Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 06 janvier 2006

Au café du coin, 5

Quand elle l’a vu arriver au Campo, Christelle a eu pitié de Descartes, avec son visage défait, ses yeux lourds et cette grande écharpe enroulée trois fois autour de son cou. Il est venu tout droit vers moi. « Jacques, je suis désespéré ». Mon ami René m’a expliqué ensuite : « Tout est de la faute de Christine, vous comprenez. Elle veut que je l’accompagne dans les voyages qu’elle fait à travers son royaume. Moi, je crève de froid, dans ce Septentrion ! J’ai bien envie de révoquer en doute la Suède ». À Valérie qui lui demandait ce qu’il désirait, il a seulement répondu : « Ce que vous voudrez, pourvu que ce soit très chaud ».

 

C’est ainsi que, retrouvant Cervantès pour déjeuner, je lui ai parlé de Descartes, lui expliquant dans quelle situation il se trouvait, perpétuellement enrhumé, le pauvre. Miguel est compréhensif. Avec son merveilleux accent espagnol, il m’a répondu : « Je vais l’inviter chez moi. Je viens justement d’acquérir une petite maison sur la Costa Brava. C’est à Ampuriabrava, non loin de Castello de Ampurias. Enfin, je devrais le dire en catalan... Qu’il vienne y passer l’été ». J’étais heureux pour René. Cervantès m’a ensuite confié les soucis que lui donnait en ce moment son maître-livre. « Imaginez, Jacques ! Il vient de paraître une version abrégée de Proust. Mais si, mais si. Toute la Recherche en cinq cents pages. On m’a écrit récemment : l’édition française qui, comme vous le savez, est en-dessous de tout, veut faire la même chose pour moi. Vous voyez ? Le Quichotte en quarante pages. Qu’est-ce que c’est que ça ? » Valérie qui, à ce moment précis, déposait devant son dessert devant lui, a répondu : « Une mousse au café. C’est ce que vous avez commandé ».

 

Je ne sais pas pourquoi tout le monde vient pleurer sur mon épaule. Enfin, les amis sont là pour ça. Voilà ce que je me dis en entendant Homère me confier son agacement devant ses propres œuvres. « Du light, voilà ce qu’il faut, Layani ! Du light. L’Iliade, tout ça, L’Odyssée, c’est fini. Dépassé. Je vais faire un livre nouveau, formidable. Ça se passera en région parisienne, les navires seront des péniches qui descendront la Seine. Soixante-dix pages en gros caractères. Plus de champs de bataille, des champs de courses ! » Je dois faire une drôle de tête. « Croyez-moi, reprend-il. Le light, c’est l’avenir. Tous les éditeurs voudront faire paraître cet ouvrage. Au lieu de L’Odyssée, j’intitulerai ça L’eau d’Issy ». Et Christelle, qui l’entend en passant : « Évian, Badoit, Vittel, Perrier, si vous voulez. Issy, nous n’avons pas ».

 

À suivre

Commentaires

Je déplore avec toi les dérives de l'édition, mais pour ce qui est du calembour, il n'est pas inédit. L'Eau d'Issey, parfum d'Issey Miyake...

Écrit par : fuligineuse | vendredi, 06 janvier 2006

Ah, je ne savais pas. On n'invente jamais rien.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 06 janvier 2006

Les commentaires sont fermés.