mardi, 28 février 2006
Deuxième ballade de la rue Franklin
Même en ces périodes neigeuses
On n’oublie ni Fuligineuse
Diane et Martine Layani
Ni bien sûr la belle Fanny
On n’omet jamais Ludovic
Sébastien Virginie le hic
En ces ballades bordéliques
C’est que meilleur est Dominique
Ah ça alors ce n’est pas mal
A hurlé Guillaume Cingal
Et moi alors qu’est-ce que j’ai
S’est fort insurgé Richard G
Y aurait-il favoritisme
En cette rue du banditisme
Que nenni que dalle et bernique
Mais le meilleur c’est Dominique
Il n’est pas de Doumé qui tienne
A dit Pierre Bosc cette antienne
Commence à me courir un peu
Je vais me faire des cheveux
Si l’on continue à chanter
La geste de cet agité
Je voudrais bien que l’on m’explique
En quoi meilleur est Dominique
Prince des mots et des ballades
Agrée ma pauvre marmelade
Et qui s’y frotte enfin s’y pique
Mais le meilleur c’est Dominique
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Ballade de la rue Franklin
Benoît venant de son Québec
Se mit lors à claquer du bec
Et de Belgique-la-Jolie
On entendit rire Feuilly
D’aucuns prétendent que Stéphane
De Becker c’est Aristophane
Qu’il est plus fort en rhétorique
Mais le meilleur c’est Dominique
Ah non non jamais de la vie
S’est lors exclamé de Savy
D’aucuns disent que c’est Gluglups
Il me manque une rime en – ups
Patrick Dalmasso au tournant
Cent bannières claquant au vent
Attendait offrant sa supplique
Mais le meilleur c’est Dominique
Dominique Autié s’était dit
Que du lundi au samedi
Leur nom de baptême on fondait
Cela lui donna une idée
Il misa sur la confusion
Si fréquente de leurs prénoms
Et se dit : ça sert ma boutique
Mais le meilleur c’est Dominique
Prince du Web ayez pitié
De ce lieu aux cœurs dépités
Quoi qu’on dise en informatique
Le meilleur c’est bien Dominique
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jeudi, 09 février 2006
Nous reviendrons bientôt
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samedi, 04 février 2006
La maison est ouverte le week end
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mercredi, 25 janvier 2006
Contrefaçon
Sleon une édtue de l’uvinertisé de Cmabridge, l’odrre des ltteers dans un mot n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmtotnate est que la pmeirère et la drenèiere soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dans un dsérordre ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C’est prace que le creaveu hmauin ne lit aps chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.
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jeudi, 19 janvier 2006
Toutes deux
Vous êtes inséparables. Je vous connais depuis toujours, jumelles, siamoises, épuisées quelquefois mais sans cesse ensemble. Vous êtes identiques, vêtues de cuir noir depuis que je vous ai vues pour la première fois, il y a si longtemps déjà. Maquillées de cuir brun au soleil. Transfigurées de cuir gris, quelquefois, dans les brumes d’hiver. Vous êtes belles, volontaires, décidées. Élégantes.
Rien ni personne n’a jamais pu soigner votre manie déambulatoire. Vous allez plus loin, plus loin, en quête de quel ailleurs, de quel nouveau ? Vous n’ignorez pas que ce sera partout pareil, que vous vous emporterez toujours avec vous, qu’importe, vous allez plus loin. Après cette rue, il y en aura d’autres, vous y allez. Après ce quai, il y a la mer, et au-delà Dieu sait quelle autre misère, mais rien ne vous arrête, vous y allez. Ensemble, indéfectiblement.
Vous avez traîné dans Paris, toutes les deux. Puis vous vous êtes aperçues qu’au coin du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Guillaume, on ne croisait plus Apollinaire rentrant chez lui, seulement des étudiants de sciences-po. À l’à-pic du pigeonnier du poète, un artisan que je ne connais pas porte le même nom que moi. C’est tout ce qui demeure, là, en mémoire de l’écrit – le fantôme d’un auteur et l’homonyme d’un de ses admirateurs. Vous avez observé ça comme le reste et vous avez passé votre chemin, dénoué votre histoire, encore un peu.
