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mardi, 31 janvier 2006

Ainsi parlait le paysage, 5

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Comme une fable nouvelle, Le Non des villes et le Non des champs.

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lundi, 30 janvier 2006

Un contrat célèbre

Entre MM. Poulet-Malassis et Eugène de Broize, imprimeurs-libraires à Alençon, d’une part ;


et


M. Charles Baudelaire, littérateur, d’autre part ;


a été convenu ce qui suit :


M. Charles Baudelaire vend à MM. Poulet-Malassis et Eugène de Broize deux ouvrages, l’un : Les Fleurs du Mal, l’autre Bric-à-brac esthétique.


M. Charles Baudelaire livrera Les Fleurs du Mal le vingt janvier prochain et le Bric-à-brac esthétique à la fin de février.


Chaque tirage sera de mille exemplaires.


Pour prix de cette vente, M. Charles Baudelaire touchera, pour chaque volume tiré, vendu ou non vendu, vingt-cinq centimes, soit un huitième du prix marqué sur le catalogue de MM. Poulet-Malassis et Eugène de Broize.


M. Charles Baudelaire s’interdit la reproduction, sous quelque forme que ce soit, de tout ou partie de la matière contenue dans les deux volumes.


M. Charles Baudelaire ne pourra offrir ces ouvrages ou l’un de ces ouvrages à un autre libraire qu’au cas où MM. Poulet-Malassis et Eugène de Broize n’ayant plus en magasin qu’un très petit nombre d’exemplaires, [négligeraient de] se refuseraient à les réimprimer.


Fait double, à Paris, ce trente [janvier] décembre mille huit-cent cinquante-six.


Aug. Poulet-Malassis                                Ch. Baudelaire

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dimanche, 29 janvier 2006

Colpi, 3

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 Colpi durant le tournage.
La femme et le vagabond amnésique.
Devant le juke box du café. Ensuite, ils danseront sur la chanson.

12:55 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 28 janvier 2006

Colpi, 2

Voici le thème du film Une aussi longue absence. Il s’agit de la bande originale : chanson Trois petites notes de musique, Générique, Blues de l’absence, Rock’n roll (45-tours Pathé, EA 424 S).

 

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Et là, un autre enregistrement de la chanson Trois petites notes de musique, effectué quelque temps plus tard sur un tempo différent (45-tours Pathé, EG 603).

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17:10 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (2)

vendredi, 27 janvier 2006

Colpi

J’apprends avec un peu de retard la disparition du cinéaste Henri Colpi, le 14 janvier dernier. Colpi avait obtenu la Palme d’or à Cannes, en 1961, pour Une aussi longue absence, remarquable premier film en noir et blanc avec Alida Valli, taulière d’un café qui, en Georges Wilson, vagabond amnésique, pense reconnaître son mari.

La chanson du film est plus que connue : créée par Cora Vaucaire, reprise par de nombreux interprètes dont Montand, elle s’intitule Trois petites notes de musique. La musique est de Georges Delerue, le dialogue de Marguerite Duras. Ce film est un chef-d’œuvre d’écriture poétique, de durée maîtrisée, de doute.

 

Colpi n’a jamais eu de succès commercial avec ses rares films. Il est pourtant reconnu et estimé partout. Une aussi longue absence a existé en cassette dans les premières années de la vidéographie, puis a disparu des catalogues. Il n’existe pas en DVD.

 

Numéro spécial de la revue Téléciné « Histoire d’un film »,

1er trimestre 1962.

16:30 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (15)

jeudi, 26 janvier 2006

Mélanc-au lit

À Mme Sabatier, que Théophile Gautier nommait « la Présidente », Baudelaire adressa de nombreux poèmes non signés, puis avoua son sentiment. Il entreprit une cour assidue. On sait qu’au lendemain d’une unique nuit, il la quitta, la femme réelle lui étant apparue quand, peut-être, il préférait l’idéaliser.

 

Ma surprise est immense, lisant Baudelaire, l’ivresse des images qu’ont cosigné Jean-Paul Avice et Claude Pichois dans la collection « Passion » que publie Textuel, de lire ceci : « Mais Baudelaire ne peut concevoir un « type de beauté où il n’y ait du Malheur » ; à cette femme décidément « trop gaie », il rêve même, dans un autre poème, d’infuser son venin. Le poison noir de la mélancolie ».

 

Le poème en question, À celle qui est trop gaie, s’achève sur ces vers que je cite de mémoire sans pouvoir en rétablir l’exacte ponctuation :

 

Ainsi je voudrais une nuit

Quand l’heure des voluptés sonne

Vers les trésors de ta personne

Comme un lâche ramper sans bruit

 

Pour châtier ta chair joyeuse

Pour meurtrir ton sein pardonné

Faire à ton flanc étonné

Une blessure large et creuse

 

Et vertigineuse douceur

À travers ces lèvres nouvelles

Plus éclatantes et plus belles

T’infuser mon venin ma sœur

 

De qui se moquent les auteurs, spécialistes du poète ? Pichois est un baudelairien reconnu depuis des décennies. Il s’agit bel et bien, et uniquement, d’une image érotique. « Flanc étonné », « blessure large et creuse », « vertigineuse douceur », « lèvres », « t’infuser mon venin », est-il besoin de commenter ?

 

Ou bien n’ai-je définitivement rien compris ?

mercredi, 25 janvier 2006

Contrefaçon

Sleon une édtue de l’uvinertisé de Cmabridge, l’odrre des ltteers dans un mot n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmtotnate est que la pmeirère et la drenèiere soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dans un dsérordre ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C’est prace que le creaveu hmauin ne lit aps chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.

De viris illustribus

D’un intéressant article du Monde du 25 janvier consacré au photographe Raymond Depardon, article qu’on peut lire ici, j’extrais cette conclusion qui me paraît piquante.

 

Raymond Depardon dénonce en revanche une tendance « détestable » de la photo politique des années 1980-1990, où des reporters, par surenchère dans le spectaculaire, ont montré l’homme politique de façon anecdotique ou ridicule. « Certains ont imaginé des mises en scène absurdes, incongrues, sans se soucier du sens, avec un vélo, une cuisine, un déguisement... » C’est aussi l’époque de l’arrivée en force du contrôle des images par des responsables de communication. « On est revenu, en pire, à la période de Gaulle. Les hommes politiques disent vouloir des photos libres, mais, à cause des enjeux, ils s’isolent. Sur le terrain, je ne vois plus de différence visuelle entre la gauche et la droite. Je ne vois que des différences de génération. Je l’aime beaucoup, cette nouvelle génération, mais les photos ne sont pas bonnes. Ces hommes et femmes qui sont remarquables quand ils avancent dans l’espace urbain ou un chemin de campagne sont transformés en "corps-troncs" phagocytés par la télévision. »

 

Le but n’est pas de parler de l’exposition Depardon qui a lieu en ce moment – encore une fois, pas de journalisme ici – mais de réfléchir aux nouvelles images, qu’on nous donne à voir, des hommes politiques.

