Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 31 octobre 2006

En vente dans toutes les mauvaises librairies

Les livres « boîtes de chocolats » commencent à être disposés aux éventaires des librairies. À la Fnac-Italie (peut-on appliquer à ce lieu le nom de librairie ?), on crée des « rayons » à même le sol pour les coffrets de DVD, entassés comme des boîtes de conserves. La grande fiesta répugnante de la fin de l’année commence maintenant début octobre, au plus tard mi-octobre.

Allez les voir, ces livres qui ne servent à rien ! Ils sont d’ailleurs magnifiques, souvent. Honnêtement, objectivement, on fait des albums de plus en plus beaux – et lourds, et chers – c’est incroyable. On n’oublie pas l’immuable Rimbaud. Si le malheureux gamin ardennais pouvait voir ce qu’il inspire aujourd’hui ! Il y a longtemps déjà, Paulhan observait que « le commentaire à Rimbaud est devenu un genre littéraire en soi. » Ça continue à raison de quatre à six livres par an, et je passe sous silence le délire éditorial qui fut celui de 1991, pour le centenaire de sa mort. Viennent de paraître des livres de luxe signés d’autorités. Lefrère, biographe du poète et spécialiste reconnu depuis des années, publie son énième Rimbaud sous forme d’un album luxueux constitué de documents reproduits sur une page avec, en regard, un bref paragraphe. Rien de neuf, évidemment. On n’a rien retrouvé de nouveau, concernant le diablotin de Charleville, depuis 1970, à l’exception, il y a quelque temps, d’une photographie dont on n’est pas certain qu’elle le représente réellement. Cela n’empêche nullement la parution de nouveaux livres, et allez donc ! On propose aussi un gros album luxueux exclusivement consacré à l’affaire de Bruxelles, sous l’égide de l’Académie royale de Belgique. Comme si l’on ne savait pas absolument tout de cette histoire… Et avec une énormité en quatrième de couverture, où il est dit que c’est à Bruxelles que Rimbe et Lélian vont se fâcher définitivement, ce qui est absolument faux puisqu’ils se reverront une fois encore à Stuttgart, deux ans plus tard, en 1875, retrouvailles à l’issue desquelles l’ingrat garnement cassera la gueule de Verlaine et le laissera pour mort sur le bord du chemin. Ce qui n’empêchera pas le poète de tout mettre en œuvre, par la suite, pour faire connaître au monde l’auteur génial qui a bouleversé sa vie, celle de sa femme, celle de son fils. Eh bien, rien n’empêche, on affirme tranquillement que leur brouille définitive se produisit à Bruxelles en 1873. Avec le blanc-seing d’une institution.

14:45 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (3)

lundi, 30 octobre 2006

Comptes rendus

« En supposant un taux de droits d’auteur classique de 14 % en moyenne », note Le Monde du 28 octobre dernier, à propos des Bienveillantes. Peu importe d’ailleurs le sujet de l’article, c’est cette phrase révoltante que je retiens.

Puisque nous vivons dans un monde de chiffres, en général assénés d’autorité par des journalistes qui estiment toujours tout savoir alors qu’ils colportent seulement des idées reçues, voici, pour information, les pourcentages de droits qui me sont accordés par contrat, concernant mes livres parus.

1 - Léo Ferré, la mémoire et le temps, Seghers, 1987 : 8 %. À valoir de 40. 000 francs (avant déductions obligatoires et avant impôts.) Premiers et derniers droits perçus (après couverture de l’à-valoir) en 1994.

2 - Cabaret baroque, Le Bruit des autres, 1994 : rien, pas de contrat (on m’y reprendra.) Pas d’à-valoir.

3 - On n’emporte pas les arbres, L’Harmattan, 1998 : 0 % sur les mille premiers exemplaires (tirage : 500.) Pas d’à-valoir.

4 - Écrivains contemporains, L’Harmattan, 1999 : 0 % sur les mille premiers exemplaires (tirage : 500.) Pas d’à-valoir.

5 - Léo Ferré, une mémoire graphique, La Lauze, 2000 : 10 % à partager entre les deux co-auteurs, soit 5% (multiples relances pour être payé, contrat non respecté.) Pas d’à-valoir.

6 - Dix femmes, Éditions du Laquet, 2001 :  8 % (jamais versés.) Pas d’à-valoir.

7 - Albertine Sarrazin, une vie, Écriture, 2001 : 8 % (rien touché depuis 2001, l’à-valoir n’étant toujours pas couvert.) À-valoir de 15. 000 francs (avant déductions obligatoires et avant impôts.)

8 - Spectacle total, Éditions du Petit-Véhicule, 2002 : 7, 5 % (comptes non rendus, jamais rien touché.) Pas d’à-valoir.

9 - Avec le livre,  propos et réflexions, L’Harmattan, 2003 : 0 % sur les cinq cents premiers exemplaires (tirage : 500.) Pas d’à-valoir.

10 - Les Chemins de Léo Ferré, Christian Pirot, 2005 : 10 %. Pas d’à-valoir.

11 - Les Films de Claude Sautet, Atlantica, 2005 : 4 % (la première année : 20 % de retenues contractuelles sur ces 4 %.) Pas d’à-valoir. (Multiples relances pour être payé.)

12 – Manon suivi de Guillemine, à paraître chez l’Harmattan : 0 %  sur les cinq cents premiers exemplaires (tirage : 500.) Pas d’à-valoir.

J’ajoute que, contractuellement, il m’était imposé, pour les livres n° 3, 4 et 12, l’achat, à titre personnel, de cinquante exemplaires. Et, pour le livre n° 6, l’intéressement de l’éditeur sur les représentations éventuelles de la pièce (5 % des droits de la SACD à lui reverser.)

J’ajoute encore que, pour le livre n° 7, l’à-valoir de 15. 000 francs m’a fait sauter d’une tranche, ce qui m’a coûté 5.000 francs de supplément d'impôts. Je reconnais volontiers que l’éditeur n’y est pour rien.  Il faut ajouter à cela environ 2.000 francs de frais (voyages, hôtels, restaurants, correspondance, téléphone, location de voitures...) occasionnés par les multiples déplacements nécessaires à la rédaction d’une biographie et bien entendu non pris en charge par l’éditeur. Cet ouvrage m’a donc rapporté 8.000 francs depuis 2001, soit 1.600 francs par an, soit 133, 33 francs par mois, ce qui représente 4, 44 francs par jour. Et même moins, puisque je n’ai pas tenu compte, ici, des prélèvements obligatoires sur les 15. 000 francs versés au départ. Qu’on sache enfin que ces 15. 000 francs devaient contractuellement être versés en trois fois et que, lassé d’attendre, j’ai dû réclamer les deuxième et troisième versements qui furent effectués en même temps. Autrement, je n’en aurais jamais vu la couleur.

