lundi, 22 janvier 2007
James Bond contre Trade Hucteur
À Richard
Faisons un bref retour sur le sujet dont je ne me serais jamais douté qu’il allait intéresser les promeneurs de la rue Franklin, moins encore qu’il inciterait Dominique à poursuivre la réflexion dans ses propres carnets.
On pensera ce qu’on voudra de Ian Fleming, il reste qu’il a le sens des titres. Je suis épaté par des choses comme Vivre et laisser mourir (To live and let die), On ne vit que deux fois (You only live twice), Au service secret de sa majesté (On her majesty’s secret service) ou plus simplement Bons baisers de Russie (From Russia with love). Entendons-nous : ces titres m’épatent dans leur catégorie, celle du roman d’espionnage.
Quelques remarques s’imposent à moi lorsque j’évoque les titres de ces livres. Elles concernent les traducteurs et, plus sûrement, les éditeurs. Quelle idée d’aller traduire For your eyes only par Bons baisers de Paris ou Octopussy par Meilleurs vœux de la Jamaïque ? Il s’agit tout simplement d’une volonté commerciale de Plon qui, ayant constaté le succès de Bons baisers de Russie, s’est empressé de repasser les plats avec Paris. N’osant pas risquer cette formule une troisième fois, il utilise « meilleurs vœux » pour la Jamaïque. On remarque que cet appui sur un succès précédent touche, comme par hasard, les deux seuls livres qui ne soient pas des romans mais des recueils de nouvelles. Il fallait bien solliciter le public français qui, paraît-il, n’est pas friand de ce genre, au rebours des peuples anglo-saxons. D’où la stupidité de ces redites, alors que les traducteurs auraient certainement trouvé mieux. Le pire est que Meilleurs vœux de la Jamaïque comprend une nouvelle intitulée Bons baisers de Berlin (The living daylights) – c’est-à-dire qu’on a osé une troisième fois, mais en catimini, à l’intérieur du recueil.
Je suppose que les mêmes raisons commerciales ont conduit à traduire The spy who loved me, fort beau titre qui plus est très inattendu, par l’imbécile Motel 007. Il faut replacer cette parution dans le contexte des années 60 où les motels étaient très à la mode.
Ce sont toujours, naturellement, des considérations de vente qui ont fait numéroter les livres de 1 à 12, faisant ainsi disparaître les deux romans parus au Livre de Poche, comme on l’a vu dans la note précédente. Il fallait créer le réflexe de « série », donc de collection, ce qui fait toujours vendre. Quoi de plus « collection » qu’une numérotation, même si elle est erronée et prive l’ordre chronologique de deux tomes ? Quant aux titres façon « Série noire » de ces deux textes, qu’en dire ? C’est certes une invention de Gallimard et de Marcel Duhamel que ces centaines de titres ironiques, parfois sans rapport avec le roman d’ailleurs. Mais dans l’ordre des aventures de Bond et dans l’esprit des excellents titres de Fleming, comme ils détonnent ! Il faudra attendre leur parution en collection « Bouquins » pour qu’ils retrouvent leur panache : Les diamants sont éternels (Diamonds are forever) au lieu de Chauds les glaçons ! et Moonraker (Moonraker) au lieu d’Entourloupe dans l’azimut (encore heureux qu’on ne nous ait pas gratifiés d’un Gratte-Lune).
11:16 Publié dans Cour de récréation | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Et je continue d'en apprendre... Merci Jacques.
(Gratte-Lune, ah ah ah).
Écrit par : Richard G | lundi, 22 janvier 2007
Pierre Dac n'a pas loupé les bons baisers qui se multipliaient dans les séries d'aventure (je crois que le décompte serait infini parmi les Fleuve Noir et les BD petits formats) :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bons_baisers_de_partout
Écrit par : Dominique | lundi, 22 janvier 2007
Eh oui, je me rappelle...
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 22 janvier 2007
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