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Richard contre TF1

Un coup de gueule de Richard contre la télévision-poubelle est à lire sur son blog.

12:05 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (14)

samedi, 21 janvier 2006

Roger Vailland écrit

À Fuligineuse

 

Je voudrais vous montrer Roger Vailland au travail, mais je n’ai pas le temps de rechercher dans plusieurs mètres de bibliothèque vaillandienne les éléments nécessaires à ce portrait. Je me contente donc de reproduire ce qu’en disait René Ballet au colloque qui s’est tenu à Bourg-en-Bresse en novembre 2004 (lui-même a repris des pages de Vailland ou de son épouse Élisabeth). Ces propos sont reproduits dans les actes dudit colloque, qui ont paru dans les Cahiers Roger Vailland, n° 23, juin 2005, que je viens de recevoir. La scène est dans la maison de l’écrivain, à Meillonnas (Ain).

 

Crayon, d’après une photographie d’H. Varenne

 

 

Le matin, il se préparait, comme un sportif se prépare, se met en forme. Mise en forme progressive dans sa chambre de 8 h 30 à 11 h 30. Échauffement d’abord : la lecture des journaux. Puis la préparation à l’épreuve proprement dite : il commençait à imaginer les scènes qu’il allait écrire l’après-midi.

L’entraînement terminé, léger repas : œuf à la coque, thé, eau minérale. L’heure de l’épreuve approchait ; il passait dans le cabinet de travail... Il travaillait régulièrement chaque après-midi... et s’imposait régime ou abstinence, ce qu’il estimait nécessaire pour se sentir dispos pendant les heures consacrées à l’écriture.

À cette époque de sa vie, la qualité de ce qu’il écrivait, estimait-il, dépendait essentiellement de l’état dans lequel il se trouvait au moment où il écrivait, état de grâce dans les meilleures conditions et qu’il comparait à ce que les sportifs appellent la forme, les mystiques la grâce précisément, et les joueurs la chance. L’inverse, disgrâce, mauvaise forme ou malchance, pouvant se redresser, se renverser, se remettre au pas, par un changement de régime, une discipline plus stricte, un geste propitiatoire ou davantage d’humilité devant la tâche à accomplir.

Ultime phase de préparation avant l’épreuve : une tasse de café et un comprimé de maxiton. Il lisait en attendant l’effet combiné du café et du maxiton. Il était alors totalement « en forme » et abordait l’épreuve. Il commençait par relire ce qu’il avait écrit la veille.

Seul témoin de l’épreuve, un graphique de travail accroché au mur. En ordonnée, le nombre de pages écrites dans la journée ; en abscisse, la succession des jours. D’après le graphique, il pouvait vérifier s’il tenait le rythme.

L’épreuve se poursuivait pendant quatre heures et demie sous la surveillance muette du graphique. Il y mettait fin à 19 h 30. Non qu’elle soit terminée, mais il savait qu’un écrivain, comme un sportif, ne tient pas indéfiniment la forme. Il se levait souvent en disant : « Il est temps d’aller boire un verre avec les filles ».

vendredi, 20 janvier 2006

Un nouveau site chez les Layani

Je suis heureux d’annoncer la naissance, après mille soucis techniques qui, c’était incompréhensible, m’empêchaient de le mettre en ligne, d’un nouveau site consacré à Albertine Sarrazin :

 

 

Albertine Sarrazin, délit de jeunesse.

 

 

Cela se trouve à : astragaleetcavale.free.fr

 

 

La première page, une chronologie, n’est pas terminée mais le site fonctionne.

jeudi, 19 janvier 2006

Révoquez, révoquez, il en restera toujours quelque chose

Je relaie, après beaucoup d’autres, la lettre ouverte de maître Eolas à Gilles de Robien, concernant l’affaire du proviseur révoqué.

 

Pour ceux des lecteurs qui ne connaîtraient pas l’échelle des sanctions dans l’Éducation nationale, la révocation est la plus grave. Cela signifie que le fonctionnaire fautif est mis à la porte, sans indemnités de chômage ni d’ASSEDIC, évidemment. Sans rien.

 

Le proviseur a quarante-huit ans.

 

Il s’agit d’exprimer ici une triple solidarité : celle d’un collègue qui, ce me semble, devrait aller de soi ; celle d’un blogueur, qui est évidente puisque l’intéressé est sanctionné pour ce type d’activité ; celle d’être humain, tout simplement, parce que la mesure qui le frappe est démesurée et hors de propos.

 

J’ajoute que l’homosexualité du proviseur est très vraisemblablement une des raisons qui ont provoqué cette sanction très rare. Ce n’est pas prouvé, évidemment, mais tellement facile à comprendre. Si c’est le cas, c’est inacceptable.

 

Je crois que le mouvement est en train de s’amplifier. Relayez, relayez, relayez. Merci pour lui.

Toutes deux

Vous êtes inséparables. Je vous connais depuis toujours, jumelles, siamoises, épuisées quelquefois mais sans cesse ensemble. Vous êtes identiques, vêtues de cuir noir depuis que je vous ai vues pour la première fois, il y a si longtemps déjà. Maquillées de cuir brun au soleil. Transfigurées de cuir gris, quelquefois, dans les brumes d’hiver. Vous êtes belles, volontaires, décidées. Élégantes.

Rien ni personne n’a jamais pu soigner votre manie déambulatoire. Vous allez plus loin, plus loin, en quête de quel ailleurs, de quel nouveau ? Vous n’ignorez pas que ce sera partout pareil, que vous vous emporterez toujours avec vous, qu’importe, vous allez plus loin. Après cette rue, il y en aura d’autres, vous y allez. Après ce quai, il y a la mer, et au-delà Dieu sait quelle autre misère, mais rien ne vous arrête, vous y allez. Ensemble, indéfectiblement.

Vous avez traîné dans Paris, toutes les deux. Puis vous vous êtes aperçues qu’au coin du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Guillaume, on ne croisait plus Apollinaire rentrant chez lui, seulement des étudiants de sciences-po. À l’à-pic du pigeonnier du poète, un artisan que je ne connais pas porte le même nom que moi. C’est tout ce qui demeure, là, en mémoire de l’écrit – le fantôme d’un auteur et l’homonyme d’un de ses admirateurs. Vous avez observé ça comme le reste et vous avez passé votre chemin, dénoué votre histoire, encore un peu.