Vous crevez parfois d’une fatigue soudaine, espérant de l’été venu qu’il vous repose et remonte vos mécanismes intimes, mais vous savez très bien que l’été, cet agent double, s’ajoute aux précédents et nous fait vieillir encore. Plus tard, quand vous ne serez plus qu’un souvenir intermittent, que l’idée d’une chanson tue, marquées, ridées, vous marcherez, je le sais, droit encore, imperturbables ou le faisant croire, dans la merde du monde, hautaines, fraternelles, sensuelles, vous moquant décidément des imbéciles portant stylo Montblanc et cheveux sales. Vous ne renierez rien de vos engagements, de vos rires d’antan. Vous ne serez jamais de la race des renégats. Même lorsqu’à bout de souffle, on vous rangera dans une boîte, la même sans doute, couchées tête-bêche, pour l’éternité vous demeurerez conjointes, liées, attachées et détruites, amies et dissoutes, sœurs, encore en robe de cuir, un peu fanée sans doute, mais toujours noire comme un drapeau pirate.
En attendant, votre détermination se lit en filigrane de votre démarche, vous avez d’irrespectueuses œillades aux terribles reflets. Vous allez dans les manifestations de rues, scandant tous les « Plus jamais ça ! ». Botter le cul des abrutis vous démange toujours quand se pointe la bêtise, à l’horizon doré des soirées d’automne.
Et puis vous m’avez parlé, certains soirs. De moi, pas de vous. Vous m’avez raconté mes hésitations, mes désespoirs, mes longs élans vers quel univers plus doux, quelles amitiés reniées d’avance. Je lisais sur votre peau, comtesses déchues, les rides de la mienne, vous évoquiez mon espérance et mes oublis, mes refuges et mon allant. Vous étiez ensemble, toutes deux, et vous étiez avec moi, je ne me sentais plus seul avec mon whisky. Devant mon air, vous vous tordiez de rire, alors je regardais mes pieds, ne sachant plus que faire. Vous êtes les seules femmes qui ne m’aient jamais quitté, fidèles comme ce cuir dont vous vous habillez. Vous évoquiez mon maintien voûté et mes travers comme s’ils vous avaient touchées au point de vous flétrir à jamais. C’était peut-être un peu le cas.
Je sais que vous êtes miennes, toutes deux, l’encre l’est à la plume, noire comme vous. Vous ne me trahirez qu’en expirant et je ferai semblant de vous retrouver en d’autres, ailleurs, semblant de les croire pareilles à vous, semblant d’imaginer leur sentiment attentif.
Je vais vous caresser à vous faire briller encore des reflets bleus, juvéniles, fiers que, chères chaussures, vous aimez tant.
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vendredi, 13 janvier 2006
Au café du coin, 6
Il est entré au Campo. Christelle a failli tomber. Elle a rattrapé in extremis les plats qu’elle portait. Il est beau, il a une allure folle, elle le connaît bien. Elle a lu ses œuvres, elle va les voir jouer au théâtre, chaque fois qu’elle le peut. Elle est ivre de fierté de le savoir client de son établissement. Il faut dire que moi-même, je suis plutôt content d’être son ami. Christelle soutient qu’il est le seul à exprimer ainsi les passions, les sentiments féminins surtout. Elle rêve de jouer pour lui mais il n’est pas certain qu’elle puisse le faire. Il me l’a confié l’autre jour où, entre deux plats, il essayait sur moi quelques vers. « Je suis en train de composer une nouvelle pièce, cher ami, m’a-t-il annoncé. Souffrez que je vous donne lecture de cette scène dont je ne suis pas sûr ». Pensez si j’étais honoré ! Il me demandait mon avis. Faut-il préciser que, d’emblée, tout était magnifique ? Lorsqu’il sort du restaurant, après son repas, Christelle soupire, le regard vague, l’envie manifeste d’être ailleurs : « Jean… » Ah, c’est quelque chose, tout de même, de compter Racine parmi ses proches.