N. B. : les pourcentages indiqués se calculent naturellement sur le prix de vente hors-taxes.

14:10 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (2)

Une pièce utile

Les Marchands de Joël Pommerat, qu’on donne en ce moment au théâtre Paris-Villette, est une œuvre importante parce que dérangeante. À cent années-lumière du théâtre bourgeois de Zeller-le-minable-clown-piteux dont il a déjà été question ici, ce spectacle est artistiquement risqué et socialement à contre-courant. On comprendra qu’il ait séduit le sale esprit que je suis. Il a tout pour ça.

Audace formelle, pour commencer. La pièce est racontée en voix off par une narratrice et tout est mimé… La narratrice elle-même, qui est sur scène parmi les autres comédiens, mime parfois ses propres paroles. Sauf en quelques endroits, où elle raconte en direct ; où les personnages, vers la fin et brièvement, disent directement leur texte. Une succession de scènes, parfois fort brèves, entrecoupées de « noirs », rythme une action qui, plastiquement, évoque forcément le cinéma muet, d’autant que les éclairages concourent à faire disparaître les couleurs jusqu’à évoquer un noir et blanc indépassable. Durant ces « noirs », un travail de plateau considérable est réalisé par les techniciens comme par les comédiens – investis de plusieurs rôles – et la succession de scènes fait qu’on se demande logiquement comment tous s’y prennent pour opérer en si peu d’instants des changements si importants.

Audace du contenu, évidemment. En ces temps de chômage et de difficultés, voire de misère sociale, il est devenu pratiquement interdit de parler du travail et de le critiquer. Pommerat, ici, ose le faire et nous dire que le travail est aliénant. Qu’il est source d’horreur et de mal-être. Qu’il peut conduire à une déshumanisation et à une perte de conscience de la réalité. Le tout, savamment entretenu par les politiciens. J’ai mémoire d’un professeur de philosophie qui nous disait que le plus grand tort du marxisme était d’avoir donné à l’homme le culte du travail. Pommerat, lui, fonce dans le tas, toujours talentueusement, et sans donner au spectateur l’impression de lire un éditorial dans un journal. Il n’oublie pas de faire œuvre, sait que le contenu a besoin d’être servi et ne perd jamais son point de vue d’artiste en accumulant les audaces. Il est non seulement l’auteur de la pièce, mais aussi son metteur en scène. Ce sont pourtant des métiers très différents. Il parvient à les réunir au creux de son talent.

Audace du traitement du sujet, qui plus est. Plusieurs aspects de l’œuvre laissent la porte ouverte à l’interprétation. Aucune solution n’est définitive, aucune explication n’est certaine et surtout pas les explications rationnelles. Il ne s’agit pas cependant d’une de ces créations fourre-tout où l’auteur n’est pas lui-même certain de ce qu’il désire dire et laisse au public le soin de tirer les conclusions qu’il souhaite, en s’évitant – souvent parce qu’il n’en est pas capable – de tirer les conclusions de son propos. Pas du tout. Pommerat sait ce qu’il a à nous dire ou à nous suggérer et il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas le comprendre. Les aspects incertains viennent en plus. En plus d’une route impeccablement suivie.

Audace du rendu de la durée. Dans un film, dans un livre, une pièce, le rendu de la durée est, pour moi, le point peut-être le plus important. Je tiens que le sujet ne peut qu’être desservi par un rendu inégal de la durée, à plus forte raison par l’ignorance totale qu’on peut observer, parfois, de la conscience par l’auteur de l’espace-temps de ce qu’il crée. Ici, je me suis posé la question : la pièce n’est-elle pas trop longue (elle dure une heure cinquante) ? Plus j’y pense, et après en avoir parlé avec d’autres, plus je me dis que Pommerat était parfaitement conscient de ce point et a étiré l’action jusqu’aux limites du supportable, pour créer en toute connaissance de cause un malaise absolu chez le spectateur qui, ainsi, ne peut plus refuser l’évidence de la tragédie dont on vient de lui offrir le spectacle. « Offrir » est ici, naturellement, un terme de convention. L’auteur ne nous offre rien, il nous propose moins encore. Bien plutôt, il nous balance en plein visage une réalité sociale que son talent d’artiste n’oublie pas de muer en œuvre, et nous pousse à sortir d’un confort dont, d’aventure, nous aurions oublié de nous méfier.

vendredi, 27 octobre 2006

Tavergranier

Sur le site de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Tavernier consacre une rubrique aux DVD. Il écrit : « Je viens de revoir aussi La Veuve Couderc qui tient superbement le coup et reste l’une des grandes réussites de Pierre Granier-Deferre avec Le Chat (1971), Le Train (1973), Une étrange affaire (1981). Et accessoirement deux des plus beaux rôles de Signoret et Delon. Un jour on rendra justice à Granier. » Les quatre films qu’il évoque sont effectivement les meilleurs de Granier-Deferre. Toutefois, on se demande bien pourquoi Tavernier, avec son aura et l’écoute attentive dont il bénéficie dans le milieu cinématographique, ne consacre pas, justement, un article, une tribune, quelque chose de conséquent, au cinéaste dont il voudrait que l’on reconsidérât l’œuvre. Cette façon de dire « on », de repousser à « un jour » futur est embêtante.

11:55 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (3)

jeudi, 26 octobre 2006

À une fenêtre

Ce n’est pas parce que vous baillez que vous allez m’endormir. Ne croyez pas m’impressionner en me disant que vous êtes l’œil de la façade : le cliché est devenu insupportable. Occupez-vous plutôt de masquer d’un voilage les rides qui font de vos paupières la carte d’un réseau ferroviaire. Ou bien fluvial, si cela peut vous être agréable. Vous voyez que je ne suis pas chien et que je veux bien vous faire plaisir, à ma manière.

Il y a quelques décennies – pas tant que ça – vous étiez celle qui permettait aux anarchistes de sortir des commissariats. Une idée comme une autre, me direz-vous, l’essentiel étant d’en sortir même si l’on n’est pas vivant. Il paraît qu’on les poussait un peu. Peut-être. Ah non, c’est vrai, c’était un accident.

