Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 26 janvier 2006

Mélanc-au lit

À Mme Sabatier, que Théophile Gautier nommait « la Présidente », Baudelaire adressa de nombreux poèmes non signés, puis avoua son sentiment. Il entreprit une cour assidue. On sait qu’au lendemain d’une unique nuit, il la quitta, la femme réelle lui étant apparue quand, peut-être, il préférait l’idéaliser.

 

Ma surprise est immense, lisant Baudelaire, l’ivresse des images qu’ont cosigné Jean-Paul Avice et Claude Pichois dans la collection « Passion » que publie Textuel, de lire ceci : « Mais Baudelaire ne peut concevoir un « type de beauté où il n’y ait du Malheur » ; à cette femme décidément « trop gaie », il rêve même, dans un autre poème, d’infuser son venin. Le poison noir de la mélancolie ».

 

Le poème en question, À celle qui est trop gaie, s’achève sur ces vers que je cite de mémoire sans pouvoir en rétablir l’exacte ponctuation :

 

Ainsi je voudrais une nuit

Quand l’heure des voluptés sonne

Vers les trésors de ta personne

Comme un lâche ramper sans bruit

 

Pour châtier ta chair joyeuse

Pour meurtrir ton sein pardonné

Faire à ton flanc étonné

Une blessure large et creuse

 

Et vertigineuse douceur

À travers ces lèvres nouvelles

Plus éclatantes et plus belles

T’infuser mon venin ma sœur

 

De qui se moquent les auteurs, spécialistes du poète ? Pichois est un baudelairien reconnu depuis des décennies. Il s’agit bel et bien, et uniquement, d’une image érotique. « Flanc étonné », « blessure large et creuse », « vertigineuse douceur », « lèvres », « t’infuser mon venin », est-il besoin de commenter ?

 

Ou bien n’ai-je définitivement rien compris ?

Commentaires

Comme toute image belle, elle se comprend à double sens et s'exprime (au sens pongien) à double tranchant. Il y a une image sexuelle, mais il n'empêche que les mots "meurtrir", "blessure" et "venin" sont lâchés...

Ce qui est curieux, c'est le contresens entre "lui infuser le venin" et "infuser son venin", qui signifie l'inverse...

Ou n'ai-je rien compris ?

Écrit par : Guillaume | jeudi, 26 janvier 2006

Moi, je persiste à n'y voir qu'une image sexuelle. Qu'en pensent les autres participants ?

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 26 janvier 2006

Baudelaire a toutes les excuses pour avoir désiré "idéalement" sa belle : il était poète et homme en son siècle, qui n'admettait pas la liberté sexuelle autrement qu'avec honte. Huymans itou.

Écrit par : Martine Layani | jeudi, 26 janvier 2006

A celle qui est trop gaie, je me permets de le rappeler, fait partie des pièces condamnées en 1857. Ce qui, de façon certes très primaire, me fait pencher pour l'interprétation érotique pure et simple. Les juges du XIXe siècle ne s'y sont pas trompés.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 26 janvier 2006

Ou ils n'avaient rien compris ?
Les puritains ne voient-ils pas du sexe partout ?
(Vous excepté Jacques. Je veux dire que vous n'êtes pas puritain, que vous ne voyez pas du sexe partout. Ou peut-être que vous n'êtes pas puritain et que vous voyez du sexe partout ? Euh, non, que vous êtes... vous êtes.... euh, fais pas trop froid chez vous ?)

P.S. Aujourd'hui je pourrais acheter une bagnole sur votre site. Personne n'a idée de comment régler ce problème pas du tout vital, mais tout de même, Baudelaire et Kingoloto, c'est un drôle de combo...

Écrit par : Benoit | jeudi, 26 janvier 2006

Encore une fois, moi, je n'ai aucune fenêtre publicitaire, ni chez moi, ni au travail.

SOS Patrick Dalmasso. Patrick, donne une solution à Benoît, s'il-te-plaît.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 26 janvier 2006

Je suis d'accord avec Guillaume pour le double sens. Les deux images entrent en résonance, se mêlent et se renforcent ; c'est bien plus intéressant comme ça.

P.-S. : Pour moi aussi la solution, siouplé. Je vois une fenêtre de pub aussi bien chez moi qu'au boulot.

Écrit par : lamkyre | jeudi, 26 janvier 2006

Patrick, tu es attendu impatiemment.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 26 janvier 2006

Je n'y vois qu'une image érotique moi itou.

Pas de pubs chez-moi. Que de belles bannières méditatives encadrées de rose pâle..

