lundi, 24 octobre 2005
Jour neuf
Une soirée et une nuit d’horreur. Une journée entière à dormir. Une autre, dans le brouillard. Puis tout doucement, vraiment très doucement, la douleur le tordit moins, la lumière revint et les couleurs avec elle. Une journée encore pour tenter de retrouver ses membres et d’être à peu près sûr de leur fonctionnement. Une journée enfin à tenter de sortir durant deux heures, au moment le plus chaud, à petits pas, comme un ancêtre oublié déjà des siens et de lui-même. Des dizaines de petites pilules de toutes les couleurs. Un régime sévère et surtout épuisant de monotonie. Dans sa boîte à lettres électronique, il reçut trois fleurs mauves. Les examinant et les comparant aux dessins figurant dans une flore, il reconnut des fleurs d’amitié. Tout compte fait, le lundi matin, il put ressusciter.
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vendredi, 14 octobre 2005
Quelque chose m'échappe
Il faut quand même que je dise un mot de ça, parce que ça me travaille…
Depuis l’ouverture de ce lieu, je reçois régulièrement des messages me disant, en substance, que le niveau de ce qu’on peut y lire est très élevé et, pour certains, terrorisant. D’autres encore sont partis, entre autres pour ce motif.
Diable !
Il y a ici, dans la mesure où j’ai pu avoir connaissance du métier de chacun, des professeurs de toutes disciplines (pas seulement de lettres), des éditeurs, des étudiants, d’anciens libraires, des philologues, des littéraires en général, des cinéphiles. Beaucoup de participants se piquent d’écrire. Et ce sont ceux-là qui me disent à moi, presque entièrement autodidacte, qu’il est ardu de se promener rue Franklin ? Par exemple !
Quelque chose m’échappe.
17:05 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (5)
mercredi, 05 octobre 2005
Octobre
Octobre, je ne le verrai pas. Octobre est resté à la campagne, dans la nature qu’il habille de ses collections d’automne. Ses écharpes de brume sont nouées au cou des collines, ses tailleurs de lainage roux habillent les vallées, ses corsages feuille-morte drapent les bustes splendides des coteaux. Son mascara souligne les horizons. Aujourd’hui, Paris-la-grise, comme dit la chanson. Paris comme je l’aime, un peu brumeuse, pas trop, sans pluie. Un camaïeu gris, trottoirs, toits de zinc, ciel fermé. Ce n’est pas Paris que je déteste, c’est la vie qu’on y mène. Octobre est resté à la campagne et le froid fait trembler les jambes des femmes sans amour.
14:15 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (14)
mardi, 04 octobre 2005
Précision
Je voudrais préciser une chose qui me paraît importante, compte tenu des commentaires recueillis par le billet intitulé Cinéma inexistant.
On ne trouvera pas ici de notes de lecture, de notes sur des films, des expositions, des disques, des concerts ou ce qu’on voudra. Du moins, en tant que telles. Si je suis amené à évoquer, voire à critiquer, même durement, une œuvre, ce sera toujours dans l’optique d’un débat bien plus élargi, toujours dans le cadre d’une problématisation – le terme n’est pas élégant, tant pis. Je l’ai déjà dit, dans l’autre blog comme ici, je ne suis pas journaliste, ne traite pas l’actualité (en tout cas pas systématiquement), ne suis inféodé à personne, ne suis pas salarié par la Blog & Co Inc. ni par la Rue Franklin, Ltd., ne fais pas partie d’un groupe de presse.
Mon point de vue demeure toujours personnel, sans prosélytisme, et dérive souvent vers les questions de création artistique en général, littéraire en particulier. Je ne suis pas feuilletonniste et ne donne pas mon avis, en attendant que les commentaires me renvoient celui des autres. Non que celui-ci ne m’intéresse pas – pourquoi tiendrais-je un blog, alors ? – mais parce que je voudrais plutôt inviter chacun à aller plus loin en ma compagnie, comme en celle des autres amis qui participent aux discussions. Aller plus loin.
17:05 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (2)
Cartouche neuve
Changer la cartouche d’un stylo, c’est comme ouvrir un cahier neuf. Un monde, et des désirs d’écrire. Et puis voilà : quoi ? Nous sommes des pieds avec des désirs de marche – mais quelle est la route ?
Marguerite de Servanches.