On parle aujourd’hui, pour exprimer l’idée du moment à saisir, de fenêtre de tir. C’est incroyable, comme l’homme contemporain peut tendre à la métaphore technocratique.  Fenêtre de tir ! Autant dire que les yeux d’une femme sont le PMU du hasard. Ou n’importe quoi d’autre, d’ailleurs. Ce derrière qui m’intrigue depuis que je connais celle qui ne s’en sépare jamais, est une fenêtre aussi. Sur l’insondable.

À la reprographie, quand je vais prier la collègue aux yeux brillants de faire pour moi quelque travail quotidien, il y a une fenêtre sur l’imprimerie, la vraie, celle qui produit des livres. De vrais ouvrages, bien sûr, pas ceux que crache la presse Cameron dans laquelle on entre le texte et d’où ressortent des pavés collés déjà endormis sous un film de plastique. Une fenêtre sur le rien, cette machine. Remarquez, il y a bien des balcons en forêt…

Martine vous aime et vous photographie souvent, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut avoir les gonds qui enflent. Parfois, vous êtes sale à l’intérieur comme à l’extérieur et cela vous paraît une injure. Vous êtes alors une fenêtre à double outrage.

Quand vous aurez appris à ouvrir sur le large et la liberté, à laisser à qui vient vers vous l’azur tranquille, à tendre les battants comme on tend les bras, je m’intéresserai davantage à vous. Mais vous n’êtes pour l’instant qu’une paire d’oreilles en éventail, donnant sur le mur d’en face. Il en faut plus pour mériter ma considération.

mercredi, 25 octobre 2006

Les éditeurs m’emmerdent

Mon douzième livre, groupant deux pièces de théâtre, devait, accepté depuis fin juin ou début juillet, paraître chez l’Harmattan. Depuis septembre, le service commercial bloque la fabrication au motif que le texte de quatrième de couverture ne leur convient pas. On m’a demandé une seconde mouture, que j’ai proposée immédiatement. Ça ne va toujours pas. Je refuse de modifier de nouveau le texte. Hier, à dix-huit heures, quelqu’un me téléphone à mon travail et laisse un message. Je rappelle ce matin. Il tente de me convaincre. Je reste calme, lui propose de faire lui-même le « raccord » demandé entre deux paragraphes, c’est lui qui refuse. Je réponds, en substance, que tout ça m’ennuie et demande qu’on m’envoie une lettre par laquelle nous annulons le contrat, d’un commun accord. Le livre ne sortira pas.

On imagine ce que m’a coûté cette décision. Il faut cependant savoir faire ce genre de sacrifice. Je ne suis pas prêt à n’importe quoi pour être publié.

10:55 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (7)

mardi, 24 octobre 2006

L’éditeur pourrissant

J’ai découvert les éditions Actes Sud en 1979, dans une petite librairie d’Apt (Vaucluse). La maison avait été fondée l’année précédente par Hubert Nyssen, écrivain belge amoureux du soleil de Provence. J’ai suivi le travail de cette maison jusqu’en 1986 environ. Depuis, petit à petit puis plus rapidement, je m’en suis détaché jusqu’à considérer qu’elle est devenue exemplaire : elle est, pour ce qui est de ses choix, tout ce que je n’aime pas. Cette opinion ne doit rien au fait d’avoir été refusé par elle à plusieurs reprises (j’ai été refusé par la terre entière, et je ne la déteste pas.) J’avais rencontré Bertrand Py, numéro deux de la maison, il y a vingt ans, dans les bureaux parisiens. Py est devenu ensuite le numéro un. J’avais aussi bavardé avec Nyssen au salon du Livre, en 1984, je crois. Martine s’était adressée à lui quelques années plus tard, au cours d’une rencontre dans une bibliothèque parisienne. Il lui avait parlé sans même la regarder dans les yeux.

J’avais lu en leur temps les trois tomes de L’Éditeur et son double, le journal que Nyssen publiait dans sa propre firme. J’y avais trouvé confirmation de mon désintérêt pour ce qu’il publiait, mais les livres de et sur l’édition sont un de mes dadas. Depuis plusieurs années, Nyssen ne fait plus paraître ses carnets. Mais, depuis novembre 2004, il les tient sur la Toile. Voilà un exemple intéressant de la différence d’intérêt qu’implique la différence de support. Ce qu’il nous raconte sur internet m’ennuie à mourir. Or, c’est la même chose que ce qu’il faisait paraître sous forme d’imprimé. Le même mélange de snobisme gentiment socialiste, d’érudition de salon, d’importance accordée à des livres que je ne veux même pas feuilleter, de grivoiserie légère, de vieillissement salace présenté (et sans doute vécu) comme une gourmandise du regard, de rêves d’homme à femmes qui sait tenir une plume mais n’a rien à raconter…

Pour être tout à fait franc, j’avais pris quelque plaisir à la lecture d’Éléonore à Dresde, mais Les Rois borgnes m’était tombé des mains. L’Italienne au rucher m’avait paru le comble de l’inutilité. Je n’avais pas détesté, en revanche, Du texte au livre, les avatars du sens ni Le Livre franc.

Sur internet, à présent, se trouve, avec fautes de frappe et, curieusement, l’ignorance des guillemets français,  le mémento d’un éditeur qui lira, écrira et publiera des romans jusqu’à son dernier souffle, ajoutant les romans aux romans avant de lire quelques romans encore ; d’un éditeur qui, entre autres écrivains sans raison d’être, a imposé au monde entier, comme une découverte de première importance, un produit fabriqué : Nina Berberova, à elle seule le résumé d’Actes Sud.

15:00 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (26)

À la manière des journalistes

Prenez un doigt d’amalgame, fouettez-le pour qu’il mousse bien.

Pendant cela, préparez un roux de clichés et d’idées reçues.

Au four, faites cuire l’opposition « tout noir et tout blanc », en arrosant régulièrement d’esprit binaire.

Liez le tout, au moment de servir, d’un fond de bouc émissaire à montrer du doigt.

Savourez en connaisseur la démagogie reine que vous aurez ainsi obtenue.

Vins conseillés : Château-Calomnie XXe siècle, Rumeur 2002.

11:02 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 23 octobre 2006

Couleur du temps, par Martine Layani-Le Coz

Le temps qui coule se désaltère dans l’été, alors on est heureux.

