dimanche, 28 mai 2006
Pweege arwarr ler p’tee day-shuon-ay ?
Les éditions Les Quatre chemins, que je ne connaissais pas, ont eu la bonne idée de faire traduire un petit ouvrage, un opuscule, publié l’an dernier par la Bodleian library de l’université d’Oxford. Il s’agit des instructions distribuées aux soldats britanniques lors du débarquement de juin 1944. L’ouvrage a paru sous le titre Quand vous serez en France, quand le titre original était tout simplement Instructions for british servicemen in France. L’auteur est identifié comme The political warfare executive et l’éditeur comme The Foreign office, London. Concrètement, le rédacteur fut Herbert David Ziman, des services de renseignement de la section française du ministère de la Guerre.
On est étonné de l’empathie pour la France que présente ce texte, véritable guide de savoir-vivre totalement indépendant des opérations militaires, augmenté d’un précis d’histoire française, de quelques éléments de géographie et, en fin de volume, d’un lexique hilarant (dont le titre de cette note donne un exemple.) On voit que l’auteur est un francophile distingué. Certaines vues, qui ne sont jamais des jugements, frappent par leur exactitude et, de litote en litote, on s’amuse à lire entre les lignes la discrète comparaison qui est faite avec l’Angleterre, quant au mode de vie notamment. La version anglaise de ce manuel est intégralement reproduite à la suite de sa traduction.
On se demande bien pourquoi ce document, ourlé d’exactitude et de sympathie précise, a dû être préfacé par l’inénarrable et omniprésent Assouline, dont il n’est pas exactement prouvé qu’il possède quelque compétence pour introduire un tel sujet. Dans son abominable préface anecdotique et sans intérêt historique, il s’applique à accumuler, comme il nous y a habitués, fautes de langue et d’expression, en omettant de corriger les coquilles qui sont, dans son topo représentant un sixième du texte français, plus nombreuses que dans tout le volume. Quand diable cet imposteur cessera-t-il de faire autorité dans le monde du livre ?
Quand vous serez en France, traduit de l’anglais par Alexis Champon, Les Quatre chemins, 2006 (édition bilingue, 128 pages, 9, 90 euros.)
18:45 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (38)
Commentaires
Je possède le texte anglais, j'en avais donné autrefois des extraits dans le forum fllf, mais je ne parviens pas à remettre la main sur ce petit volume assez hilarant.
Écrit par : Dominique | dimanche, 28 mai 2006
Il est maintenant disponible en version bilingue, mais attention : il me semble qu'il se vend plutôt bien. Les piles descendent très rapidement.
Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 28 mai 2006
Tiens, ça me plait bien cette petite chose-là. Pourrait être rigolo avec mes élèves en fin d'année, quand il en reste 5 par classe !
M'en vais chercher ça !
Écrit par : Fanny | dimanche, 28 mai 2006
Au moins cette parution m'aura-t-elle donné l'occasion d'avoir des nouvelles de ma fille aînée, à travers quelques mots de commentaire.
Pour ma fille puînée, il faudra trouver autre chose.
Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 28 mai 2006
"On est étonné de l’empathie pour la France que présente ce texte"
Pourquoi donc ? L'entente cordiale et la lutte franco-britanique en 14-18 n'étaient tout de même pas des souvenirs si éloignés à l'époque, non ?
Pour Assouline, si son texte est mauvais comme vous le dites, et son omniprésence agaçante, dites vous bien que c'est précisément cette omniprésence qui fait qu'en partie, ce petit livre se vend si bien. Quand un auteur de best-seller (le récent et presque goncourisé Lutécia) écrit l'introduction d'un livre-curiosité, et qu'en plus il se sert de son ubiquité médiatique pour en faire la promotion (article sur son blog entre autre), les piles vont descendre.
Simply a case of 2+2 my dear Jacko.
Écrit par : Benoit | mardi, 30 mai 2006
Je me suis étonné de cette empathie parce qu'elle est vraiment considérable et argumentée. Cela m'a plu.
Non, la présence d'Assouline, ici, n'est pas acceptable. Il va finir par se faire passer pour historien, si ça continue ! C'est un peu fort, non ? Tout ça pour un roman forcément retouché par l'éditeur, puisqu'il écrit comme un pied ? Je ne savais pas qu'il avait donné à ce sujet un article sur son blog, blog que je ne lis plus depuis bien longtemps : il est sans intérêt. En suivant le raisonnement de la notoriété qui dispenserait de compétence, on pouvait aussi faire préfacer ce texte par Villepin, au moins aussi connu qu'Assouline. Et pourquoi pas une traduction signée Sarkozy ? Non, vraiment, Assouline est insupportable.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 mai 2006
Vous aurez compris, Jacko, que ma note tentait d'expliquer ceci par cela. Je ne me fais pas ici le chantre d'Assouline (à peine lu trente pages de son Lutécia, effectivement mal écrit) mais l'homme a un poid certain, une influence, et il fait vendre. On est loin de Pivot, mais tout de même, Villepin et Sarkozy, vous comparez les pommes avec les artichauts là Jacques. Rien à voir.