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vendredi, 30 septembre 2005
Hauts murs, 2
Oui, je pense vraiment aller passer quelques jours dans un couvent, à Vaylats (Lot), l’été prochain. La fascination que j’éprouve pour ce type d’architecture y prendra le temps de se raisonner, sera mise à l’épreuve des faits. J’aurais préféré le couvent de Gramat, mais la location de logis n’y est pas possible. Là, sont des jardins qu’heureusement on visite. Des jardins ? Un véritable parc, immense, comprenant des enclos avec des animaux, des cultures de plantes médicinales, un « jardin des couleurs » merveilleux, des expositions, la reconstitution de l’ancienne buanderie, du four à pain… Comment ne pas reconnaître que j’ai là ma place tout indiquée ? Cette image, d’ailleurs, en témoigne.
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lundi, 19 septembre 2005
Ainsi parlait le paysage, 3
Dans les deux précédentes notes de cette série, parues dans l’ancien blog, le paysage interdisait, puis commandait.
Ici, il réserve, ce qui est au fond une façon d’interdire. Quant aux marchés, il en existe vraiment de toute sorte.
Quand je pense que quelqu’un a écrit un livre intitulé On n’emporte pas les arbres. Ce n’est même pas vrai...
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samedi, 17 septembre 2005
René
Mon père tenait dans sa main
Toutes les forêts familières
Mon père tenait dans sa main
Toutes les boucles des chemins
(…)
Mon père tenait dans sa main
Toutes les lampes des chaumières
Mon père tenait dans sa main
L’ombre soyeuse des sapins
(…)
Mon père tenait dans sa main
Toutes les sources de la terre
Mon père tenait dans sa main
L’étoile froide des matins
(…)
Loin derrière et puis loin devant
La terre a la couleur du vent
Dans les jardins plantés en pente
Les oiseaux sont des fleurs volantes
Luc Bérimont
14:35 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (1)
Septembre
Septembre a la peau moite. Il se fait lourd sur la ville aux arbres que leur condition de prétexte angoisse. Le septembre urbain sent la voiture et l’huile de vidange. Il a la couleur du flic de service : septembre est bleu-marine. Son air collant empoisse le béton. Les feuilles des platanes craquent dans la cour comme si Jupiter marchait dans un sous-bois, quêtant une terrienne aux cheveux défaits et aux seins ronds et blancs. Le gravier se prend pour un chapelet et le vent le chasse en priant. L’oralité du vent est, en septembre, le cantique patient de l’attente.
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mardi, 13 septembre 2005
Deux notes du blog précédent
mercredi, 24 août 2005
Août, 2
Rien à faire, l’été s’obstine à s’éteindre. Il conserve une peau douce et quelques traits de mascara vert, mais une sueur froide a pris son front et le ceint d’abandon. Ses lauriers ternissent. Il semble qu’une main gigantesque l’attire sinistrement vers un gouffre sombre et qu’il n’ait guère le goût de résister. Le vent donne la parole au feuillage des chênes que leur seul nom de « vert » paraît garantir du naufrage. Leurs glands tombés s’embrument de vieillesse. Dans les branches, un bruit régulier signale la présence d’une bête invisible. Ce n’est pas un oiseau, peut-être un écureuil, cet enfant de rousseur aux yeux d’outre-monde. Sous les pas du promeneur, les feuilles mortes déjà craquent sensiblement, comme la mémoire d’une force enchaînée, éteinte. Les mûres ont noirci, mais pas toutes. Chaque journée en fera rougir puis foncer de nouvelles. Parfois, d’immenses ronces recourbées en protègent les grappes. Certains ronciers sont stériles. À quoi peut bien servir un roncier stérile ? Dans les pierriers, les ronces s’agrippent au temps qui passe.
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samedi, 20 août 2005
Août
L’été se casse lentement. Il a passé une chemise de vent et s’est curieusement coiffé. Il lui arrive de pleurer ce qu’il pressent de son avenir. Les murs de son appartement de collines seront à repeindre l’an prochain. Il faudra aussi changer la moquette, au printemps. Son souffle est moins ample, il respire à plus petites bouffées, s’économise. Il devient raisonnable. De pamphlétaire, il vire au feuilletoniste. Sur le plateau du tourne-disques, un enregistrement de poèmes du XVIe siècle. De magnifiques blasons. Ce qu’il ne fallait pas faire pour amener la belle au déduit, tout de même ! C’est charmant – et quel talent ! Dans les verres, un bordeaux très honnête sinon grand. Le pain s’ouvre sous le couteau, le fromage sent le fromage. Fichu pays de France… Dans les sous-bois déjà, des morceaux d’or chutent gracieusement et forment au sol la litière des dieux. La fougère, cette barbe de trois jours des coteaux mal rasés, brunit rapidement. Il semble que les routes tortillonnent vers l’oubli. Sur le bas-côté, les gravillons et l’herbe folle ont scellé leurs destins.