Mais qu’il nous présente son front métallique comme une guerre, alors notre matière grise en sent tout le poids.

Même l’harmonie des couleurs ne parvient pas à éclaircir d’un sourire le chapelet insistant des minutes. Il ne faut pas s’étonner que les fleuves soient aux poètes emblèmes de nostalgie païenne ; eux seuls connaissent avec nous l’horreur de l’identique et du semblable réunis dans l’indifférence.

10:15 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (2)

jeudi, 19 octobre 2006

Communiqué de presse

Collectif de soutien aux élèves sans-papiers et à leurs familles, Bobigny.

Bobigny, le 18 octobre 2006.

Cérémonie de parrainages d’élèves et de familles sans-papiers.

Samedi 21 octobre 2006, 12 h 30.

Salle des mariages de l’Hôtel-de-ville, Bobigny.

En présence de Catherine Peyge, maire de Bobigny ; Jacques Tardi, dessinateur ; Dominique Grange, chanteuse ; Francesca Solleville, chanteuse ; Thierry Jonquet, écrivain ; Hervé Di Rosa, sculpteur ; Michèle Renard, directrice de la Fox-Compagnie, parrains.

Avec le soutien marqué de Jean Ferrat, chanteur ; François Bon, écrivain ; Didier Daeninkx, écrivain ; François Rollin, metteur en scène et humoriste ; Aude Gerbaut, docteur en sciences de l’Éducation, parrains.

Dans le cadre de la circulaire Sarkozy du 13 juin 2006, durant l’été, 5 624 familles de Seine-Saint-Denis ont déposé un dossier de demande de régularisation. 4 620 d’entre elles se sont vues opposer un refus, alors même qu’elles remplissaient pour la plupart les critères de régularisation.

Ce sont donc aujourd’hui plus de dix-mille enfants et adolescents du département qui sont directement menacés d’expulsion, et les reconduites à la frontière ont déjà commencé.

Nous n’acceptons pas que des élèves puissent venir à l’école dans la crainte d’une intervention policière, comme cela s’est déjà produit, à Pantin notamment.

Nous n’acceptons pas qu’un enfant, qu’un adolescent, dont la vie s’est construite en France, à Bobigny, et qui souvent y est né, puisse connaître le traumatisme d’une expulsion du territoire, d’un exil, d’un arrachement à son quotidien, ses amis et son école.

Nous n’acceptons pas que les conventions internationales signées par la France, qu’elle n’hésite pas à brandir à la face du monde lorsqu’il s’agit de donner des leçons de droits de l’hommes aux autres pays, soient bafouées sur notre propre sol et sous nos yeux. De fait, les expulsions sont clairement contraires à la Convention internationale des droits de l’enfant (art. 3.1, entre autres.)

Nous nous engageons à mobiliser toute notre énergie et les compétences professionnelles les plus larges pour obtenir la révision des dossiers des familles de tout élève sans-papiers qui nous en fera la demande.

Nous nous engageons à garantir à ces élèves qu’ils ne seront jamais arrêtés à l’école.

Nous nous engageons à nous battre pour que soient respectés dans notre pays le droit à l’éducation et, plus largement, toutes les mesures de la Convention internationale des droits de l’enfant bafouées par la circulaire du 13 juin 2006.

C’est au nom de ces principes que nous parrainons ce samedi des enfants de Bobigny.

La présence à nos côtés, en tant que parrains, de nombreuses personnalités, citoyens, enseignants et élus, démontre que ce souci de protection des élèves sans-papiers et de leurs familles est largement partagé au sein de la population française.

Cette cérémonie n’est pas la première à Bobigny. Elle ne sera pas la dernière.

Nous n’accepterons jamais de voir partir l’un de nos élèves. 

21:49 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1)

Répugnant

Arc-au-Zizi continue à donner des gages à la partie la plus bête de son électorat, continue à surenchérir dans la démagogie dégoulinante et poursuit ses annonces ridicules, grotesques, qui sont de simples rodomontades à visées électoralistes.

Voilà qu’il veut envoyer aux assises les auteurs d’agressions contre policiers, gendarmes et pompiers. Il insiste, prononçant le mot magique et terrifiant plusieurs fois au cours de sa déclaration.

Outre le fait qu’un procès d’assises coûte une fortune à organiser et qu’il s’agit d’une machinerie si lourde qu’on n’aura jamais le temps de la mettre en route avant qu’un autre procès ne s’avère nécessaire, et ainsi de suite ; outre que cette canaille a mis l’accent sur la présence, aux assises, de jurés, c’est-à-dire de citoyens (et l’on imagine déjà Dupont-la-Joie se gargarisant : « Ah, maintenant, ils vont voir ! ») ; il reste que, la peine de mort ayant été abolie il y a déjà quelque temps, un procès d’assises n’a heureusement pas d’autre conséquence que celle d’une comparution en correctionnelle. Qu’encourt-on de plus ? La perpétuité ? L’échelle des sanctions ne sera pas modifiée, les peines seront donc du même ordre que celles prononcées par une juridiction moins importante. Au vrai, on risquerait, je crois, quinze ans de détention au lieu de dix. Ce n’est certainement pas ce qui fera réfléchir des personnes prêtes à agresser des policiers. La répression, ça ne marche pas. Jamais. Vouloir criminaliser l’agression contre un porteur d’uniforme n’est qu’un « effet » comme cherchent à faire, sur la scène, les plus mauvais comédiens. Arc-au-Zizi parviendra-t-il, d’ici l’élection présidentielle, à accomplir un « effet » par jour ?

La criminalité n’a cessé d’augmenter depuis qu’il est ministre de l’Intérieur. Tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, c’est du vent.

16:25 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (11)

mercredi, 18 octobre 2006

Un corbeau fourvoyé

Sur un blog ami, un des promeneurs de la rue Franklin tient une manière de journal fort plaisant, sous pseudonyme. Un de ses lecteurs, depuis quelques jours, s’est mis en tête de révéler à tous l’identité réelle du taulier. De commentaire en commentaire, il donne le détail de son perspicace raisonnement et s’entête à tout dire sans rien dire clairement. C’est un jeu de piste qui a surtout une conséquence : il nous fait mourir de rire parce qu’il se trompe de bout en bout, parce qu’il s’enferre de jour en jour – et parce qu’il persiste et signe.

