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jeudi, 19 janvier 2006

Révoquez, révoquez, il en restera toujours quelque chose

Je relaie, après beaucoup d’autres, la lettre ouverte de maître Eolas à Gilles de Robien, concernant l’affaire du proviseur révoqué.

 

Pour ceux des lecteurs qui ne connaîtraient pas l’échelle des sanctions dans l’Éducation nationale, la révocation est la plus grave. Cela signifie que le fonctionnaire fautif est mis à la porte, sans indemnités de chômage ni d’ASSEDIC, évidemment. Sans rien.

 

Le proviseur a quarante-huit ans.

 

Il s’agit d’exprimer ici une triple solidarité : celle d’un collègue qui, ce me semble, devrait aller de soi ; celle d’un blogueur, qui est évidente puisque l’intéressé est sanctionné pour ce type d’activité ; celle d’être humain, tout simplement, parce que la mesure qui le frappe est démesurée et hors de propos.

 

J’ajoute que l’homosexualité du proviseur est très vraisemblablement une des raisons qui ont provoqué cette sanction très rare. Ce n’est pas prouvé, évidemment, mais tellement facile à comprendre. Si c’est le cas, c’est inacceptable.

 

Je crois que le mouvement est en train de s’amplifier. Relayez, relayez, relayez. Merci pour lui.

Commentaires

Si je peux vous donner un conseil : vous devriez menacer de boycotter la Camif.

Écrit par : Jul | jeudi, 19 janvier 2006

Vous devenez caustique, Jul, pourquoi ?

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 19 janvier 2006

Pourquoi, c'est pas bien d'être caustique ? Moi j'essaie juste de vous aider dans vos combats. Vous avez reçu le nouveau catalogue ?

Écrit par : Jul | jeudi, 19 janvier 2006

Une pétition est en ligne :

http://blog.mobilisation.gayattitude.com/

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 20 janvier 2006

La réaction de la blogosphère sera le sujet d'un article du Monde à paraître cet après-midi.

Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006

Voici l'article du Monde qui vient de paraître.

Le proviseur d'un lycée de Mende proteste après sa révocation pour un blog jugé pornographique

Des centaines de message de soutien, une pétition sur Internet qui, vendredi 20 janvier, avait déjà recueilli près de 1 500 signatures. Une semaine après la révocation par le ministère de l'éducation nationale du proviseur du lycée Peytavin de Mende, la blogosphère se mobilise. Agé de 48 ans, Michel Collet, en poste dans cet établissement de Lozère depuis septembre 2005, a été limogé pour avoir animé, sous le pseudonyme de Garfieldd, un blog dans lequel il évoquait notamment son homosexualité. "Sur ce blog se trouvaient des écrits et des photos à caractère pornographique, incompatibles avec l'exercice de la responsabilité d'un chef d'établissement", indique Paul Desneuf, directeur de l'encadrement du ministère de l'éducation nationale.


Selon l'arrêté de révocation, que Le Monde s'est procuré, le ministère de l'éducation reproche à M. Collet "d'avoir manqué à ses obligations déontologiques en publiant sur son blog des propos portant atteinte à la dignité des fonctions qu'il exerce et plus généralement aux pouvoirs publics". Il accuse aussi le proviseur "d'avoir manqué de fidélité aux devoirs de sa fonction en donnant de son emploi de chef d'établissement, ainsi que de celui d'autres agents de l'éducation nationale, une image déshonorante et indigne".

La décision s'est notamment appuyée sur un rapport des services du rectorat de Montpellier daté du 12 octobre 2005, transmis au directeur de l'encadrement du ministère de l'éducation. A ce document étaient jointes des pièces complémentaires, notamment des captures d'écran du blog de M. Collet

Le cas du proviseur de Mende a été examiné le 9 décembre 2005 par la commission paritaire nationale disciplinaire, où siègent six représentants de l'administration et six représentants du personnel. Cette instance a appuyé sa décision sur un certain nombre d'accusations à son encontre. Il lui a entre autres été reproché "d'avoir diffusé des textes et des photos évoquant ses expériences sexuelles, parfois de manière explicitement obscène ou pornographique. Parmi ces photos figure M. Collet. Par ce blog il rend publiques des correspondances (...) avec d'autres détenteurs de blog qui lui répondent sur des thèmes manifestement pornographiques, l'un des correspondants, au moins, diffusant des photos où des mineurs sont représentés à côté d'adultes". Dans l'entourage du proviseur, on dénonce cet argument comme fallacieux : "M. Collet ne peut pas être rendu responsable du contenu d'un site dont il n'est pas l'auteur."

Pour étayer les accusations lors de la commission disciplinaire, cinq extraits du blog de M. Collet ainsi que cinq clichés ont été présentés. Quatre de ces photographies représentent des hommes en sous-vêtements. Sur toutes ces photographies, seule est visible la partie entre le milieu du torse et le haut des cuisses. Aucun visage n'est montré. La cinquième photo est un document personnel du proviseur. Celui-ci y apparaît allongé nu sur une plage, sur le ventre. Son visage, ses épaules et ses fesses sont visibles. Légalement, ce type de cliché ne peut pas donner matière à poursuite.

A l'issue d'un vote, la commission a émis un avis favorable à la révocation de M. Collet. Le proviseur a d'ores et déjà émis un recours gracieux auprès du ministre de l'éducation nationale. Il compte en déposer un autre dans le courant de la semaine prochaine auprès du Conseil supérieur de la fonction publique. Dans l'hypothèse d'un rejet, il peut intenter une action devant le tribunal administratif.

Appuyé par le Syndicat des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN), M. Collet affirme qu'il n'y avait rien d'obscène sur son blog. "Pendant les deux ans où j'ai animé ce journal, je n'ai jamais mis de photographies sexuellement explicites. Pas de nudité frontale ou de couple en action (...). Je peux comprendre que certains puissent juger ces clichés déplacés, mais en aucun cas ils ne peuvent être qualifiés de pornographiques", affirme M. Collet.

"S'agissant de mes écrits, se défend le proviseur, il s'agissait d'un journal intime, visité par une quarantaine de lecteurs réguliers. J'y évoquais donc ma vie personnelle mais aussi des épisodes de ma vie professionnelle. J'ai toujours utilisé un pseudonyme et pris la précaution de ne citer aucun nom de personne ou de lieu. Je veux bien admettre que j'ai agi avec légèreté et que j'aurais dû être plus prudent, car par recoupement on a réussi à m'identifier mais en aucun cas on ne peut m'accuser de diffamation ou d'atteinte aux bonnes moeurs."

Pour Georges de Haro, responsable académique du SNPDEN, la sanction est disproportionnée : "Dans ce dossier il n'y a pas de preuve formelle, circonstanciée d'un caractère répréhensible de quelque nature que ce soit. Or il écope de la sanction la plus grave et la plus définitive qui puisse toucher un fonctionnaire, sans qu'aucune poursuite judiciaire n'ait été entamée."

Le blog de Garfieldd a été découvert par hasard par des enseignants d'un établissement voisin à la recherche de blogs d'élèves critiquant les professeurs. Ils ont décidé d'en avertir leur hiérarchie. Le 11 octobre, le proviseur a été convoqué par l'inspection académique de la Lozère, qui lui reprochait de mélanger sur son blog vie professionnelle et vie personnelle et d'être identifiable. M. Collet a alors pris l'engagement de fermer son blog. Le soir même, l'accès à son journal n'était plus possible. Quelques jours plus tard, sur un forum de discussion, il diffusait un texte dans lequel il précisait que son blog reviendrait, "différent et terriblement identique".

Le 20 octobre, Michel Collet était convoqué au rectorat de l'académie de Montpellier, où il était informé de sa suspension et qu'une procédure disciplinaire était engagée contre lui. Le 9 janvier, un mois après sa comparution devant la commission disciplinaire, le rectorat de Montpellier lui a fait part de sa révocation. Cette sanction, la plus grave pour un fonctionnaire, lui interdit de travailler dans la fonction publique.

C'est la première fois qu'un membre du personnel de direction est révoqué sans avoir au préalable fait l'objet d'une procédure judiciaire. Selon le ministère, la révocation de fonctionnaires de l'éducation nationale représente moins d'une vingtaine de cas par an. Les causes principales : détournements de fonds, vols de matériel, agressions sur mineurs ou condamnations pénales diverses. Moins de cinq personnes sont licenciées, chaque année, pour insuffisances professionnelles.

Catherine Rollot
Article paru dans l'édition du 21.01.06

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 20 janvier 2006

Donc, moi qui figure en lien sur des sites racistes et négationnistes, dont les auteurs ont répondu à des billets parfois sur mon blogue, je pourrais être aussi poursuivi du délit de négationnisme et racisme ?

Les arguments ne sont pas seulement faux techniquement, ils sont infects et odieux d'un point de vue judiciaire ! Cela porte un nom : l'amalgame. Cela rappelle des époques sinistres.

Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006

Je me suis posé la question des liens bien avant cette affaire. Le problème des liens, qui pourtant est le principe même de la toile, est une question difficile et grave. Je n'indique pas de liens sur ce blog comme je n'en indiquais pas dans l'ancien parce que je peux apprécier le blog X et ne pas apprécier du tout -- mais alors, pas du tout -- B et Z que X lie lui-même. Sans parler des horreurs que B et Z peuvent aussi lier. Par définition, c'est sans fin. Et je ne veux pas que ma porte ouvre sur un couloir desservant des chambres souvent malpropres.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 20 janvier 2006

Je vous signale que l'on parlait en fait dans l'article du lien qui s'affiche en signature des réponses (comme une adresse). Vous laissez apparaître ces liens. Parmi ceux-ci il y a Guillaume. Rien de répréhensible sur son blogue. Mais lui-même avait mis en lien un site littéraire et politique d'inspiration douteuse. Donc vous êtes un négationniste et un partisan du marquis de Villiers, mon cher Jacques.

Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006

C'est vrai, je ne pensais pas à ce type de lien. Quant à Guillaume, il s'expliquera lui-même, s'il le désire, sur son choix de lier le site en question.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 20 janvier 2006

Relier A à Z par l'intermédiaire de toutes les lettres de l'alphabet, c'est manquer de discernement quand il s'agit de renvoyer à des individus ; c'est un peu arrêter le passant qui croise, par hasard, un malfaiteur.

On est dans la raison d'état ou dans la folie pure, pour moi, pas dans la justice.

Or la toile EST ce hasard multiplié. De là à l'interdire, la museler, la fliquer donc, il n'y a qu'un pas vers lequel se dirige le discours du moment... comme par hasard -- peu importe le sujet porteur de scandale -- quand on a besoin de revenir sur cette liberté acquise, cette force parallèle et ingouvernable des individus quand ils s'allient sans autre esprit que l'humanité.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 20 janvier 2006

C'est le fait d'accusation le plus délirant parmi tous ceux que j'ai pu lire : il y a des gens qui déposent des adresses de courriers ou des URL dans les signatures de réponse. On ne peut pas vérifier tous les liens ou supprimer toutes les réponses ou adresses de personnes qui enfreindraient les lois (et pourquoi n'y a-t-il pas de poursuites contre l'auteur de la page représentant prétendument des adolescents ?). Cela ne veut nullement dire que l'on cautionne les agissements ou les propos de ces personnes commis ailleurs. J'ai laissé dans mes archives des liens en signature vers les pages de mademoiselle P., de monsieur L. et de monsieur Z. Ce sont des racistes déclarés, ils m'ont aussi lié, mais je n'ai rien à voir avec ces individus. Et pour l'instant, ils n'ont jamais fait l'objet de sanctions de la part de leur hébergeur, de leur fournisseur d'accès et surtout d'un tribunal pénal. Est-ce qu'une commission administrative peut se substituer aux décisions de la vraie justice, celle qui siège normalement dans les vrais tribunaux ? Est-ce qu'elle peut anticiper sur ce qui serait le sentiment du parquet dans une telle affaire (et on peut remarquer qu'il n'a pas été saisi) ? On est à la limite de la diffamation pure et simple (et j'écris limite par précaution oratoire).

Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006

J'ai l'impression que la haute administration va au devant des ennuis et qu'elle cherche à écarter les soupçons de ses vraies fautes et de sa propre incompétence juridique : http://droitadministratif.blogspirit.com/archive/2006/01/20/nous-sommes-tous-des-garfield.html

Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006

J'aimerais bien connaître l'avis de nos amis qui lisent et se taisent depuis hier. S'ils voulaient dire quelque chose...

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 20 janvier 2006

Il y a un communiqué de presse ici :
http://www.education.gouv.fr/actu/element.php?itemID=2006120175
« Au vu de son dossier, le ministre arrêtera prochainement une décision mieux proportionnée à la faute commise par ce fonctionnaire. »

Personnellement, je n'ai pas grand chose à dire, juste que la sanction me paraît ahurissante. Je suis passée par hasard plusieurs fois sur le blog de Garfieldd mais je ne l'ai jamais trouvé assez intéressant pour en devenir une lectrice assidue. Je n'y avais en tout cas rien lu de particulièrement choquant.
Pour le reste, je suis plutôt en mode réception, je découvre des tas de choses sur le monde de l'Éducation nationale et des fonctionnaires, il y règne des contraintes que je n'imaginais pas. Je lis aussi avec intérêt toutes les réflexions à caractère plus général sur le statut des blogs et la place nouvelle et grandissante qu'ils prennent dans la société. Bref, l'affaire me paraît importante et symbolique.

Écrit par : lamkyre | vendredi, 20 janvier 2006

Je n'ai pas d'avis sur la question, je suis tenu à la réserve.

Écrit par : desavy | vendredi, 20 janvier 2006

Tartufferie. Le devoir de réserve n'existe pas.

Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006

Je me demande d'ailleurs comment quelqu'un qui a lamentablement nié le fait que Matzneff ait avoué dans ses propres livres avoir eu des relations sexuelles tarifées avec des mineurs de moins de quinze ans dans des pays exotiques puisse refuser de s'exprimer sur le cas d'un blogue où l'auteur n'exprime aucune préférence sexuelle envers des adolescents et ne présente aucune image de garçon susceptible d'être pris comme un adolescent ? J'ai quelques qualififcatifs à la bouche et je me tiens prêt à les servir...

Écrit par : Dominique | samedi, 21 janvier 2006

Euh, bon...

De Savy ?

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 21 janvier 2006

Je débarque... Le seul point sur lequel je me sens appelé à apporter des précisions (car je me suis assez exprimé, en d'autres lieux, sur l'affaire Garfieldd) est cette histoire de "blog littéraire et politique d'inspiration douteuse".

Ce qui m'intéresse dans la blogosphère, ce n'est pas de lire uniquement ceux et celles qui ont des idées voisines des miennes. Je me suffis assez à moi-même, de ce point de vue. Donc, pour ce qui est du blog "Les Tables de Chaulnes", qui est probablement celui auquel Dominique fait allusion, je n'étais pas d'accord avec les positions royalistes de son auteur, mais plusieurs notes m'avaient plu, et je l'avais donc maintenu en lien.

À un moment donné, il a dérapé plus que de coutume, et j'ai continué à écrire sur son site, justement pour démonter ses arguments. Lui m'avait supprimé de sa liste de liens depuis lurette, car il fait partie des gens qui ne supportent pas le pluralisme.

Comme je le critiquais, il a voulu surenchérir, jusqu'à publier des contenus illicites. Par le dialogue, au départ constructif, je l'ai poussé à montrer son vrai visage. Je n'aime pas juger ex abrupto, mais sur pièces. Je maintiens qu'avant de s'enfermer ou de s'enferrer dans ses imbécilités ethno-centristes (to say the least), le dénommé Gauthier publiait aussi des billets d'un réel intérêt.

Voilà le fond de l'histoire...
Un petit point, Dominique, pour clore cette explication : si Gauthier était sans conteste villiériste, ce qui n'est pas un crime punissable par la loi, il n'était, en revanche, nullement négationniste. Raciste, oui ; mais ce n'est pas la même chose, et il vaudrait mieux prendre des pincettes en recourant à ce genre de terminologie.

Quant à moi, j'ose espérer que, depuis le temps que vous me lisez, le caractère immaculé de mes opinions, pour complexes qu'elles puissent être, sans doute, dans certains domaines, n'est guère douteux...

Écrit par : Guillaume Cingal | samedi, 21 janvier 2006

Voilà une réponse détaillée et claire, Wilhelm. Très bien.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 21 janvier 2006

Je voulais montrer que l'on peut accuser tout le monde en se fondant sur la simple mention des liens (que ce soit dans les favoris ou dans les signatures) et sur le simple fait de répondre à d'autres (alors qu'on ne sait pas forcément ce que deviennent les autres pages). Je serais moi-même coupable de racisme à ce compte puisque j'ai forcément croisé des racistes dans des forums ou dans des blogues. Que Gauthier ne soit pas négationniste... hum... il y avait un ou deux textes en dernier qui... Ils étaient à la limite. Mais c'est le propre de ces gens, à la fois très intelligents, drôles et cultivés.

Écrit par : Dominique | samedi, 21 janvier 2006

"Je me demande d'ailleurs comment quelqu'un qui a lamentablement nié le fait que Matzneff ait avoué dans ses propres livres avoir eu des relations sexuelles tarifées "

Je ne pensais pas trouver un commissaire politique chez vous Jacques.

"J'ai quelques qualififcatifs à la bouche et je me tiens prêt à les servir..."

Gardez les dans votre bouche, en ces périodes de gastro, c'est recommandé.