« Comment dites-vous ? François Bernardone ? Je le connais ? » me demande Valérie lorsque je lui dis qui j’attends ce jour-là. Puis elle réalise qu’elle l’a déjà vu : « Ah oui, c’est celui qui ne mange presque rien ! » Je souris : « Tout juste. C’est un homme modeste, très pauvre ». Pauvre mais passionnant, François d’Assise est là, face à moi. Il est souffrant mais son esprit l’emporte. « Ce qui m’intéresse chez vous, Jacques, c’est… » Il s’arrête. Fichtre ! Qu’est-ce qui, en moi, peut bien intéresser ce saint homme ? Le silence s’étend. Sur le boulevard, une ambulance file, qui fait entendre sa sirène à trois tons. « Qu’elle emmène avec elle la douleur du monde », murmure mon vis-à-vis. Valérie le regarde avec étonnement.
Voilà, je vous ai présenté quelques uns de mes amis. Je déjeune parfois avec d’autres, mais il serait trop long d’évoquer pour vous mes repas avec Marx, Oscar Wilde, Camille Claudel, Robespierre, Saint-Just, Euripide, tant d’autres… Allez faire un tour au Campo, à l’heure du déjeuner. Il n’est pas rare que je m’y trouve et mes amis ne sont pas bégueules ; ils ne verront aucun inconvénient à boire leur café en votre compagnie. Vous croiserez Danton, Gandhi, Molière, le Christ, Jean Moulin, nous prendrons l’apéritif ensemble, si vous voulez. Christelle et Valérie vous serviront avec la gentillesse qui est la leur, habituellement. N’oubliez pas : le Campo, boulevard de l’Hôpital, Paris. On en restera là maintenant parce que, comme les meilleures choses, les plus délicieux repas ont une
FIN
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jeudi, 12 janvier 2006
Salut l’artiste
L’ami Patrick Dalmasso vient de me faire parvenir pas moins de sept nouvelles bannières. À partir de demain, donc, le merveilleux manège va reprendre.
Salut l’artiste.
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vendredi, 06 janvier 2006
Bannières de janvier
La bannière que vous voyez en ce moment (le petit car jaune et bleu) est la dernière de la série imaginée et réalisée par Patrick Dalmasso, que je remercie une fois encore.
À partir de demain, je laisserai donc à l’écran une bannière choisie dans la collection dont il m’a fait présent. Elle changera de temps en temps, mais plus tous les jours.
09:55 Publié dans Cour de récréation | Lien permanent | Commentaires (0)
Au café du coin, 5
Quand elle l’a vu arriver au Campo, Christelle a eu pitié de Descartes, avec son visage défait, ses yeux lourds et cette grande écharpe enroulée trois fois autour de son cou. Il est venu tout droit vers moi. « Jacques, je suis désespéré ». Mon ami René m’a expliqué ensuite : « Tout est de la faute de Christine, vous comprenez. Elle veut que je l’accompagne dans les voyages qu’elle fait à travers son royaume. Moi, je crève de froid, dans ce Septentrion ! J’ai bien envie de révoquer en doute la Suède ». À Valérie qui lui demandait ce qu’il désirait, il a seulement répondu : « Ce que vous voudrez, pourvu que ce soit très chaud ».
