affectionne tant, bien davantage que la garrigue, moi qui, pourtant, ai grandi en pays de garrigue. Rien à faire, je préfère l’odeur du maquis, sa chemise d’humidité légère et son pourpoint de broussailles.

 

Dans les endroits que j’aime hanter, il n’y a pratiquement pas de terrain plat. Alors, vous montez et descendez, obliquez, tournez, prenez la pente par le flanc. Quelquefois, vous n’êtes pas très stable, vous penchez un peu, comme si vous aviez bu une essence enivrante. Vous avez le déroulement persuasif : il est rare que je renonce en cours de route, sans savoir le bout de votre aventure. Je puis, surtout si je marche seul, à allure réduite, les mains dans le dos et la désolation du monde dans mes pensées, continuer longtemps dans notre silence commun. Se crée alors entre le marcheur et le lieu de son avancée une communion qui n’est pas à regretter et que je n’oserais qualifier de solennelle parce que vous n’aimez pas les mots trop faciles, trop évidents. Ils sont à l’esprit ce que les autoroutes sont à vos amis les chemins secrets – un manque de politesse, une exagération, voire une boursouflure.

Commentaires

Comme c'est bien troussé, tous ces textes qui s'enchaînent ces jours-ci ! Merci pour la petite musique qui coule de ces notes.

Écrit par : Richard | mercredi, 17 mai 2006

Oh, ce n'est pas grand-chose, juste quelques adresses à des objets, des lieux.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 mai 2006

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