Écrit par : Benoit | mardi, 30 mai 2006
Mouais... Et pourquoi donc ce texte, libre de droits, que je sache, coûte-t-il près de dix euros pour quelques pages de tout petit format ? Ce n'est certainement pas le traducteur qui fut grassement payé : le métier est ingrat, les traducteurs doivent travailler beaucoup pour gagner leur vie. A mon avis, le coût de la préface a été lourd...
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 mai 2006
Alors j'ai une question pour vous.
Ce document oublié, aurait-il été préférable qu'il reste dans l'obscurité, sans préface de l'omniprésent et agaçant Assouline, ou bien peut-on y prendre plaisir (comme Jacques nous le fait bien sentir), malgré l'insupportable Assouline ? Et ce dernier, s'il fait découvrir l'intérêt qu'on peux y prendre malgré le "charabia" qui énerve tant Jacques, n'est-ce pas, à tout prendre, un mal pour un bien?
À New-York récemment, BHL a fait une conférence sur Romain Gary absolument atroce, je ne l'avais jamais vu ni entendu aussi déchaîné, j'ai même dû sortir deux minutes tellement il m'insupportait. Cela dit, il y avait autour de moi des gens qui prenaient en notes certains titres mentionnés par BHL. De nouveaux lecteurs pour Gary, ça vaut bien quelques minutes de fureur envers les gens "influents", BHL ou Assouline. Ce "Quand vous serez en France", est-ce un antilivre ? En tout cas, Jacques semble plutôt l'avoir savouré comme un antipasti, Assouline ou pas Assouline...
Écrit par : Benoit | mardi, 30 mai 2006
Le début de la note m'a donné envie de lire ce livre mais comme Jacques j'ai du mal à comprendre pourquoi Assouline a été choisi. Il y a bien quelques personnes spécialistes de la période et "célèbres" si cela était nécessaire sans qu'on le prenne.
Sans que A. m'insupporte autant que Jacques (encore que... son blog que je lisais a fini par me gaver), ça m'agace tout même cette furieuse passion qu'on a pour le clinquant (BHL que j'ai été écouter une fois m'énerve aussi).
Bref je crois que je vais me le procurer en V.O. ce petit bouquin. Tiens, je viens de vérifier le prix sur Amazon: très abordable!
Écrit par : Livy | mardi, 30 mai 2006
C'est certain, BHL est ennuyeux aussi, et depuis plus longtemps qu'Assourdine. Ils sont de la race des voraces de la notoriété. Même si au début -- et encore, dans quelle proportion ? -- ils ont eu quelque chose à voir avec une certaine idée de la littérature, ils en *écrasent* depuis si longtemps sur les lauriers, que ces pauvres arbres sont fanés.
Écrit par : Martine Layani | mardi, 30 mai 2006
On ne peut comparer Assouline et BHL : le premier n'a plus aucune influence depuis qu'il a perdu la direction de Lire, il a fait des biographies vraiment documentées à la différence du second. On peut critiquer son talent, son style, ses choix, son goût du compromis qui le conduit à excuser des ouvrages mineurs ou à encenser tous les notables, mais je ne crois pas qu'on puisse le ranger encore parmi les puissants du monde littéraire même si un certain magazine dit que son blogue est parmi les dix premiers (parce que le pouvoir des blogues me semble très très relatif). Le pouvoir de BHL lui est plus réel et s'exerce encore dans les rédactions, les maisons d'éditions, les émissions. Ce n'est pas la même catégorie.
Écrit par : Dominique | mardi, 30 mai 2006
Vous avez raison Dominique.
Mais, si je ne les mets pas dans le même sac, je les envoie tous deux à la benne. Ce qui me dérange, en fait, dans les deux cas, c'est ce dégoûtant m'as-tu-vuisme dont ils sont incapables de se départir. Quant à la force de persuasion des trois lettres, je dirais bien -- en évitant soigneusement d'en proférer cinq, ce qui est indigne de ce blog -- elle ne s'adresse qu'à qui le veut bien.
Le plus triste, dans cette histoire, c'est bien le crédit que le public donne. Et là on rejoint le versant politique des choses, mais aussi un peu la psychologie. Comment soigner la confiance aveugle ?