C’est ainsi que, retrouvant Cervantès pour déjeuner, je lui ai parlé de Descartes, lui expliquant dans quelle situation il se trouvait, perpétuellement enrhumé, le pauvre. Miguel est compréhensif. Avec son merveilleux accent espagnol, il m’a répondu : « Je vais l’inviter chez moi. Je viens justement d’acquérir une petite maison sur la Costa Brava. C’est à Ampuriabrava, non loin de Castello de Ampurias. Enfin, je devrais le dire en catalan... Qu’il vienne y passer l’été ». J’étais heureux pour René. Cervantès m’a ensuite confié les soucis que lui donnait en ce moment son maître-livre. « Imaginez, Jacques ! Il vient de paraître une version abrégée de Proust. Mais si, mais si. Toute la Recherche en cinq cents pages. On m’a écrit récemment : l’édition française qui, comme vous le savez, est en-dessous de tout, veut faire la même chose pour moi. Vous voyez ? Le Quichotte en quarante pages. Qu’est-ce que c’est que ça ? » Valérie qui, à ce moment précis, déposait devant son dessert devant lui, a répondu : « Une mousse au café. C’est ce que vous avez commandé ».
Je ne sais pas pourquoi tout le monde vient pleurer sur mon épaule. Enfin, les amis sont là pour ça. Voilà ce que je me dis en entendant Homère me confier son agacement devant ses propres œuvres. « Du light, voilà ce qu’il faut, Layani ! Du light. L’Iliade, tout ça, L’Odyssée, c’est fini. Dépassé. Je vais faire un livre nouveau, formidable. Ça se passera en région parisienne, les navires seront des péniches qui descendront la Seine. Soixante-dix pages en gros caractères. Plus de champs de bataille, des champs de courses ! » Je dois faire une drôle de tête. « Croyez-moi, reprend-il. Le light, c’est l’avenir. Tous les éditeurs voudront faire paraître cet ouvrage. Au lieu de L’Odyssée, j’intitulerai ça L’eau d’Issy ». Et Christelle, qui l’entend en passant : « Évian, Badoit, Vittel, Perrier, si vous voulez. Issy, nous n’avons pas ».
À suivre
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vendredi, 23 décembre 2005
Au café du coin, 4
Il a l’air sombre, Fleming, aujourd’hui. Je l’interroge du regard. Je ne veux pas le forcer à s’exprimer, mais je sens un grand désarroi. « Je suis un minable », finit-il par lâcher. Je m’insurge immédiatement : « Sir ! » Il reprend, la voix tristement insistante : « Si si. Vous comprenez, Jacques, la pénicilline, c’était un jeu d’enfant, n’est-ce pas ? On peut être bienfaiteur de l’humanité à peu de frais. Le Nobel, pensez ! ». Mon étonnement ne l’arrête pas. « Mais à présent ? Vous vous rendez compte, je ne peux rien faire ! Je ne peux pas trouver le vaccin définitif contre le sida ! Je n’y arrive pas ». Il se tait, consterné. Je laisse couler un silence pudique mais prends garde qu’il ne s’installe. « Alexandre ». J’ai parlé tout bas, il lui faut un murmure d’amitié compréhensive. « Tout est de ma faute », ajoute Fleming. Il tripote son nœud papillon, bafouille, se reprend, puis : « Si j’appelais Pasteur ? Ah, ça m’embête... » Il ne prête attention à rien et Christelle le regarde ébahie, verser le contenu de son verre de vin dans la sauce de son pavé au poivre.
C’est au solstice d’hiver que Michel-Ange est venu déjeuner avec moi au Campo. Il s’était légèrement blessé à l’œil, certainement à cause d’un éclat de marbre de Carrare, tandis qu’il sculptait. Je lui en fis bêtement la remarque et, très méprisant, il répondit : « Tu ne veux pas que je travaille le plastique, par hasard ? » Je me le suis tenu pour dit. Il louchait sur Valérie, je comprenais qu’il était en train de la réinventer, de la modeler à sa manière, mentalement. Valérie par Michel-Ange, c’est du nanan. En attendant d’être servi, il regardait le plafond, obstinément. J’ai compris. À mon avis, le Campo ne tardera pas à être en travaux. Si c’est ça, les tarifs vont augmenter.
