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mardi, 28 novembre 2006

Noiret

J’ai été très étonné de l’émotion soulevée par la mort de Philippe Noiret. Je ne savais pas le comédien si populaire. Au fond de ma mémoire, je ne retrouve semblable écho que lors des disparitions de Bourvil et de Fernandel.

Je ne serai pas idiot au point de nier le talent de Noiret mais, depuis plusieurs années, je trouvais qu’il « faisait du Noiret », justement, abusant de son personnage, de son allure et de sa voix. Mais après tout, s’il était aimé à ce point, tant mieux pour lui.

Ce qui me surprend davantage, c’est que ce type d’émotion soit encore possible en 2006. Bourvil et Fernandel, que j’aimais et aime encore, sont morts dans une période où le rythme de l’existence était plus lent, l’information moins foisonnante, les problèmes sociaux moins cruciaux. Tous deux  avaient leurs racines artistiques prises dans la terre de moments révolus, ils étaient ancrés dans l’imaginaire de gens qui avaient connu des vies plus lentes encore. Fernandel surtout, qui tournait déjà dans les années 30.

L’accélération de la vie, les circuits nouveaux d’information, les nouvelles succédant aux nouvelles avant qu’on ait pu en prendre connaissance, toutes ces modifications de notre vie n’ont pas empêché l’affectivité du public de se fixer sur un comédien comme elle le faisait autrefois. Je ne suis même pas certain que Montand, qui était très aimé, ait été autant regretté. En tout cas, je n’en ai pas le souvenir. Je ne tire aucune conclusion de cela, je l’observe simplement.

07:00 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (22)

Commentaires

Moi aussi, cette ferveur populaire m'étonne un peu, quoique... Lorsqu'il est venu à Perpignan, pour une lecture (assez austère) des Contemplations de Victor Hugo, les réservations étaient bouclées un mois à l'avance et la grande salle du palais des congrès archicomble. Pourtant, ce n'était pas du théâtre de boulevard ! Quel acteur va lui succéder dans le cœur des foules ? À part Gérard Depardieu...

Écrit par : Pierre B. | mardi, 28 novembre 2006

En attendant, on ferait bien de se rappeler que Danielle Darrieux, née en 1917, est toujours en pleine forme et de lui confier autre chose que des rôles dans des comédies, comme récemment.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 28 novembre 2006

Je crois me rappeler que la ferveur fut plus intense pour Gainsbourg et Montand que pour Noiret.

Par ailleurs, Michel Blanc lui avait offert, dans "Grosse fatigue", un rôle ironique : Noiret (dans son propre rôle) accusait son sosie de "faire du Noiret depuis vingt ans". Ce qui était très émouvant, c'était que l'acteur accepte cette forme d'autodérision dont tous les acteurs, fussent-ils comiques, ne sont pas capables.

Écrit par : MuMM | mardi, 28 novembre 2006

Ah, je l'ignorais. Mais attention, ce peut être aussi le summum du narcissisme.

Je parlais de Montand comédien, puisque nous sommes ici dans le registre de l'acteur. Gainsbourg, c'était la chanson et la chanson favorise ces réactions (sans que je puisse d'ailleurs expliquer pourquoi.)

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 28 novembre 2006

Le Montand des dernières années, dans mon souvenir, a beaucoup erré - ces émissions télé qui ont fait à un moment, spéculer sur ses intentions politiques, Montand donneur-de-leçons. Insupportable. Il y avait aussi longtemps qu'il n'avait pas fait de grandes chansons, et son dernier grand rôle au cinéma datait tout de même aussi: Jean de Florette. La disparition de Signoret m'avait ému, pas celle de Montand.

Noiret a tourné beaucoup de nanars, ce qu'il était le premier à reconnaître, mais aussi dans sa dernière décade, beaucoup de bon films: Il Postino, Cinema Paradiso, même un truc comme ce film avec Marielle et Rochefort, en comédiens de théâtre ringards dont le titre m'échappe, c'était tout de même agréable. Je n'ai pas osé, par contre, me taper Les côtelettes de Blier. Je n'ose plus Blier depuis Mon homme. Plus capable.

Oui, il usait de sa voix. Mais à partir d'un moment, ça ne veut plus rien dire: Sinatra usait de sa voix. Ben oui, c'était son instrument. Au bout du compte, Noiret a joué beaucoup et dans tous les tons: quel rapport entre Les Ripoux, Les côtelettes et Il Postino ? La grande bouffe, Que la fête commence et Le vieux fusil ?

