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mardi, 01 janvier 2013

Un sujet éculé

images.jpegAlain Corneau nous a offert, avec Crime d’amour que je viens de voir, bien tardivement, mais cela n’a pas empêché la terre de tourner, un mélange de son cru. Une histoire dans la veine de Police Python 357 et de La Menace, ses excellents premiers films, mais il a travaillé cette fois dans une écriture proche de l’adaptation qu’il avait faite de Stupeur et tremblements, dont j’ai parlé précédemment. On entend d’ailleurs, au cours du film, un petit air dans la manière japonaise.

La direction d’acteurs est presque inexistante et il ne suffit pas d’avoir recours à des décors systématiquement glacés pour que la glace du propos prenne suffisamment et que le spectateur s’en trouve refroidi. Tous les intendants le disent : on n’abuse pas des surgelés.

Le sujet est éculé (La Tourneuse de pages de Denis Dercourt, film que j’ai aussi évoqué, ressemble à celui-ci par bien des côtés, ainsi que, d’une certaine manière, l’angoissant Jeune fille partagerait appartement) et cela se sent dès la première scène : une femme, Isabelle, vampirisée par une autre, Christine, laquelle fait finalement les frais de la vengeance de celle qu’elle a détruite, moquée et publiquement humiliée, lorsque Isabelle s’avère finalement plus forte qu’elle. On ne sait même pas ce que veut vraiment l’affreuse Christine, qui possède déjà tout. Plus que tout ? C’est une des faiblesses du récit.

Pas une once de critique sociale, ici, quand le sujet l’appellerait, au moins en passant. Cette entreprise qui nous est montrée est un prétexte et, comme il faut bien que, de loin en loin, soit évoquée son activité, on en fait une multinationale de l’agroalimentaire, qui fabrique de la mal-bouffe en gagnant énormément d’argent, mais chut, cela ne doit pas se dire expressément. Le policier ressemble à un droguiste ou à un patron de bar et, logiquement, il devrait, tout en faisant son travail,  se défier considérablement de ce monde qui n’est pas le sien, opposant son salaire de fonctionnaire à cette Christine achetant sans l’avoir vu un immense appartement à New York. Rien de cela. Le juge d’instruction n’est pas sûr de lui, il est fort mal campé. Les métiers, dans ce film, n’existent pas, ils sont faux, théoriques. Ils sont dits. On nous dit que ce juge est un juge, mais rien ne le montre ni ne le prouve.

J’attendais l’inévitable double détente, celle sans laquelle le film, aux effets téléphonés et aux surprises fort affadies (il est évident, dès qu’ils apparaissent, que les médicaments d’Isabelle sont des placebos), n’eût même pas pu être regardé. Elle survient à quelques brefs instants de la fin ; elle est, il est vrai, relativement inattendue, et plaisante. Cependant, elle ne suffit pas, c’est regrettable, à sauver l’ensemble de l’œuvre.

Il s’agit du dernier film de Corneau et c’est dommage pour lui. Décidément, le pauvre aura bien mal vieilli sur le plan de ses facultés créatrices. Conservons de lui Police Python 357, La Menace et Le Choix des armes. Ce sera bien suffisant (même le célèbre Série Noire est mauvais). Crime d’amour ne laissera pas un souvenir inoubliable.

Commentaires

J'ai pensé à vous et à vos articles à propos de Corneau il y a quelques jours car a été rediffusé 'Le cousin' avec Chabat et Timsit en contre-emploi.

Vous mentionnez 'Police Python 357', 'La menace', 'Le choix des armes', j'aurais ajouté 'Le cousin' que j'aime beaucoup.

L'avez-vous vu?

Écrit par : Gaspard | dimanche, 20 janvier 2013

Oui, j'ai vu Le Cousin il y a quelques années, en DVD. Je n'en ai aucun souvenir. Je serais incapable de dire de quoi il s'agit. C'est curieux.
Cela ne signifie pas que je n'ai pas aimé. Mais cela signifie certainement que je n'ai pas adoré, certes.
Corneau a été extrêmement inégal durant sa carrière. On dirait qu'il a jeté, au début, ce qu'il avait de meilleur à dire, sur la table. Ensuite, il est allé s'asseoir à d'autres tables.
Là encore, nuancez ce que je dis. Le fait de chercher dans des domaines très différents est en soi une bonne chose, évidemment. Le désir de renouvellement est aussi une excellente chose. Mais Corneau a glissé en cours de route. La neige, sans doute. Il faut être prudent en hiver et l'hiver d'une vie arrive hélas fort tôt.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 20 janvier 2013

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