Vous crevez parfois d’une fatigue soudaine, espérant de l’été venu qu’il vous repose et remonte vos mécanismes intimes, mais vous savez très bien que l’été, cet agent double, s’ajoute aux précédents et nous fait vieillir encore. Plus tard, quand vous ne serez plus qu’un souvenir intermittent, que l’idée d’une chanson tue, marquées, ridées, vous marcherez, je le sais, droit encore, imperturbables ou le faisant croire, dans la merde du monde, hautaines, fraternelles, sensuelles, vous moquant décidément des imbéciles portant stylo Montblanc et cheveux sales. Vous ne renierez rien de vos engagements, de vos rires d’antan. Vous ne serez jamais de la race des renégats. Même lorsqu’à bout de souffle, on vous rangera dans une boîte, la même sans doute, couchées tête-bêche, pour l’éternité vous demeurerez conjointes, liées, attachées et détruites, amies et dissoutes, sœurs, encore en robe de cuir, un peu fanée sans doute, mais toujours noire comme un drapeau pirate.

En attendant, votre détermination se lit en filigrane de votre démarche, vous avez d’irrespectueuses œillades aux terribles reflets. Vous allez dans les manifestations de rues, scandant tous les « Plus jamais ça ! ». Botter le cul des abrutis vous démange toujours quand se pointe la bêtise, à l’horizon doré des soirées d’automne.

Et puis vous m’avez parlé, certains soirs. De moi, pas de vous. Vous m’avez raconté mes hésitations, mes désespoirs, mes longs élans vers quel univers plus doux, quelles amitiés reniées d’avance. Je lisais sur votre peau, comtesses déchues, les rides de la mienne, vous évoquiez mon espérance et mes oublis, mes refuges et mon allant. Vous étiez ensemble, toutes deux, et vous étiez avec moi, je ne me sentais plus seul avec mon whisky. Devant mon air, vous vous tordiez de rire, alors je regardais mes pieds, ne sachant plus que faire. Vous êtes les seules femmes qui ne m’aient jamais quitté, fidèles comme ce cuir dont vous vous habillez. Vous évoquiez mon maintien voûté et mes travers comme s’ils vous avaient touchées au point de vous flétrir à jamais. C’était peut-être un peu le cas.

Je sais que vous êtes miennes, toutes deux, l’encre l’est à la plume, noire comme vous. Vous ne me trahirez qu’en expirant et je ferai semblant de vous retrouver en d’autres, ailleurs, semblant de les croire pareilles à vous, semblant d’imaginer leur sentiment attentif.

Je vais vous caresser à vous faire briller encore des reflets bleus, juvéniles, fiers que, chères chaussures, vous aimez tant.

mardi, 17 janvier 2006

Paranoblogueuse, par Martine Layani-Le Coz

Les derniers discours des individus qui dirigent notre pays laissent voir des dents de loup à travers leur soi-disant volonté protectrice. Comme, en face, la fin de la récréation n’a pas encore sonné, on peut se demander dans quelle échoppe, en 2007, va se vendre notre fonds.

Par ailleurs, il semble que les ondes radiophoniques et même la télévision donnent un coup de loupe sur les blogs. Les institutions qui s’intéressent au « bon fonctionnement de l’État » et ont été stupéfaites des résultats négatifs de la question européenne, vont faire en sorte qu’on ne les y prennent plus… Je ne serais pas étonnée si, dans les temps qui précèderont le vote, les communications sur internet avaient quelques problèmes, disons… techniques. Mais je suis peut-être un peu paranoïaque.

Je pense vraiment qu’il faut ne pas attendre qu’on nous prenne cette fameuse liberté de réunir, rassembler, discuter – fonctions démocratiques – et chercher dès à présent à faire surgir, si ce n’est un homme, une idée en quoi avoir confiance pour le jour de 2007 où il faudra changer la tête du mannequin présidentiel.

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Notre ministre s’exprime

« Je suis partisan que, lorsqu’il y a vraiment des menaces, il faut porter plainte (...). Qu’ils aiment ça ou qu’ils n’aiment pas ça, je voudrais convaincre [les enseignants] qu’il faut le faire collectivement parce qu’ils se protègent les uns et les autres de cette façon-là. Ils donnent des signaux extrêmement précis aux élèves qu’ils ne passeront rien. »

 

Si j’en crois la presse, c’est ainsi que s’exprime le ministre de l’Éducation nationale. Encore un effort et il pourra devenir éditeur.

 

« Il n’y a pas de honte à ce que les services publics travaillent ensemble et dans des lieux communs », a-t-il ajouté. Après une déclaration pareille, il ne faudra pas attendre de lui des mesures originales.

lundi, 16 janvier 2006

Au Chili

La socialiste Michelle Bachelet a été élue première présidente du Chili. À ce sujet, je vous invite à lire la note de Richard sur son blog Avant la lettre. 

11:35 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (4)

samedi, 14 janvier 2006

Ainsi parlait le paysage, 4

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Ici encore, le paysage proteste. Il demande à être conservé, maintenu, non agressé. Il se défend. Il crie avec des paroles de bois, des paroles blanches.

 

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07:00 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (7)

vendredi, 13 janvier 2006

L’édition selon Sabine Wespieser

L’ami Feuilly me signale un entretien avec l’éditrice Sabine Wespieser, transfuge de la firme Actes Sud, qui a créé il y quelques années une petite maison.


Il faut lire, vraiment, cette conversation convenue et factice.


« Quand je reçois des textes particulièrement bien écrits mais « creux » à mon sens, il m’arrive souvent de répondre que je ne publie pas ce genre de choses mais d’aller voir ailleurs parce que je les aime bien ». Voilà un exemple remarquable de l’hypocrisie éditoriale : c’est creux, allez chez le voisin, c’est lui qui prendra les risques. L’auteur naïf va chez le voisin et lui explique que Sabine Wespieser lui a conseillé de s’adresser à lui. L’éditeur se dit immédiatement, et c’est logique : « Si cela avait la moindre valeur, Sabine Wespieser l’aurait gardé pour elle ». Il refuse donc et, quand il n’est pas courageux, il oriente l’auteur décidément un peu idiot vers une troisième maison. Au troisième refus, l’auteur aura-t-il  compris ?