J'ai entendu un petit bout d'entrevue entre Noiret et une jeune comédienne québécoise qui fut sa partenaire dans un de ses derniers films, enregistrée il y a six mois et rediffusée dimanche. Merveilleuse simplicité, générosité, intelligence, et oui, cette voix absolument magique. Je repense aussi à cette longue entrevue de deux heures accordée à Bernard Rapp, je crois bien qu'il m'avait fait versé une larme, et je crois pas que j'étais spécialement fragile ce soir là...

Je pense que c'est comme si c'était un grand-père bien aimé qui s'était éteint, qui nous racontait des histoires (sa voix dans L'Homme qui plantait des arbres de Giono - aussi importante que les dessins magnifiques de Frédéric Back) comme personne. Alors forcément, on est ému...

Écrit par : Benoit | mercredi, 29 novembre 2006

Oui, Il Postino, Le Facteur, c'était un film formidable. Dans mon souvenir, en tout cas. Je me rappelle certaines magnifiques trouvailles comme l'enregistrement des étoiles et la phrase : "J'attends les métaphores" (c'était bien ça, hein ?)

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 29 novembre 2006

On rejouait "Le facteur" lundi soir, ou plutôt en début de nuit. Je me suis ainsi retrouvé devant mon écran jusqu'à 1H30 du matin. Un peu dur quand on se lève à 6 heures, mon cela valait le coup. La manière dont le simple facteur tourne autour de Neruda est touchante. Comme cette amitié qui naît entre eux, alors que tout les opposait de prime abord, sauf sans doute une certaine manière de voir le monde.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 29 novembre 2006

Je ne savais pas qu'on l'avait donné à la télévision, que je ne regarde jamais. Mais le film existe en DVD.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 29 novembre 2006

Je vais faire déplaisant... Benoît a rappelé justement le dernier Montand qui était particulièrement exaspérant de suffisance, de superficialité et de mépris des pauvres. Il suffit de comparer l'émotion (qui continue) entre sa disparition et celle de Coluche : Montand n'avait plus rien à voir avec ses engagements passés et il était rejeté par tous les jeunes.

Noiret, c'est autre chose. Ce n'est pas forcément le grand-père, mais le copain de bistrot, le camarade de boulot, le voisin, le patron, le boulanger du coin de la rue, soi-même. Il grognait, mais ce qui est important : il ne s'est jamais engagé dans aucune cause. Il ne donnait pas de leçons contrairement à Montand, mais il exprimait un point de vue où chacun pouvait se reconnaître ou reconnaître quelqu'un qu'il voit. C'est l'auberge espagnole, celle du film du dimanche soir qui sent bon la tradition française de Tavernier, du nanar ou de la grosse déconnade à la Weber, mais parfois quelques échappées vers un cinéma étranger plan-plan comme Il Postino. Cela rassure énormément. Même le dernier Tango est passé comme mythe sans être vraiment diffusé (et je me demande combien de ceux qui le citent l'ont vu vraiment). Tout ça sent le pot-au-feu, les odeurs qui mijotent lentement, l'engourdissement des membres dans un décor rassurant de propriété à la campagne, remplie de meubles lourds, avec en superposition les images des magazines sur le gentleman-farmer, une voix sourde qui montre que son propriétaire a déjà beaucoup vécu et qu'il sait. Cela la jouait Gabin, mais en plus fin (personnellement je crois que Depardieu a totalement raté sa gabinisation en la poussant à bout). Mais en fait, chacun s'était fabriqué un Noiret à sa mesure selon ce qu'il voulait y voir. Et cela marchait d'autant mieux qu'il montrait moins de lui, sauf dans le film du dimanche soir.

Écrit par : Dominique | mercredi, 29 novembre 2006

Je disais simplement qu'il "faisait du Noiret" depuis longtemps. Je voulais dire un peu la même chose que Dominique mais je n'ai pas voulu foncer dans le tas, comme ça... La démonstration de Dominique est plutôt convaincante.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 29 novembre 2006

Oui, enfin, convaincante peut-être mais le film plan-plan, le taulier le trouvait "formidable" dans le post d'avant.

Neruda joué par Noiret, vu qu'il était pas dans un film avec des plans "étudiés", il devenait plan-plan/pépère ? L'idée étant que si on regarde la filmographie de Noiret, on n'y trouve pas d'À bout de souffle ou de Maman et la putain: Noiret est donc plan-plan. La grande bouffe ? Oui mais qui l'a vu ? Il aurait fait des films anars ou remplacé Montand dans Tout va bien, ça n'irait toujours pas puisque personne ne l'aurait vu là-dedans. (Et n'aurait franchement rien raté, même Godard a tourné des nanars. Intellos mais justement, ils étaient encore plus chiants: on peut même pas rire, juste s'emmerder.)

