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lundi, 17 novembre 2008

Incompréhensible

La vente des papiers et du mobilier de Gracq a donc eu lieu.

 

La correspondance que lui avait adressée Breton était estimée entre 30 et 35. 000 euros. Le lot était important. Le catalogue décrivait trente-deux lettres autographes signées (dont huit cartes postales) et une lettre signée, portant sur la période 1939-1966. Cela représentait environ quarante-deux pages de formats divers, avec quelques en-têtes de Medium et d’Arcy galleries, International Surrealiste Exhibition…). Les enveloppes étaient conservées.

 

À cet ensemble, étaient joints : une copie autographe par Gracq de la lettre du 10 juin 1939 ; trois télégrammes ; deux cartons d’exposition annotés et signés par Breton, avec enveloppes ; une lettre autographe signée de Gracq à Breton en date du 30 mai 1946 (renvoyée à l’expéditeur) ; le faire-part de décès de Breton ; une lettre autographe signée d’Aube Elléouët à Gracq, de l’année 1958.

 

C’est dire que, sans difficulté, le lot a trouvé preneur à 75. 000 euros… et a été immédiatement préempté par l’État. Ce fonds a donc rejoint les collections de la bibliothèque Jacques-Doucet, laquelle possédait déjà les lettres de Gracq adressées à Breton. Il était logique, nécessaire, évident, que les deux fonds fussent rassemblés.

 

Compte-tenu du prestige du scripteur, de celui du destinataire, et vu le grand nombre de documents, il était clair comme le jour que les enchères atteindraient un tel montant, en ce monde où la valeur marchande prime sur l’intérêt artistique, littéraire, historique. Gracq ne pouvait ignorer que les choses se passeraient ainsi. Il avait eu soin de léguer ses manuscrits à la Bibliothèque Nationale. Que n’en a-t-il fait autant pour sa correspondance ? L’État aurait pu recevoir le fonds par testament. Au lieu de cela, il acquiert les mêmes documents pour 75. 000 euros. Je ne comprends pas l’attitude de Gracq.

11:13 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (4)

lundi, 03 novembre 2008

Les curieuses réactions des critiques

Voilà encore un article curieux publié sur la Toile, à propos de mon Fleming. À première vue, il est peu favorable. À la seconde lecture, il l’est davantage. Mais ce n’est pas là ce qui m’étonne.

 

On évoque mon « ton légèrement pontifiant », mais j’ai l’habitude. C’est un des premiers reproches qu’on me fait, quel que soit le sujet. Je ne sais pas très bien pourquoi. Quand on me connaît, on comprend que ce n’est pas du tout le cas ; c’est uniquement ma façon d’être sérieux et rigoureux qui donne au lecteur cette impression.

 

On dit que je me montre « fort de [m]on statut de pionnier hexagonal ». Du diable si j’ai eu ce sentiment, en composant ce livre. Effectivement, il n’y a pas d’équivalent sur ce sujet en langue française, mais je n’avais pas l’impression de concourir pour un titre quelconque. Je ne suis le premier que par hasard.

 

On parle d’ « une énorme erreur factuelle ». Je ne comprends pas pourquoi. J’ai vérifié le passage incriminé et n’ai pas trouvé d’erreur. Ce que relève le critique, je l’ai dit. J’admets bien volontiers l’avoir dit trop légèrement, trop succinctement, mais je ne vois toujours pas où est l’erreur factuelle.

 

On assure que j’ai « un intérêt limité pour les prolongements de l’œuvre littéraire de Fleming » : c’est exact et comme mon sujet était ailleurs, je ne vois pas pourquoi j’aurais poursuivi dans cette voie. Ce n’est pas la première fois qu’on m’oppose ce raisonnement curieux, qui consiste à contester non pas la façon dont j’ai pu traiter mon sujet, ce qui serait légitime, mais le sujet lui-même. En résumé, cela donne : « Vous avez traité tel sujet, soit. Mais pourquoi n’avez-vous pas plutôt traité tel autre ? » Eh, c’est parce que tel autre n’était pas à l’ordre du jour. Les éditeurs me font très souvent ce coup-là : je n’oublierai jamais cette fois où, proposant le projet de ma vie d’Albertine Sarrazin, je m’entendis demander d’écrire plutôt une biographie de Raymond Devos. Je dois à l’honnêteté de dire que l’éditeur en question accepta tout de même le livre sur Albertine et que, sept ans plus tard, c’est aussi lui qui publia celui consacré à Fleming. Il n’en demeure pas moins que cette réaction me laisse toujours sans voix.

 

Je m’attarde « complaisamment sur des questions de traduction qui pourraient être réglées en deux pages ». Ça alors ! Justement, le but de ce chapitre, intitulé « Questions de traduction », était précisément de détailler le plus possible les problèmes rencontrés par Fleming lorsqu’on a établi les premières versions françaises de ses œuvres. Je commence cet examen en disant qu’on ne peut évoquer des livres traduits comme s’ils avaient été rédigés directement en français et que, par conséquent, il importe d’y aller voir de plus près. Si je m’étais écouté, ce chapitre eût été encore plus long ! Rien à faire, un autre critique recommandait aux lecteurs de sauter ces passages. Celui-ci voudrait les réduire à deux pages. Il insiste : « Faut-il se pencher à ce point-là sur des éditions françaises des années soixante que le pékin moyen ne risque absolument pas de trouver aujourd’hui en librairie et dont le seul intérêt est l’absolue kitschitude ? » Passons sur le « pékin moyen » que je trouve bien méprisant (le critique est professeur de classes préparatoires et reste élitiste) quand il aurait pu dire « le lecteur », tout simplement. Il reste que les éditions « kitsch » et extrêmement fautives dont il est question sont toujours disponibles sur les sites de vente d’ouvrages d’occasion, où elles sont présentées comme des traductions originales et des objets de collection, très précieux. Il convenait donc de mettre en garde le lecteur, précisément.

 

« Il oublie peut-être le plus important, à savoir le statut mythique de James Bond », poursuit l’auteur de l’article. Des livres sur le mythe, il en existe de nombreux, dont le dernier vient à peine de paraître. Le mythe n’était pas mon propos, mais comment faire comprendre que je ne désire traiter que mon sujet et rien d’autre ?