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jeudi, 31 janvier 2013

Les deux Thérèse

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Le chef d’œuvre de Mauriac, Thérèse Desqueyroux, adapté par Franju en 1962, avec des éclairages somptueux, un montage irréprochable et des plans très intéressants – voilà la supériorité définitive du noir et blanc sur la couleur.
La distribution est impeccable de bout en bout : Emmanuelle Riva, Philippe Noiret, Sami Frey, Édith Scob… La direction d’acteurs est parfaite.
L’adaptation a reçu le concours de Mauriac lui-même, assisté de son fils Claude, et c’est également Mauriac qui a écrit les dialogues, ainsi que le monologue intérieur de son héroïne.

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Autant dire qu’on touche à la perfection et que le remake de Claude Miller, sorti en 2012, ne présente aucun caractère d’indispensabilité. D’autant moins que Miller a choisi la narration chronologique la plus bête quand le roman – et Franju avait conservé cela – s’ouvre sur Thérèse sortant du palais de justice en ayant bénéficié d’un non-lieu. Il ne faut pas se tromper de choix narratif car ici, le retour arrière a un sens authentique. On revient d’ailleurs au présent de l’action, à partir de l’arrivée de Thérèse chez elle. Miller a fait une erreur et je crois que c’est cela qui m’empêche d’aller voir son film, outre le fait que le réalisateur paraît, si j’en crois les images et la bande-annonce, être tombé dans tous les pièges de la reconstitution léchée et pourléchée. Cette reconstitution pour laquelle je choisis toujours un critère un peu sot, certes, mais irréfutable : les voitures. Dans la quasi-totalité des cas, les voitures, louées fort cher à des collectionneurs pointilleux, sont toujours rutilantes. Il n’y avait pas de voitures sales ou cabossées, du temps de Thérèse ? Jamais ? Au moins, chez Franju, la 403 de la famille (il a transposé l’action en 1962, au temps présent des spectateurs d’alors), après avoir roulé dans des chemins de campagne par temps de pluie, est sale. Ça n’a l’air de rien, mais cela évite de donner à l’image l’aspect d’un catalogue de constructeur automobile ou celui d’un journal de mode.

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mardi, 29 janvier 2013

Quand ils ne meurent pas, les aventuriers vieillissent mal

Je ne sais plus si j’avais vu Les Aventuriers lors de sa sortie, en 1967, mais je me rappelle avoir pris un grand plaisir à le regarder, il y a plusieurs années, à la vidéothèque des Halles. Je l’ai revu hier soir à la télévision. Je n’ai pas ressenti la même chose.
Les artifices techniques,  aujourd’hui, sautent aux yeux. La descente en rase-mottes des Champs-Élysées par Delon pilote de monoplace est sans appel : on ne voit que la transparence, trucage alors habituel. La foule qui proteste sur l’aérodrome africain, que l’on découvre en retour arrière, narrée par Reggiani, cette foule mécontente que doivent contenir des militaires, demeure ce qu’elle est : des figurants obéissant scrupuleusement aux consignes et réagissant au signal. La vision censée être celle de Delon et Ventura, qui, tout en marchant, observent l’intérieur d’un atelier où travaillent des ouvrières, ne laisse voir aujourd’hui qu’un travelling sur rails, trop « lisse » qu’elle se trouve être, cette vision, et pas assez « heurtée » pour être celle de deux hommes qui se déplacent. La technique est vraiment ce qui, dans un film, vieillit le plus vite et, hélas, le plus mal.
L’histoire est toujours sympathique : deux aventuriers généreux comme il n’est pas permis, gamins grandis qui s’amusent à vivre leurs rêves et qui, seuls avec une femme dans un bateau pas très grand, ne la touchent pas, ne tentent rien, se comportent en amoureux transis ; deux aventuriers qui distribuent la part du trésor, revenant à la fille décédée, à son cousin, un gamin fils d’épiciers aux sentiments minables, seule famille de la disparue qu’ils se sont donnés un mal fou à retrouver. Bref, des aventuriers extrêmement improbables, comme on ne disait pas alors, mais attachants. À la fin, un beau combat dans un fort désaffecté, sur une île, où les héros se battent avec des armes abandonnées là, autrefois, par les nazis, Delon tué et Ventura qui descend les assassins à coups de grenades allemandes, ces grenades qu’on appelait des « tampons à soupe ». Ça a « de la gueule », comme on dit, mais sur un écran de télévision, ça ne donne pas grand-chose. Une belle histoire, donc – une esthétique de bande dessinée, une interprétation, faut-il le dire, impeccable –  mais l’histoire étant ce qui m’intéresse le moins dans un film, je n’ai pas retrouvé la joie ressentie lors de la première vision.