Écrit par : Hannibal | dimanche, 22 janvier 2006

Deux petites remarques sur cette affaire (je n'ai pas de blogue, cela ne fait que qulques mois que j'en suis trois ou quatre, et je ne suis pas enseignant) :

1° Je comprends mal les raisons qui ont poussé ce proviseur à faire part sur son blogue de ses préférences sentimentales et/ou sexuelles. Si j'avais un blogue, je ne les exposerais pas, même si c'étaient celles de la majorité. Peut-être y ferais-je une allusion plus ou moins voilée. Comme fonctionnaire belge, je pense que je prendrais d'infinies précautions avant de créer un blogue accessible à des personnes que je pourrais rencontrer dans ma vie professionnelle.

2° Je me demande si cette affaire aurait été tellement médiatisée si le fonctionnaire « coupable » avait été facteur ou inspecteur des impôts. Un enseignant — au sens large — est-il supposé donner l'exemple dans toute sa vie, aussi bien publique que privée ?

Écrit par : Stéphane De Becker | dimanche, 22 janvier 2006

Je pense que médiatisation il y aurait eu... au moins de la part de la blogosphère.

Je remarque qu'une commission paritaire (la pire des choses, en ces affaires) révoque un proviseur parce qu'il tient un blog, alors qu'un certain juge d'instruction sera, au pire, muté, pour un défaut de compétence et de responsabilité largement plus grave.

Écrit par : Guillaume | dimanche, 22 janvier 2006

Hannibal, en signant ainsi votre réponse, vous dites ipso facto que vous êtes de Savy. Donc, je peux y aller...

Ce qui m'intéresse ici, c'est ce que vous écrivez ailleurs sous votre troisième pseudonyme que, bien entendu, je ne dirai pas. Ces écrits répondent exactement à la situation du proviseur. Vous êtes bien, que je sache, un professeur qui, sur internet, mêle allègrement sa vie privée, son travail, des considérations sur son établissement, etc. Bref, tout ce qu'on reproche à notre collègue qu'on a voulu révoquer.

C'est en cela que votre avis m'importait beaucoup. Si d'aventure vous aviez des ennuis, je serais le premier à monter au créneau, réserve ou pas, pour pétitionner, commenter, signer, bref, vous défendre autant que faire se peut. Ce que j'ai fait pour le proviseur en question. Donc, dites-nous ce que vous en pensez vraiment et, de toute façon, ça ne sortira pas d'ici.

Dominique n'est pas un commissaire politique, voyons. Je l'estime autant que je vous estime. J'ai déjeuné avec lui comme j'ai dîné avec vous. Par définition, il n'y a sur ce blog que des personnes que j'apprécie pour une raison ou pour une autre, et toujours pour leurs qualités de coeur qui sont certainement, au fond, les seules qui m'émeuvent réellement.

Allez, moi, je sais bien que vous faites toujours "de petits textes" mais, comme vous l'écrivez vous-même ailleurs, ils vous forcent à être réducteur. Je sais bien que les réponses en quelques mots, sans avoir l'air d'y toucher, sont une forme de dandysme que vous cultivez et je crois avoir compris les raisons qui vous poussent à le faire. Mais là, franchement, vous ne pouvez pas ne pas dire ce que vous pensez de cette affaire délicate qui nous concerne, vous, Dominique et moi -- et d'autres, ici -- en tant que collègues comme en tant que blogueurs.

Amitiés.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 22 janvier 2006

Sur le blogue de G., il y avait un enseignant qui intervenait et dont le blogue était lié. C'est justement à cause de lui que j'ai découvert G. Comment avais-je lu pour la première fois ce blogue ? En cherchant autour de ma ville et de l'enseignement. Bref... Ce blogue a disparu aussi le même jour que celui de G. et j'ignore si des sanctions ont été prises contre lui, mais il y avait aussi beaucoup de choses dérangeantes (récits de soirées alcoolisées, très légères allusions aux préférences sexuelles, quelques médisances sur des collègues sans jamais indiquer d'éléments susceptibles de les reconnaître de l'extérieur, quelques réflexions déplacées ou peu discrètes envers des élèves, une photo de l'auteur nu fort soignée et en ombre). Mais encore, énormément de détails qui permettaient d'identifier parfaitement l'auteur, son lycée (pas possible de se tromper dans la description), son adresse en ville (un coin absolument typique et central), ses fonctions hors enseignement dans l'académie (ils sont deux), sa participation à un jury littéraire extrêmement médiatisé, ses interventions sur des forums ou des blogues de geeks avec son vrai nom. Rien de pornographique non plus, mais des choses dérangeantes et pouvant nuire à son autorité.

Écrit par : Dominique | dimanche, 22 janvier 2006

J'interviens toujours, ici ou ailleurs, sous mon vrai nom ; par ailleurs, il est impossible d'ignorer que je suis enseignant-chercheur à l'Université François-Rabelais.

C'est pour cela que je ne parle quasiment jamais de mon travail, et, dans tous les cas, jamais de mes collègues ou étudiants, que ce soit en positif, en négatif, ou de quelque manière que ce soit. J'aurais, pour sûr, de quoi remplir des pages et des pages de ragots, de mesquineries, de réflexions, d'historiettes, mais :

1) cela ne m'intéresse pas
2) je trouverais cela déplacé et compromettant, tant pour moi que pour les personnes auxquelles il serait fait allusion.

En ce sens, je comprends que Garfieldd ait pu passer légèrement les limites ; mais au point d'être sanctionné, et encore moins révoqué.

Écrit par : Guillaume Cingal (qui n'est pas G.) | dimanche, 22 janvier 2006

Il manque un "pas" dans l'itinéraire de ma dernière phrase.

Écrit par : Guillaume | dimanche, 22 janvier 2006

Un point de vue du côté du droit :
http://verel.over-blog.com/article-1664483.html
Le texte n'aborde que les aspects médiatisés alors qu'il y a sans doute d'autres choses dans le dossier et dans l'arrêté pour indiquer une faute, par exemple tout ce qui a un rapport avec les histoires de l'intendant.

Écrit par : Dominique | dimanche, 22 janvier 2006

Je crois qu'il y a dans cette affaire tellement de choses imbriquées que le juge, s'il est saisi -- ce qu'il n'est pas, je le rappelle -- aura bien du mal à dire ce qui est faute, ce qui est manquement et ce qui relève du pénal.

Pour ce qui est de la réserve des fonctionnaires sur internet ou ailleurs, que dire de votre dévoué serviteur qui, sous son nom, publie depuis des années des ouvrages consacrés à des chanteurs libertaires, des taulardes prostituées, des écrivains alcooliques, drogués et putaniers, etc ? Or, en France, on peut jusqu'à preuve du contraire écrire ce que l'on veut. Si je suis attaqué ensuite en diffamation, par exemple, cela n'aura aucun rapport avec ma position d'agent public. Blog ou livre, il n'y a pas de différence. Dans le cas d'un blog, je suis auteur et éditeur, c'est tout. Il y a d'ores et déjà sur ce blog-ci de quoi me faire "punir" cent fois, ne serait-ce que pour manquement au respect dû au président de la République ou au ministre de l'Education nationale. Tout ça est grotesque. Sans parler de tout ce que j'ai pu écrire ici et là, sur des blogs, des forums... Pff ! Que nous demande-t-on ? L'autocensure ?

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 22 janvier 2006

Jacques, le devoir de réserve n'existe pas du tout. Il y a un ensemble d'obligations qui dépendent du statut, du niveau d'implication syndicale ou politique, du niveau d'autorité ou du public visé ou des informations en possession. Un militaire de haut grade au courant de secrets opérationnels n'est pas tenu aux mêmes obligations que la femme de ménage de son bureau. On doit respecter en général une certaine discrétion afin de ne pas nuire à la réputation de son service ou à la qualité de son travail, mais ici la discrétion n'a pas été totalement respectée par l'intéressé et surtout par son administration (qui n'aurait jamais dû l'outer).

Cela dit, je crois que l'on fantasme énormément aujourd'hui au sujet des blogues comme lorsqu'on me disait en 98 qu'Internet était juste pour les pédophiles nazis islamistes. J'ai en lien le skyblog d'une élève de mon lycée qui a fait récemment son coming-out sur Internet et qui montre son amie, mais est-ce que cela tenable pour elle pendant longtemps ? Je pense qu'elle a tort de s'exposer ainsi (la preuve, je l'ai trouvée). Cela lui fait du bien sans doute, mais ce n'est pas la meilleure chose pour la suite. Est-ce que je dois en parler à ses enseignants ? Je crois que je ne le ferai pas.

Écrit par : Dominique | dimanche, 22 janvier 2006

Bien sûr, j'utilisais l'expression en question par pure commodité de langage.

Il est probable effectivement que l'on fantasme sur les blogs. Il faudra du temps pour que ce phénomène trouve sa place, son équilibre (mais peut-être alors deviendra-t-il institutionnel et routinier ?)

Pour ce qui est de l'extériorisation sur internet, tu touches du doigt la vérité en disant que cela fait du bien à cette élève. Il y a une part énorme d'extériorisation dans la communication électronique. Ce moyen nouveau permet de dire ce qu'on n'aurait pas dit en direct, en restant bien à l'abri de sa chambre, son appartement, sa maison. Ce rôle "thérapeutique" n'est pas à négliger. Peut-être est-ce là qu'il faut chercher la raison pour laquelle le proviseur a raconté telle ou telle chose.

