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mercredi, 26 septembre 2007

Frapper plusieurs fois

J’avais dit que je parlerais d’autre chose mais, qui sait pourquoi, je repense encore à la Grande guerre.

Adoncques, l’armée prévenait la gendarmerie, laquelle dépêchait aussitôt deux pandores à la mairie. C’était le maire qui devait apprendre à ses administrés la mort au combat d’un des leurs. On imagine sans peine, en un temps où la France est encore très rurale, dans ces villages où tout le monde se connaît, l’impression que devait procurer l’arrivée des gendarmes se dirigeant vers la mairie. Et puis, ensuite, des champs où elles travaillaient parce que les hommes étaient tous partis, ou de chez elles où elles travaillaient encore parce que, de toute façon, elles ne faisaient que ça, ces mêmes femmes guettaient le maire. Il s’était habillé, avait noué une cravate et passé un veston, pris son chapeau juste pour pouvoir se découvrir. On imagine leurs respirations suspendues et le soulagement lorsqu’elles le voyaient, l’avis officiel à la main, passer devant chez elles et poursuivre son chemin. Et puis la douleur mêlée au soulagement quand il s’arrêtait devant la porte de la voisine, de l’amie, de cette autre femme que, de toute façon, elles connaissaient bien. On imagine ce que peut ressentir une femme qui sait que le maire va venir chez l’une ou chez l’autre et entend soudain frapper à son huis. On imagine le cœur des femmes qui ont déjà entendu frapper plusieurs fois.

07:00 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

Je trouve ces deux billets très émouvants, et très justes, bien "observés".

Écrit par : Guillaume | mercredi, 26 septembre 2007

Je te remercie mais pour être tout à fait honnête, je ne suis pas sûr que le second ne soit pas une réminiscence d'une histoire de Jean-Pierre Chabrol.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 26 septembre 2007

Mais les films que l'on a vus, les livres que l'on a lus, font eux aussi partie de notre expérience. Venir y puiser des thèmes de réflexions n'est certes pas déshonorant.

Par ailleurs, on retrouve cette scène de l’annonce du décès du père soldat dans le Premier Homme de Camus, scène qui se passe à Alger, forcément.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 26 septembre 2007

Je ne sais comment cela se passait. Je me souviens de deux ou trois scènes de téléfilms, et c'était parfois le maire, parfois les gendarmes qui se présentaient devant le domicile. Oui, le maire, avec son habit de carnaval, cela a un air plus solennel, mais dans le village de mon père qui avait moins de cent habitants, le maire devait être très loin et très haut dans les champs ou les forêts de la montagne, parce que c'était un paysan ou bûcheron comme les autres et il ne pouvait pas être au bureau de sa mairie, sous le buste de Marianne et un drapeau tricolore, à attendre sagement ce que l'Etat allait lui dire, et d'ailleurs il aurait fallu encore le chercher alors qu'il était en train de hercher ou de faucher ou de sarper, peut-être en compagnie des femmes qui perdent un fils ou un mari. Cela ne tient pas debout. Il faut d'autres discussions entretemps. Et puis les choses se disaient déjà auparavant, sans vraiment le dire... Parce que lorsque l'on parle de la mort, c'est d'abord à mi-mots pour préparer...

Écrit par : Dominique | mercredi, 26 septembre 2007

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