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jeudi, 24 janvier 2013

Il y aura autre chose

Mazuet.gifJe lis le bref libelle de Dominique Mazuet, libraire à Paris, qui s’élève contre le livre numérique et contre les ventes en ligne d’ouvrages. Il a voulu lui donner un titre de forme classique, Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers, augmentée d'une réponse aux objections courantes composant un court Essai contre la dématérialisation du monde. Bien que beaucoup de choses soient proches de moi dans ce petit ouvrage qui se veut pamphlétaire (mais ne l’est guère, Mazuet écrivant vraiment très mal et très lourdement), je pense que son auteur se trompe du tout au tout. Il y a de la place pour tout le monde.
On sait ici l’intérêt que je porte au papier imprimé. J’ai été employé de librairie, documentaliste, bibliothécaire, revuiste, archiviste, je suis auteur et, évidemment, lecteur. Je suis extrêmement attaché au livre.
Sont arrivées les tablettes, les liseuses et, comme chaque fois qu’une nouveauté apparaît, on s’étripe. Les partisans du livre en appellent à six siècles d’imprimerie, les autres avancent que le lire est plus important que le livre – ce qui non seulement n’est pas idiot mais est bien formulé, il faut le reconnaître. Le lecteur tranchera, comme toujours, et lui seul.
Je ne crois pas que disparaîtront les libraires, pas plus que le livre, qui n’a été tué ni par la radio, ni par le disque, ni par la télévision, ni par la cassette audiographique, ni par la cassette stéréo-8, ni par la cassette vidéographique, ni par le disque compact, ni par le vidéodisque, ni par le DVD, ni par Internet, ni par le mp3, ni par... Pourquoi serait-il mis à bas aujourd’hui, alors que la liseuse est tout de même ce qui se rapproche le plus possible de lui ?
Je lisais Mazuet ce matin dans le métro quand, levant les yeux, j’aperçus devant moi un homme jeune, porteur d’une liseuse. C’était amusant. J’ai jeté un œil : il s’agissait d’un roman policier. Au passage, je signale que l'ouvrage du libraire protestataire est en vente en ligne, y compris chez son ennemi déclaré Amazon, ce qui constitue un insolent pied-de-nez.
Amis libraires, organisez-vous et faites-vous une place nouvelle tandis que le livre numérique trouve la sienne sans vous demander votre avis. S’il faut vous rassurer contre je ne sais quelle peur, dites-vous que le numérique lui-même sera détrôné un jour. Pourquoi le mouvement cesserait-il ? Après le livre numérique, il y aura autre chose, évidemment. Quoi ? La vie.

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lundi, 21 janvier 2013

Qu’on me décharge de Témoin à charge

marlene_dietrich_temoin_charge-03.pngJe n’avais jamais vu jouer Marlène Dietrich. Je reconnais qu’à soixante ans et quelques malencontreuses poussières, ce n’est pas très flatteur. Au vrai, en y réfléchissant, j’ai vu, si l’on peut dire, L’Ange bleu lorsque j’étais petit, dans les années 50. Mon père mettait sa main sur mes yeux, chaque fois qu’il estimait, certainement à raison, que la scène à l’écran n’était pas indiquée pour un enfant. Autant dire qu’il ne me reste rien de L’Ange bleu.
J’ai regardé l’autre soir, à la télévision, Témoin à charge, film de 1957, sans intérêt. Les rebondissements d’une intrigue molle, adaptée de la pénible Agatha Christie, sont classiques. Le final à double ou triple détente est un procédé trop connu pour ajouter quelque chose à ce film considérablement vieilli et très impersonnel, sentant le studio à deux kilomètres. Aucun effet de montage, de filmage, aucun coup de caméra, aucune beauté plastique.
Il ne peut être sauvé de cela que l’interprétation impeccable de tous les acteurs et, bien évidemment, celle de Marlène Dietrich elle-même, magnifique, excellente. Pour le reste, quel ennui.

mercredi, 16 janvier 2013

Pia est un fleuve sans fin

Pia.jpegEn 2013, mis en appétit, j’ai écrit aux éditions du Lérot pour leur demander s’ils envisageaient de procéder à la publication en volume des articles de Pascal Pia parus dans La Quinzaine littéraire et le Magazine littéraire. Il m’a été répondu que cela n’était pas prévu à cause de problèmes de droits, mais que, toutefois, il demeurait encore « un important ensemble d’articles inédits en volume et toujours parus dans Carrefour », ce qui m’a laissé sans voix. L’histoire, par conséquent, se poursuivra.