« Si l’on dit qu’un livre coûte 100 francs. 20% vont à la fabrication, 10 à 15% à l’auteur, entre 55 et 65% vont à l’étape suivante qui est la commercialisation. Ce qui veut dire que sur le prix public de vente, l’éditeur récupère au mieux 44% avec lesquels il paye son imprimeur, son auteur. Il lui reste environ 14% pour se payer, payer ses salariés, les frais de fonctionnement et pour éventuellement rentrer suffisamment d’argent pour se permettre de publier d’autres livres ». Il est scandaleux de dire que l’auteur reçoit dix à quinze pour cent. Huit pour cent est le plus courant et cela peut descendre à six, voire à quatre. Je tiens mes contrats à disposition de qui voudrait vérifier la chose. Bien sûr, cela n’est pas vrai pour ceux qui ont un brin de notoriété… Ceux-là, cependant, ne sont pas chez Sabine Wespieser.


« Tout ceci explique que le livre est cher bien que ça me fasse doucement rigoler quand je vois comment les restaurants sont remplis, les marchands de DVD aussi ». Si jamais vous aviez un jour pensé que les éditeurs savaient s’exprimer, qu’ils possédaient la maîtrise de la langue, voilà qui vous rassurera.


« J’assume tout à fait d’être autocrate parce que je crois que je le suis ». S’il vous fallait un autre exemple…


« Hors pour faire un bon livre, il n’y a pas de recettes ». Si vous pensiez que des propos d’éditeur étaient toujours soigneusement relus avant publication, vous serez fixés.


Assez de ces manières, de ce baratin érigé en système et de ces éditeurs prétentieux. Assez.

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De Victor Hugo à Christian Jacq

L’ami Feuilly me signale un article du Monde du 13 janvier. On y apprend que le groupe éditorial de Bernard Fixot, XO, créé en 1999, se fond à présent dans Éditis. Fixot avait été éditeur, avant 1999, sous son propre nom. Le changement d’appellation n’a pas modifié les choix de la maison : la nullité commerciale la plus décourageante. Le groupe possède aussi ce que Le Monde appelle pudiquement une « filiale, Oh ! Éditions, spécialisée dans les documents d’actualité », c’est-à-dire dans la boue.

 

L’éditeur le plus honteux de France remet donc ainsi entre les mains d’Éditis des fonds aussi intéressants que ceux de Laffont et de Julliard, aussi prestigieux que celui de Seghers. On peut se demander, d’ailleurs, pourquoi Laffont a vendu sa maison à Fixot, lorsqu’il a décidé de passer la main. Dans ses souvenirs dont il a déjà été question ici, Laffont laisse entendre que cela ne lui a pas fait plaisir et conclut qu’il ne souhaite pas s’étendre sur cette question.

 

L’article précise encore – et sans rire – que Fixot, qui « s’était assigné comme objectif de "remettre des auteurs français dans la liste des best-sellers mondiaux, comme au XIXe siècle", peut être satisfait de son bilan. Sur cinquante-sept titres publiés, cinquante et un ont figuré sur la liste des meilleures ventes et quarante-trois ont été vendus à l’étranger – ce qui représente plus du tiers du résultat de l’entreprise ». On est bien content, en effet. Le résultat de cette volonté éditoriale farouche fut : « Un nouveau roman historique en quatre tomes consacré à l’Égypte ancienne de Christian Jacq, Les Mystères d’Osiris, et surtout les Mémoires de Farah Pahlavi, l’épouse de l’ex Chah d’Iran ». Voilà ce qu’on inscrit sur la liste des best-sellers mondiaux, laquelle comprend déjà Les Misérables (par exemple).

 

Vive l’édition française.

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Au café du coin, 6

Il est entré au Campo. Christelle a failli tomber. Elle a rattrapé in extremis les plats qu’elle portait. Il est beau, il a une allure folle, elle le connaît bien. Elle a lu ses œuvres, elle va les voir jouer au théâtre, chaque fois qu’elle le peut. Elle est ivre de fierté de le savoir client de son établissement. Il faut dire que moi-même, je suis plutôt content d’être son ami. Christelle soutient qu’il est le seul à exprimer ainsi les passions, les sentiments féminins surtout. Elle rêve de jouer pour lui mais il n’est pas certain qu’elle puisse le faire. Il me l’a confié l’autre jour où, entre deux plats, il essayait sur moi quelques vers. « Je suis en train de composer une nouvelle pièce, cher ami, m’a-t-il annoncé. Souffrez que je vous donne lecture de cette scène dont je ne suis pas sûr ». Pensez si j’étais honoré ! Il me demandait mon avis. Faut-il préciser que, d’emblée, tout était magnifique ? Lorsqu’il sort du restaurant, après son repas, Christelle soupire, le regard vague, l’envie manifeste d’être ailleurs : « Jean… » Ah, c’est quelque chose, tout de même, de compter Racine parmi ses proches.

 

« Comment dites-vous ? François Bernardone ? Je le connais ? » me demande Valérie lorsque je lui dis qui j’attends ce jour-là. Puis elle réalise qu’elle l’a déjà vu : « Ah oui, c’est celui qui ne mange presque rien ! » Je souris : « Tout juste. C’est un homme modeste, très pauvre ». Pauvre mais passionnant, François d’Assise est là, face à moi. Il est souffrant mais son esprit l’emporte. « Ce qui m’intéresse chez vous, Jacques, c’est… » Il s’arrête. Fichtre ! Qu’est-ce qui, en moi, peut bien intéresser ce saint homme ? Le silence s’étend. Sur le boulevard, une ambulance file, qui fait entendre sa sirène à trois tons. « Qu’elle emmène avec elle la douleur du monde », murmure mon vis-à-vis. Valérie le regarde avec étonnement.

 

Voilà, je vous ai présenté quelques uns de mes amis. Je déjeune parfois avec d’autres, mais il serait trop long d’évoquer pour vous mes repas avec Marx, Oscar Wilde, Camille Claudel, Robespierre, Saint-Just, Euripide, tant d’autres… Allez faire un tour au Campo, à l’heure du déjeuner. Il n’est pas rare que je m’y trouve et mes amis ne sont pas bégueules ; ils ne verront aucun inconvénient à boire leur café en votre compagnie. Vous croiserez Danton, Gandhi, Molière, le Christ, Jean Moulin, nous prendrons l’apéritif ensemble, si vous voulez. Christelle et Valérie vous serviront avec la gentillesse qui est la leur, habituellement. N’oubliez pas : le Campo, boulevard de l’Hôpital, Paris. On en restera là maintenant parce que, comme les meilleures choses, les plus délicieux repas ont une

 

FIN

jeudi, 12 janvier 2006

Salut l’artiste

L’ami Patrick Dalmasso vient de me faire parvenir pas moins de sept nouvelles bannières. À partir de demain, donc, le merveilleux manège va reprendre.


