lundi, 26 mars 2007
Honni soit qui lit et marche
Depuis toujours, au moins lorsque le temps le permet, je lis en marchant. Lorsque lire fait partie des fonctions vitales, on pratique comme on peut et, pourquoi pas, en marchant. On déjeune bien d’un sandwich en marchant. On ne s’arrête pas de respirer quand on marche. Alors ?
Eh bien, lorsqu’arpentant l’avenue, je tiens à la main un volume dans lequel je vole quelque pitance pour mon esprit que cette société a rendu mort d’ennui… on me regarde de travers. Je certifie qu’il ne s’agit pas de paranoïa. Ce ne sont pas des regards étonnés que je croise lorsque leur poids me fait lever les yeux de la page imprimée. Ce n’est pas la crainte de personnes que, ne les ayant pas aperçues, j’eusse pu bousculer en ne regardant pas où j’allais. Non non, je me fais bien regarder de travers. Lire est devenu honteux, indécent, que sais-je ? Lire en marchant est ressenti comme une agression. Envers qui, je me le demande bien. Envers ceux qui ne lisent pas, tout simplement. Se promener avec des écouteurs minuscules enfoncés dans les oreilles est accepté, considéré, même, comme normal. Imposer aux autres sa conversation hurlée dans un téléphone portable est devenu une attitude courante. Téléphoner en conservant ses écouteurs aux oreilles – mais si, mais si, c’est authentique – est accepté. Parler à quelqu’un tout en écoutant je ne sais quel message enregistré délivré par un téléphone cellulaire est devenu d’un commun… Mais lire en marchant, vous n’y pensez pas ?
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dimanche, 25 mars 2007
Intention de vote
12:55 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (3)
vendredi, 23 mars 2007
La triste reine du petit pipi
Le non-cinéma, c’est celui qui consiste à faire rouler les personnages dans une voiture durant un temps interminable, alors que rien dans le scénario ne le justifie ; c’est celui qui consiste à faire boire un café à des personnages assis à une table durant un temps interminable, alors que rien dans le scénario ne le justifie ; c’est celui qui consiste à reproduire ixe fois ces mêmes situations tout au long du film durant un temps interminable, alors que rien dans le scénario ne le justifie.
Le non-cinéma, c’est l’artifice non dissimulé des scènes d’exposition, souvent trop longues d’ailleurs, durant lesquelles les personnages parlent, parlent et, en gros, racontent au spectateur ce qui s’est produit avant, ce qui suppose dès l’abord que le film ne sera qu’une tranche de vie, ce que je déteste, c’est-à-dire du roman filmé, c’est-à-dire une histoire, c’est-à-dire le contraire de l’art, celui-ci étant défini comme un propos vital du cinéaste, propos tenu dans une manière propre, personnelle.
Le non-cinéma, c’est la gratuité totale de certains plans, les ouvertures à l’iris ou les cadrages noirs absolument pas justifiés et distribués aléatoirement tout au long de la projection.
Le non-cinéma, c’est le déni de la vraisemblance non pas choisi comme une volonté artistique, esthétique, mais comme une faiblesse du scénario secourue par un montage raté.
Présenter un personnage solide, les pieds sur terre, un homme au physique costaud, et le montrer pris pour une femme étrange d’une passion folle, au point d’accepter qu’elle le vole ; qu’elle le fasse devenir un assassin ; qu’elle le ruine en lui faisant vendre à perte sa fabrique ; qu’elle le condamne à une cavale sans fin ; qu’elle l’empoisonne avec de la mort-aux-rats – cela, c’est un sujet intéressant qui devrait permettre d’explorer les abîmes de la perversité, de la déraison, du non-sens humain. On imagine ce que, dans des registres extrêmement différents, auraient pu en faire Sautet et ses non-dits, Melville et sa solitude glaciale et taiseuse, Visconti et ses fastes, ou, autrement, Hitchcock. Ce ne fut rien de tout cela dans ce film que j’ai vu hier pour la première fois et dont je tairai par charité cinéphilique le nom du réalisateur, considéré comme un très grand, je me demande bien pourquoi.