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Un faux Baudelaire

Courtisane_title.jpgJe possède un exemplaire du pastiche de Baudelaire, À une courtisane, que Pascal Pia publia et préfaça en 1925, avec les huit eaux fortes originales de Pierre Creixams. Il est relié cuir bleu-nuit et papier, titres dorés, les couvertures conservées. Lorsque mon ancien beau-père, qui l’avait acquis en 1976, me l’offrit en 1979, je ne pense pas qu’il savait de quoi il s’agissait. Moi-même, en tout cas, ignorant tout de ce faux, que Gallimard avait admis dans le premier Baudelaire de la collection « La Pléiade », j’étais allé vérifier, dans Les Fleurs du mal : le texte n’y figurait pas, évidemment, et j’avais imaginé qu’il s’agissait vraiment d’une œuvre libre, comme on disait autrefois, parfaitement indépendante du recueil sublime que des imbéciles condamnèrent en 1857. Lorsque, en 2012, j’ai commencé à m’intéresser de près aux travaux de Pia – au vrai, j’avais lu, quelque vingt ans plus tôt, son Apollinaire, comme j’avais apprécié les souvenirs de Nadeau à son sujet –, j’ai connu cette histoire, j’ai brusquement réalisé que je possédais ce texte depuis longtemps. Le cuir du dos a été partiellement usé par le temps : il est comme rongé par endroits, alors que j’ai reçu l’exemplaire en très bon état et que je ne l’ai jamais abîmé moi-même.
Je suis ahuri de constater, au lu des notices présentes sur Internet, que certains libraires d’anciens proposent aujourd’hui encore ce livre comme un inédit de Baudelaire. Pas tous, certes, mais cela arrive. Lorsque Pia commit ce faux, il était âgé de vingt-deux ans à peine. Dans son introduction qu’avec culot il intitula Notes en marge d'un poème, il avançait que le poème s’était retrouvé chez un viticulteur de l’Hérault, où il avait pu en prendre copie.
Un des exemplaires en vente à l’heure où j’écris, le n° 257, porte cette dédicace admirable de Pia : « À Robert Chatté, son ami Charles Baudelaire – ou plus modestement P. P. ». Robert Chatté, libraire à Montmartre, était spécialisé dans les livres érotiques. Il avait une clientèle d’initiés et demandait, pour leur ouvrir, qu’ils fissent un signal précis. Il fut l’éditeur de Bataille, en 1941. Chatté donna plus tard le volume à M. A. Drouet, et se fendit à l’occasion de cet excellent ex-dono : « Toujours de la part de Baudelaire, empêché. R. C. ». Ironique et superbe, Pia se permettra plus tard d’écrire, dans sa somme bibliographique Les Livres de l’enfer : « Quoique ce pastiche de Baudelaire (...) ne soit pas des plus réussis, quelques exégètes du poète des Fleurs du mal l’ont pris au sérieux. Nous n’aurons pas la cruauté de les nommer ».

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mardi, 15 janvier 2013

L'Apollinaire de Pia

De l’Apollinaire de Pia, un des livres les plus attachants qu’il m’ait été donné de lire, il peut être dit la même chose que de son Baudelaire. Paru en 1954, il connut aussi de multiples présentations, avec cet avatar : un passage dans la collection « Points », puis il sombra en même temps que le Seuil. Aujourd’hui encore, des exemplaires en très grand nombre sont disponibles partout. Il se dit cependant que Mme Apollinaire, « la jolie rousse » comme la nommait le poète, se montra irritée par ce livre. Elle l’écrivit, aux alentours de sa parution, dans des lettres adressées à Bernard Poissonnier. Cette correspondance est passée en vente en 2006, mais, ne l’ayant jamais lue, j’ignore les raisons du courroux de Jacqueline Kolb, épouse Apollinaire.

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Le Baudelaire de Pia

3297695551.jpgLe Baudelaire de Pascal Pia a le même âge que moi. Tous deux, nous avons été publiés en 1952. Il est vraiment remarquable qu’une monographie soit considérée, après plusieurs décennies, comme toujours recevable : seule la bibliographie fut, au cours des nombreuses réimpressions, remise à jour. Ce livre serait certainement encore réimprimé si le Seuil existait toujours, autrement que comme une simple marque commerciale du groupe la Martinière. On trouve toujours, d’occasion, des exemplaires nombreux, dans les présentations successives que connut l’ouvrage.