Salut l’artiste.

mercredi, 11 janvier 2006

Le cinéma pour qui ?

J’ai lu lundi 9, sur le zinc, ce titre du Parisien selon lequel six-cent soixante films de toute nature avaient été réalisés à Paris en 2005. C’est un chiffre qui ne veut rien dire du tout puisqu’il n’est pas rapporté au nombre total des tournages de l’année, mais la presse raffole des quantités : tant de tonnes de dinde ont été dévorées à Noël à Paris, c’est passionnant, ça intéresse beaucoup le public. Il faut le croire.

 

Mon propos est ailleurs. Le cinéma devient urbain. Dans l’esprit de la majorité, un film se passe en ville. Je me moque bien qu’il s’agisse de Paris ou d’ailleurs. À Paris, après tout, il y a de belles architectures, de belles perspectives, la lumière est douce. Sans parler du fait que la plupart des comédiens y résident et que les équipements techniques y sont nombreux, ce qui facilite le travail de tous.

 

Mais voilà : un film se passe en ville. Les œuvres cinématographiques montrant des paysages ruraux, présentant des situations rurales, des personnages ruraux, des vues de campagne ou de montagne, deviennent extrêmement rares, il me semble. Je parle bien, n’est-ce pas, de films dont l’action, l’intrigue, le sujet, se déroulent à la campagne. Pas de ceux où de fatigués et argentés citadins vont passer un moment sous les arbres ou sur les cimes. Je serais curieux de disposer de quelques chiffres. Je ne sais pas si ça existe. Je crois que tout le cinéma – au moins les films situés à l’époque contemporaine – se tient maintenant en ville.

 

C’est parfaitement stupide. À la campagne (la montagne, la mer), il n’y a plus d’hommes, de femmes, de problèmes, de sujets ? On s’adresse à un public urbain à qui l’on montre son reflet (un peu arrangé, de préférence, pour qu’il puisse rêver). Ou bien cela signifie-t-il qu’on courtise le public des grandes villes, alors que dans les sous-préfectures, pourvu qu’elles possèdent un cinéma, les films sont projetés dans les quinze jours qui suivent la sortie parisienne ? À quoi sert-il de voir un film quinze jours avant les autres ? De toute façon, à part quelques cinéphiles acharnés, personne ne se rue dans les salles à la sortie des œuvres nouvelles. Ce qui revient à dire que les films sont vus à peu près en même temps partout. Pourquoi, dans ces conditions, ne traite-t-on pas des problèmes qui peuvent concerner une partie des spectateurs, d’autant qu’il n’est pas exclus que l’autre partie, si elle n’est pas cérébralement intoxiquée, s’y intéresse aussi ? Cependant, les premiers sont supposés béer d’admiration devant des intrigues citadines, des voitures et des immeubles.

 

Qu’on ne me fasse surtout pas dire ce que je n’ai pas dit. Bien évidemment, il n’est pas question de fabriquer des films sur mesures pour tel ou tel public. Je ne demande pas de traiter de la métallurgie à l’intention des métallurgistes, enfin, bref, je ne parle pas ici de réalisme socialiste. Je m’étonne simplement de cette incroyable suprématie de la ville sur le reste du pays, suprématie d’ailleurs supposée car, à la campagne, en vérité, une telle attitude fait rire ou indiffère.

mardi, 10 janvier 2006

Antoine Gallimard parle

Dans Libération du 5 janvier dernier, cet entretien avec Antoine Gallimard (petit-fils de Gaston et fils de Claude). Bien sûr, je ne suis pas responsable de la médiocrité du chapeau ni de l’expression, piteuse, du responsable de la plus prestigieuse maison d’édition française. Je me suis contenté de rectifier quelques horreurs typographiques contenues dans la mise en page initiale.

Je ne pense pas médire en relevant que le terme « littérature » est présent une seule fois dans tout le texte (associé au qualificatif « populaire ») ; en observant que « talent » n'est employé qu'une fois, au pluriel, associé à « nouveaux » ; en remarquant que les mots « écriture », « œuvre » et « style » ne sont jamais prononcés.

 

 

À la mi-décembre, Antoine Gallimard, qui préside aux destinées de la maison de la rue Sébastien-Bottin depuis 1988, a reçu, à Barcelone, le prix Atlantide, décerné par le Cercle des éditeurs catalans : un hommage à sa « trajectoire éditoriale » et à la façon dont il a su préserver et concilier le « caractère familial et le rayonnement d’une maison d’édition emblématique ». À cette consécration hors frontière, nous racontait-il quelque temps plus tard avec le sourire, n’a pas manqué le rappel « qu’il faut toujours revendiquer le droit à l’erreur ». Même à cette occasion, on a renvoyé ce Gallimard de la troisième génération au souvenir du refus opposé à Proust (« Toute ma vie, on va me le ressortir ! »). Choix des livres, stratégie d’entreprise sur un marché français où la concurrence se raidit depuis la fusion avortée d’Hachette-Éditis, la marge de manœuvre reste délicate pour Gallimard. Le PDG aime à rappeler la constante dualité de son rôle : être à la fois « aux fourneaux et dans la salle de restaurant », et puis, pour user d’une autre métaphore, pratiquer « le pas du patineur », travailler sur la durée, par exemple avec la Pléiade (le contrat pour le volume Poésie a été signé avec Aragon en 1980, et ne sort que cette année), repérer les nouveaux talents, signer des coups avec droits dérivés à la clé. Tout en veillant avec la prudence traditionnelle de la maison à l’élargissement de sa diffusion et de sa distribution. Retour, avec l’intéressé, sur une année 2005 marquée par le départ de Teresa Cremisi (bras droit passé chez Flammarion), et analyse des enjeux actuels de l’indépendance éditoriale.

 

Quel bilan tirez-vous de l’année 2005 ?

 

Globalement, il semble que le marché aura un peu progressé, peut être de 1,5 %, mais cela reste incertain. Tout le monde se plaint. Dans ce contexte, où les préoccupations se polarisent sur les questions financières, la maison Gallimard reste un peu atypique. Elle a la chance d’être un bateau bien quillé : la part du fond représente beaucoup de livres. Et si, cette année, nous avons peut être eu un peu moins de best-sellers que les années précédentes, nous avons eu quelques bonnes surprises. Prenez Waltenberg, d’Hédi Kaddour, premier roman d’un poète, un livre relativement difficile, épais, complexe, avec des galeries souterraines, des chausse-trappes... Nous étions très enthousiastes ici, mais je pensais que cela tournerait autour de dix mille exemplaires. On en est à trente mille. Nous avons eu le Médicis étranger d’Orhan Pamuk pour Neige, qui en est à quelque trente-cinq mille exemplaires. Ont marché le Lutétia de Pierre Assouline, la Malédiction d’Edgar de Marc Dugain. La Théorie des nuages de Stéphane Audeguy, autre premier roman, qui en est à dix-huit mille exemplaires, a rencontré un public, ça continue, c’est tout ce qu’on aime dans ce métier.