Écrit par : Diane | jeudi, 26 janvier 2006

Ah, les belles bannières sont de Patrick Dalmasso, disons-le une fois encore. Je ne sais pas si vous avez réalisé, mais vous en avez vu défiler pas moins de quarante-six ! Là, je n'en ai plus, j'ai remis celle-ci que j'aime particulièrement.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 26 janvier 2006

j'ai parfois (assez rarement) des fenêtres publicitaires sur ton blog

normalement firefox les bloque (outils > options > contenu > bloquer les fenêtres pop-up)

Jacques à mon avis ces fenêtres de pub apparaissent parce que tu es abonné (je me trompe ?) à un service qui affiche le nombre de personnes connectées à ton blog

le système est assez perfectionné pour te reconnaître quand tu utilises ton ordinateur chez toi et pour te cacher ces fenêtres
à ton travail, les fenêtres doivent être bloquées par défaut

merci à Diane

Écrit par : Patrick Dalmasso | jeudi, 26 janvier 2006

Non non, je ne suis pas abonné à quoi que ce soit. Le petit compteur gratuit qu'on peut voir, c'est moi qui l'ai mis dans la colonne de droite de la configuration avancée. C'est une suite de codes qui donne, à l'écran, le chiffre que vous voyez tous et que je vois aussi, sans rien de plus : c'est le nombre de connectés, c'est tout. Mais ce n'est pas un service et il n'y a pas d'abonnement.

A mon travail, les fenêtres sont effectivement bloquées par défaut mais en fait, ça ne marche pas, il s'en ouvre quand même sans arrêt... sauf quand il s'agit de ce blog, justement !

Mais je sais que tu vas trouver, Patrick.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 26 janvier 2006

Dernière minute (22 h 30, heure de Paris) :

Patrick m'envoie sa quarante-septième bannière, spécialement conçue pour Diane et à elle dédiée. Admirable.

Bravo.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 26 janvier 2006

Ça alors! Une nouvelle bannière conçue pour moi!
Elle est vraiment très belle, je suis touchée..
Merci Patrick.

Écrit par : Diane | vendredi, 27 janvier 2006

Diane, je suis content que ça vous plaise

voilà comment j'ai procédé :

Diane + Baudelaire = Diane de Poitiers
http://minilien.com/?cxX5NivlJv
http://www.wga.hu/art/m/master/fontaine/diane.jpg

Diane de Poitiers = Renaissance = Garamond
http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Garamond

sont-ce des "correspondances" baudelairiennes ? je suis assez inculte sur le sujet

Écrit par : Patrick Dalmasso | vendredi, 27 janvier 2006

Je persiste et signe : l'image est double ; ce n'est pas "n'importe quelle" image de pénétration, tout de même. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la collusion Eros/Thanatos y est nettement prononcée.

Les deux lectures (Layani et Pichois) ne sont pas incompatibles. Le poème n'a, à mon avis, de sens que par cette collusion.

Écrit par : Guillaume Cingal (sur Safari, et assurément aucune fenêtre bondissante ne s'ouvre, contrairement à IE) | vendredi, 27 janvier 2006

Je veux bien qu'une double lecture s'impose, soit. Mais alors, pourquoi Pichois, avec la notoriété qui est la sienne et la responsabilité qu'elle lui impose, nous en donne-t-il une seule, définitive ? Il n'est pourtant que de lire pour trouver la seconde.

Et puis, n'oublions pas que Baudelaire comptait sur ce poème, entre autres, pour obtenir les faveurs de Mme Sabatier.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Il y comptait... Les a-t-il obtenues ? Ce langage a de quoi effaroucher (d'ailleurs, aujourd'hui, il n'aurait aucune chance). Pas à cause de la langue - si j'ose dire - mais à cause des sous-entendus négatifs qu'elle contient. Du moins, à mon avis.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Bon, c'était Martine qu'il fallait lire, pardon.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Il a eu une nuit d'amour avec elle et l'a quittée le lendemain. Il n'a semble-t-il pas pu supporter la réalité, à force de l'avoir idéalisée.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Qui dit qu'IL l'a quittée ? Peut-être la belle n'aurait-elle pas plus donné suite ; *ce ne sont pas des manières pour une dame*, mais sait-on jamais.

Sait-on si le poète a jamais pu soutenir une relation durable ? J'ai l'impression que "meurtrir ton sein pardonné" rend compte d'un malaise, car quoi pardonner ? D'être trop belle ? C'est un raisonnement de malade.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Il existe une chose qu'on appelle le contexte : ici, c'est le XIXe siècle.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Et donc ...? Si on se fie au contexte, Baudelaire aurait eu *raison* de ne pouvoir assumer la réalité. Hum.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Oups, ma note a été postée dans la mauvaise rubrique. La revoici au bon endroit.


La double lecture s’impose.
Souvent, un poème a un sens et on découvre une connotation érotique discrète si on lit entre les lignes. Ici, cette dernière est tellement visible que Pichois n’en a même pas parlé. C’est l’autre connotation qui se montre plus discrète, mais elle est là et est indispensable.