Seulement, il y a la suite, il y a l'après. Pour l'élève en question, ce sont sûrement d'autres difficultés qui l'attendent. Soit son coming-out l'aidera à y faire face (la démarche la plus dure ayant été faite), soit elle ne mesure pas, ou guère, les conséquences possibles. Item, le proviseur.

En parler à ses professeurs ? Je ne sais pas, tout dépend de sa personnalité et tu es certainement mieux à même que moi d'estimer quelle position humaine et pédagogique tu dois prendre.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 22 janvier 2006

J'aimerais vraiment connaître l'avis des autres professeurs qui passent par là et ne se sont pas encore exprimés sur cette question. Bien sûr, pas d'obligation, juste une demande amicale.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 22 janvier 2006

Ma réponse sur le devoir de réserve était une boutade. Je ne peux être que d'accord avec l'ensemble des participants. Mais je ne le crie pas trop car cela ne sert à rien d'ajouter une voix à l'unanimité.

Écrit par : desavy | lundi, 23 janvier 2006

Jacques : "Je crois qu'on n'a pas répondu à Stéphane"

Voici toutefois ce que j'avais écrit plus haut en réponse à Stéphane :

"Je pense que médiatisation il y aurait eu... au moins de la part de la blogosphère.

Je remarque qu'une commission paritaire (la pire des choses, en ces affaires) révoque un proviseur parce qu'il tient un blog, alors qu'un certain juge d'instruction sera, au pire, muté, pour un défaut de compétence et de responsabilité largement plus grave."

Y a trop d' commentaires su' c' blog, hein...

Écrit par : Guillaume | lundi, 23 janvier 2006

J'avais bien lu, Guillaume, mais je tenais à répondre aussi moi-même, en tant qu'hôte.

De Savy : vous connaissant un peu, je me doutais d'une boutade. Mais qui ne vous connaît pas ne peut comprendre vraiment, vous le sentez bien, n'est-ce pas ? Par ailleurs, il n'est pas inutile, quelquefois au moins, d'ajouter une voix à l'unanimité. C'est par l'accumulation de voix que la révocation du collègue a été heureusement remise en cause.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 23 janvier 2006

Bon, j'arrive quand la bataille est finie. Quelques réflexions en vrac:

· Il est clair que le professeur en question a été révoqué à cause de son homosexualité. Il aurait tenu un site littéraire, comme certains, en ne parlant que de Joseph de Maistre, de Brasillach, de Drieu La Rochelle, de Rebatet et de Mauras qu’il n’aurait pas été inquiété, même si le choix idéologique de tels écrivains est assez explicite.
· A contrario, on pourrait se demander pourquoi il se laissa aller, sur son blog, à mettre des photos équivoques. Si je tenais un blog, je n’irais pas mettre des photos de filles en monokini pour afficher mon hétérosexualité. Il est vrai que cela ne me serait pas reproché (contrairement à lui) mais il me semble que cela ferait baisser le niveau des débats..
· S’il l’a fait, c’est peut-être justement parce que le blog tient du journal intime et qu’il avait besoin de « dire » son homosexualité quelque part (justement parce qu’il ne peut pas l’afficher ouvertement dans sa vie quotidienne sans être frappé d’ostracisme).
· Au-delà du caractère sexuel de l’affaire se pose la question de la liberté d’expression. C’est vrai que derrière son clavier on se met à dire des choses qu’on ne dirait pas dans la vie courante. Simplement parce que les personnes que l’on côtoie tous les jours n’ont pas forcément les mêmes centres d’intérêts, les mêmes opinions politiques, etc. J’ai des collègues avec qui je m’entends bien, mais je ne me vois pas parler littérature avec eux. Donc, ce que l’on ne peut pas exprimer « en vrai », on vient le déverser sur Internet, où on trouve souvent des oreilles qui écoutent. Il y a donc là une fonction cathartique non négligeable. Le problème, c’est que celui qui tient un blog finit par se dévoiler beaucoup. Il parle de ses lectures, de ses opinions, il réagit d’une certaine manière aux événements de l’actualité, etc. On finit donc par le cerner assez bien. Ce n’est pas grave en soi, au contraire. Mais les problèmes commencent pour lui quand les gens de son entourage tombent sur le blog en question. Car c’est son âme à nu, qu’ils voient exposée là. D’où ce paradoxe : ce que vous n’auriez pas dit ou pas confié à votre voisin, celui-ci peut le lire dans vos écrits. Vous avez mis dans la sphère publique ce qui relevait de votre moi intime.
· Quelles sanctions pourrait encourir un blogueur ? A première vue, aucune. Mais il est clair que si votre patron vous lit et voit que vous critiquez sa société et sa personne, je ne donne pas cher de votre peau. Ainsi, personnellement, moi qui écris de Belgique, j’ai tenu ici-même l’autre jour des propos en faveur des principes républicains. En tant que fonctionnaire assermenté, cela pourrait constituer une faute grave. Un crime politique assimilé au terrorisme (idées visant à renverser le régime). Donc, je n’écrirais pas cela si je tenais un blog. Par contre j’ai défendu les mêmes idées sur deux sites (l’un consacré à l‘indépendance de la Wallonie l’autre au rattachement de la Wallonie à la France) . Sous un pseudo, certes, mais ce n’est là qu’une faible protection. Rien ne nous dit que les autorités ne surveillent pas de près ou de loin ces sites qui sont finalement révolutionnaires sur le plan politique (dans le sens où ils réclament une modification du statut du pays). J’imagine d’ailleurs que les sites basques ou corses doivent être lus par les RG. Alors, que faire ? Se taire toujours pour ne pas encourir de sanction ? Impossible, ce serait avouer que nous ne sommes plus en démocratie.
· Le fait que la pétition qui a circulé en faveur du professeur révoqué ait même été citée dans le Monde prouve à suffisance que les blogs sont un moyen d’expression et de contestation fantastique. Reste à savoir jusqu’à quand. Ou alors on laisse les gens s’exprimer en se disant que tout va bien tant qu’ils ne font que râler et n’agissent pas… Mais justement ils agissent. On l’a vu avec le non à l’Europe, avec Bolkestein, etc. Via le Net ils se donnent rendez-vous et vont manifester. Quand notre cher Sarkozy en aura fini avec ses banlieues il s’intéressera peut-être à cela. Il y aura un couvre-feu sur le Net après 22H. En fait, il suffirait de rendre tout payant et le taux de fréquentation risquerait de chuter.

Écrit par : Feuilly | lundi, 23 janvier 2006

C'est une bonne synthèse, Feuilly. Et ce que tu dis à la fin me fait éclater de rire (je parle du couvre-feu). A l'opposé, le fait de rendre payant l'usage de la toile serait une arme absolue, effectivement. Je n'y crois pas, mais l'idée est terrible.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 23 janvier 2006

L'idée est...

... terrifiante...

Feuilly > les écrivains que vous citez foment un bloc effectivement discutable en tant que tel, mais n'oublions pas que, si je désire, un jour, prononcer un hommage de Brasillach écrivain sur mon carnet de toile, il n'en deviendra pas pour autant "le blog du type d'extrême-droite". Heureusement que l'on a encore le droit de lire Brasillach et de le dire...

Écrit par : Guillaume | lundi, 23 janvier 2006

foRRRRment

Écrit par : Erratum | lundi, 23 janvier 2006

En fait, pour un poste téléphonique on paie bien un forfait (location de la ligne) plus les communications. Idem pour l'eau, l'électricité, le gaz (location du compteur, plus consommations). Pourquoi pas la même chose sur Internet: location de la ligne ADSL et en plus on débourserait quelques euros pour accéder à certains sites ou par envoyer un courriel ou encore pour laisser un message sur un blog.

Je me suis d'ailleurs souvent demandé pourquoi les autorités avaient poussé à l'utilisation d'Internet. Soi-disant pour la culture ! Mais on n’a pas vu qu’elle se battaient autant pour la diffusion des livres. Alors ? Qu’est-ce qui peut justifier d’avoir Internet au bureau par exemple (à part la consultation de quelques sites directement liés à la profession ?) J’ai toujours pensé que le but était de conditionner les gens, de leur créer des besoins pour pouvoir, par après, en retirer certains bénéfices (facturation, ventes par correspondance, etc.). Mais l’aspect commercial, pour une fois, semble avoir cédé le pas à la liberté d’expression. On ne peut que s’en réjouir.
Remarquons aussi qu’Internet a fait revivre l’écrit. Plus personne n’écrivait dans les années soixante-dix, quatre-vingts et voici que tout le monde y va de sa petite dissertation à gauche et à droite. Sans compter les contacts que cela a permis.

