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mercredi, 28 février 2007

Ne pas y croire

Dans les lettres que Simone de Beauvoir envoie à Jacques-Laurent Bost qui effectue alors son service militaire à Amiens, je lis, en 1939, cette farouche volonté de ne pas croire à la guerre prochaine. Mieux : une volonté d’affirmer qu’elle n’aura pas lieu. On sent, dans son propos comme dans ce qu’elle rapporte de la vie à Paris à ce moment-là, que chacun, espérant évidemment la paix, se prend à créer de toutes pièces des raisons de nier le conflit qui menace. Des raisons politiques, économiques, tout ce qu’on voudra. On est prêt à inventer des raisons et à s’autosuggestionner tant on refuse l’idée de guerre. Naturellement, je ne me moque absolument pas d’une telle attitude, combien compréhensible. Et puis, il est si facile lorsqu’on connaît la suite de l’histoire, d’ironiser tranquillement en dactylographiant une note. Ce n’est certes pas mon but.

Je veux simplement dire ce dont je viens de prendre conscience, au lu de ces lettres d’amour. Ce qui est frappant, c’est le raisonnement totalement erroné.

Le lundi 28 août 1939, Simone de Beauvoir écrit : « Paris est assez mort, restaurants, boutiques fermés, mais ça sent les vacances beaucoup plus que la guerre. Les cafés, les cinémas sont pleins et les gens ont des visages souriants. Je crois que personne ne croit à la guerre ; Sartre n’y croit pas non plus. Naturellement, on est un peu impatients et nerveux aujourd’hui à attendre la réponse d’Hitler, mais dans l’ensemble il n’est pas dans une situation à engager une guerre. Le Japon a fait volte-face, l’Italie le lâche, l’Espagne a annoncé sa neutralité, l’Amérique est décidée à nous aider et surtout, on ne commence pas une guerre avec une carte de pain ; il ne semble pas que l’opinion publique en Allemagne soit des plus satisafaisantes pour Hitler. Maintenant, comme disait tout à l’heure un type au café de Flore, il faut toujours compter avec la connerie. Ce qu’on peut dire, c’est que l’Allemagne est bien mal partie pour une guerre et que si ça éclatait elle n’aurait pas bonne mine et sans doute ça ne durerait pas longtemps. En revanche, si ça n’éclate pas, c’est un dégonflage allemand et vraisemblablement on peut compter sur des années de paix après ça ». Elle ajoute un peu plus loin : « À Paris chacun pense ainsi et le ton est nettement à l’optimisme ».

Deux jours plus tard, le mercredi 30 août, elle note : « Nous continuons à être pleins d’espoir car malgré tout, des négociations sont engagées, le Parlement anglais n’a pas été rappelé plus tôt ; et il semble de moins en moins possible qu’Hitler puisse vouloir une guerre, il n’aurait pas bonne mine. Tous les journaux sont à l’optimisme et à Paris tous les gens aussi. Naturellement l’attente n’en est pas moins énervante ; on passe de drôles de journées, rythmées par les éditions des journaux ».

Simone de Beauvoir et Jacques-Laurent Bost, Correspondance croisée, 1937-1940, Gallimard, 2004.

14:50 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (4)

samedi, 17 février 2007

Encore un lieu de la maison Layani

Le taulier, estimant que trois sites et trois blogs, c’est peu de chose, vient d’ouvrir un quatrième blog consacré à une chanteuse qu’il aime depuis longtemps, depuis trente ans, depuis mille ans, Marie-Paule Belle. Dans la colonne de gauche, un lien indique le chemin à ceux, parmi les promeneurs de la rue Franklin, que cela intéresserait éventuellement, en admettant qu’il y en ait (des intéressés, pas des promeneurs).

20:45 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (8)

samedi, 10 février 2007

Des racines, par Martine Layani-Le Coz

Du matin au soir, Firmin travaillait à l’hôpital de Bicêtre, comme infirmier. Ensuite, il allait au Fort, cultiver un bout de jardin. Justine, entre deux lessives sans machine, cousait les vêtements de la famille, quand des commandes pour quelque particulier lui en laissaient le temps. Leur vaisselle venait de primes, de collections sorties des chicorées ou de paquets de biscottes. Tous les restes étaient accommodés en leur temps. La discipline dans laquelle étaient tenus les trois enfants était courante et sans contestation. Ils n’étaient pas dans la confidence des profits et pertes.