Au-delà de cet entêtement étonnant, il reste que je ne peux m’expliquer les raisons poussant ce commentateur à révéler l’identité de l’auteur du blog. Même s’il avait raison, que gagnerait-il à cela ? Tout ça relève du « Na-na-nère, moi-je-sais-tout ». Consternante puérilité. Si je n’use pas moi-même d’un pseudonyme, jamais je ne dévoilerai le nom de ceux qui estiment nécessaire d’y avoir recours, en admettant que je le connaisse.

15:35 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (12)

À la manière de Raffarin

Les lumières de la banalité éclairent pâlement mais elles sont vraies.

Parcourir le chemin, c’est déjà faire route ensemble.

Je ne sais pas si mon soutien est réel, je sais qu’il existe.

Toujours sur la route, toujours au travail, j’irai droit au but, quels que soient les tournants.

Sur mon agenda, entre mes obligations, se distingue en filigrane mon emploi du temps.

Je sais ce que c’est qu’être premier ministre. C’est être un ministre premier.

Mon devoir est là, il ne servirait à rien de ne pas en tirer les leçons.

L’avenir est toujours ouvert devant.

15:20 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (4)

À la fatigue

Vieille peau, 

Vous êtes insolente. Vous survenez sans téléphoner, vous vous installez alors que j’allais sortir et, dès le lundi, vous faites de ma maison un exemple de désordre, quand j’ai pourtant passé toute une fin de semaine à faire le ménage. Mon corps est sale et brouillon, vaseux et poussiéreux, lorsque vous venez vous asseoir sans façons.

Parfois, vous m’assommez et, pour vous fuir, je vais me cacher dans mon lit à vingt heures trente, je hèle au passage le dernier taxi du rêve et je donne au chauffeur une adresse chimérique. La voiture file et je vous oublie, blanc fantôme sur le trottoir gras. La plupart du temps, cependant, les papillons de chagrin des insomnies qui me torturent se font les complices de vos agissements et le taxi part sans moi. Pis, il me nargue quelquefois et, me voyant espérant au bord du trottoir, sous le panonceau indiquant la station, me dit : « Je suis pris ! » Ce n’est pas vrai, je le sais, mais il insiste : « On m’a réservé, j’attends ! Empruntez donc le métro. » Dans le métro, on ne rêve pas lorsqu’on est fatigué. Il faut être en forme pour manger des yeux la belle voyageuse qui, justement, vient de monter dans la rame, là, étalant sous mon nez des charmes invraisemblables mais, à cause de vous, je ne pourrais rien faire, de toute façon. Vous êtes le revers d’une médaille qui n’a même pas d’avers. A-t-elle seulement une tranche sur laquelle la faire reposer ? Vous avez dit : reposer ? Ah, si c’était possible.

Quelquefois, vous êtes une bouteille d’eau, l’on vous devine rafraîchissante et l’on pense qu’on va, délicieusement, vous embrasser en s’endormant. Mais la plupart du temps, vous êtes goudron, vous sentez mauvais, vous êtes toxique et vous n’autorisez même pas l’infortuné dont vous brisez les os à quérir quelque repos dans les couloirs d’une nuit enfin venue, que vous vous empressez de transformer en train fantôme.

Vous n’êtes pas que physique. Vous êtes encore un monstre moral aux œillères abjectes. Vous faites en sorte qu’on ne puisse plus rien voir qu’à travers votre filtre. On a alors le sentiment que, sur le boulevard, les passants se jettent sur nous ; que, dans les transports en commun, tous vont littéralement nous monter dessus. Quand autrui pourrait être un baume, il devient souffrance – vous êtes rusée, vous êtes perverse. Vous troubleriez la plus grande lucidité. Vous me faites penser à une pieuvre qui obligerait sa proie à lire un journal sans intérêt, un manuel abscons. Alors, les yeux brûlent.

Si vous aviez l’obligeance de prendre vos distances et d’aller voir ailleurs si d’autres souffrent aussi, je vous serais reconnaissant. Oh, je n’imagine certes pas retrouver jamais cette forme innocente d’autrefois – je dis innocente parce qu’elle allait de soi, du moins je le croyais, elle était évidente dans sa simplicité calme – mais toutefois, j’aimerais assez que vous me laissiez un moment le champ libre, afin que je puisse retirer de ma marche à la surface de cette terre le sentiment d’une progression, fût-elle modeste, plutôt que celui d’un visqueux sur-place.

Je vous prie de croire, vieille détestable peau, que je pourrais me passer de vos services maudits. Je m’entends fort bien avec le bel allant, la bonne forme, et n’ai pas l’intention de divorcer d’avec eux. Il n’est pas nécessaire que vous veniez semer entre nous la zizanie puante à laquelle aboutissent toujours vos agissements.

Ne comptez nullement sur mon dévouement.

dimanche, 15 octobre 2006

Le juke-box des démagos

Ma fille Fanny m’a envoyé un lien aboutissant à un florilège de chansons « politiques », disons plutôt de chansons « électorales ». Machines à gagner ou seulement à convaincre, ridiculissimes sommets de nullité, qu’il s’agisse du texte ou des mélodies, avec des recherches d’effets de mode dans les orchestrations… Ces chansons grotesques et démagogiques montrent assez combien on peut détourner une réalité historique – la chanson a toujours accompagné, rythmé, scandé l’histoire – pour en faire un fatras, un brouet, une mauvaise charcuterie. À vos risques et périls. Si vous ne craignez pas l’eau de vaisselle, suivez ce lien.

22:36 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (10)

vendredi, 13 octobre 2006

Suzilène, 18 ans, expulsée par charter secret

Communiqué RESF

Suzilène, lycéenne capverdienne de dix-huit ans et demi, élève du LP Valmy à Colombes (Hauts-de-Seine) a été expulsée hier, 12 octobre, au bout de douze jours de rétention.

Dans cette affaire, le ministère de l’Intérieur a donné toute sa mesure. D’abord en arrachant à sa mère et à son petit frère une toute jeune majeure et en l’exilant dans un pays où elle n’a plus d’autre attache que sa grand-mère de quatre-vingt trois ans.

Ensuite en maniant l’insinuation et la calomnie comme le font systématiquement, dès qu’il y a mobilisation, le cabinet du ministre et les préfets sous l’égide de M. Sarkozy. Suzilène a, en effet, été présentée comme une « délinquante », ce qu’elle n’est pas, ses enseignants et ses camarades en témoignent. Ce dont on l’accuse est du domaine de l’intime et ne mérite certainement pas le bannissement ni n’autorise les préfets, et les bien-pensants qui entourent le ministre, à faire les poubelles, à porter atteinte à la vie privée d’une gamine de dix-huit ans et à colporter des ragots.

