vendredi, 29 septembre 2006
Amélie-du-Japon
Lassé hier soir de mes travaux habituels et fatigué d’avoir regardé mes écrans professionnel et personnel toute la journée, j’ai – quelle exception ! – regardé la télévision. Pour se reposer les yeux, on peut trouver mieux. Pour se reposer l’esprit, c’est difficile car on ne fait guère plus médiocre. Bref, j’ai opté pour l’adaptation, par Alain Corneau, de Stupeurs et tremblements, d’après le « roman » d’Amélie Nothomb. C’est dire que c’était la soirée des exceptions, vraiment. Je précise que j’avais lu le « livre », en son temps. On ne dira pas que je suis borné.
J’ai été extrêmement déçu. J’ai même failli abandonner au bout d’une demi-heure, tant ce film était lassant, plein d’ennui et statique. C’est un huis-clos : il y a tout juste deux ou trois échappées à l’extérieur, mais ce sont des prétextes, on y voit des personnages marcher dans les rues. Un huis-clos, donc, qui se déroule dans les bureaux d’une entreprise japonaise. Je ne raconterai pas l’argument que tout le monde connaît, le « livre » étant célèbre. Mais voilà, ne manie pas le huis-clos qui veut, et Corneau, dont j’avais un parfait souvenir en tant que réalisateur de films d’action et d’aventures il y a trente ans (Police Python 357, La Menace, Le Choix des armes), s’est tranquillement fourvoyé dans une absence totale de mise en scène, des prises de vues inexistantes et un montage banalissime. Qu’est-il allé faire dans cette galère japonaise ?
Pour compenser l’absence de cinéma – je veux dire : de propos personnel à exposer et d’art de l’exposition – il fait appel à une voix off qui reprend les mots d’Amélie Nothomb, c’est-à-dire du rien, le Rien majusculisé par l’ennui et la platitude. Ce procédé fait ressortir davantage encore l’artifice total de cette prose. De plus, l’adaptation démarque le « roman » pratiquement scène à scène. Corneau n’apporte rien. Il n’est même pas capable d’un brin de folie. La scène la plus célèbre, celle où l’héroïne passe la nuit dans le bureau et fait l’amour avec un ordinateur avant de se coucher au sol et de se couvrir d’immondices n’est pas traitée avec le délire qui eût convenu. On nage finalement dans le plastique fondu. Le film devient une caricature du Japon en même temps que d’Amélie Nothomb, qui en est déjà une par elle-même. Et l’on se dit que la musique de Bach pour accompagner cela, c’est tout de même très étonnant.
On retiendra toutefois une très bonne distribution (Sylvie Testud, Kaori Tsuji, sans parler des personnages masculins tous bien choisis.) C’est vraiment tout ce qu’on peut sauver de ces instants d’images qui bougent (le mot cinéma ne peut tout de même pas être à ce point galvaudé.)
14:15 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Le roman est très mal écrit, et j'ai "entendu" le film avant-hier soir, car je préparais un cours pendant que ma compagne le regardait. À l'écoute, la voix "off" et, plus généralement, le jeu des acteurs sont consternants... pour ne rien dire du "style" ni du sujet, évidemment.
Mais enfin, je ne l'ai pas "vu", hein...
Écrit par : MuMM | samedi, 30 septembre 2006
"Le roman est très mal écrit" : ce n'est pas moi qui le dis, n'est-ce pas ? C'est Mumm. Nous pensons la même chose.
L'"audition" d'un film est une bonne chose, en effet. L'écoute d'un dialogue, d'un commentaire, ne laissent aucune illusion. C'est un excellent test.
Écrit par : Jacques Layani | samedi, 30 septembre 2006
Corneau quand même : quelle chute !
Écrit par : Ludovic | lundi, 02 octobre 2006
J'ai appris qu'il préparait un remake de... Melville ! Mais si, mais si. Un remake du Deuxième souffle, avec Auteuil dans le rôle de Gu, que tenait autrefois Ventura.
Il a le goût du risque.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 02 octobre 2006
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