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Les trois dernières notes du blog précédent
dimanche, 11 septembre 2005
Pour finir
Le nombre de mes ennemis présents sur la Toile ne cesse d’augmenter. Je les dérange en existant, en somme. Tout cela n’est pas très important. J’ai autre chose dans ma vie. Toutefois, je n’ai pas d’énergie à consacrer à des débats stériles avec eux, c’est très ennuyeux, lassant.
J’ai dit cent fois ici et ailleurs que ce blog n’était pas indispensable à ma survie. Mes réflexions sur les blogs et l’utilisation qui en est faite, qui pourrait surtout en être faite si le monde était intelligent, montrent – du moins, je le pensais – que je n’agis jamais sans réfléchir à ce que je fais, à sa nature, à sa très éventuelle valeur. Imaginer que, ce faisant, je me prends au sérieux serait une erreur. Bah, brisons là.
Ce lieu fermera donc dimanche prochain, le 18 septembre au soir. Je laisserai cette note affichée une semaine, afin d’informer ceux que mes petites bêtises intéressaient, pour qu’ils ne se cassent pas le nez sur une porte fermée, avec cette désagréable mention : « La page est introuvable ». Les commentaires restent ouverts, mais cette fois, je n’y répondrai pas.
Je n’ai aucune colère, aucune animosité, aucune aigreur.
Amitiés à tous. Bonsoir.
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jeudi, 08 septembre 2005
Les mémoires du taulier
Entre 10 et 11 h 30 environ, la fréquentation de ce blog connaît une pointe. Chaque jour, sans exception, le confirme. Lorsqu’il n’y a pas de nouvelle note, elle baisse rapidement, juste le temps, je suppose, pour les visiteurs, de lire les derniers commentaires, ceux de la veille, de la nuit, du matin, avant de s’en aller.
D’où la question que se pose, forcément, le taulier. Doit-il publier une note chaque jour ?
En juin dernier, je l’ai fait par jeu. Ce n’était pas très intéressant pour moi, même si, pour les autres, c’était varié. Disons-le : on ne peut pas faire une note par jour. J’entends : un texte d’une longueur au moins moyenne, qui dépasse tout de même les trois lignes, avec ou sans photographie, et qui ait une signification si possible autre qu’anecdotique. Mon but n’est certes pas de critiquer ceux qui le font, je ne livre ici que des considérations personnelles.
Donc, et ce n’est pas la première fois que j’en parle ici, mais c’est peut-être parce que j’y pense souvent, je me demande ce que viennent chercher les lecteurs. J’ai la chance d’avoir un public dont les réflexions dépassent « Moi aussi », « Ah oui, c’est vrai », et ce, que nous soyons ou non d’accord. Mais, en tout état de cause, je le répète, ici, le patron sert ce qu’il veut. Je refuse de tomber dans le piège du « Qu’est-ce que je pourrais bien leur raconter aujourd’hui ? ». Je persiste à dire que les forums sont plus riches que les blogs dans leur principe, parce que chacun peut proposer des sujets, lancer des discussions. Dans le blog, la plupart du temps, les commentaires sont liés au billet initial : ici, et j’en suis heureux, ils s’en détachent souvent, des conversations naissent alors entre les participants, ce qui finalement recrée un forum.
Autre sujet d’interrogation : jusqu’où dois-je rester courtois ? Il se trouve que je ne fais aucun effort, c’est ma tendance naturelle, ici et dans la vie. Mais je ne peux m’empêcher de réfléchir à cela. S’il se dit ici des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord, quelle doit être mon attitude ? Je suis sûr d’une chose : je n’ai jamais effacé ni caviardé aucun message et je ne le ferai jamais (il ne manquerait plus que ça !). Il a pu m’arriver de laisser dire, voire de protester sans trop de vigueur. C’est le débat dans lequel je me trouve à présent. Ma tendance naturelle, encore elle, est : « Cause toujours ». Donc, je ne dis rien. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas. Toutefois, je déteste la polémique. Par conséquent, il est difficile de cerner mes possibilités de protestation et leurs conséquences éventuelles. Il est certain toutefois que je ne laisserai pas dire d’énormités dans ces pages sans gueuler un brin.
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mercredi, 07 septembre 2005
Un texte de Luc Bérimont sur la critique
Voici une opinion de Luc Bérimont (1915-1983), poète et écrivain français trop oublié. Elle a été publiée dans la revue Tel Quel. Je ne puis malheureusement pas préciser la date de la livraison, mais on sait que Tel Quel a paru à partir de 1960.