César m’écoute attentivement. Je lui demande ce qu’il pense des événements actuels et son opinion sur les dissensions existant entre Villepin et Sarkozy. Il s’exclame : « Nous sommes en pleine guerre des Gaules ! » et, mâchonnant son carpaccio de saumon accompagné de pommes sautées, grogne : « Je vais récrire des Commentarii ». Tout de même, Chirac et Sarkozy… Je tente de mieux connaître son opinion mais il est aujourd’hui peu loquace. Il marmonne, j’entends vaguement : « Hein ! Brutus, voilà… Tu quoque, filii… » Son téléphone sonne, il ne décroche pas mais jette un regard au cadran lumineux : « C’est Salluste, il m’ennuie ». Et il termine le gamay.
Il est là, le regard exigeant, la chevelure ample, le verbe définitif. En même temps, je sens une tendresse assurément, derrière le geste magnifique. « Votre blog est faible », me dit-il. Je m’y attendais. Je sais qu’il a raison, que puis-je donc dire ? « Oui, c’est exact ». Il paraît satisfait de ma réponse. « Vous en êtes conscient, parfait. Il vous reste deux solutions : vous relevez le niveau ou vous fermez ». Diable, que puis-je faire d’autre, en effet ? Je tente une timide sortie : « Pourtant, on ne cesse de me dire qu’il est difficile, ardu… » Il tranche sans appel : « Plaisanterie. Il est inepte. Fermez-le ». Je me tais, écrasé. Et soudain, son regard s’illumine, il se lève, il doit partir. Déjà, il regarde loin, il n’a même pas dû s’apercevoir que Christelle était totalement subjuguée par son allure, sa prestance, sa voix. Je le raccompagne jusqu’à la porte : « Au revoir, André ». Nous nous serrons la main. Tout en majesté, Breton s’éloigne vers le bas du boulevard.
À suivre
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vendredi, 16 décembre 2005
Au café du coin, 3
Évidemment, connaissant la modestie du lieu, j’ai hésité à inviter Louis XIV au Campo. Le Roi-Soleil, pourtant, est un homme simple. Il me parle de Mme de Maintenon en avalant un pavé cuit à point et m’entretient des soucis que lui donne La Fontaine. Le poète n’a pas hésité à le moquer publiquement par une fable intitulée Les Animaux malades de la peste. « Je n’ai pas cillé », ajoute Sa Majesté. J’ai souri car j’ai bien vu que Valérie, elle, le faisait ciller en lui apportant, au dessert, un tiramisu aux fruits rouges.
Lorsque Richelieu, de son large manteau vêtu, m’a rejoint à ma table, il a produit un certain effet, il faut bien le dire. « Éminence », l’ai-je salué en l’accueillant. Ses bottes étaient poudreuses : il arrivait de loin et ne voulut pas couper son téléphone portable car il attendait des informations politiques. « Vous voyez bien, Jacques, c’est important, je joue ma réputation ». Je l’ai assuré que je le comprenais. En mangeant une cuisse de canard à l’orange et aux navets, il m’a proposé d’entrer à son service, j’ai réservé ma réponse. À ce moment, Valérie tout à son travail, prenant un virage sur les chapeaux de roues, nous désigna du doigt : « Coffee ? » demanda-t-elle, déjà partie vers l’office. « Cette jeune personne est charmante », a estimé le cardinal.
Comme il y a beaucoup de monde au Campo, on est un peu serré. Heureusement, Jeanne d’Arc est menue. Je la regarde, en face de moi, grignoter un morceau de pain en mangeant une salade. Cette pauvre fille qu’on s’acharne à représenter blonde sous prétexte qu’elle vient de Lorraine, est brune en réalité. Une fois, elle est arrivée à cheval, ce qui n’a pas beaucoup d’importance, mais il a été difficile de l’installer à une toute petite table : elle était en armure. Je crois bien que, lorsque je déjeune avec Jeanne, Christelle est un peu piquée au vif. Il faudra que je m’en assure.