Écrit par : Feuilly | lundi, 23 janvier 2006

Dans le cas présent, les blogues n'ont eu que deux actions évidentes :
a) Faire publier une nouvelle version de l'article de Libération puis un rectificatif avec des précisions (mais sans excuses).
b) Être cités comme source d'information par TF1 (le monde à l'envers puisque c'était Libé qui se trompait).
Mais ils n'ont pas pu obtenir que le Monde s'abstienne de donner le vrai nom de G. (l'AFP avait déjà lâché le morceau avant).
Il n'est même pas sûr que les blogues ont fait reculer le ministre qui parle toujours de faute et de sanction. La pétition en question est très mal rédigée et les causes de la défense sont obscures, confuses. En outre, les vacances scolaires commencent dans une dizaine de jours à Paris...

Écrit par : Dominique | lundi, 23 janvier 2006

A Guillaume: effectivement. Disons simplement qu'il y en a qui systématiquement ne veulent lire que ces écrivains-là. Ils les lisent sans doute très mal, car on sent que ce qu'ils recherchent chez eux c'est avant-tout une connivence politique.

Écrit par : Feuilly | lundi, 23 janvier 2006

Guillaume et Dominique, vous étiez ici tandis que j'étais chez vous. On ne se rencontrera jamais, si l'on continue ainsi.

Guillaume : oui, j'ai écrit "terrible" pour "terrifiante". Pardon.

Dominique : on n'aura jamais d'estimation exacte de l'impact des blogs sur la décision du ministre. En tout cas, la révocation n'est plus à l'ordre du jour. On verra la suite, et s'il faut insister, on insistera.

Feuilly : internet a effectivement réhabilité l'écrit... Mais, curieusement, la communication par internet est reçue comme une communication orale. D'où nécessité de sourires, smileys, expressions-types (euh, hi-hi, oups...) pour faire passer auprès de l'interlocuteur les nuances, le ton... Toutes choses qui seraient inutiles dans une expression vraiment écrite, comme elles le furent durant des siècles où la correspondance exprimait ce que désiraient exprimer les scripteurs, sans recours à ces choses-là.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 23 janvier 2006

Robien a fait une déclaration pour désamorcer la bombe, il n'a pris aucune décision, ne s'est engagé sur rien et n'a pas donné de date. Il faut savoir que le pseudo de G. est maintenant 6e dans les mots populaires de Technorati le moteur spécialisé des blogues (toutes langues confondues). Le mot proviseur renvoie à 7 pages consacrées à l'affaire sur 10 dans les premières de Yahoo! La page de maître Eolas est en train de grimper parmi les premières de Google si on cherche Gilles de Robien. Une campagne de Googlebombing du nom Robien a commencé vendredi. Il lui faut donc gagner du temps.

Écrit par : Dominique | lundi, 23 janvier 2006

Bien sûr, il n'a rien promis, rien décidé et il temporise. Mais objectivement, il ne peut plus maintenir la révocation après avoir annoncé "une décision mieux proportionnée à la faute". Une première étape est donc franchie. La question de savoir s'il y a vraiment faute vient ensuite.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 23 janvier 2006

Comme tous, je suis d'avis que toute cette histoire est inquiétante. Je n'ajouterai donc rien de plus là-dessus.
Pour ce qui est de lire des gens de talent dont l'idéologie est douteuse, au risque de passer pour une ringarde, j'ai du mal à apprécier les écrits de quelqu'un dont les idées sont scandaleuses (je ne parle pas d'être un peu en désaccord, je parle de fachos et autres négationnistes de tous bords).
J'ai lu les poèmes de Kipling quand j'étais adolescente et je les ai trouvés beaux puis j'ai découvert par la suite qui il était. Cela a vidé sa poésie non pas de sa beauté mais de toute émotion sans que je puisse réellement l'expliquer.
Bon, on s'éloigne du sujet mais je sais que le taulier le permet parfois...

Écrit par : Ringarde | lundi, 23 janvier 2006

Le taulier permet tout à Livy.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 23 janvier 2006

Merci :-)

Écrit par : Livy | lundi, 23 janvier 2006

Evidemment, on "ne parle pas" de Brasillach comme d'un écrivain lambda. Ce que l'on soulignera chez lui de juste, de fort, de beau, il faudra encore et toujours le contrebalancer de remarques sur son idéologie. C'est dommage, d'ailleurs, car il y a là une forme d'obscénité. Si j'écris que Brasillach a écrit de très beaux romans, et si je précise dans la foulée que, bien évidemment, ses opinions et ses actions d'intellectuel antisémite sont à condmaner, je me comporte de manière obscène, car je me fais l'impression de sombrer dans la tautologie : en ne le disant pas, je laisse peut-être certains s'imaginer que je partage aussi les idées de Brasillach ; mais, en le disant, j'écris une évidence, qui, du coup, peut provoquer le soupçon chez mon lecteur ("tiens, pourquoi se sent-il obligé de préciser, celui-là?").

C'est que, dans le cas de certains écrivains, il n'y a pas, pour les exégètes, de présomption d'innocence, mais une totale présomption de culpabilité. C'est regrettable, en particulier dans le débat intellectuel. Nous devrions pouvoir discuter de Brasillach en tenant comme acquis que son idéologie n'est en rien revigorée par de telles discussions. On ne devrait pas avoir à se justifier sans cesse de petits codicilles dans le style "bien évidemment, etc.". Que je sache, de très nombreux historiens travaillent sur le IIIème Reich sans avoir à se justifier constamment de leur antinazisme. Pourquoi en est-il autrement dans le cadre des études littéraires ? Pourquoi faut-il que l'on soupçonne toujours l'idéologue nauséabond derrière le critique ? Ne peut-on supposer comme évidente l'adhésion du critique aux valeurs d'humanité et d'universalité, même quand il traite d'auteurs mal-pensants...?

J'aimerais clore cette trop longue intervention par une remarque au sujet de Kipling. Si je n'ai jamais aimé sa poésie, je doute qu'on puisse le mettre dans le même panier, idéologiquement parlant, que Brasillach, dont les positions étaient très claires. On a voulu ne voir en Kipling que le chantre de l'impérialisme, quand ses textes, de fiction en particulier, sont bien plus complexes. À relire KIM, il est patent qu'il était bien plus pétri d'humanité et d'amour de l'autre que bien des "alter-mondialistes" bien-pensants de notre époque. Comment expliquer, sinon, qu'Arundhati Roy, que l'on peut difficilement taxer de néo-colonialisme étant donné son parcours, le considère comme l'un des écrivains les plus riches et les plus complexes ?

Écrit par : Guillaume | lundi, 23 janvier 2006

"Ne peut-on supposer comme évidente l'adhésion du critique aux valeurs d'humanité et d'universalité, même quand il traite d'auteurs mal-pensants...?"

Je ne crois pas. Surtout quand on fait de la critique ou qu'on s'intéresse à la critique littéraire. L'Histoire est ce qu'elle est, en oublier des pans pour ne se concentrer que sur l'oeuvre, n'est-ce-pas mettre de côté ce qui est précisément fascinant (entre autre mais pas seulement) chez ces créateurs ? La sensibilité "artistique" qui fait que des "monstres", tout aussi humain que vous et moi, apprécient les grandes oeuvres, ou qu'ils en écrivent eux-mêmes d'excellentes est en soi, un sujet d'intérêt. Évacuez des éléments biographiques aussi importants, ou négliger de se positionner face à eux, c'est prendre pour acquis qu'on ne sera lu que par des gens qui pensent comme nous.

D'autre part, ce qui est merveilleux avec internet, c'est qu'au fil de la navigation, on puisse tomber sur un blog intéressant dans lequel on discutera de Brasillach, de Céline ou (ici, ___ glissez l'auteur de votre choix) pour la vraie valeur de ses écrits, mais on ne peut prendre pour acquis que tous connaissent des éléments biographiques qui sont tout de même essentiels.

C'est comme si vous offriez D'un château l'autre à quelqu'un qui vous a dit aimer Mort à crédit, mais dont vous savez qu'il sait peu de choses de Céline. Ne pas parlez de la biographie du bonhomme ne fait alors aucun sens. Il ne faut pas se censurer, mais on ne peut pas non plus il me semble faire comme si.

Écrit par : Benoit | lundi, 23 janvier 2006

"C'est que, dans le cas de certains écrivains, il n'y a pas, pour les exégètes, de présomption d'innocence, mais une totale présomption de culpabilité. C'est regrettable, en particulier dans le débat intellectuel. Nous devrions pouvoir discuter de Brasillach en tenant comme acquis que son idéologie n'est en rien revigorée par de telles discussions".
Que toi ô sieur Guillaume réussisses à aller plus loin dans le débat en invitant à faire abstraction, pardon, à dépasser l'idéologie de certains écrivains est sans doute fort bien. Il se trouve que j'ai du mal et je ne crois pas que ça se soigne.
Je me demande bien pourquoi tu parles d'une comparaison à ne pas faire entre Kipling et Brasillach. Il me semblait que je ne faisais pas de comparaison mais donnais des exemples, mais bon.
je sais très bien que tu n'es ni raciste, ni anti-sémite, ni etc. mais il faut bien le dire tu sembles avoir une fascination particulière pour ces gens et ça quelque chose de lassant. Bon maintenant que j'ai écrit ça, tu vas pouvoir t'en donner à coeur joie et jouer au persécuté universaliste et au mal compris, qui veut qu'on rationnalise tout.
Je précise encore que Guillaume est quelqu'un que j'aime beaucoup et que je connais donc je me permets de l'énerver un peu ici!