11:25 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (10)
jeudi, 22 mars 2007
Livres à montrer
Ce n’est certainement qu’un effet de mode mais, depuis plusieurs mois maintenant, j’observe le retour d’une forme de décoration dans les lieux publics destinés à la consommation de nourriture et de boissons : les livres. Mais si, mais si, je dis bien : les livres, et vous prie de m’excuser pour cette absolue grossièreté. Il est devenu d’un commun de garnir (c’est le mot) quelques maigres niches pourvues d’étagères, de volumes achetés au poids. Mais attention ! Il importe toutefois que ces ouvrages dont personne n’a seulement lu les titres ne soient pas dépareillés. L’idéal serait qu’ils fissent partie d’une collection afin qu’ils restituassent un ensemble. Au pire, que les volumes exposés soient au moins de la même taille, afin que rien ne dépasse, surtout. Diable ! On n’imposera pas aux consommateurs payants la vision de ces rayonnages surchargés que nous connaissons tous, ces alignements classés en désespoir de cause – surtout lorsqu’on s’aperçoit que tel livre pourrait aussi bien être rangé ici ou là ; ces tablettes surchargées ; ces livres en travers, en biais, en double file. Non, non, il faut être propre sur soi et dans sa bibliothèque – j’allais dire : de fonction.
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mercredi, 21 mars 2007
Sur la route
Bien sûr, ce n’est pas du grand théâtre, ce n’est même pas du théâtre important, ce n’est pas du théâtre du tout, d’ailleurs, puisqu’il s’agit de l’adaptation scénique d’un roman ; bien sûr, le texte est plutôt faible ; bien sûr, le sujet est d’un conte : la fermière triste s’étiole auprès d’un mari ennuyeux quand survient le prince charmant sous les traits d’un photographe aux cheveux longs, elle ne le suivra pas pour que ses enfants n’en souffrent pas, il ne l’enlèvera pas parce qu’il sait qu’elle vivrait son remords à jamais ; bien sûr, rien de tout cela ne répond aux problèmes d’aujourd’hui ; bien sûr, ce théâtre-là n’est pas utile à qui que ce soit sinon en ce qu’il dit l’éternité des cœurs ; bien sûr, le décor de cuisine est fidèle à la petite cuiller près et toute une machinerie l’anime. Bien sûr…
Il reste ce fauve « qu’il ne faut pas secouer vu qu’il est plein de larmes » comme dit Pascal Bertschy, celui qui remplit la salle durant des mois à guichets fermés sur son seul nom, celui qui lorsqu’il entre et dit son premier mot doit se taire pour attendre, avant de poursuivre, que les applaudissements s’éteignent. Il reste celui qui a « cette façon solaire de soudain se redresser quand passe une jolie femme » comme l’écrit Christophe Passer. Il reste le samouraï de Melville, le beau gosse de Visconti, l’ami de Gabin et Ventura, le partenaire de Montand, de Simone Signoret, l’amant de Romy Schneider, de Mireille Darc, de Nathalie Delon, pour ne citer qu’elles – excusez du peu – qui ne s’en sont jamais remises. Il reste le regard bleu de légende. Alors, on va voir la pièce au théâtre Marigny.