Dominique, vous n'êtes pas déplaisant, vous êtes prévisible, façon Cahiers du Cinéma-Télérama-Les Inrocks.

Je persiste et signe: à trop tourner, les acteurs courent parfois certains risques (j'abonde plutôt avec Dominique pour Depardieu, qu'on dit cependant être absolument magnifique dans ce film présenté à Cannes dans lequel il joue un chanteur de bal en fin de parcours, et il était très bon dans le dernier Téchiné avec Deneuve - si Josée Dayan pouvait l'oublier un peu...) mais au bout du compte, Noiret a souvent surnagé dans des films moyens, ce que nombre d'acteurs "immortels" ont fait avant lui, Gabin n'étant pas le moindre.

Bref, si on voyait un peu plus de films estampillés "qualité française" sur lesquels on crache si facilement par chez vous, la part de marché des films français au Québec ne serait pas en train de rejoindre celle du cinéma allemand. J'exagère à peine: d'ailleurs, on en est à devoir organiser un festival de cinéma français (Cinémania) pour voir autre chose que les Brice de Nice qu'on nous envoit, qui sait pourquoi, alors que les trois derniers Resnais ne sont même pas sortis en salles.

Ainsi a t-on pu voir un bon premier film, Avril, avec Miou-Miou et de jeunes débutants, sur lequel la critique française a dégueulé. Rien de génial, d'accord. Comme Fauteuil d'orchestre par exemple, ou La tourneuse de pages. La fin est ratée mais sans que l'on parvienne à oublier qu'on a aimé, même beaucoup, rencontrer ces personnages. Bref, comme pour beaucoup de films de Noiret au cours de sa carrière. Qui ira dire que Les ripoux est un grand film ? Et alors quoi ? Je n'avais pas demandé à être remboursé.

Je revendique le droit d'aimer voir du cinéma hongrois ou thaïlandais expérimental sans devoir mettre une cagoule si par hasard j'ai envie de louer La grande vadrouille en DVD; le droit d'apprécier Noiret dans un bon Tavernier ou Montand dans un bon Corneau ET de me laisser envouter par le dernier David Lynch. À bas les chapelles ! (Dalmasso pourrait pas me faire une petite bannière ?)

Écrit par : Benoit | vendredi, 01 décembre 2006

Eh, camarade Benoît, j'ai dit que la démonstration était convaincante parce qu'elle recoupait ce que je pensais de Noiret. Mais je continue d'aimer Le Facteur : je ne me renie pas si facilement.

Pour ce qui est de La Tourneuse de pages, dois-je rappeler que votre taulier préféré en a parlé ici-même et qu'aucun commentaire n'a été apporté (note du 2 septembre 2006, intitulée "Moderato") ?

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 01 décembre 2006

Et Montand dans les films de Corneau, je l'avais indirectement évoqué ici aussi (note du 29 septembre, intitulée "Amélie du Japon").

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 01 décembre 2006

Benoît, vous avez une singulière faculté à construire la personnalité des individus auxquels vous répondez en leur attribuant des qualités ou des propos qu'ils n'ont pas tenus... J'ai insisté sur le côté grand public de Noiret qui se fait à la fois dans des films de gros comique (mais je n'ai pas posé de jugement sur les Ripoux ou les Grands Ducs), des films de tradition française (mais je n'ai jamais dit qu'il fallait brûler tout Tavernier et je n'ai écrit rien de mal contre cette tradition), des films exotico-nostalgico-consensuels un peu dans une vague bluette comme Cinéma Paradiso (plebiscités d'ailleurs par Télérama contrairement à ce que vous affirmez). Tout cela fait Noiret. Mais c'est bien la mort du film du dimanche soir que l'on célèbre. Il y a bien d'autres acteurs du dimanche soir, mais ils n'ont pas un public aussi large dans ses goûts, à part Depardieu aujourd'hui. Je retrouve là votre travers le plus fréquent : fabriquer les propos auxquels vous voulez vous opposer en inventant ce qui aurait été dit afin de mieux faire valoir votre point de vue.