Le général de Gaulle est lui aussi très simple, comme Richelieu, comme Louis XIV, comme l’Empereur, comme tous mes amis qui déjeunent au Campo avec moi lorsque leurs occupations le leur permettent. Quand sa DS noire le dépose boulevard de l’Hôpital et qu’il entre dans l’établissement, Christelle est impressionnée, qu’elle l’avoue ou pas. Spontanément, d’ailleurs, tout le monde se lève et un grand silence s’établit. Cependant, chacun reprend vite ses esprits et son repas. Le général m’entretient ensuite des affaires de la France. Il fait mine d’ignorer mon amitié avec Sartre, l’indéfectible affection qui me lie à Cohn-Bendit, il est au-dessus de ces contingences. « La France libre, Layani ! Il n’y a que ça » me dit-il quelquefois en s’en allant. À son chauffeur, il lance : « Nous rentrons, Marroux. Direction Colombey ». J’ajoute qu’au rebours de Léonard de Vinci, le général paie toujours l’addition.
Je prends quelquefois des leçons de grandeur avec Victor Hugo, lorsque ses multiples tâches l’autorisent à déjeuner en ma compagnie d’une brochette accompagnée de tagliatelles. Valérie, qui se permet tout – elle pourrait être sa petite fille, mais j’ai comme l’impression qu’il ne la regarde pas du tout comme telle – l’appelle « Mon Totor chéri », comme le faisait Juliette Drouet. Le poète, grand séducteur devant l’Éternel, ne désapprouve pas. Hugo peut regarder bouger les hanches de Christelle tout en évoquant pour moi sa prochaine œuvre de géant. Je lui demande : « Maître, pourquoi ne sanctionnez-vous pas Chirac de traits vengeurs, altiers, ainsi que vous le fîtes pour Napoléon-le-Petit ? » Hugo me regarde fixement et, au bout d’un temps de silence, me dit : « Je suis trop vieux. Je n’ai plus de temps à perdre avec la misère intellectuelle ».
(À suivre)
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vendredi, 09 décembre 2005
Au café du coin, 2
Apollinaire fait une exception pour moi. Il accepte de déjeuner à deux et d’être raisonnable. Je m’explique. Apollinaire est fort gourmand. Un de ses jeux consiste à se rendre au restaurant avec deux amis et à commander toute la carte. Le premier qui craque avant la fin paie l’addition. Jeu que je ne puis jouer, naturellement. Quand nous mangeons ensemble au Campo, donc (j’avais omis de vous dire que le bistrot en question se nomme le Campo), le cher Guillaume se contente d’un repas plus classique. Je prends garde, connaissant sa propension au désespoir amoureux, à ce que Christelle ne lui tape pas trop dans l’œil. Pourtant, en le regardant marcher à mes côtés boulevard de l’Hôpital, je peux lire sur son visage le souvenir du pont Mirabeau et de Marie Laurencin s’éloignant vers Auteuil.
J’ai raconté à Ravel, dernièrement, cette histoire vraie. Visitant une nouvelle fois sa maison de Montfort-l’Amaury, je me suis entendu répéter plusieurs fois par la personne chargée du lieu que je ressemblais au maire de la commune. J’eus beau la détromper, elle insista longuement et ne fut pas totalement persuadée par ma réponse. Ravel, ce jour-là, paraissait distrait et négligeait son plat du jour. Ni Christelle ni Valérie ne devaient l’intéresser, je suppose : on ne lui connaît aucune liaison. Peut-être pensait-il à quelque œuvre nouvelle ? Ou bien son horrible tumeur au cerveau…
Il m’est encore arrivé de partager mon repas avec Flaubert qui, ce jour-là, en avait contre Sartre. Il tonitruait : « L’idiot de la famille ! Moi ! Non mais… Pour qui se prend-il, ton Sartre ? Ton Popaul ? Comment peux-tu nous compter tous deux parmi tes amis ? » La serveuse qui, je l’ai dit, en pince pour Sartre se retenait à grand peine ; je crus qu’elle allait intervenir. Je risquai (je précise que, si Flaubert me tutoie, je continue de lui donner du « vous », c’est la moindre des choses) : « Vous savez, Gustave, Sartre s’en est pris aussi à Baudelaire ». Mais Flaubert aime Baudelaire et mes propos firent redoubler sa colère. Bref, je devais aller reprendre mon travail et nous sortîmes très vite, non sans qu’il se fût effacé et incliné devant une dame qui entrait à ce moment-là. Je l’interrogeai du regard : « C’est ma chère Emma » me répondit-il avant de remonter le boulevard.