18:30 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (4)
samedi, 17 mars 2007
En signant Le Château d’utopie
18:25 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (5)
lundi, 12 mars 2007
Revendiquer de
Il y avait jusqu’à présent, au moins de fait, une tradition d’écriture chez les présidents de la République française. Le Général savait écrire et parler, Pompidou n’était pas tout à fait nul non plus, Giscard a essayé et publié quelques livres sans intérêt, Mitterrand avait une réputation d’écrivain avant même d’accéder au trône républicain. Oui, Chirac a trahi cette cause-là comme toutes les autres, ce n’est pas une surprise. Mais qu’est-ce qui nous attend désormais ? Sarkozy est incapable de s’exprimer correctement et a autant de culture qu’un haricot sec flétri. Ségolène Royal est réputée pour ses bourdes et a dû ranger la syntaxe dans je ne sais quel placard, la grammaire dans le vide-poches de sa voiture et la cohérence du discours aux oubliettes. Par exemple : « La femme est un animal politique comme un homme, dans un milieu brutal. Je revendique de faire de la politique autrement à l’abri de cette brutalité », a-t-elle déclaré à Dijon, il y a quelques jours. Je ne savais pas qu’on pouvait « revendiquer de ». Je pensais benoîtement qu’on revendiquait une chose, c’est-à-dire que le verbe devait être suivi d’un article défini ou indéfini et d’un substantif. Non, pas pour elle. Elle, elle « revendique de faire ». Par ailleurs, elle n’a pas peur du non sens : « à l’abri de cette brutalité ». J’ignorais que la brutalité pût constituer un abri et qu’on pût y trouver, par conséquent, une situation rassurante. On pourrait continuer, tout ce qu’elle dit est farci de curiosités de ce genre. Je ne veux pas faire un relevé.
14:30 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (16)
dimanche, 04 mars 2007
Oui, je l’aime
Je n’aime pas les comédies. J’aime, au cinéma, les drames, les films très noirs qui montrent des sentiments exacerbés et font crever les personnages dans leurs contradictions, leur problèmes ou même leur bonheur, pourquoi pas ?
Je suis pourtant allé voir Je crois que je l’aime. Je précise que c’était pour Sandrine Bonnaire. Je n’aurais pas assisté à cette projection avec qui que ce soit d’autre. Chez moi, on l’appelle « la grande Sandrine ». Elle est dans l’éclat de sa maturité, elle a quarante ans cette année, elle est lumineuse : ses yeux brillent, son sourire est éclatant de beauté et de confiance.
Cette comédie, donc, est intelligente, c’est-à-dire qu’elle fait rire intelligemment. Pas de tarte à la crème, pas de loufoquerie, on ne se tape pas sur le ventre et, ce faisant, on ne tape pas sur les nerfs du spectateur, non plus. Ce n’est pas du grand cinéma, c’est juste un bout d’émerveillement.
Et puis, on s’aperçoit, en y repensant lorsque le boulevard Sainte-Réalité se déroule devant soi à la sortie de la grande salle quasi déserte (quatre ou cinq spectateurs seulement lors de cette séance de midi trente), que le réalisateur manipule son public, qu’il l’amène où il le désire avec talent. Dès le début, on adopte, sans même s’en apercevoir, le point de vue du personnage incarné par Vincent Lindon, Lucas : on trouve ses agissements normaux, évidents. Aux trois quarts du récit, le point de vue change insensiblement et l’on s’aperçoit que c’est celui d’Elsa (Sandrine Bonnaire) qu’on présente et qui est le bon, en tout cas : le plus juste. J’aime bien me faire prendre ainsi, même si ce n’est pas une invention de Pierre Jolivet, j’aime qu’on se joue un peu de moi en art. D’autant que les ficelles ne se voyaient pas et qu’il n’y a pas de manque de respect du spectateur dans ce film toujours fin. Quelques légères erreurs (la scène des pizzas, trois fois) n’entachent rien. Le rendu de la durée – ma principale préoccupation – est très correct. Le personnage du détective Roland (François Berléand) est savoureux.
À la sortie du film, il y a quelques jours, Le Parisien, journal qui ne sait rien mais qui dit tout, avait écrit qu’il s’agissait de la première rencontre entre Lindon et Sandrine Bonnaire. L’excellent journaliste avançait que personne n’avait encore eu l’idée de les réunir. On le renverra simplement à Quelques jours avec moi, tourné par Sautet il y a vingt ans, en 1987.
21:55 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (4)