Écrit par : Livy | lundi, 23 janvier 2006

Expliquons, encore et toujours : si j'écris un article de critique sur l'oeuvre de Brasillach, il y aura nécessairement une prise de position idéologique. Elle sera implicite, et je persiste à trouver obscène cette nécessité d'expliciter que l'on pense "comme il faut". Jusqu'à plus ample informé, cela va de soi.

Par ailleurs, je ne suis pas du tout d'accord avec vous, Benoît, quand vous écrivez, peu ou prou, que ce qui est fascinant chez un créateur, c'est son contexte. Si c'est vrai, lisons et étudions les journalistes et les tribuns des années 1930, et laissons Aragon, Breton, Drieu, T.S. Eliot et Thomas Wolfe au placard.

Enfin, chère Livy, j'aimerais que tu me donnes d'autres exemples de "ces gens". Dans mes intérêts littéraires, il y a, sur, disons, deux ou trois cents artistes, trois ou quatre écrivains qui ont eu des positions idéologiques franchement repoussantes. Si tu veux dire que je ne refuse pas de lire un écrivain sur la base de seuls principes idéologiques, alors oui, je me distingue de la majorité des universitaires qui font où on leur dit de faire, et qui pensent ce que leurs maîtres leur ont appris à penser...

Écrit par : Guillaume | mardi, 24 janvier 2006

"C'est que, dans le cas de certains écrivains, il n'y a pas, pour les exégètes, de présomption d'innocence, mais une totale présomption de culpabilité. C'est regrettable, en particulier dans le débat intellectuel." note Guillaume.

N'est-ce pas (peut-être, c'est une supposition) qu'écrire est le plus difficile de tous les arts et que ceux qui le pratiquent sont réputés lucides et responsables, donc impardonnables ? Attention, je n'affirme rien, ici, n'est-ce pas ? J'observe simplement que les écrivains sont toujours jugés plus sévèrement que les autres créateurs, en quelque débat que ce soit.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 24 janvier 2006

"Si tu veux dire que je ne refuse pas de lire un écrivain sur la base de seuls principes idéologiques, alors oui, je me distingue de la majorité des universitaires qui font où on leur dit de faire, et qui pensent ce que leurs maîtres leur ont appris à penser..."
...Ca fait peu prétentieux non?
Bon, pour ce qui est des exemples, tu veux que je te fasse une liste de gens aux idées horripillantes que j'ai aimé puis ai changé de sentiments c'est ça? Car c'est de ça dont je parlais.
Il me semble que dans ton cas, tu dois toujours t'expliquer car tes positions sont en général assez ambivalentes et ne vas pas faire celui qui est outré (l'incompris persécuté dont je parlais plus haut) car ça t'es arrivé tellement souvent que tu ne peux pas toujours mettre ça sur le compte de l'intellectuel ouvert qui va plus loin que tout le monde et est puni pour ça. Fachos et royalistes se sentent proches de toi jusqu'au moment où ils découvrent que ça n'est pas ça. Il en va de même pour les extrêmistes de l'autre camp et tu le sais très bien.
Bon je ne m'attends pas à ce que tu admettes ton attirance pour l'ambiguité aujourd'hui donc on peut laisser tomber et clore ce débat (qui je dois l'avouer m'amuse beaucoup).

Effectivement Jacques, j'ai l'impression que la barre est placée très haut pour les écrivains bien plus que pour les autres. Je pardonne moins facilement à un excellent écrivain d'être biaisé et d'avoir des idées immondes qu'à un historien par exemple.

Écrit par : Livy | mardi, 24 janvier 2006

Mes amis, la tournure que prend ce débat, si elle m'intéresse beaucoup, m'ennuie tout de même un peu. Je ne voudrais pas que Guillaume se sente accusé ici de quoi que ce soit ni qu'il éprouve le sentiment qu'on lui demande des comptes. Ce blog n'est pas un tribunal. Si Guillaume ne désire pas approfondir, libre à lui. S'il veut le faire, libre à lui également.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 24 janvier 2006

Pas de tribunal - je connais trop bien Livy pour l'interpréter de la sorte... :-)

Le débat ne vire donc nullement à l'aigre, et, si tu me le permets, cher Jacques, je continue allègre.

...

Livy > je ne nie nullement mon attirance pour certains écrivains que tu qualifies d'ambigus. Tu ne pouvais me faire de meilleur compliment, même.

Pour moi, l'équivoque est le summum de l'art. C'est pour cela que j'ai, sur la hiérarchie d'exigence vis-à-vis des écrivains et des historiens, le sentiment exactement inverse. L'historien est tout de même une forme de savant, qui se doit de parvenir à une forme de cohérence honnête et irréprochable. L'écrivain est un artiste, dont la cohérence ne tient pas dans le contenu de ses oeuvres, si tant est, même, qu'une telle chose existe.

C'est pour cela que j'aime à la folie la Trilogie de Céline alors que je déteste ses pamphlets. C'est par cette passion de la subtilité et de l'équivoque que j'en suis venu à étudier (après les avoir lus et adorés) Nuruddin Farah, Breyten Breytenbach, Ben Okri, Patrice Nganang, Tatamkhulu Afrika, Taban lo Liyong (enfin, surtout les textes des années 1970), Yvonne Vera, Sony Labou Tansi, Chinua Achebe, Bessie Head, Sola Osofisan et j'en passe. C'est pour cela aussi que je n'aime pas Nadine Gordimer ou que je suis réservé sur le compte de Ngugi wa Thiong'o, malgré les splendeurs effrénées de PETALS OF BLOOD.

Je suis persuadé qu'enfermer les écrivains dans l'idéologie, c'est miner l'intérêt des constructions idéologiques... et tuer la littérature.

Écrit par : Guillaume | mardi, 24 janvier 2006

Ah, j'ajoute que la fin de mon pénultième commentaire était certes arrogante, mais qu'il m'a semblé patent, à chaque fois que j'entrais en débat avec les tenants d'une adéquation parfaite du politiquement correct à l'analyse littéraire, que la différence, in fine, était qu'eux étaient bardés de pré-jugés (c'est-à-dire qu'ils lisaient tel écrivain ou regardaient tel artiste comme on leur avait appris à le lire/regarder) et que j'étais, moi, à la recherche d'une lecture "flottante" (au sens où André Green entend cela, par analogie avec l'"écoute flottante" des psychanalystes freudiens).

Tant pis si c'est prétentieux : ce l'est moins, peut-être, si je précise que je suis loin d'être le seul à aborder l'art de cette manière, qui, pour tenir les discours idéologiques préconçus à l'écart, ne fait pas pour autant l'impasse de l'Idéologie.

Par ailleurs, j'aimerais apporter un correctif à mondernier commentaire. Au lieu de "le sentiment exactement inverse", il fallait lire "le sentiment exactement inverse du tien". (Autrement dit : je pardonne plus aisément à un artiste ses déviances qu'à un historien dont la fonction même est de ne pas dévier.)

Écrit par : Guillaume | mardi, 24 janvier 2006

C'est très bien expliqué et tout en nuance.
Ta liste d'écrivains: subtiles oui mais pas vraiment d'équivoque dans leurs oeuvres (oui, je sais c'est que je n'ai rien compris!).
Je rencontre des gens qui crient au génie de Céline et d'autres écrivains que des gens qui ne le lisent pas car...
L'équivoque attire. Combien on lu Renaud Camus depuis l'affaire? Bien plus je crois qu'avant.
Pour moi cette banalisation de l'idéologie pour s'intéresser essentiellement à la littérature a quelque chose de dérangeant.
C'est juste que quand je lis Céline (j'ai aussi lu et été impressionnée par ces oeuvres (même si je trouve que c'est une solution de facilité de tomber dans l'atroce...mais bon, c'est un autre débat), ou d'autres, je vois les corps décharnés, les hommes et femmes rasés, faméliques et les convois de la mort ou j'entends les récits de la période coloniale et les dépessages à vif des médecins européens pour étudier de près l'anatomie des populations indigènes. C'est, je t'assure bien plus présent et visuel pour moi que les idées et la beauté ou non de l'oeuvre. C'est comme ça, je n'y peux rien.
"un historien dont la fonction même est de ne pas dévier": Gosh, on ne va pas recommencer cette discussion sur l'histoire et l'historien qui est toujours politiquement, idéologiquement impliqués et donc en plein dans la déviance malgré les archives et autre matériau? Je me suis acharnée à démontrer ça dans ma thèse, que tu as lu, et là tu m'annonces sans coussinet en velour pour diminuer la chute que tu n'as pas été convaincu? Ca n'est pas humain ça!