Picasso est ennuyé chaque fois qu’il déjeune dans un restaurant. Le patron veut toujours lui offrir son repas et ne manque jamais de solliciter un petit dessin en échange. L’ami Pablo s’exécute fort gentiment. Le patron, alors : « Maître… Vous avez oublié de signer ». Et Picasso, fine mouche : « Je paie mon repas, je n’achète pas le restaurant ». Au Campo, pas de ça. On le connaît. Lorsqu’il lui laisse un chèque, Christelle se contente de ne pas l’encaisser. C’est du pareil au même.
(À suivre)
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vendredi, 02 décembre 2005
Au café du coin
Comme tout le monde, je déjeune quelquefois avec des amis. Je dispose de peu de temps lors de la pause méridienne – ah, cette expression technocratique ! – et nous nous rendons par conséquent dans un petit café du boulevard de l’Hôpital, non loin de l’endroit où je travaille. C’est un établissement où l’on mange plutôt bien, pour peu d’argent ; qui plus est, la serveuse est aimable et la patronne jolie.
L’autre jour, Léonard de Vinci est venu partager avec moi un travers de porc arrosé de merlot. Il louchait un peu sur la serveuse et m’a fait confidence, le vin sans doute ayant produit quelque effet, de la forte impression que lui faisait ce qu’il nomma son « tambourin ». J’étais ennuyé car j’avais espéré de Vinci un propos plus élevé, mais demeurait en moi l’espoir de voir naître bientôt une nouvelle Joconde. Il faut ce qu’il faut. Léonard, cependant, a le don de se déclarer en retard et obligé de partir au moment de régler l’addition. Je m’y suis fait, il est si charmant le reste du temps.
J’ai coutume d’inviter Einstein, également. Si je passe sur le fait qu’invariablement, il salit sa moustache, je ne suis pas mécontent de pénétrer dans le restaurant en sa compagnie. Même sans merlot, l’effet est garanti. Il faut dire qu’il a de l’allure et que son visage attire la sympathie. Enfin, l’autre jour, je n’étais pas très tranquille, à le voir griffonner des formules de physique et de mathématiques sur la nappe en papier (avec lui, on ne sait jamais ce qui peut advenir), s’absorbant de plus en plus dans ses pensées tandis que Christelle – la taulière – lui demandait s’il désirait un café : « Et pour monsieur Albert ? », s’impatientait-elle, le pied nerveux tapant du talon.
L’autre jour, déjeunant avec l’Empereur, j’ai commis une bévue. J’avais purement et simplement oublié l’anniversaire d’Austerlitz. Napoléon en fut attristé et son humeur s’assombrit encore lorsque la serveuse lui déclara qu’elle n’avait plus de mousse au café, son dessert préféré. Il devait se dire que ce n’était pas son jour. « Sire, ai-je tenté, peut-être qu’une île flottante… » La gaffe ! L’Empereur ne supporte plus les allusions aux îles. Il crut que je me moquais… Il est parti furieux. Devant le café, Las Cases l’attendait, qui lui ouvrit, l’air digne, la portière arrière de sa Mercédès noire puis s’installa au volant.