 

Vous avez aussi Harry Potter et Narnia...

 

Avoir un Harry Potter aide beaucoup les livres de comptes. Narnia, qui était précédemment publié par Flammarion, nous en avons acheté les droits il y a trois ans, sans savoir qu’un film allait en être tiré. Nous avons également pu acquérir, en même temps, les droits dérivés-papier : nous en sommes à quatre-cent mille exemplaires en titres dérivés... Le bilan est donc plutôt bon.

 

Composez-vous de la même manière les programmes de septembre et de janvier ?

 

Personnellement, je préfère janvier, on a le sentiment que la respiration littéraire est lente, plus facile. J’ai tendance à vouloir y mettre mes locomotives. Tahar Ben Jelloun, qui vient du Seuil, c’est pour janvier. Sollers, c’est mieux pour janvier aussi. Pascal Quignard, au mois de mars. La saison de septembre ne peut pas oublier les prix littéraires. Elle cristallise les difficultés et l’ingratitude de ce métier, dans une atmosphère très concurrentielle, marquée par le besoin de reconnaissance, d’argent, etc. Les auteurs sont de plus en plus demandeurs de succès, il faut à la fois établir des scores et s’inscrire dans la durée. La presse, elle-même, ne peut pas lire tous les livres. Il y a des sacrifiés, de la casse, et c’est l’éditeur qui reçoit les bris de verre au visage. Cela fait toujours des petits dégâts collatéraux. J’ai deux amis écrivains : Pascal Quignard, longtemps j’ai espéré avoir le Goncourt avec lui, finalement il l’a eu chez Grasset ; et François Weyergans, dont j’étais assez proche, pareil.

 

Comment êtes-vous organisé ?

 

Des éditeurs comme Christian Bourgois ou POL se saisissent d’un livre en direct, le prennent ou le rejettent. Moi, j’interviens s’il y a un problème particulier. Mon souci est donc plutôt de choisir mes collaborateurs littéraires... C’est un travail d’équipe. Je suis comme un chef de gare, ou comme dans un aéroport : je regarde si les avions ont leur plein de kérosène ; je veille à l’équilibre des programmes. Trop de titres, vous n’allez pas pouvoir les défendre. Je ne veux pas dire qu’il y a trop de livres. Non. Il y a trop de livres qui se ressemblent, ou trop de faux livres.

 

La façon dont vous gérez les auteurs du passé évolue. Auriez-vous sorti le Ramier d’André Gide il y a quinze ans ?

 

Non, cela n’aurait pas été compris. Si nous le faisons aujourd’hui, c’est moins le fait de l’évolution de Gallimard que de Catherine Gide, la fille de Gide : avec le temps et l’expérience, elle est devenue plus souple. Une de mes premières activités ici a été de faire les « Cahiers » Céline avec Jean-Pierre Dauphin et Henri Godard. Je vais publier un choix de la correspondance de Céline en Pléiade, on n’aurait pas pu le faire il y a quelques années. Personnellement, je pense qu’on devrait publier les pamphlets. Sa veuve s’y oppose. Un jour peut-être... Je suis l’exécuteur testamentaire de Paul Morand. J’ai publié son Journal inutile, quasiment pas censuré. En revanche, je me pose des questions sur la correspondance, énorme, qu’il a entretenue avec Chardonne. Morand n’en sort pas grandi. Chardonne non plus. En même temps, Morand souhaitait qu’elle soit publiée. Il faut que j’y réfléchisse.

 

Que représente pour vous une maison comme Verticales (label éditorial racheté au Seuil) ? Est-ce l’équivalent d’une collection ?

 

J’ai formé un petit ensemble, avec Verticales et Joëlle Losfeld : je les installe rue Saint-André-des-Arts, avec POL, dans les locaux autrefois occupés par Balland ; la Table ronde (rachetée à 97 % en novembre, ndlr) n’est pas très loin. Pour nous, ces satellites ont plutôt la fonction qu’avaient naguère les revues littéraires, qui permettaient de «draguer» les auteurs. Ils ont des petits tentacules, des papilles gustatives différents des nôtres. Après, j’ai ma voiture-balai. Eventuellement, les auteurs peuvent passer dans la collection «blanche», comme Jauffret ­ en complet accord avec Bernard Wallet (le patron de Verticales, ndlr).

 

La maison Gallimard est un ensemble diversifié et intégré, de l’édition à la librairie...

 

Il n’y a pas de logique industrielle derrière nos librairies. Depuis la librairie du boulevard Raspail, créée par mon grand-père, elles ont plutôt été acquises sur des coups de coeur : celle de la place Clichy, le Divan, Delamain, et, à Strasbourg, Kléber (que nous allons développer). Mais nos librairies ne jouent quand même pas un rôle stratégique. Ce qui est important, pour notre développement, c’est plutôt le secteur jeunesse et les filiales comme Denoël, ou encore le fait d’avoir notre propre diffusion et notre distribution, avec un centre de traitement des livres qui peut abriter soixante millions de volumes et traiter quatre-vingt dix-mille références...

 

Qu’est-ce qui vous détermine à intégrer certains labels ou, au contraire, à créer des filiales, comme récemment pour la BD ?

 

Dans le domaine de la BD, je me suis associé à cinquante-cinquante avec Soleil pour relancer la marque Futuropolis, que j’ai apportée dans l’accord. La filialisation se justifie quand on a besoin d’un partenaire,mais pas autrement. On peut aussi dire qu’il y a des intégrations qui ont un sens, comme le fait de reprendre POL, par exemple, et d’autres pas. Il n’aurait pas été logique que je récupère First. Ni Le Rocher à 100 % : j’aurais pu, mais je n’ai pas voulu, j’ai préféré me limiter à une participation. De cette façon, je m’associe à un partenaire qui peut prendre une place dans la littérature populaire, je sécurise le contrat de diffusion-distribution passé avec lui et... c’est toujours une petite part de marché que la concurrence n’aura pas !

 

En matière de diffusion-distribution, après Odile Jacob, allez-vous récupérer L’École des loisirs, autre grand diffusé du Seuil ?

