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lundi, 01 octobre 2007

Le mythe du manuscrit posté, énième édition

Je vais encore pousser mon coup de gueule habituel contre l’image qui est donnée, du monde de l’édition, par tous les media. Dans un article du quotidien vespéral, on nous parle du livre de Muriel Barbery, L’Élégance du hérisson, paru chez Gallimard, ouvrage qui fait paraît-il un tabac.

J’ai entendu parler de cette jeune femme pour la première fois au mois d’août dernier, alors que, si j’en crois l’article, « mardi 25 septembre, la décision a été prise de lancer la cinquantième réimpression de l'ouvrage, ce qui a entraîné le passage du cap des 600. 000 exemplaires imprimés ». Dans une librairie de Saint-Céré (Lot), j’ai feuilleté son livre ; ça n’a pas duré longtemps, cela m’a paru très surfait et, en tout état de cause, sans intérêt aucun. Justement, peu importe.

Ce qui motive ma colère, une fois de plus, c’est cette phrase : « Elle a publié en 2000 Une gourmandise, manuscrit arrivé par la poste et que Jean-Marie Laclavetine, éditeur chez Gallimard, avait aussitôt retenu ». Assez, assez, assez ! C’est évidemment entièrement faux. Quand, grands dieux, cessera-t-on de répandre cette ineptie dans le public ? Les manuscrits déposés par le facteur au service du courrier, surtout chez Gallimard qui en reçoit des quantités invraisemblables, ne sont pas publiés. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans le cas de cette dame et je m’en moque éperdument, mais ce n’est très certainement pas ça.

Je ne comprends pas ce qui peut pousser les journalistes (et les cinéastes comme, tout récemment, Chabrol) à perpétuer les idées reçues sur l’édition et le statut d’écrivain, notamment celle du manuscrit arrivé par la poste (Truffaut en 1977). C’est de la propagation de fausses nouvelles. Consternant.

15:40 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (12)

Commentaires

« Je ne sais pas ce qui s’est passé dans le cas de cette dame et je m’en moque éperdument »

Effectivement. Cependant, puisqu'il est maintenant clair que les manuscrits envoyés par la poste ne sont jamais publiés, il faudrait tout de même savoir comment ont procédé les 724 romanciers de cet automne.
Ils ont tous des relations? Quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un? Et ce quelqu’un qui les appuie, sur quoi se base-t-il pour les recommander ? Comment dire que ce qu’ils écrivent est bon puisqu’ils n’ont encore rien publié ?

Ce qui est étrange, c’est que dans de nombreux cas le futur écrivain, qui n’a encore rien écrit, est poussé par un tiers (de ses connaissances) à prendre la plume. Puis vient la publication. C’est comme si on lui demandait de transcrire sur papier son expérience de vie (que le tiers en question trouve sans doute intéressante et qui l’est peut-être). Ensuite, même si le texte proposé est imparfait, il trouve à tous les coups un éditeur, qui se donne la peine de le corriger le manuscrit ou de le faire corriger.

Je me souviens de ton ami Hubert Nyssen, qui disait avoir ainsi non seulement lu, mais soutenu par ses conseils une jeune auteure. Finalement il avait publié son troisième manuscrit, tellement elle s’était améliorée suite à ses conseils. Or c’est impossible. Quel éditeur perdrait ainsi son temps avec des textes aussi imparfaits ? A moins, bine sûr, qu’on ne lui ait recommandé la demoiselle et puisqu’il était convenu qu’il l’éditerait, il ne lui restait plus qu’à la seconder afin de pouvoir proposer quelque chose qui ne dépare pas trop dans sa maison d’édition.

Un autre éditeur disait avoir été impressionné par un manuscrit qu’on avait déposé anonymement pendant le temps de midi sur le bureau de sa secrétaire. Comme le livre parlait du silence (il s’agissait d’Hôpital silence de Nicole Malinconi http://www.servicedulivre.be/fiches/m/malinconi.htm), il avait été frappé par le contraste entre la densité du thème raconté et le silence de cet auteur aussi discret. Le livre est aussitôt publié et obtient le prix Rossel en Belgique cette année-là. Etrange tout de même.

Donc, la question est : qu’est-ce qui fait que X sera poussé en avant et pas Y ? Par qui et pourquoi ?
Sans parler des livres sur commande, plus nombreux qu’on ne le croit. Une fois un auteur lancé, l’éditeur lui demande d’aborder tel ou tel thème (qui sans doute se vend bien) et l’autre s’exécute. Dans ce cas, on attend votre livre. D’où la déception compréhensible de certains éditeurs qui ont accordé des avances et qui ne voient rien venir. Mais diable, pourquoi alors travaillent-ils avec ces gens-là ? Parce qu’ils sont déjà connus, probablement.

Écrit par : Feuilly | mardi, 02 octobre 2007

"Comment dire que ce qu’ils écrivent est bon puisqu’ils n’ont encore rien publié ?" :

Attention, les 724 romans de la rentrée ne sont pas tous des premiers romans.