Écrit par : Livy | mardi, 24 janvier 2006

Bien entendu que je suis convaincu de cela (et, du reste, tu sais que ce sont là les pages que je préfère dans ta (remarquable) thèse) mais ce qui est effet de brouillage dans l'écriture historique est intrinsèque à l'activité créatrice de l'écrivain, d'où ma moindre tolérance à l'endroit des historiens...

(Bon, Jacques, si tu en as marre qu'on squatte ton blog en se passant alternativement des savons ou rhubarbe et senné, tu nous le dis... On ne voudrait pas abuser du taulier, surtout si l'heure de fermeture arrive... à la rue les piliers de bar!!!)

Écrit par : Guillaume | mardi, 24 janvier 2006

"Par ailleurs, je ne suis pas du tout d'accord avec vous, Benoît, quand vous écrivez, peu ou prou, que ce qui est fascinant chez un créateur, c'est son contexte."

Là vous faites un amalgame.
Un écrivain n'écrit pas dans une bulle en dehors du monde. Un écrivain (pour reprendre l'exemple de Céline) sera pour toujours (et ça n'a rien à voir avec le politiquement correct et tout avec Céline lui-même) associé à TOUT ce qu'il a écrit. Alors oui, les écrits restent et les écrivains plus que d'autres sont "jugés" sur ce qu'ils ont écrit (forcément, c'est leur métier, c'est ce qu'ils sont) et pas toujours sur ce qu'ils ont fait.

Drieu a peut-être été très gentil avec certains juifs, mais enfin, le contexte n'est-ce-pas...
Le politiquement correct nous empoisonne souvent le climat, mais l'Art n'excuse rien. C'est à ça que je voulais en venir quand je faisais référence à l'exquise sensibilité artistique de nombre de bourreaux.

Y'a longtemps que je ne vous ai emmerdé avec lui, mais cette fois, je cite:

" « Je me passionne pour l’univers romanesque de Proust mais je ne passerais pas cinq minutes dans les salons qui l’ont inspiré et je n’ai aucune envie de fréquenter la cousine Bette ou le père Goriot hors du roman. Je ne cesse de relire Dostoïesvsky, mais je trouve immonde ou obscurantiste son idéologie, son univers spirituel m’est étranger, lui-même me dégoute, et qui plus est, dans la réalité, ses personages ne m’intéresseraient pas, me dégouteraient autant que lui-même, je ne voudrais rien avoir è faire avec eux, je n’ai rien à dire à Stavroguine, aux Karamazoff, Raskolnikoff m’ennuierait à mourir. De même pour Gogol, et pour presque tous les romanciers que j’aime, sauf pour le Stendhal de La chartreuse de Parme. Les non-valeurs, les valeurs fausses, creuses, monstrueuses, arriérées ont inspiré des oeuvres géniales, comme les techniques « abusives » les ont aidées à se matérialiser, ce qui me semble bien définir, éclairer et terminer, en quelque sorte, la question des rapports de l’art, du roman, avec la vérité, aussi bien avec Dieu, qu’avec le communisme, avec le capitalisme qu’avec le camembert. »
Romain Gary, Pour Sganarelle, Chapitre XXI, pages 179-180.

"Je suis persuadé qu'enfermer les écrivains dans l'idéologie, c'est miner l'intérêt des constructions idéologiques... et tuer la littérature."
On ne peut plus d'accord.

N'est-ce-pas d'ailleurs le drame de Céline, Drieu, Brasillach que de s'êtres laissés avoir par l'idéologie et de devoir désormais l'avoir toujours aux basques ? Il n'est pas question ici de rectitude mais d'imputablilté. Si l'oeuvre, malgré tous les soupçons, en sort malgré tout toujours aussi géniale, et bien tant mieux. Mais je comprends parfaitement par exemple, une femme que j'ai connue qui étudiait la littérature des camps, dont une partie de la famille avait péri dans ces derniers, et qui pour des raisons carrément physiologiques (et je ne blague pas) ne pouvait lire Céline.

Ça n'enlève rien à sa trilogie. Mais sa postérité devra faire avec. Et ça me semble normal.

Écrit par : Benoit | mardi, 24 janvier 2006

Guillaume : par autorisation spéciale de la préfecture de police que je remercie vivement et bien respectueusement, le blog reste ouvert toute la nuit.

D'ailleurs, le taulier est bien obligé de demeurer derrière son comptoir puisque Benoît est plus jeune que nous de six heures. Il faut bien qu'il puisse venir boire un verre.

Cela dit, je suis plutôt d'accord avec Livy et avec Benoît qu'avec toi. Je ne développerai pas parce que, dans l'ensemble, tous deux ont présenté les arguments que j'aurais présentés moi-même. Mais vous pouvez continuer cette conversation très intéressante. Ce serait bien, d'ailleurs, que d'autres y participent.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 24 janvier 2006

Je voudrais juste dire que l'on peut juger sereinement l'anthologie de la poésie grecque de Brasillach ou bien l'histoire de la musique de Rebattet, sans avoir à se référer à leurs articles ignobles ou à leur rôle dans l'histoire. Ben... c'est pas si mal et y a pas de nazisme apparent en vue (même si c'est un peu orienté). Mais l'un n'excuse pas l'autre. Et c'est plus compliqué pour la fiction puisque tout est mélangé, la réalité, les fantasmes, l'idéologie et la création. Je serais d'ailleurs fort curieux de connaître un écrivain dénué de toute idéologie et qui n'aurait pas en partie le style de son idéologie.

Écrit par : Dominique | mardi, 24 janvier 2006

Bien sûr Dominique, je faisais allusion à la fiction et non à des ouvrages sur des sujets spécifiques comme Rebatet et la musique, quoique vous trouverez sûrement quelqu'un pour analyser ce qu'il dit de Wagner pour vous démontrer que AHA ! vous voyez bien !!
Ç'est là précisément l'exemple de la casserole qu'il a attaché lui-même à sa voiture et qui le suivra. À jamais.

Écrit par : Benoit | mardi, 24 janvier 2006

En passant, merci Jacques, excellent ce rouge.

Écrit par : Benoit | mardi, 24 janvier 2006

D'un autre côté, je n'ai jamais compris comment Céline avait ainsi "viré de bord". Car Le Voyage était tout de même une oeuvre profondément humaine, qui dénonçait les horreurs de la guerre de 14-18, etc.

Est-ce par son refus d'une autre guerre qu'il aurait été amené à préférer une alliance "pacifique" avec l'Allemagne à un nouveau conflit?

Et une fois la France envahie, est-ce par la crainte de voir les petits et les humbles payer une nouvelle fois un lourd tribu qu'il a préféré la collaboration à la résistance?

Sa haine des Juifs vient-elle du fait qu’il aurait associé ceux-ci à la haute finance, reproduisant ainsi la croyance et la propagande du moment ? Un peu comme aujourd’hui finalement, où les opposants aux thèses néolibérales (dont je fais d’ailleurs partie)sont souvent anti-américains.
Encore faut-il avoir la clairvoyance de distinguer les dirigeants d’une nation avec les membres de cette nation elle-même, ces derniers étant d’ailleurs souvent fort démunis sur le plan matériel.
Alors pourquoi Céline a-t-il fait cet amalgame ? Pourquoi n’a-t-il pas vu qu’il y avait des Juifs pauvres et des financiers non-juifs ? Pourquoi son opposition première à l’idélogie des puissants, telle qu’on la retrouve dans le Voyage, a-t-elle débouché sur un racisme primaire ?

Pourquoi ? Pour la même raison sans doute que la récente crise des banlieues a donné lieu à des interprétations différentes, certains regrettant l’impasse dans laquelle les jeunes immigrés se retrouvent enfermés, d’autres y voyant la nécessité de réprimer d’urgence une jeunesse délinquante. Sans oublier que la vérité est souvent entre les deux extrêmes.

Et sans oublier non plus que l’idéologie ambiante est toujours celle des vainqueurs. Si le régime nazi allemand avait remporté la guerre, Céline aurait été lu dans les écoles précisément pour ses thèses qui nous dérangent tant.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 25 janvier 2006

Benoît, on peut imaginer que Romain Gary a lu Dostoïevski dans une épouvantablement mauvaise traduction française, à moins qu'il ne fût russophone, auquel cas sa diatribe est incompréhensible (pour moi en tout cas).

Bon, Jacques, ce rillette-cornichon et ce demi, ça vient ???

Écrit par : Guillaume | mercredi, 25 janvier 2006

Benoît, Gary n'a-t-il pas lu Dosto en russe ?

Guillaume : une seconde, une seconde, on est occupé à la cuisine.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 25 janvier 2006

Gary fait référence à la différence profonde entre les idées d'un auteur et la force de son pouvoir créateur, entre ce que Dominique appelle la réduction au contexte et l'oeuvre elle-même. Gary a lu Céline, en a tiré des enseignements. Il dit se passionner pour l'oeuvre de Dostoïevski mais mépriser les idées de l'homme. De même, dans son livre, il parle de Tolstoï en faisant la part des choses entre Tolstoï écrivain total puis, l'écrivain de fin de parcours qui se sert de son oeuvre pour professer son "renouveau spirituel" ce qui en fait un écrivain déclinant asservissant son talent à ses idées. Il dit aussi que le roman ne peut rien pour les idées mais les idées peuvent beaucoup pour le roman.