De la même façon, sous la houlette de M. Sarkozy, la police prend des habitudes de police secrète : les retenus disparaissent, ignorant le lieu où ils sont conduits, celui où ils se trouvent. Au contraire, de fausses informations destinées à égarer ceux qui les soutiennent leur sont communiquées. C’est ainsi qu’il a été dit à Suzilène qui l’a répété au téléphone à l’un de ses enseignants, qu’elle atterrirait à Lisbonne à 18 h 20 : c’était orienter délibérément sur une fausse piste les élèves et les professeurs désireux de la soutenir. De fait, plusieurs dizaines d’entre eux, des syndicalistes d’Air-France, le sénateur Jean Desessard se sont retrouvés à Orly-ouest pour manifester pendant deux heures et interpeller les passagers du vol de 17 h 10 à destination de Lisbonne. Suzilène n’était pas à bord mais son expulsion ne s’est pas faite sans tapage.

En fait, selon les policiers présents à Orly, elle aurait été expulsée à 14 h 30 sur un avion militaire, en compagnie d’autres expulsés. Un charter secret !

Enfin, alors même que Suzilène est au Cap-Vert d’où elle a téléphoné à sa mère, le ministère de l’Intérieur continue de mentir en faisant répondre par ses employés (certains de bonne foi) à ceux qui l’interpellent que la décision d’expulsion n’a pas encore été prise et que des réunions se tiennent à ce sujet. Cela étant, il n’est pas dit, loin de là, que le ministre de la Chasse à l’enfant ait gagné la partie. Le lycée Valmy reste plus que jamais en grève. Une réunion intersyndicale est prévue le 13 dans l’après-midi pour mettre en place l’extension de la mobilisation. Il est, en effet, inenvisageable que des élèves soient expulsés. M. Sarkozy vient de montrer qu’il ne recule devant rien pour braconner quelques voix à l’extrême-droite. La seule protection qui vaille maintenant pour les élèves et les parents menacés est leur régularisation immédiate et sans condition. N’en déplaise au gouvernement !

Vendredi 13 octobre 2006.

22:35 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

Trente-cinq ans d'âge

medium_Max_et_les_Ferrailleurs.gifJ’ai regardé hier soir, à la télévision, le film de Sautet, Max et les ferrailleurs, pour la dixième ? douzième ? quinzième ? fois. Il est toujours aussi solide. À quoi tient la pérennité d’un film comme celui-ci ? À une direction d’acteurs impeccable, certainement, à un montage toujours aussi vif, à la permanence des angoisses humaines que l’auteur y exprime. Je ne vais pas redire ce que j’ai pu développer dans le petit ouvrage que j’ai consacré au cinéaste. Je constate seulement que, même plusieurs années après avoir achevé cette rédaction, c’est-à-dire totalement sorti du contexte, voire de l’obsession dans laquelle je vis lorsque je traite un sujet, quel qu’il soit, ce film de 1971 conserve toutes ses qualités et son intérêt.

17:15 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (2)

mercredi, 11 octobre 2006

Une voyageuse

medium_Untitled-3.2.jpg

21:39 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (2)

lundi, 09 octobre 2006

Ne croyez pas les éditeurs

Gilles Schlesser publie ce mois-ci, chez l’Archipel, un ouvrage intitulé Le Cabaret rive gauche. Comme l’indique son titre, il s’agit d’une histoire de ces lieux parisiens qui ont accueilli de nombreux artistes, de l’après-guerre à la fin des années 60 environ. Je l’attends avec impatience.

Bien entendu, l’éditeur affirme qu’il s’agit du premier livre consacré à un tel sujet. Pour les éditeurs, c’est toujours la première étude, toujours. Les éditeurs ne doutent de rien, surtout quand ils ne s’y connaissent pas.

Le sujet a déjà été traité par Geneviève Latour dans un volume intitulé Le « cabaret-théâtre », 1945-1965, publié par la Bibliothèque historique de la ville de Paris en 1996. Il s’agissait d’un catalogue d’exposition, mais d’un catalogue comme on les conçoit depuis quelques années, c’est-à-dire un véritable livre, avec un texte important, solide. L’exposition, d’ailleurs, était passionnante.

15:50 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (9)

dimanche, 08 octobre 2006

Il ne faut jamais remettre à plus tard

Un jour, j’ai eu l’intention d’écrire une histoire du disque et de l’enregistrement sonore. J’avais établi le 11 décembre 2002 un premier jet de plan, autant dire pas grand-chose. Pourtant, l’idée était fermement ancrée dans mon esprit. Mais on ne peut pas tout faire, et j’avais bien dû remettre ce travail à plus tard. J’ai confié le plan à Martine, qui l’a encore dans ses papiers. Je le relis aujourd’hui. Le titre prévu était Disque, mon ami - Une histoire de l’enregistrement sonore.

Il y a quelques mois de cela, j’ai trouvé chez un ami L’Histoire du disque et de l’enregistrement sonore, posé sur une table. Le livre existait. On l’avait fait. J’ai râlé mais bah ! l’important était que l’ouvrage existât. Comme il me paraissait important que ce travail fût réalisé, je ne pouvais que m’en réjouir. Il avait paru en 2004 sans que je m’en aperçoive. Toujours cette question de la diffusion et de l’information, de la publicité au sens premier.

Je n’ai pas pu l’acheter, on ne le trouvait déjà plus. Toujours cette question de la diffusion, du stockage, des délais de garde en librairie… Toujours les mêmes questions, d’ailleurs, tout le temps.

Il vient d’être remis en vente sous une jaquette différente de la première. Je suis en train de le lire, c’est très intéressant. Je regrette que ce ne soit pas suffisamment écrit et qu’en quelques endroits, l’auteur n’ait pas su vaincre une tendance au charabia. Mais c’est minime.

Daniel Lesueur, L’Histoire du disque et de l’enregistrement sonore, Carnot, 2004.