134376359.jpgC’est certainement que Pia, fidèle en cela à l’esprit de la collection, traite Baudelaire « par lui-même », ainsi que le recommandait le sous-titre. C’est en effet dans son œuvre qu’il va chercher le poète et, s’il ne s’interdit pas l’allusion biographique, il se garde bien de tout biographisme (le mot, au vrai, n’existait pas alors).
2576122379.jpgBien entendu, toute lecture de Pia donne l’occasion d’une moisson de mots peu usités et savoureux : vulgivague, par exemple.

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lundi, 14 janvier 2013

Mariage homosexuel, une fois de plus

Ainsi donc, ce que la France, pays des Lumières et des Droits de l’Homme, compte de plus ringard, de plus passéiste, de plus médiéval, de plus obscurantiste, a défilé hier contre le mariage homosexuel, déjà instauré dans de nombreux pays dont la très catholique Espagne, pays qui, tous, ont survécu à ce que l’on nous présente comme une apocalypse qui ne serait pas de Saint-Jean.
Naturellement, toutes ces forces du passé et de l’ordre moral se défendent de toute accusation d’homophobie (comme ça y ressemble, cependant) et prétendent défendre (contre qui ?) les valeurs traditionnelles de la France (lesquelles, vraiment ?) et de la famille, alors que la famille « classique » n’est nullement menacée et qu’il s’agit uniquement de faire vivre légalement, à ses côtés, de nouvelles familles, lesquelles existent déjà, d’ailleurs. Il n’est question que de leur conférer un cadre légal.
L’archevêque de Paris a fait savoir qu’il ne s’agissait pas d’une manifestation de l’Église contre le gouvernement (comme ça y ressemble, cependant). Il n'empêche que l’Église, totalement manipulée par l’UMP, n’a pas craint de marcher main dans la main avec le Front national. L’hypocrisie des cortèges et des points de départ différents ne saurait tromper personne, le lieu d’arrivée étant le même et les buts identiques.
Les chrétiens de gauche, étrangement étouffés depuis quelques semaines, hormis une prise de position parue dans Témoignage chrétien, souffrent d’être assimilés au troupeau bêlant et à la crétinerie avancée dont témoignent leurs frères en Christ qui, après avoir chanté l’amour, la charité, l’égalité de tous dans le cœur de Dieu, sont allés, à la sortie de la grand-messe dominicale, manifester.
Le nombre de participants, si l’on établit une cote mal taillée entre les chiffres avancés par les organisateurs et ceux délivrés par la préfecture de police, doit se situer aux alentours de cinq à six cent mille, ce qui est fort peu pour un soi-disant enjeu vital, historique, séculaire.
J’espère de tout mon cœur que le gouvernement ne se dégonflera pas et que, d’ici quelques semaines, cette loi sera adoptée et s’imposera à la République. Dans peu d’années, on se demandera comment on a pu seulement en parler, tant le mariage dit « pour tous » sera entré dans les mœurs, tant les enfants élevés par deux hommes ou par deux femmes seront intégrés dans la société. Faut-il encore, en 2013, l’assurer : les homosexuels doivent jouir des mêmes droits que l’ensemble de la population, ou bien alors, qu’on les dispense d’avoir les mêmes devoirs et,  pour commencer, de payer l’impôt sur le revenu, par exemple.
D’ores et déjà, nos amis des pays du Nord se penchent à leur balcon septentrional et soulignent d’un rictus amusé le sentiment de désuétude que leur inspire notre vieux, indécrottable pays latin.

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mercredi, 09 janvier 2013

Petit volatile et petit baiser

Comme je l’ai dit, j’ai découvert chez Pascal Pia des mots goûteux, savoureux, piquants, imprévus, peu usités : cant, petite-oie, pataphar, oaristys… J’ajoute, pour le plaisir, puffiste, sotadique et l’extraordinaire chastie-musart. Évidemment, on n’emploie pas ce vocabulaire à la télévision, mais tout le monde ne parle pas TF 1.

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Toutefois, c’est petite-oie qui me séduit le plus. Consulté, mon vieil ami Littré, venu déjeuner avec moi, m’a informé qu’il s’agissait des petits morceaux de l’oie (le cou, les pattes) que l’on découpait avant de préparer la bête elle-même. Connaissant sa malice, je lui ai demandé s’il n’existait pas un sens plus familier. Le cher Émile m’avoua donc que, d’une dame ne concédant à son amant qu’un simple baiser, sans daigner poursuivre, on disait qu’elle ne lui accordait que la petite-oie.
Charmant, tout de même, n’est-ce pas ?