Ce que Sartre avait d'ailleurs compris en abandonnant le roman. Gary le regrettait puisqu'il appréciait le romancier et le dramaturge mais pas du tout le "penseur" qui se trompait beaucoup sans pour autant produire une oeuvre convaincante. (En effet, difficile pour Gary qui a fuit la Russie bolchévique, qui fut diplomate en Bulgarie en 1946-47 aux premières loges de la fin de la liberté, de souscrire aux écrits des intellectuels/compagnons de route d'après-guerre.) Sartre était devenu militant d'abord. Un romancier militant ne saurait écrire de bons livres. Chez Céline cela donne Bagatelles pour un massacre. Je lisais quelque part cette semaine (mais où ? Ah les neurones qui vieillissent...) un papier sur l'entrevue accordé par Sartre à un proche (en 70-71) qui lui reprochait carrément la beauté du style des "Mots", parce qu'évidemment le style c'est l'Art bourgeois, horreur etc., et Sartre de presque s'excuser d'avoir osé écrire un "beau" livre, ses adieux à la littérature. (Ça vous rappelle quelque chose ? Y faut vraiment que je le retrouve.)

Je raconte ça pour expliquer qu'au début des années 50, Gary se faisait un devoir d'aller voir le théâtre de Sartre, lisait ses livres, d'accord ou pas, mais qu'il voyait dans son refus de la fiction le signe d'un avènement d'une forme de totalitarisme DANS la littérature. C'est ce qu'il explique dans son livre et dans le passage que j'ai cité. Il n'y a pas de bonne littérature de droite ou de gauche, il y a de bons écrivains. Le capitalisme, le communisme, et tous les ismes nourissent le roman, JAMAIS le contraire. Pour illustrer son affirmation, il donne l'exemple des livres de Remarque et Barbusse qui furent des succès populaires monstrueux.
Dix ans avant la IIe guerre...

Écrit par : Benoit | mercredi, 25 janvier 2006

J'oubliais: oui, Gary étant russe, il lisait évidement son Pouchkine et tous les autres dans sa langue maternelle.

Écrit par : Benoit | mercredi, 25 janvier 2006

Benoît : ce que Dominique appelle la réduction au contexte et l'oeuvre elle-même

Je n'ai jamais écrit ça ! Je ne me suis même pas exprimé sur le cas de Céline (qui était clairement antisémite bien avant le Voyage, il suffit de lire l'Église ou la vie de Semelweiss).

Écrit par : Dominique | mercredi, 25 janvier 2006

C'est Guillaume qui a parlé de contexte, je crois.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 25 janvier 2006

En effet, pardon, Dominique.

Écrit par : Benoit | mercredi, 25 janvier 2006

Fameuse, cette omelette aux cèpes !

(Guillaume, t'es lourd.)

Écrit par : Guillaume | mercredi, 25 janvier 2006

Je signale que l'affaire Garfieldd vient de connaître son dénouement : http://www.soutenons-garfieldd.org/blog
Le jugement à propos de Christophe Grébert est encore en délibéré :
http://www.monputeaux.com
Je viens de lire deux récentes tentatives d'intimidation pseudo-jurdique envers des auteurs de blogues (Monsieur F. et Embruns).

Écrit par : Dominique | samedi, 04 février 2006

Monsieur F : http://monsieurf.typepad.com/mon_weblog/2006/02/toutnimportequo.html
Embruns : http://embruns.net/logbook/2006/02/01.html#003294
Dans les deux cas ce sont des sociétés informatiques qui menacent de poursuites judiciaires les auteurs de propos critiquant leurs produits. Je pense que c'est du bluff en grande partie et que des juristes n'ont pas été consultés. Mais cela traduit un peu la parano actuelle envers les blogues. Avant, c'était la parano envers les forums de discussion, il faut se rappeler l'affaire Guillermito qui a été acquitté après voir mis en cause la fiabilité d'un antivirus.

Écrit par : Dominique | samedi, 04 février 2006

Bientôt, les éditeurs me menaceront parce que j'ai critiqué l'édition française ! Je crois qu'effectivement, c'est du bluff. Cette paranoïa passera comme tout passe. Elle est la conséquence d'un phénomène récent dont on ne mesure ni l'impact ni la réalité concrète. Les blogs existent et créent du nouveau en matière d'information et de circulation de celle-ci, mais ils n'ont pas non plus la puissance qu'on pourrait être tenté de leur attribuer. Dans les deux exemples donnés, en tout cas, c'est manifestement de l'intimidation. Au culot.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 04 février 2006

Jacques : « Les blogs existent et créent du nouveau en matière d'information et de circulation de celle-ci, mais ils n'ont pas non plus la puissance qu'on pourrait être tenté de leur attribuer. »

Je pense qu'il est possible d'écrire quelque chose d'incroyable sur un blogue --le pape est pédophile, par exemple -- sans que cela fasse de vagues. Il faut encore que l'information soit répercutée par une source d'information « fiable ». Sinon, cette information passera inaperçue.

Écrit par : Stéphane De Becker | samedi, 04 février 2006

Vous croyez vraiment Stéphane ? http://spaces.msn.com/members/dalijim/Blog/cns!1p_ISlSKQNTbB8inPY-sb4_A!1624.entry

Écrit par : Dominique | samedi, 04 février 2006

"la paranoïa passera" ?
Jacques, tu es un optimiste invertébré, comme diraient les plus finement moqueurs de mes étudiants. Il se trouve que, si j'en juge à l'aune des étudiants, justement, qui, au fil des années, brandissent davantage, chaque année, la menace de procès ou de protestations officielles dès qu'un petit dysfonctionnement apparaît dans la grande machine universitaire, [on attend toujours le verbe de la complétive commencée au début de la phrase, Guillaume!] la paranoïa a de beaux jours devant elle.

Écrit par : Guillaume | samedi, 04 février 2006

Ben oui, Dominique, l'information est passée inaperçue...

[J'ose espérer que, dans votre texte, il manquait une virgule entre « vraiment » et « Stéphane ». Sinon, ça va faire du bruit !]

Écrit par : Stéphane De Becker | samedi, 04 février 2006

Stéphane : tout le monde avait rectifié et lu la virgule où Dominique avait, confiant en notre connaissance de la langue, négligé de l'inscrire.

Guillaume, je ne comprends pas réellement ton propos. Je parlais de la paranoïa créée par la prise de conscience qu'ont depuis peu les gens (ici, des sociétés informatiques) du pouvoir des blogs, pouvoir qu'à mon sens ils exagèrent (et s'exagèrent) nettement. Nous devons demeurer modestes.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 04 février 2006

Les deux affaires principales (Grébert et Garfieldd) montrent un tout petit début de solidarité et de diffusion de l'information entre les blogues. Le pouvoir des blogues est très limité dans les faits car les liens sont informels et personnels. Il n'y a pas de vraie communauté. On peut considérer que les blogues ont obtenu une vraie victoire face à Libération, mais c'est vraiment en demi-teinte face au ministère de l'EN. Le gros problème, c'est que comme c'est relativement nouveau en France les responsables ont tendance à exagérer le bruit possible et les possibilités de dissémination des rumeurs, cela apparaît donc encore comme une force obscure qu'il convient de maîtriser au plus vite. Bien sûr, il faut compter aussi avec le discours de margoulins comme Bloïc Le M... ou Joël de R. qui veulent faire croire que leur produit est révolutionnaire, et cela brouille les perceptions.

Écrit par : Dominique | samedi, 04 février 2006

Voilà, je trouve que Dominique a très bien décrit la situation actuelle.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 04 février 2006

Aux différentes affaires précédentes, il faut rajouter l'affaire Aeschliman-Mayetic-Asnierois.org. Attention ! Maux de crâne assurés. Suivre l'ensemble des liens pour comprendre un peu ce qui met en scène la télévision iranienne, Bernadette Chirac, l'AFP, le Monde, Wikipedia, Sciences Po et Sarkozy.

Écrit par : Dominique | dimanche, 05 février 2006

Je rajoute le lien : http://irenedelse.neufblog.com/irene_delse/2006/01/affaire_mayetic.html

Écrit par : Dominique | dimanche, 05 février 2006

Le lien ne fonctionne pas. De quoi s'agit-il ?

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 05 février 2006

Le lien fonctionne chez moi, Jacques. Essayez avec

http://minilien.com/?FsS0YgJ9WG

Écrit par : Stéphane De Becker | dimanche, 05 février 2006

Ah si, ça marche maintenant. Je lirai ça dans la journée, je n'ai pas le temps pour le moment.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 05 février 2006

C'est clair comme un scénario d'Yves Boisset (que j'aime bien). On dirait un film politique des années 70.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 05 février 2006

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