Quelques aspects de ce texte, peu au bout du compte, ont vieilli. Pour le reste, cette glose, d’une belle exigence, demeure considérable et proche de notre temps. Je n'en déteste pas la clausule.
J’attends de la critique qu’elle soit « éclairante », c’est-à-dire qu’elle me renseigne sur mes erreurs et sur mes fautes de parcours. J’attends aussi qu’elle comprenne le chiffre du livre, qu’elle décrypte, qu’elle m’aide à mieux m’enfoncer, à mieux entrer dans le jeu qui est le mien, dans la combinaison qui est la mienne à mon insu. Or – à une ou deux exceptions près – la critique (qui devrait servir de pont entre l’écrivain et ses lecteurs) est résolument tournée vers le public, à qui elle adresse des clins d’œil – quand elle ne fait pas des bons mots ! Le critique fait la roue, étale son érudition, masque le livre qu’il a pour mission d’éclairer. Le raisonnement analogique, les données comparatives, embrouillent encore plus, s’il se peut, les conclusions hasardeuses des docteurs. J’ai été, pour un roman récent, comparé tour à tour à Cronin, à Malaparte, à Camus, à Kafka et à Barbey d’Aurevilly. Je m’excuse de ne pas me sentir flatté de ces patronages illustres. Et surtout, je voudrais comprendre ce qu’il peut y avoir de commun entre Cronin et Malaparte ? Je sais bien qu’il y a un livre – le livre ! – écrit tous les deux ou trois siècles, et que tout le monde imite, interprète ou recopie, ou prolonge. Mais cela m’aiderait tellement si la critique était d’accord sur le livre que je prolonge, moi !...
Donc, et en conclusion, il est inutile de s’écrier : « Il n’y a plus de critique », ceci en levant les deux bras. « Plus de critique depuis Thibaudet ! » (sic). Il n’y a sans doute jamais eu de critiques « créateurs », au sens noble de l’expression. Si, Bachelard était un critique créateur. Mais était-ce un critique ? Pas une fois, il n’a sacrifié à l’anecdote, au pittoresque, au goût du jour. Il y a, d’un côté, la critique à ce niveau-là et, de l’autre, les échotiers. Le nom est d’autant plus justifié que, de nos jours, le critique ne lit plus – sinon « en diagonale ». La fréquentation des milieux littéraires, des cocktails et des confrères suffit à l’alerter. « Bel écho. Criez fort ». Ceci explique pourquoi tout le monde parle du même livre, en même temps : en chaîne. La curiosité, le crédit littéraire, sont morts depuis longtemps. Les mauvais écrivains célèbres les ont tués. Je comprends du reste parfaitement que la nécessité où se trouve le critique d’un grand journal de parler du dernier roman de la strip-teaseuse à la mode ou de la récente autobiographie de l’abominable homme des neiges ait dégoûté et détourné notre homme de la littérature. Un critique posait récemment la question : « Si Montaigne vivait de nos jours, trouverait-il un éditeur pour ses Essais ? » Franchement, je ne le crois pas. De même que je ne crois pas qu’il trouverait deux lecteurs parmi ces professionnels de la critique qui ne cessent de l’invoquer. On joue bien avec Robbe-Grillet, mais on sait que personne ne l’a lu. Alors ?... Alors, si l’un de nous a du talent, cela se saura dans un siècle ou deux : juste après la guerre atomique à laquelle personne ne croit mais qui aura lieu quand même. Je le parie sur nos ossements.
14:50 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)
Pour commencer
Et voilà.
Je n’allais pas me taire, tout de même. Je ne me suis jamais tu. « La bêtise au front de taureau » dont parlait Baudelaire n’emportera pas tout sur son passage. Il suffit de renaître, c’est très facile. Pour cela, un retour au lit qui nous vit apparaître est rapidement fait. 14, rue Franklin, je suis venu au monde, « sous le signe du paratonnerre » comme je me plais à le dire, pour plaisanter.
14, rue Franklin, je renais aujourd’hui. Mon décès aura duré vingt-quatre heures. Bienvenue.
Évidemment, créer un lieu public et en limiter l’accès peut paraître paradoxal, surtout pour quelqu’un qui ne vit que pour partager. Qu’y faire ? Il faut avancer. Trop peu d’énergie pour lutter contre les abrutis et les jaloux… Trop vieux pour ça, peut-être.
On repart.
11:25 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (40)