Il y a tout de même bien cette idée de violence qui est partout (châtier, meurtrir, faire une blessure, etc.) et qui est le fait de l’amant potentiel, qui par ailleurs vient « ramper comme un lâche » aux pieds de la belle. Cette soumission dans laquelle le désir l’a plongé, il la renverse par un désir de meurtre. L’étonnement de la dame (« ton flanc étonné ») marque bien qu’elle ne s’attendait pas à une telle agressivité de la part d’un soupirant sur qui sa beauté exerçait tout pouvoir.

On est ici dans un acte de vengeance. Il faut soumettre physiquement celle qui vous avait soumis psychiquement. Le tout est ambigu, car le plaisir pur est là aussi (« heure des voluptés, vertigineuse douceur »), mais il est renforcé par cette violence du mâle qui vient saccager ce qu’il adore. De ce sadisme, naît aussi le plaisir, non seulement pour l’amant mais aussi pour l’amante. Si sa chair était par nature joyeuse, une fois soumise à son bourreau elle connaîtra de nouvelles extases («lèvres nouvelles plus éclatantes et plus belles») . Le pardon est au bout de la nuit d’amour (« ton sein pardonné ») et une nouvelle complicité peut naître (« ma soeur »), laquelle repose sur un inceste tout aussi ambigu que le sadisme.

Le plaisir du lecteur (car il a le sien aussi) provient précisément de ces zones troubles, de cette complexité.

Une fois atteinte par la venin, la belle va-t-elle mourir, atteindra-t-elle les zones de désespoir du poète ou ce venin est-il le plus doux qui soit ?

Écrit par : Feuilly | vendredi, 27 janvier 2006

Merci, Feuilly, de votre intelligente intervention. C'est vrai que le plaisir des autres est toujours étrange, n'est-ce pas Jacques ? Il est des jours où il va jusqu'à être étranger.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Voilà, Feuilly a bien cerné les choses.

Mme Sabatier tenait salon et était courtisée par la fine fleur de ce que l'époque comptait en matière d'art, poésie, peinture, musique. Elle n'avait qu'à choisir. Je ne sais pas si elle céda à d'autres. Je ne sais plus. Voir le livre de Louis Mermaz, Un amour de Baudelaire.

Baudelaire l'a bouleversée, on ne disait pas oui très facilement, à ce moment-là. Les poèmes qu'il lui a adressés sont effectivement bouleversants. Tout le recueil est bouleversant et d'une nouveauté inimaginable.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 27 janvier 2006

je me suis mal exprimé Jacques :
le fait d'inclure le code dont tu parles déclenche l'apparition des fenêtres
http://www.123compteur.com/soyons-clair.php

personnellement la fenêtre ne me gêne pas

Écrit par : Patrick Dalmasso | vendredi, 27 janvier 2006

Ah, effectivement. Faisons l'expérience : je supprime le compteur. Dites-moi si vous recevez toujours des publicités.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Plus de fenêtres, ce qui, parlant de poésie de Buadelaire, est assez ironique.


Par ailleurs, je ne comprends pas, Jacques, ton acharnement à refuser la polysémie de ce poème...

Écrit par : Guillaume | vendredi, 27 janvier 2006

Budaleiare et même Mllaramé...

Écrit par : Guillaume | vendredi, 27 janvier 2006

Je ne la refuse pas. Au fil des commentaires, je m'y suis fait. Mais Baudelaire, que j'adore, n'était pas un saint. Il ne faut pas le sacraliser. Derrière des vers magnifiques, il y a une volonté : amener la belle au déduit. Ne soyons pas hypocrites.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 27 janvier 2006

Superbe analyse de Feuilly. J'aimerais aussi avoir votre sentiment, aux uns et aux autres, sur les tout derniers mots du poème : "ma soeur". Curieux, non ???

Écrit par : fuligineuse | vendredi, 27 janvier 2006

Pas de fenêtre ce soir, ce qui est tout de même mieux pour apprécier votre conversation sur Charles.

Écrit par : Benoit | samedi, 28 janvier 2006

Bien, c'était donc le compteur qui était à l'origine de ces publicités. Je savais bien que Patrick trouverait la solution. Patrick trouve toujours les solutions. C'est une solution en soi.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 28 janvier 2006

Fuligineuse : "ma soeur" est fréquent chez Baudelaire. On le trouve aussi dans L'Invitation au voyage : "Mon enfant ma soeur / Songe à la douceur / D'aller là-bas vivre ensemble"...

L'assimilation enfant-soeur-compagne est courante. En 1961, Caussimon va plus loin, il y ajoute la mère lorsqu'il écrit dans Nous deux : "(...) ma tourterelle / Ma fille à moi ma toute belle / Ma frangin' d'amour ma maman".

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 28 janvier 2006

Les commentaires sont fermés.