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lundi, 12 mars 2007

Revendiquer de

Il y avait jusqu’à présent, au moins de fait, une tradition d’écriture chez les présidents de la République française. Le Général savait écrire et parler, Pompidou n’était pas tout à fait nul non plus, Giscard a essayé et publié quelques livres sans intérêt, Mitterrand avait une réputation d’écrivain avant même d’accéder au trône républicain. Oui, Chirac a trahi cette cause-là comme toutes les autres, ce n’est pas une surprise. Mais qu’est-ce qui nous attend désormais ? Sarkozy est incapable de s’exprimer correctement et a autant de culture qu’un haricot sec flétri. Ségolène Royal est réputée pour ses bourdes et a dû ranger la syntaxe dans je ne sais quel placard, la grammaire dans le vide-poches de sa voiture et la cohérence du discours aux oubliettes. Par exemple : « La femme est un animal politique comme un homme, dans un milieu brutal. Je revendique de faire de la politique autrement à l’abri de cette brutalité », a-t-elle déclaré à Dijon, il y a quelques jours. Je ne savais pas qu’on pouvait « revendiquer de ». Je pensais benoîtement qu’on revendiquait une chose, c’est-à-dire que le verbe devait être suivi d’un article défini ou indéfini et d’un substantif. Non, pas pour elle. Elle, elle « revendique de faire ». Par ailleurs, elle n’a pas peur du non sens : « à l’abri de cette brutalité ». J’ignorais que la brutalité pût constituer un abri et qu’on pût y trouver, par conséquent, une situation rassurante. On pourrait continuer, tout ce qu’elle dit est farci de curiosités de ce genre. Je ne veux pas faire un relevé.

14:30 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (16)

Commentaires

Je partage ton avis sur la plupart des points. Nos candidats à cette présidence, le prof de lettres inclus, ne sont pas les mieux placés pour défendre la richesse et la subtilité de notre langue. Juste un point : je considère que Giscard savait écrire. Ses ouvrages de la série "Le pouvoir et la vie", pour le peu que j'en ai lu, m'ont souvent ému.

Écrit par : Richard | lundi, 12 mars 2007

Es-tu sûr d'avoir été ému par la forme ou bien, te trouvant peut-être en accord avec le propos, as-tu eu le sentiment, même inconsciemment, d'une forme agréable, travaillée ?

Quant à son "roman" Le Passage -- une nouvelle gonflée pour donner un volume présentable -- il avait fait rire tout le monde lors de sa parution.

Il m'est arrivé de lire des passages du Pouvoir et la vie à l'éventaire des librairies (je ne me suis aperçu que tardivement que les trois tomes étaient respectivement bleu, blanc et rouge, comme les Mémoires de guerre du Général) et franchement, je n'ai pas trouvé d'écriture là-dedans : sujet-verbe-complément, oui ; pas de monstruosité (c'était bien le moins) ; mais d'écriture, nenni.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 12 mars 2007

Je ne vois pas ce qu'il y a de si choquant dans la phrase de Royal que vous citez. On comprend l'expression en considérant que "de faire" est le complément d'un cod qui reste sous-entendu (car très présent déjà dans le sémantisme du verbe), par exemple: "Je revendique (le droit, la liberté) de faire de la politique autrement".

Quand vous vous mettez "à l'abri de la pluie", on ne comprend pas que la pluie puisse constituer pour vous un abri mais que vous cherchez un endroit protégé de la pluie... Où est le problème?

Si l'on compare Ségolène à Sarkozy ou à Bayrou, elle s'en sort plutôt bien à l'oral.

Le discours de réception de Giscard à l'Académie (sur Senghor) est un très beau discours.

Écrit par : gluglups | lundi, 12 mars 2007

Oui, il est bien certain qu'on comprend tout de même ce qu'elle veut dire. Encore heureux.

Bien sûr, le cod est sous-entendu. Mais il n'est pas toujours évident de manipuler des sous-entendus, vous le savez bien.

Si elle avait dit : "Je me mets à l'abri de cette brutalité", oui, d'accord. Mais "Je revendique de faire de la politique autrement à l’abri de cette brutalité" laisse entendre (ou peut laisser entendre) que la brutalité va la protéger et, ce faisant, lui permettre de faire de la politique autrement. C'est-à-dire qu'elle laisse entendre, par une nuance syntaxique, le contraire de ce qu'elle veut signifier.

Quoi qu'il en soit, Bayrou ou Sarkozy ne sont pas meilleurs, je le sais bien. On reste quand même à un bien faible niveau par rapport aux joutes verbales qu'a pu connaître la Cinquième République.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 12 mars 2007

"Oui, il est bien certain qu'on comprend tout de même ce qu'elle veut dire.": l'interprétation grammaticale que vous en donniez (une complémentation de "revendiquer" en DE) me paraît "abusive" par rapport à ce que l'on "entend" spontanément dans cette phrase, au processus "mental" qui s'opère.

"à l'abri de": il me semble que quel que soit le contexte, l'expression est tjs suivie d'une réalité dont on cherche à se protéger, non? à l'abri du vent, de la neige, de l'inquiétude, de la brutalité... Euh, je ne comprends pas votre interprétation de la nuance syntaxique, même en relisant plusieurs fois ou alors, à force d'écouter Ségo, j'ai l'esprit embrouillé :)

Écrit par : gluglups | lundi, 12 mars 2007

Oui, le processus mental rétablit le sens. Mais je ne suis pas sûr que la grammaire ait à prendre en compte un processus mental.

"A l'abri de " peut avoir, surtout à l'oral, le même sens que "abrité par" : on peut dire, surtout dans le langage parlé, "à l'abri d'un parapluie" ou "abrité par un parapluie". Ici, ce serait donc : "à l'abri de cette brutalité" comme "abrité par cette brutalité", la deuxième formule étant un non-sens.