17:10 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (2)

samedi, 07 octobre 2006

À ceux qui l’ont fait

D’Emmanuel Bove (1898-1945), ma bibliothèque ne recèle qu’une plaquette de présentation publiée par Flammarion en 1983 et que Brentano’s, le libraire de l’avenue de l’Opéra que je fréquentais lorsque j’exerçais mes maigres talents au ministère de l’Inculture, m’avait offert en 1984, après une discussion. Une plaquette promotionnelle de quelques pages, agrémentée de deux photographies. C’est un peu court, mais ce n’est pas rien.

Jean-Pierre Darroussin a pris le risque d’adapter un roman de Bove, Le Pressentiment, paru chez Gallimard en 1935. Je parle de risque, parce qu’il a choisi de transposer l’action dans le Paris d’aujourd’hui. C’est finalement le principal écueil de ce film intéressant, quoique un peu statique, surtout dans sa seconde partie. Le personnage principal, auquel Darroussin, paraît-il, s’identifie beaucoup (l’adaptation de ce roman, lu il y a des années, lui trottait dans la tête depuis longtemps) est un dandy des années 30, un dandy de l’entre-deux guerres, d’une époque où l’on ne savait pas qu’il y en aurait une autre, et quelle ! Un dandy du temps des pantalons blancs, des jaquettes sombres et des chaussures vernies. C’est un bourgeois cultivé qui rêve sa vie et rompt avec son milieu de juristes pour renoncer à son mode de vie qu’il ne trouve pas réel, pour tenter de montrer au monde qui l’entoure la générosité et l’altruisme dont il manque, avant de mourir.

Tout cela est éminemment sympathique, mais le danger réside dans la transposition. Cette attitude du personnage n’est plus concevable aujourd’hui. Au mieux, si un nanti, de nos jours, renonçait à son confort matériel et à son statut social pour s’en aller vivre dans un quartier très populaire de la capitale, tenter d’y écrire un roman et d’aider quelques personnes à la dérive à sortir de leur misère, il militerait dans des associations humanitaires, aurait un engagement social ou un autre, mais ne traînerait pas dans les rues une mélancolie tranquille, étonnée, avec des yeux de chien et un nez en trompette, regardant le monde tout en ayant le pressentiment de sa mort, plus ou moins constamment.

Darroussin, donc, prend le parti de négliger la vérité socio-culturelle pour atteindre la vérité humaine, une sincérité qui est certainement la sienne. Si le spectateur admet ce pré-supposé, il accepte le film. Autrement, il dira qu’il n’y croit pas. Le mieux est de l’accepter, puisque le réalisateur nous y invite et qu’il le fait avec talent. Les prises de vues sont quelquefois audacieuses (un abondant usage de la grue, d’une grue très mobile aux effets tournants gracieux). Les cadrages relèvent apparemment d’un amour du rectangle vertical : on ne compte plus les plans où les personnages s’inscrivent dans le rectangle d’une porte, d’une fenêtre, d’un miroir, d’un couloir… Est-ce une allusion au livre et à son format le plus habituel ? Je crois même que le thé que boit le personnage, lors d’une scène de bistrot, est servi dans une théière à pans rectangulaires verticaux.

medium_Untitled-1.4.jpgDarroussin se permet un film d’auteur dont il est le comédien principal, pratiquement présent dans tous les plans, sans vedettes célèbres, sans dialogues percutants (quelques échanges verbaux volontairement neutres sinon plats constituent la totalité du texte), sans scènes de nu, sans violence, sans voitures prestigieuses, sans rien de systématique dans sa mise en scène. Pour cela seulement, le fauteuil vaut d’être payé (ah, l’horrible salle de l’UGC-Danton, minuscule, inclinée à l’envers, une salle de télévision au prix du cinéma) et, pour le pari de la transposition dans le temps, le film vaut d’être loué.

Pour la persistance du projet dans la tête du réalisateur aussi, cette constance étant forcément un gage de sincérité. On ne promène pas une idée durant des décennies sans la faire sienne et sans, réciproquement, lui appartenir un peu.

Le générique de fin, comme de coutume, s’est déroulé tandis que les spectateurs s’en allaient. Je lis toujours le générique jusqu’à sa dernière ligne. Bien m’en a pris, cette fois encore. L’ultime inscription eût mérité d’être mise, au contraire, en épigraphe : « Ce film est dédié à ceux qui l’ont fait », c’est du pur Darroussin.

vendredi, 06 octobre 2006

Rien de nouveau sous le soleil éditorial

Encouragé par quelques uns d’entre vous qui avaient cru y déceler quelque intérêt, voire même un brin de subtilité, je me suis laissé aller, en août dernier, à concevoir un recueil des Apostrophes insolites dont le lien figure dans la colonne de gauche. J’ai un peu remanié les textes, cherché un ordre cohérent, ajouté un bref avant-propos les situant humblement dans une lignée déjà existante. Bref, j’ai conçu un livre à partir de textes épars.

M’appuyant toujours sur le bon accueil que vous avez bien voulu leur faire, j’ai donc proposé ces lettres imaginaires à L’Archipel. Début août, durant ma semaine d’astreinte à Paris, je contacte Jean-Daniel Belfond (en vacances, me répond illico sa délicieuse secrétaire qui m’aime bien et que j’aime bien.) Le 16, jour de son retour, il me répond par courrier électronique de m’adresser ailleurs, soit « à un éditeur plus littéraire que nous » (sic) et, dans la foulée, me propose – comme il le fait chaque fois qu’il me refuse quelque chose, c’est-à-dire tout le temps – un autre sujet qui n’est certes pas mon propos actuellement. Quelques jours après, de retour dans le Lot, j’écris, toujours par messagerie, au Bois d’Orion et au Dilettante. Je propose le même recueil. Par retour d’internet, le Dilettante, par la « voix » de Françoise Lorel, me dit qu’il est difficile de juger sur mes quelques lignes de présentation et demande le manuscrit que j’expédie immédiatement du bureau de poste de Salviac – j’avais prévu d’emporter un exemplaire avec moi. Christian Le Mellec, patron du Bois d’Orion, par messagerie encore, me répond une semaine plus tard que cela ne l’intéresse pas et qu’il ne désire pas recevoir le texte. Pour ne perdre point de temps, de retour à Paris, j’écris à Cheyne, début septembre, et expose le projet. Cheyne ne répond même pas, ce qui vaut refus de seulement prendre connaissance du texte. On note au passage que les petits éditeurs, soi-disant différents, se comportent encore plus mal que les grands, et ne craignent pas d’en rajouter dans la grossièreté. Hier soir, je trouve la réponse, évidemment négative, du Dilettante. Un imprimé de refus classique, agrémenté cependant de quelques mots manuscrits de Françoise Lorel, que je reproduis ici en conservant fidèlement l’orthographe et la ponctuation de cette éditrice : « Votre écriture est tout à fait honnête, le style fluide, ces petits textes sont agréables à lire mais ils leur manquent un caractère particulier un peu de singularité. Peut-être est-ce trop sage pour nous ? » Retour à la case départ. Si vous avez aimé ces Apostrophes, vous ne les lirez pas en volume.