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lundi, 07 janvier 2013

Lecture immense

Je poursuis la lecture de Pascal Pia. Chez lui, j’ai appris de nombreux mots : cant, petite-oie, pataphar, oaristys… Je regrette de ne pas les avoir tous notés, c’est une erreur. On ne peut pas, cependant, lire trois mille pages en gardant en permanence un crayon à la main.
J’ai entrepris cette traversée des chroniques littéraires parues dans Carrefour au printemps dernier et, si je ne suis toujours pas parvenu au bout du voyage, j’ai tout de même lu, dans l’intervalle, quatre autres ouvrages (de deux auteurs d’ailleurs découverts grâce à Pia et d’un autre, qui n’a rien à voir) et, dans le même temps, d’autres livres de Pia : sa correspondance avec Camus, puis celle qu’il échangea avec Hellens.
Lecture immense, océanique, que ces articles hebdomadaires répartis sur près d’un quart de siècle.

12:22 Publié dans Pascal Pia | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 01 janvier 2013

Un sujet éculé

images.jpegAlain Corneau nous a offert, avec Crime d’amour que je viens de voir, bien tardivement, mais cela n’a pas empêché la terre de tourner, un mélange de son cru. Une histoire dans la veine de Police Python 357 et de La Menace, ses excellents premiers films, mais il a travaillé cette fois dans une écriture proche de l’adaptation qu’il avait faite de Stupeur et tremblements, dont j’ai parlé précédemment. On entend d’ailleurs, au cours du film, un petit air dans la manière japonaise.

La direction d’acteurs est presque inexistante et il ne suffit pas d’avoir recours à des décors systématiquement glacés pour que la glace du propos prenne suffisamment et que le spectateur s’en trouve refroidi. Tous les intendants le disent : on n’abuse pas des surgelés.

Le sujet est éculé (La Tourneuse de pages de Denis Dercourt, film que j’ai aussi évoqué, ressemble à celui-ci par bien des côtés, ainsi que, d’une certaine manière, l’angoissant Jeune fille partagerait appartement) et cela se sent dès la première scène : une femme, Isabelle, vampirisée par une autre, Christine, laquelle fait finalement les frais de la vengeance de celle qu’elle a détruite, moquée et publiquement humiliée, lorsque Isabelle s’avère finalement plus forte qu’elle. On ne sait même pas ce que veut vraiment l’affreuse Christine, qui possède déjà tout. Plus que tout ? C’est une des faiblesses du récit.

Pas une once de critique sociale, ici, quand le sujet l’appellerait, au moins en passant. Cette entreprise qui nous est montrée est un prétexte et, comme il faut bien que, de loin en loin, soit évoquée son activité, on en fait une multinationale de l’agroalimentaire, qui fabrique de la mal-bouffe en gagnant énormément d’argent, mais chut, cela ne doit pas se dire expressément. Le policier ressemble à un droguiste ou à un patron de bar et, logiquement, il devrait, tout en faisant son travail,  se défier considérablement de ce monde qui n’est pas le sien, opposant son salaire de fonctionnaire à cette Christine achetant sans l’avoir vu un immense appartement à New York. Rien de cela. Le juge d’instruction n’est pas sûr de lui, il est fort mal campé. Les métiers, dans ce film, n’existent pas, ils sont faux, théoriques. Ils sont dits. On nous dit que ce juge est un juge, mais rien ne le montre ni ne le prouve.

J’attendais l’inévitable double détente, celle sans laquelle le film, aux effets téléphonés et aux surprises fort affadies (il est évident, dès qu’ils apparaissent, que les médicaments d’Isabelle sont des placebos), n’eût même pas pu être regardé. Elle survient à quelques brefs instants de la fin ; elle est, il est vrai, relativement inattendue, et plaisante. Cependant, elle ne suffit pas, c’est regrettable, à sauver l’ensemble de l’œuvre.

Il s’agit du dernier film de Corneau et c’est dommage pour lui. Décidément, le pauvre aura bien mal vieilli sur le plan de ses facultés créatrices. Conservons de lui Police Python 357, La Menace et Le Choix des armes. Ce sera bien suffisant (même le célèbre Série Noire est mauvais). Crime d’amour ne laissera pas un souvenir inoubliable.