 

L’École des loisirs va nous rejoindre. La seule incertitude porte sur la date du transfert, compte tenu du contentieux qui les oppose au Seuil et pour lequel ils sont en attente d’un jugement sur le fond. Par ailleurs, nous avons confirmé notre contrat de distribution avec Bayard. Cela dit, les problèmes que le Seuil peut rencontrer, je ne m’en réjouis pas. Aujourd’hui, je me sens plutôt seul. Dans la catégorie des maisons familiales d’une certaine taille, restent Albin Michel et moi. Et Albin Michel est dans le sillage d’Hachette, à travers sa distribution et son association au Livre de poche. Aujourd’hui, les bateaux ne régatent plus suivant les mêmes règles, pardon pour l’image nautique. Depuis que Charles-Henri Flammarion a vendu, qu’il y a eu l’affaire Hachette-Éditis, que les familles Bardet-Flamand ont vendu le Seuil, tout est agité. Et ce n’est pas fini. On est dans la tempête.

 

Il faut grandir ?

 

Il y a un vrai problème de concentration. Le point numéro un, c’est la liberté d’accès au marché. Les équilibres éditoriaux essentiels à Gallimard dépendent de la survie d’une librairie de qualité. Elle est là, elle joue son rôle. Mais sa situation est préoccupante. Et on s’aperçoit que, si le marché se développe, c’est essentiellement sur les hypers et les grandes surfaces. Une maison de taille moyenne, comme la nôtre, a aussi besoin d’accéder à ces autres niveaux. Or, les groupes qui contrôlent toute la chaîne de commercialisation risquent de fermer ces débouchés aux autres éditeurs. J’ai, par exemple, du mal à vendre mes guides de voyage, qui sont en concurrence avec le Guide du routard (publiés par Hachette, ndlr) dans les Relay Hachette. Des séries comme les Folio à deux euros, je n’arrive pas à les vendre non plus. Et, pour atteindre certains fragments de marché, qui n’appartiennent pas aux chaînes de mes concurrents, je suis quand même encore obligé de passer par leur intermédiaire : une partie des centres Leclerc, par exemple, ne veulent pas être traités en direct, ils ont donné l’exclusivité de leurs relations-livres à Hachette.

 

Serez-vous un jour tenté de vendre ?

 

Je n’en ai pas l’intention ! Sauf si j’étais frappé d’une grave maladie, à ce moment-là, je simplifierais les choses pour mes petites héritières. Je tiens ce métier de mon grand-père, de mon père, c’est un passage de témoin. Je suis fier de cette maison, j’aime bien la vie par ailleurs, je n’irais pas me sacrifier. Si ça peut continuer au-delà de ma personne, j’en serai ravi. Dans ce métier, on est comme les galeristes, il faut aimer être trahi, aimer aussi ne pas être trahi. On passe autant de temps à trouver des auteurs qu’à vouloir les garder ou empêcher qu’ils s’en aillent. Ou à vouloir récupérer l’auteur du copain. Ce qui m’embête, ce sont les concentrations. Je ne suis pas obsédé par Hachette, mais Hachette a repris des maisons en Espagne et en Angleterre : les auteurs jeunesse que ces maisons publient et qui m’intéressent, je ne peux pas les avoir. Ce n’est pas une bonne chose.

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lundi, 09 janvier 2006

Passage et passation

En faisant, ce matin, du « stop journal » dans le métro évidemment bondé, j’ai lu ceci, en légende d’une photographie montrant deux personnes dans un bureau : « Passage de relais entre deux hommes qui… » Je me suis demandé pourquoi on disait passage de relais et passation des pouvoirs. Nul doute que les nombreux lexicologues, grammairiens et philologues qui hantent la rue Franklin auront à cœur de répondre à cette angoissante question.

10:48 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (16)

Baudelaire se gausse

Voici quelques quatrains que, furieux, Baudelaire adressa À M. Eugène Fromentin à propos d'un importun qui se disait son ami. Ces vers sont datés : « Bruxelles, 1865 ».

 

 

Il me dit qu’il était très-riche,

Mais qu’il craignait le choléra ;

– Que de son or il était chiche,

Mais qu’il goûtait fort l’Opéra ;

 

– Qu’il raffolait de la nature,

Ayant connu monsieur Corot ;

– Qu’il n’avait pas encor voiture,

Mais que cela viendrait bientôt ;

 

– Qu’il aimait le marbre et la brique,

Les bois noirs et les bois dorés ;

– Qu’il possédait dans sa fabrique

Trois contre-maîtres décorés ;

 

 – Qu’il avait, sans compter le reste,

Vingt mille actions sur le Nord ;

– Qu’il avait trouvé, pour un zeste,

Des encadrements d’Oppenord ;

 

– Qu’il donnerait (fût-ce à Luzarches !)

Dans le bric-à-brac jusqu’au cou,

Et qu’au Marché des Patriarches

Il avait fait plus d’un bon coup ;

 

 – Qu’il n’aimait pas beaucoup sa femme,

Ni sa mère; – mais qu’il croyait

À l’immortalité de l’âme,

Et qu’il avait lu Niboyet !

 

 – Qu’il penchait pour l’amour physique,

Et qu’à Rome, séjour d’ennui,

Une femme, d’ailleurs phtisique,

Était morte d’amour pour lui.

 

Pendant trois heures et demie,

Ce bavard, venu de Tournai,

M’a dégoisé toute sa vie ;

J’en ai le cerveau consterné.

 

S’il fallait décrire ma peine,

Ce serait à n’en plus finir ;

Je me disais, domptant ma haine :

« Au moins, si je pouvais dormir ! »

 

Comme un qui n’est pas à son aise,

Et qui n’ose pas s’en aller,

Je frottais de mon cul ma chaise,

Rêvant de le faire empaler.

 

Ce monstre se nomme Bastogne ;

Il fuyait devant le fléau.

Moi, je fuirai jusqu’en Gascogne,

Ou j’irai me jeter à l’eau,

 

Si dans ce Paris, qu’il redoute,

Quand chacun sera retourné,

Je trouve encore sur ma route

Ce fléau, natif de Tournai !  

 

samedi, 07 janvier 2006

Baudelaire se marre

Baudelaire expédie à un ami ces deux quatrains que lui inspira la découverte d’un cabaret au nom curieux, sis à Uccle, sur la route de Bruxelles.

 

Vous qui raffolez des squelettes

Et des emblèmes détestés

Pour épicer les voluptés,

(Fût-ce de simples omelettes !)

 

Vieux Pharaon, ô Monselet !