Christelle a compris qu’elle ne devait rien proposer à Beethoven, puisqu’il n’entend pas. Elle dépose donc l’ardoise sur la table, sous son regard. Il choisit et clame le nom du plat, très fort. Christelle n’a pas besoin de noter la commande, le cuisinier l’entend depuis ses fourneaux : « Et une raie, une ! » Impossible, toutefois, d’obtenir du serveur, au bar, qu’il ne salue pas mon ami, lorsqu’il entre, d’un très machinal « M’sieur Ludwig ».
J’hésite, chaque fois que Verlaine me téléphone, à l’accepter comme commensal. Il est trop vite ivre, c’est ennuyeux, surtout pour ma réputation, l’ensemble des clients de l’endroit provenant de l’antenne de l’université implantée sur le trottoir d’en face ou de la grande école qui m’emploie. J’ai même coutume de dire « L’annexe » en parlant du restaurant. Mais quoi ! La conversation de Lélian est passionnante et, chaque fois, le bougre m’émeut considérablement. Il ne s’est jamais remis du départ de Mathilde, de ne plus tellement voir son fils Georges, de l’abandon de Rimbaud : la dernière fois qu’il l’a croisé, à Stuttgart, l’Ardennais l’a roué de coups, l’ingrat, le laissant pour mort sur le bord du chemin. Le décès de Lucien Létinois a ensuite abattu le pauvre Verlaine. Alors, mon Dieu, je le laisse boire plus que de raison.
Je soupçonne la serveuse d’avoir un faible pour Sartre. Sait-elle qu’il est déjà couvert de femmes ? Il faut dire qu’il est extrêmement généreux et laisse en pourboire l’équivalent du prix du repas. Il me confie : « Robert Gallimard trouve toujours que j’exagère. Il me dit que c’est trop. Mais pourquoi ? » Entre nous, je ne suis pas certain que Sartre trouve très correct le « Popaul » que lui donne Christelle, lorsqu’elle l’accueille. Il sourit à moitié lorsqu’elle se permet cette familiarité mais c’est dans la moitié manquante que je sens son désaccord. Comme il est très gentil, il ne dit rien. Tout en mangeant, il lit un ouvrage au titre compliqué. Il ne perd pas un mot de notre conversation. Au dessert, il la résume puis me parle en détail de l’ouvrage qu’il vient de lire. Bref, c’est Sartre. Une intelligence rare. Oui… Il boit trop, lui aussi.
À suivre
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vendredi, 25 novembre 2005
Un chien vaut mieux que deux tu l’auras
Petit jeu du vendredi. Jeu de langue, en vérité.
Si les enfants ont la tournure animalière aisée et fréquente, les adultes ont aussi, dans leur langage familier, cette même habitude. L’allusion canine, surtout, pullule dans notre parler.
Elle peut être métaphorique : un temps de chien ; la queue basse ; la queue entre les jambes ; baisser (ou dresser) l’oreille ; ne sois pas chien ; je lui garde un chien de ma chienne ; fidèle comme un chien ; avoir du flair ; donner (laisser) sa part au chien ; jeter (livrer) aux chiens…
Elle est aussi du domaine des proverbes : les chiens ne font pas des chats…
D’autres expressions vous viennent-elles à l’esprit ?
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vendredi, 18 novembre 2005
Au royaume des pseudonymes
Petit jeu du vendredi. Saurez-vous trouver les noms réels et-ou les pseudonymes de :
Dominique Aury ; Romain Gary ; Jean de Mesmaeker ; Fosco Sinibaldi ; Joseph Gillain ; Shatan Bogat ; Robert François ; Émile Ajar ; César Baldaccini ; Pierre Culliford ; Raimu ; Paul Eluard ; Julien Gracq ; Orane Demazis.
Il y a évidemment des indices et des pièges. Tout participant surpris en train de faire appel à la société de dépannage Google et fils sera interdit de jeu. Les réponses partielles ne seront pas prises en compte, naturellement.
Il n’y a rien à gagner.
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