Écrit par : Dominique | vendredi, 01 décembre 2006

"des films exotico-nostalgico-consensuels un peu dans une vague bluette comme Cinéma Paradiso"

Oui je sais, je suis pervers. Je m'élève contre une certaine tonalité dans certains de vos propos, puis je continue de m'exprimer, MOI, vis-à-vis ce ton, que je dis reconnaître dans une certaine critique (si le chapeau ne vous fait pas, soit - mais je ne parle pas qu'à vous, ni de vous), par exemple, "consensuel" lié à "vague bluette" est un cliché critique très prisé dans les trois médias auxquels je fais référence et vlan: vous y allez du cliché le plus attendu, le plus prévisible. C'est tout ce que je disais dans la seule phrase qui vous était adressé. Encore une fois, libre à vous de vous reconnaître ou pas dans le reste.

Écrit par : Benoit | samedi, 02 décembre 2006

Ah ah ! mais justement vous, Benoît, avez tort de lier Télérama à ce fameux ton que vous me prêtez parce que justement Télérama n'a jamais dit le moindre mal du Facteur ou de Cinéma Paradiso, au contraire ! C'est exactement le cinéma que cette rédaction adore, cela a dû avoir trois ou quatre Ulysse... Et figurez-vous que si je lis bien Télérama toutes les semaines, je dois acheter les Inrocks une ou deux fois par an pour un cédérom (je déteste le style de la revue et je m'empresse de la bazarder). Oh ! mais qui vois-je en couv' du Télérama de cette semaine, on cite Altman et Girod pour titrer sur un sale temps pour le cinéma, mais c'est Noiret en portrait ! et il y a ensuite cinq pages d'hommages, mais deux pour Altman (on appréciera la hiérarchie assez baroque...) On peut se demander ce que vient faire Girod là-dedans, cela aurait pu être je ne sais pas Josée Dayan si par bonheur elle était morte dans la même semaine... On aurait pu avoir aussi Claude Jade si elle n'avait eu le mauvais goût de mourir une semaine trop tard, je crois que sa disparition passera à la trappe tellement le souvenir des films de Truffaut et de Chabrol s'estompe, mais moi je ne l'oublie pas. Mais le grand homme pour Télérama est bien Noiret parce que c'est une figure populaire et pour moi c'est Altman parce que c'est un auteur.

Écrit par : Dominique | samedi, 02 décembre 2006

Ah, Claude Jade ? Je l'apprends...

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 02 décembre 2006

Pierre Bosc la salue : http://www.rayonsud.com/index.html

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 02 décembre 2006

Il y a un truc qui n'a jamais été relevé dans la filmographie de Noiret, c'est que parmi ses innombrables nanars il a tourné aussi avec... Robbe-Grillet ! Je vous recommande le Jeu avec le feu qui est un film d'une connerie et d'un esthétisme égalant ceux de David Hamilton ou de Just Jaeckin, avec juste un brin d'intellectuallisme en plus (c'est la même époque que celle des Ferreri de Noiret qui se cherchait un emploi au cinéma). C'est superbement con et Noiret se défendait en disant qu'il avait été entraîné par son mauvais pote Trintignant qui joue aussi dans ce film (mais il n'empêche que Trintignant a tourné, lui, dans une dizaine de films qui resteront dans l'histoire du cinéma, pas dans Il Postino). Personne n'a osé rappeler que le grand Noiret avait tourné avec le grand Robbe-Grillet (qui est devenu académicien ou presque dans une dernière farce), et cela en dit long sur les fabrications de réputations

Écrit par : Dominique | samedi, 02 décembre 2006

Pierre Murat de Télérama: désolé, dans les critiques que j'entends de lui, il est généralement du même côté que les Cahiers ou Les Inrocks avec des arguments semblables.

Altman était un très grand cinéaste mais il a aussi tourner des "Prêt-à-porter" et autres "Kansas City" pas réussis du tout. Ses deux derniers auront toutefois excellents.
Comparer Noiret et Altman n'a aucun sens.
Et Noiret a tourné aussi avec Hitchcock.
Et et et....

On se rejoint au moins sur Robbe-Grillet: j'avais vu un de ses trucs érotico-sado-maso-machin, Glissement progressif du plaisir ça s'appelait.
Tiens c'est un titre presque nothombien....

Écrit par : Benoit | dimanche, 03 décembre 2006

Ah, juste observation, Benoît ! Je n'avais pas fait le rapprochement. Décidément, même l'originalité des titres de cette fille peut être contestée. Vous apportez de l'eau à mon moulin.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 03 décembre 2006

Pierre Bosc évoque encore Claude Jade :

http://pierbosc.blogspot.com/

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 03 décembre 2006

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