"Ils ont tous des relations? Quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un?" :

Oui. Oui. Oui. J'ajoute qu'ils sont prêts à toutes les concessions. Prêts surtout à "produire" DU roman à la pelle, à la chaîne, à la fournée. Regarde la dame dont il est question dans la note. Elle a du succès et les droits qui vont avec. Soit. Que fait-elle ? Elle prend une année sabatique, dit l'article. Qu'en fait-elle ? Elle part avec les siens... écrire un roman. C'est-à-dire que : 1) Elle avait évidemment quelque chose à dire, justement, ça tombe bien. 2) Elle exploite le filon et ne songe pas un instant à faire autre chose qu'un roman. Il est inimaginable que des gens, comme ça, aient en permanence quelque chose à dire : ça ne PEUT pas être bon, pas possible. Sauf très inattendu génie, on n'a pas forcément quelque chose à dire ni un roman à mettre en chantier parce que le précédent a marché. Ce n'est pas honnête.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 02 octobre 2007

Ce livre ne fait pas l'unanimité :
http://www.bigbangblog.net/article.php3?id_article=673

Écrit par : Dominique | mardi, 02 octobre 2007

Bien sûr. De l'avoir seulement feuilleté m'en a éloigné.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 02 octobre 2007

L'explication est peut-être ici: ce sont les libraires qui ont mis le livre en avant. Cela explique le succès rencontré, mais pas leur choix...

http://www.lefigaro.fr/litteraire/20061005.FIG000000168_l_elegance_du_herisson_trace_sa_route.html

Écrit par : Feuilly | mardi, 02 octobre 2007

Il y a effectivement longtemps que je me pose des questions quant aux choix que font les libraires. Je les crois bien plus moutonniers qu'on ne le dit. Si un livre marche, ils le pousseront davantage encore. Plus il se vendra, plus ils en parleront, plus ils en vendront, plus on en parlera. Le phénomène d'amplification n'est certainement pas lié à la qualité. De plus, je n'ai jamais vu les libraires se mettre en (relative) colère et dire que tel livre était nul : ils sont bien trop frileux. Des fois que l'éditeur du livre en question change leurs conditions, en représailles, ou quelque chose comme ça.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 02 octobre 2007

Je deviens, avec le temps, encore plus sévère que vous sur les libraires français, Jacques : rien de ce à quoi nous assistons depuis maintenant plus d'un quart de siècle (je parle de la phase de dérive qui nous a menés là où nous en sommes) n'aurait pu se passer si cette profession avait pleinement assuré ses compétences, son rôle, et respecté une sorte d'éthique faite de respect de soi, de respect du lecteur et, avant toute autre considération, de bon sens.
Sur les manuscrits arrivés par la poste, je vous livre le plus savoureux – que vous aviez peut-être épinglé, en son temps ? Antoine Gallimard affirmant, dans un entretien au Monde, que le livre de Dominique de Villepin (Éloge des voleurs de feu), alors patron du quai d'Orsay, était parvenu rue Sébastien-Bottin tout à fait normalement… par la poste.

Écrit par : Dominique Autié | mercredi, 03 octobre 2007

Il est de bon ton de ne pas critiquer les libraires qui sont censés être aux avant-postes de la défense du livre et dont le métier est prenant et peu rémunéré. Il est par ailleurs peu élégant, pour un auteur, de médire de ceux qui le servent. Nous savons bien cependant que, depuis un certain temps maintenant, les libraires ne sont plus à la hauteur de leur métier.

S'agissant de cette énormité proférée par Gallimard : la responsabilité du journaliste est évidemment en cause, dans un cas comme celui-là. Pourquoi, mais pourquoi consent-il à donner à imprimer de tels mensonges ? Pourquoi ne relève-t-il pas ce propos idiot ?

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 03 octobre 2007

J'imagine assez la lettre accompagnant les "Voleurs de mes deux"... signée Dominik Galouzeau, pour détourner les soupçons... On y croit, c'est sûr.

Écrit par : Guillaume | mercredi, 03 octobre 2007

Je rappellerai cette anecdote : Françoise Verny a rencontré un jour Alexandre Jardin et lui a dit "Toi, tu as une gueule d'écrivain". Il fallait s'en douter quand on ne connaissait pas du tout sa filiation ! Elle l'a enfermé dans une pièce, lui a fait écrire quelque chose, l'a réécrit elle-même, et on a eu un grand écrivain qui circule maintenant en camion pour vanter la littérature et la richesse de la langue auprès de bambins emmenés autoritairement par leur instituteur (de préférence dans les mairies UMP), chargé de mission culturelle de je ne sais trop quoi et figurez-vous même cinéaste (car il doit aussi avoir une gueule de cinéaste...)

Écrit par : Dominique | mercredi, 03 octobre 2007

Pour revenir à "L'Elégance du Hérisson" , la blogosphère amplifie encore le phénomène en s'attribuant la gloire d'avoir découvert le livre:

http://www.lalettrine.com/article-12783175-6.html#anchorComment

Écrit par : Feuilly | jeudi, 04 octobre 2007

Oh, tu sais, la blogosphère, pourvu qu'elle existe... Elle est souvent prête à tout, y compris dans le ridicule. Il faut avoir le courage de le dire. Quant à la gloire d'avoir découvert une bêtise, si d'aucuns se la veulent disputer, qu'ils le fassent.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 04 octobre 2007

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