Devant cette enseigne imprévue,

J’ai rêvé de vous : À la vue

Du Cimetière, Estaminet !

Baudelaire s’amuse

Voici des vers de circonstance de Baudelaire. Le poète s’excuse ici de ne pas accompagner à Namur son éditeur Poulet-Malassis, qui l’en avait prié.

 

 

 

 

Puisque vous allez vers la ville

Qui, bien qu’un fort mur l’encastrât,

Défraya la verve servile

Du fameux poëte castrat ;

 

Puisque vous allez en vacances

Goûter un plaisir recherché,

Usez toutes vos éloquences,

Mon bien cher Coco-Malperché,

 

(Comme je le ferais moi-même)

À dire là-bas combien j’aime

Ce tant folâtre monsieur Rops,

 

Qui n’est pas un grand prix de Rome,

Mais dont le talent est haut comme

La pyramide de Chéops !

vendredi, 06 janvier 2006

Bannières de janvier

La bannière que vous voyez en ce moment (le petit car jaune et bleu) est la dernière de la série imaginée et réalisée par Patrick Dalmasso, que je remercie une fois encore.

À partir de demain, je laisserai donc à l’écran une bannière choisie dans la collection dont il m’a fait présent. Elle changera de temps en temps, mais plus tous les jours.

Au café du coin, 5

Quand elle l’a vu arriver au Campo, Christelle a eu pitié de Descartes, avec son visage défait, ses yeux lourds et cette grande écharpe enroulée trois fois autour de son cou. Il est venu tout droit vers moi. « Jacques, je suis désespéré ». Mon ami René m’a expliqué ensuite : « Tout est de la faute de Christine, vous comprenez. Elle veut que je l’accompagne dans les voyages qu’elle fait à travers son royaume. Moi, je crève de froid, dans ce Septentrion ! J’ai bien envie de révoquer en doute la Suède ». À Valérie qui lui demandait ce qu’il désirait, il a seulement répondu : « Ce que vous voudrez, pourvu que ce soit très chaud ».

 

C’est ainsi que, retrouvant Cervantès pour déjeuner, je lui ai parlé de Descartes, lui expliquant dans quelle situation il se trouvait, perpétuellement enrhumé, le pauvre. Miguel est compréhensif. Avec son merveilleux accent espagnol, il m’a répondu : « Je vais l’inviter chez moi. Je viens justement d’acquérir une petite maison sur la Costa Brava. C’est à Ampuriabrava, non loin de Castello de Ampurias. Enfin, je devrais le dire en catalan... Qu’il vienne y passer l’été ». J’étais heureux pour René. Cervantès m’a ensuite confié les soucis que lui donnait en ce moment son maître-livre. « Imaginez, Jacques ! Il vient de paraître une version abrégée de Proust. Mais si, mais si. Toute la Recherche en cinq cents pages. On m’a écrit récemment : l’édition française qui, comme vous le savez, est en-dessous de tout, veut faire la même chose pour moi. Vous voyez ? Le Quichotte en quarante pages. Qu’est-ce que c’est que ça ? » Valérie qui, à ce moment précis, déposait devant son dessert devant lui, a répondu : « Une mousse au café. C’est ce que vous avez commandé ».

 

Je ne sais pas pourquoi tout le monde vient pleurer sur mon épaule. Enfin, les amis sont là pour ça. Voilà ce que je me dis en entendant Homère me confier son agacement devant ses propres œuvres. « Du light, voilà ce qu’il faut, Layani ! Du light. L’Iliade, tout ça, L’Odyssée, c’est fini. Dépassé. Je vais faire un livre nouveau, formidable. Ça se passera en région parisienne, les navires seront des péniches qui descendront la Seine. Soixante-dix pages en gros caractères. Plus de champs de bataille, des champs de courses ! » Je dois faire une drôle de tête. « Croyez-moi, reprend-il. Le light, c’est l’avenir. Tous les éditeurs voudront faire paraître cet ouvrage. Au lieu de L’Odyssée, j’intitulerai ça L’eau d’Issy ». Et Christelle, qui l’entend en passant : « Évian, Badoit, Vittel, Perrier, si vous voulez. Issy, nous n’avons pas ».

 

À suivre

jeudi, 05 janvier 2006

Quand Baudelaire fait rire

Baudelaire le tourmenté, celui dont le regard fait trembler les femmes (alors qu’il avait peur d’elles) ou les fait s’apitoyer selon les photographies que par ailleurs il détestait, Baudelaire n’est pas seulement cette grande âme triste que l’on croit, lui, le premier poète moderne, celui qui, de la boue du monde, fit de l’or.

 

Il existe des poèmes de circonstance très drôles. Ainsi, ces vers laissés chez un ami absent, datés « 5 heures, à l’Hermitage » :

 

Mon cher, je suis venu chez vous

Pour entendre une langue humaine ;

Comme un qui, parmi les Papous,

Chercherait son ancienne Athène.

 

Puisque chez les Topinambous

Dieu me fait faire quarantaine,

Aux sots je préfère les fous

– Dont je suis, chose, hélas ! certaine.

 

Offrez à Mam’selle Fanny

(Qui ne répondra pas : Nenny,

Le salut n’étant pas d’un âne),

 

L’hommage d’un bon écrivain,

– Ainsi qu’à l’ami Lécrivain

Et qu’à Mademoiselle Jeanne.

 

Cette assurance de voir son hommage accepté, « le salut n’étant pas d’un âne », me fait rire aux éclats. Comme d’ailleurs cette adresse rimée, qu’il faut oser imaginer inscrite sur une enveloppe :

 

Monsieur Auguste Malassis

Rue de Mercélis

Numéro trente-cinq bis

Dans le faubourg d’Ixelles,

Bruxelles.

(Recommandée à l’Arioste

De la poste,

C’est-à-dire à quelque facteur

Versificateur.)

Internet au travail

À tous ceux qui consultent internet au bureau (mais si, mais si, ça existe, voyons…) ou, d’une manière générale, sur leur lieu de travail, je rappelle que « sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé » (Cour de casssation, 17 mai 2005, n° 03-40017).

 

La Cour de cassation avait déjà estimé que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié ou reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Soc, 2 octobre 2001, société Nikon-France SA contre M. Onof).

 

Cela étant, n’abusez pas. Le détournement de matériel informatique, à des fins personnelles, par un salarié à qui ce matériel a été confié peut être qualifié… d’abus de confiance. Une promenade rue Franklin vaut-elle un tel risque ? Si vous dites au juge : « C’était pour Layani », peut-être comprendra-t-il ? Vous pouvez toujours essayer.

07:00 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (1)