La terre, cependant, continuera à tourner, naturellement.

10:20 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (15)

mardi, 03 octobre 2006

Je suis une banque de données à moi tout seul (air connu)

medium_bibal2.jpgDepuis longtemps maintenant, je suis devenu un centre de documentation et une banque de données. On vient me consulter pour obtenir des documents ou des renseignements, on me confie des corrections typographiques, on m’écrit par la poste et par internet, on demande des rendez-vous, on me sollicite pour déchiffrer des écritures que je suis paraît-il seul à parvenir à lire, on me confie des travaux de dactylographie, des épreuves à relire, on me demande mon avis…

Je ne vais certainement pas me plaindre. Cela relève de la confiance et de l’amitié. Mais je n’en peux plus. Aujourd’hui, je devrais recevoir par la poste des épreuves à relire d’un livre à paraître, partiellement consacré à Ferré. Ce soir, je reçois chez moi un étudiant de DEA à propos d’un mémoire qu’il veut consacrer à Albertine Sarrazin. Ce matin, m’arrive un courrier électronique me demandant un texte sur Vailland pour un site en préparation. Accessoirement, je m’occuperai de mes propres travaux en cours et, s’il reste des secondes, je tâcherai de lire un peu. Naturellement, cela s’ajoute à la maintenance de trois sites personnels et à l’animation de ce blog. Sans parler des 37 h 30 hebdomadaires qui me nourrissent (mal) et du temps de transport, heureusement réduit au minimum, qui m’est nécessaire pour aller les effectuer. Ni d’une conférence qu’on m’a demandée pour le mois de novembre, dans l’Est.

En revanche, du côté des éditeurs, c’est le silence complet. Eux ne me demandent rien.

10:53 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (4)

dimanche, 01 octobre 2006

Catherine Élysées

medium_Untitled-1.3.jpgÀ la Comédie des Champs-Élysées, nous sommes allés voir une pièce intitulée… Allons, soyons honnête, nous sommes allés voir Catherine Frot, en chair, en os et en paroles, sur la scène. J’avoue avoir fait ça, depuis quelques années et quelle que soit la pièce jouée, pour Marielle, Piccoli et Delon, que j’ai donc pu admirer au théâtre, en direct, sans triche, sans raccords, sans trucage. Ils sont restés droits sur leur fil, solides, merveilleusement professionnels et talentueux, et pleins d’humilité.

Florian Zeller a écrit Si tu mourais. Je me demandais comment un auteur de vingt-sept ans pouvait avoir publié son premier livre à vingt-deux, enseigner à Sciences-Po, être prix Interallié (en 2004) et joué avenue Montaigne par une comédienne de renom, son texte paraissant dans L’Avant-Scène. Remarquez, cela ne doit pas servir à grand-chose : je n’avais jamais, rigoureusement jamais entendu parler de lui.

À l’issue de la représentation, j’ai trouvé la réponse à mes questions.

On peut faire tout ça et y parvenir aisément en étant nul. Son texte est d’une médiocrité inadmissible. Ce garçon de vingt-sept ans fait du théâtre bourgeois comme il n’est pas permis d’en faire. Manifestement, il en est ravi et ne paraît pas avoir la moindre intention d’agir autrement à l’avenir.

Répliques attendues, situations convenues, modèles interchangeables parce que dessinés de toute éternité dans l’histoire du théâtre bourgeois. Il ne manque que les portes qui claquent, mais on dispose d’une variante : la sonnette de la porte retentit à intervalles réguliers. Zeller utilise aussi le quiproquo une bonne dizaine de fois de suite, le quiproquo bref, ajouté là uniquement pour faire rire la salle – qui n’y manque pas, durant que je peste dans mon coin – quiproquo utilisé jusqu’au procédé et, chaque fois, exactement de la même manière. Le monde que décrit cet auteur est le sien : il met en scène un écrivain qui publie des romans et des pièces de théâtre. Pire, il ose, je dis bien : il ose créer un personnage de comédienne censée avoir connu l’écrivain en question lors d’une pièce qu’elle jouait… au théâtre des Champs-Élysées, soit à dix mètres de là. Et ce n’est pas fini, il en profite pour glisser dans son texte une allusion à un restaurant situé juste en face (il n’y en a qu’un, pas d’erreur possible) assortie d’un compliment quant à la qualité de la cuisine. Il fallait le faire. Je trouve cela répugnant et vulgaire.

Justement, après avoir entendu son texte – d’ailleurs extrêmement mal écrit  et d’une platitude à peine concevable – je trouve l’auteur vulgaire. Vulgaire dans ses sentiments, ses idées, ses objectifs surtout. Ce théâtre-là, c’est celui qui existe depuis le XIXe siècle et la bourgeoisie triomphante, et qui continuera d’exister tant que les nouveaux se couleront dans le moule avec délices et suavité, jetant aux orties et la fougue de leur jeunesse et les illusions, qu’ils n’ont d’ailleurs jamais eues, de pouvoir faire mieux, en tout cas autre chose.

C’est donc dit : on ne peut pas être bon quand on est jeune, sauf à être Rimbaud. Il n’en est pas beaucoup. Zeller le pitre, après une seule représentation, s’en est allé rejoindre dans le Panthéon de ceux que je méprise, ses amis les produits fabriqués Modiano, Berberova et Nothomb. Eux sauront lui offrir une place à la table, pourtant déjà gâtée en commensaux misérables, de l’inutile.

Laissons donc ce personnage malheureux à sa basse cuisine. Il reste les comédiens. Deux sont franchement mauvais ou seulement inexistants. Un, qui n’est pas mal, n’est cependant pas la hauteur du sentiment que son personnage semble capable d’inspirer. Reste Catherine Frot, avec son physique à la fois rond et aigu, sa voix dans le même temps basse et haut perchée. Quand on a une comédienne comme ça, qui vibre de telle manière, on lui offre des rôles de violoncelle.

Pas de clairon.