Je ne sais pas le dire autrement, mais ce n'est pas très important.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 12 mars 2007

Je suis assez d'accord avec gluglups. « Revendiquer de » me fait grincer des dents mais « à l'abri de » me paraît parfaitement normal et sans ambiguïté.

Écrit par : lamkyre | lundi, 12 mars 2007

Eh bien, soit. Je n'ai rien dit.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 12 mars 2007

Avec tout ce qu'ils/elles disent, chercher le sens de leurs "jolies" phrases > tâche difficile; quant à la cohérence syntaxique et lexicale > quelle idée!

Écrit par : Aurélie | lundi, 12 mars 2007

> Jacques : peut-être aussi, mais je sais encore à peu près distinguer le fond de la forme et même scinder le travail de mes deux hémisphères cérébraux. Il existe à mon sens de très beaux livres remplis de phrases sur le mode "sujet-verbe-complément" (au hasard : La Séparation, Dan Franck). Tant qu'elles sont trempées dans l'encre du coeur, les plumes sont toujours intéressantes à lire. Pour en revenir à nos candidats, je les soupçonne d'avoir à faire continuellement le grand écart entre un peu de spontanéité et les formules préparées par leurs directeurs de communication, d'où les réguliers trébuchements.

Écrit par : Richard | lundi, 12 mars 2007

Richard, étant donné leur "rémunération" quoi qu'il arrive, je trouve que des candidats à être THE meilleur(e) oblige à un travail ; mais là comme après ils ne jouent même plus le jeu. C'est dire ce que leur "programme" va donner. Vous avez confiance, vous ? Après tout, personne ne les y envoie, c'est bien eux qui se présentent, eh bien qu'ils assument !

Écrit par : Martine Layani | mardi, 13 mars 2007

Richard, il est toujours possible d'être intéressé par un propos et de perdre ainsi le recul, ça arrive à tout le monde. C'est naturel.

Cela dit, je ne crois pas que sujet-verbe-complément, cela suffise. Je n'y crois même pas du tout, qu'il s'agisse de Giscard ou d'un autre et, sans vouloir être désagréable, je ne tiens pas Dan Franck pour un écrivain.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 mars 2007

J'arrive après la bataille, mais je confirme que cet "à l'abri de la brutalité" est incohérent... Et le dire ne saurait être évincé au seul profit du "dit".

Ayant décidé, depuis longtemps, de voter Bayrou, car il me paraissait le moins mauvais des candidats (et hésitant devant l'espèce de bulle médiatique qu'est devenue désormais sa candidature), j'aimerais dire que, parmi les quelques arguments qui me le faisaient préférer, il y a son respect des liaisons et son refus du double sujet (Sarkozy dit presque systématiquement "ce dont la France elle a besoin"... Bayrou, jamais...). Bien sûr, d'autres raisons me le font préférer (politique d'éducation et de recherche, retour à la méritocratie, réelles convictions européennes, propositions budgétaires raisonnables), mais celle-là n'est pas minime.

Écrit par : Guillaume | samedi, 17 mars 2007

Guillaume:

"je confirme que cet "à l'abri de la brutalité" est incohérent". Il faudrait expliquer en quoi.

TLF:
"Loc. prép. À l'abri de, empl. également au sens propre et au sens fig., donc suivie d'un compl. concr. ou abstr. :

24. Ah! Cette maison aimée, la vie qu'on y menait si à l'abri des soucis et des tourmentes!
E. ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, p. 3.

25. C'est une tribu légendaire [les Thalmoudites]. Il est écrit d'eux qu'ils vivaient « dans le roc, à l'abri des tempêtes, livrés à leurs passions »."

C'est vrai que Bayrou est très clair, lorqu'il s'exprime...:

« Pour les études je voudrais que tous les lycées de banlieue aussi bien que de centre-ville se voient attribuer le même nombre de places proportionnellement aux élèves qui suivent les études dans ces établissements que les établissements de centre-ville. Que partout, lycée de banlieue ou lycée de centre-ville, on considère que vous aurez mettons 10% de places réservées dans les classes préparatoires aux grandes écoles, ou bien 10% d’entrées dans une école, un établissement qui prépare à l’enseignement supérieur, enfin, qu’on ait ainsi une répartition équitable sur l’ensemble du territoire, peut-être au moins pour la moitié des places : ça, c’est le contraire de la discrimination : ça veut dire chacun sa chance. »

Cela doit être sa définition de la "méritocratie", que Guillaume voudra bien nous traduire.

Écrit par : gluglups | samedi, 17 mars 2007

En ce qui me concerne, je laisse amicalement Guillaume à son opinion. Pour moi, Bayrou, c'est l'UDF ; l'UDF, c'est Giscard et Giscard, on l'a congédié en 1981. Dans toute l'histoire de la Cinquième République, il est le seul président battu. Il n'a donc eu de cesse, mis à la porte, de revenir par la fenêtre jusqu'à 2005 où un nouveau soufflet lui a été donné en réponse à son projet de texte à propos de l'Europe, enfin, de leur Europe. A présent, il envoie ses lieutenants.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 17 mars 2007

Euh, si tu as bien suivi, Giscard soutient Sarkozy...

Bayrou me paraît à cent lieues du mépris affiché par Giscard pour le fonctionnement démocratique et républicain. Que je sache, il n'a pas x casseroles au derrière, comme giscardiens Léotard & consorts.

Par ailleurs, j'ai bien écrit qu'il me semblait "le moins mauvais des candidats", et cela depuis plusieurs mois déjà.

Écrit par : Guillaume | dimanche, 18 mars 2007

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