Cependant, tous les enfants grandissent un jour. La première fille, Yvonne, avait trouvé du travail, mais restait avec ses parents. En prenant de l’âge, ceux-ci avaient envie d’une maison à la campagne, pas trop loin. Ils finirent par trouver une ancienne ferme. Ils s’y rendaient en été et, année après année, l’aménagèrent. Un jardin, indépendant de la maison, réveillait en ces anciens travailleurs agricoles leurs gestes de jeunesse.medium_Aillant_1933.jpg

Le deux-pièces a d’abord laissé s’envoler Roger, qui s’est marié puis est parti à la guerre. C’est alors que la maison a recueilli sa femme et leur garçon – il était prisonnier en Allemagne. Les deux filles, Yvonne et Andrée, occupaient l’appartement. Entre-temps, Andrée elle aussi travaille. Elles aident leurs parents de leur mieux. Pendant l’Occupation, elles vont à bicyclette dans cette campagne éloignée de plus de cent kilomètres. Firmin et Justine élevaient un ou deux lapins et des poules, cela valait le voyage.

Après la guerre, le deux-pièces abrite les deux sœurs. Puis Andrée se marie et vit un temps dans une chambre meublée jusqu’à la naissance du premier enfant. L’enfant né, ils y vivent – comme bien souvent avant 1955 – à quatre : un couple avec enfant et la sœur célibataire. À la naissance du second enfant, le couple enfin trouve une petite maison mitoyenne à louer en banlieue, à Juvisy-sur-Orge. Et la maison de la campagne, où Firmin et Justine ont élu retraite, accueille la famille aux vacances. Ô combien les fruits et légumes du jardin avaient-ils de goût. Le lait venait de la ferme d’en face, comme les lapins ou les œufs.

medium_Aillant_1950.jpgMais Firmin ne verra pas 1955. Justine, restée seule dans cette maison, supporte mal son départ brutal et revient vivre avec Yvonne, dans le deux-pièces du Kremlin. Justine décède en 1968. Le deux-pièces sera abandonné en 1971, à la retraite d’Yvonne. La maison sera alors ouverte de début mai à fin octobre. Au creux de l’hiver, Yvonne habite chez sa sœur, dans un appartement loué cette fois plus près de Paris. Cette génération aménage la grange, fait installer une salle de bain et des toilettes. À partir de Pâques et jusqu’à la fin de la belle saison, on vient y passer de nombreuses fins de semaines.

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Cette maison a vu aujourd’hui arriver le gaz de ville.

16:25 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 08 février 2007

L’enfant et les manèges

Sur le mur blanc de la cuisine, il écrasait les mouches. C’était facile : on les voyait bien et il opérait avec la lance de sa panoplie d’Indien. Le manche était de bois peint en rouge, la lame de plastique jaune. Avec la longueur du manche, on avait le mouvement ample et la mouche, en dépit de ses yeux incroyables, ne voyait rien venir. La souplesse du plastique permettait un coup sec, sans rebond. Il s’était fait gronder parce que ça faisait sale sur le mur blanc, ces mouches écrasées. Il devait avoir quelques huit ans. Il a toujours détesté les mouches. C’est le seul être vivant auquel il soit capable de faire du mal. C’est sale, bête, laid. Qu’on ne lui en veuille pas, il exècre les mouches, ça le dégoûte. Pourtant, il n’est pas bégueule.

Il avait élevé des vers à soie dans une boîte de chaussures en carton tapissée de feuilles de mûrier. Les jours avaient passé. Ils avaient fait leur cocon. Cela l’amusait beaucoup, l’intriguait : la métamorphose, c’est fascinant pour l’esprit humain, Ovide le savait déjà – mais il ne connaissait pas encore Ovide. Philémon et Baucis, cela lui plairait… plus tard. Un matin, ce fut l’horreur. Des fourmis venues d’il ne savait où avaient envahi la boîte, des centaines, des milliers de fourmis avaient tout mangé. Une hécatombe. Un chagrin immense, aussi. Des cris et des larmes et, soudain, l’horrible désir de vengeance : prendre des ciseaux et découper, dans son Encyclopédie pour les enfants de France, l’image de la fourmi afin de la réduire en miettes. On l’arrêta, il ne fallait pas abîmer le livre, ajouter une horreur à l’autre. On le consola, mais il y pense encore aujourd’hui, l’encyclopédie intacte dans sa bibliothèque. Ce désir amer de destruction l’effraie, quand il y pense : prendre une revanche, c’est bien ; se venger est horrible. Il est content de ne pas l’avoir fait.

16:55 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 06 février 2007

Persiste et signe

medium_Chateau_couverture.jpgL’horrible taulier prie les patients promeneurs de la rue Franklin de bien vouloir l’excuser d’annoncer la parution du treizième tome de ses inénarrables œuvres complètes, un ensemble de nouvelles intitulé Le Château d’utopie, aux éditions D’un noir si bleu. Il ne peut même pas promettre qu’il ne le fera plus.

dimanche, 04 février 2007

Blog génétiquement modifié

Un reportage réalisé sur les OGM par Canal +, de près de vingt-trois minutes, vient d’être interdit d’antenne. Il circule en ce moment par messagerie privée, je l’ai reçu ce matin. Si vous le désirez, suivez ce lien, avant que le film disparaisse.

http://video.google.fr/videoplay?docid=-8996055986353195886

11:15 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (6)