mardi, 29 janvier 2013
Quand ils ne meurent pas, les aventuriers vieillissent mal
Je ne sais plus si j’avais vu Les Aventuriers lors de sa sortie, en 1967, mais je me rappelle avoir pris un grand plaisir à le regarder, il y a plusieurs années, à la vidéothèque des Halles. Je l’ai revu hier soir à la télévision. Je n’ai pas ressenti la même chose.
Les artifices techniques, aujourd’hui, sautent aux yeux. La descente en rase-mottes des Champs-Élysées par Delon pilote de monoplace est sans appel : on ne voit que la transparence, trucage alors habituel. La foule qui proteste sur l’aérodrome africain, que l’on découvre en retour arrière, narrée par Reggiani, cette foule mécontente que doivent contenir des militaires, demeure ce qu’elle est : des figurants obéissant scrupuleusement aux consignes et réagissant au signal. La vision censée être celle de Delon et Ventura, qui, tout en marchant, observent l’intérieur d’un atelier où travaillent des ouvrières, ne laisse voir aujourd’hui qu’un travelling sur rails, trop « lisse » qu’elle se trouve être, cette vision, et pas assez « heurtée » pour être celle de deux hommes qui se déplacent. La technique est vraiment ce qui, dans un film, vieillit le plus vite et, hélas, le plus mal.
L’histoire est toujours sympathique : deux aventuriers généreux comme il n’est pas permis, gamins grandis qui s’amusent à vivre leurs rêves et qui, seuls avec une femme dans un bateau pas très grand, ne la touchent pas, ne tentent rien, se comportent en amoureux transis ; deux aventuriers qui distribuent la part du trésor, revenant à la fille décédée, à son cousin, un gamin fils d’épiciers aux sentiments minables, seule famille de la disparue qu’ils se sont donnés un mal fou à retrouver. Bref, des aventuriers extrêmement improbables, comme on ne disait pas alors, mais attachants. À la fin, un beau combat dans un fort désaffecté, sur une île, où les héros se battent avec des armes abandonnées là, autrefois, par les nazis, Delon tué et Ventura qui descend les assassins à coups de grenades allemandes, ces grenades qu’on appelait des « tampons à soupe ». Ça a « de la gueule », comme on dit, mais sur un écran de télévision, ça ne donne pas grand-chose. Une belle histoire, donc – une esthétique de bande dessinée, une interprétation, faut-il le dire, impeccable – mais l’histoire étant ce qui m’intéresse le moins dans un film, je n’ai pas retrouvé la joie ressentie lors de la première vision.
10:01 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Ce matin, j'imagine ce fort en tant qu'immense sucre rongé par l'absynthe... L'humeur joue parfois des tours.
Bien sûr, on change et les choses ne peuvent que prendre, elles aussi, des rides. L'expérience, ce peut aussi être de voir tout cela et se dire qu'on peut en faire un jalon de sa vie, de cette façon, il me semble que le vieillissement est moins dur.
Écrit par : Martine Layani | mardi, 29 janvier 2013
Certes. Et d'ailleurs, j'aime beaucoup la bande dessinée.
Mais la technique...
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 29 janvier 2013
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