vendredi, 05 octobre 2007
Moment de crise
Sans être absolument certain d’avoir raison – mais le croyant, bien sûr, sinon, à quoi bon ? – j’avancerai une interprétation un peu différente du film de Cristian Mungiu, 4 mois, 3 semaines et 2 jours.
Je pense qu’il ne s’agit nullement d’un film sur l’avortement – que, par parenthèse, il ne condamne pas explicitement, ou bien alors qu’on me dise à quel moment – ni d’un ouvrage sur la Roumanie quelques années avant la fin du communisme.
Je crois – et rien, à mon avis, n’empêche de voir ce film ainsi – qu’il s’agit de la description d’une crise que traverse Otilia, la véritable héroïne du film. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas Gabita, la jeune fille enceinte, qui est montrée comme le personnage principal, mais bien Otilia.
Au début du film, Otilia demande à son compagnon de ne pas l’embrasser en public parce que, dit-elle, ça la gêne. En réalité, elle n’a aucune envie qu’il l’embrasse. Elle ne veut plus de lui, pour des raisons que le spectateur ne connaîtra pas puisqu’elles sont antérieures à l’ouverture. Puis l’accumulation de bêtises qu’accomplit Gabita, sa série de mensonges inutiles entre autres, les mettent toutes deux dans une situation très difficile, dont seule Otilia a la force, l’imagination et le courage pour les en sortir toutes deux. Pendant les quelques heures que dure l’action du film, et singulièrement au cours de la nuit, elle va se défaire de son compagnon. Ce n’est pas dit ainsi, mais qui ne le verra pas ? Tout ce qu’elle vit au cours du laps de temps de la narration, c’est la résolution de son drame personnel, c’est l’acmé.
À partir de là, qu’il s’agisse d’avortement ou de quoi que ce soit d’autre, cela n’est plus très important. Ce pourrait être un hold-up, par exemple. Ou la drogue, la prostitution, ou n’importe quoi. L’avortement dramatisant le propos, la mise en scène en plans fixes et dans un temps réel qui ne l’est bien sûr pas vraiment, le dédain vraiment complet du cadrage, le petit budget qui impose un tournage en décors naturels (si bien qu’il n’y a pas la place, souvent, pour installer la caméra et l’équipe technique et que, par conséquent, on doit – je pense à la scène du dîner d’anniversaire – faire se serrer les convives comme si la table était minuscule, tout simplement pour qu’ils restent dans le champ, et encore ! tous ne rentrent pas, on voit passer un bras de temps en temps) ; tout cela, qui est technique, sert le propos : le désarroi intérieur d’Otilia et sa décision de quitter le garçon avec qui elle n’a plus rien à faire.
Si ce n’est pas cela, c’est un film de plus sur l’avortement, qui ne dit rien d’autre que ce qu’ont exposé films et livres qui l’ont précédé, rien qu’on ne sache déjà.
17:10 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Bon, résumons : les images sont mal cadrées, la mise en scène est inexistante, l'intrigue molle, le sujet interchangeable. On va peut-être économiser huit euros, hein, Jacques ?
Écrit par : Richard | dimanche, 07 octobre 2007
Justement, pas tout à fait. C'est bien ce qui est étrange car, en dépit de tout cela, ce film est fichtrement attachant. Je ne sais pas à quoi ça tient. C'est peut-être ça, l'authenticité, finalement.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 08 octobre 2007
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