Écrit par : Martine Layani | mercredi, 31 mai 2006
Deux choses lui donnent encore du pouvoir : l'onction du Monde (même si son blog est une pitrerie, il est estampillé) ; l'illusion, dans l'opinion, qu'il est quelqu'un : l'illusion peut parfois remplacer la vérité. Or, Assouline, il faut le redire, n'existe pas. Il ne sait pas écrire, n'a aucune originalité, pas de profondeur.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 mai 2006
Jacques, ce pouvoir par les blogues est on ne peut plus pauvre. Assouline est certes parrainé par le Monde (à la différence des blogues qui sont ouverts par des abonnés du Monde, même si ce sont de vrais journalistes comme Gilles Klein) et il bénéficie pour cela d'une gigantesque force de frappe pour le classement dans Google : billets automatiquement dans Google Actualités, liens internes du Monde pointant chez lui (le Monde.fr est le premier site d'actualité français), je le sais puisque je suis un peu agrégé au Monde. Mais quand même... les blogues viennent en 13e et dernière position dans une enquête sur les pratiques des internautes, ils n'apparaissent pas dans une autre. Il y a moins de 15 % des internautes qui ont fréquenté ou ouvert un blogue, 80 % des blogueurs français ont moins de 25 ans et ils ne vont pas lire des critiques de livres. C'est un phénomène très marginal dans la population française prise dans son ensemble, il est démesurément grossi par quelques marchands de soupe qui y ont des intérêts (Le Meur, Ginisty, Revello, Rosnay) ou par des gens qui veulent organiser un bruit politique, économique en espérant ainsi contourner les médias traditionnels, mais c'est une simple bulle. Je crois d'ailleurs que l'excellent référencement d'Assouline vient plus d'une pose de la part des blogueurs prétendument influents parce que s'ils s'intéressaient vraiment à la littérature, il y a longtemps que Renaud Camus ou François Bon (plus anciens dans le créneau) feraient partie de leur simili-palmarès. Cela démontre pour moi l'imposture d'une blogosphère dite influente. Quand on lit les commentaires chez Assouline, c'est assez pitoyable : un tiers de fous délirants à l'orthographe hallucinante et à la syntaxe débridée, un tiers de conviviaux qui sont là parce que c'est leur lieu de rendez-vous comme sur un chat, et un petit tiers parfois de textes vraiment en rapport avec la littérature mais qui peuvent tourner à l'auto-publicité (cf. une certaine Fleur). Du bruit. On voit que ce n'est pas géré et qu'en fait il n'y a personne au bout, un simple site aurait suffi. Je lis les billets pour les informations, je me passe le plus souvent du reste. Et je crois que c'est beaucoup de bruit.
Écrit par : Dominique | mercredi, 31 mai 2006
Je suis bien d'accord sur tout cela, Dominique. Il reste que dans l'opinion, l'homme est connu. Le plus souvent, pour rien, c'est simplement un nom et ce nom attire une certaine considération, que je trouve indue. Pour cela, je parlais plus haut d'illusion.
Sans parler de son fichu blog, sans parler de la direction de Lire qu'il n'assure effectivement plus mais dont le souvenir demeure, toujours dans les esprits, comme une décoration (alors que, mon Dieu, Lire, ce n'est vraiment pas grand-chose), il est perçu comme écrivain et ça, c'est insupportable. Il faudrait donner la parole aux correcteurs et directeurs littéraires des maisons qui le publient, histoire de voir s'ils osent avouer le nombre de corrections (voire la réécriture pure et simple) qu'ils apportent forcément à ses manuscrits.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 mai 2006
Sans vouloir le défendre, Assouline avait tout de même écrit une biographie de Simenon assez imposante (du moins par le nombre de pages). Il semblait s'être documenté avec sérieux. Maintenant il a pu se contenter de faire une synthèse des biographies déjà existantes.
Pour le reste, ces personnages devenus médiatiques sont agaçants.
Le problème, c'est le public moyen, qui se laisse berner par ces vedettes, en s'imaginant que des gens comme Assouline ou BHL ne peuvent être que très profonds parce qu'ils font parler d'eux.
Écrit par : Feuilly | mercredi, 31 mai 2006
La documentation n'est pas tout. J'en fais sans cesse et j'en stocke beaucoup chez moi, sur divers sujets. Mais elle n'est pas tout. Après, il faut *écrire*.
Je m'étais bien gardé d'employer les expressions "le public moyen" ou "l'homme de la rue", toujours soupçonnées d'élitisme ou de mépris. C'eût été faux, bien sûr. Je sais que ce n'est pas, non plus, ton intention.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 mai 2006
"il est perçu comme écrivain et ça, c'est insupportable. Il faudrait donner la parole aux correcteurs et directeurs littéraires des maisons qui le publient, histoire de voir s'ils osent avouer le nombre de corrections (voire la réécriture pure et simple) qu'ils apportent forcément à ses manuscrits."
Insupportable: mais non, c'est très supportable, faudrait nous donner une échelle de 1 à 10 Jacques. Insupportable c'est intolérable, or, Assouline, vous allez me dire que c'est l'équivalent, par exemple, d'un Le Pen littéraire ? Martine pourrait peut-être nous indiquer ici la part théâtrale de l'emploi d'adjectifs franchement exagérés pour un journaliste "écrivant", à défaut d'être écrivain. Je lis ses billets, plus guère les commentaires, parfaitement décrits par Dominique.
J'ai lu quelques pages de La cliente et Lutécia. Je n'ai pas aimé et pas poursuivi. Sauf que, la dernière phrase de ce paragraphe concernant ses livres "forcément" réécrits par les correcteurs de Gallimard, c'est de la calomnie Jacques. Aussi antipathique que le monsieur vous soit, ce genre de commentaire sous votre plume me choque. Si vous avez des infos privilégiés, allez-y carrément. D'une part, ou bien ses livres sont du charabia, mal écrits et donc provenant vraiment de la plume de l'auteur abhorré (cohérence du non-style de ses billets à ses bouquins), ou bien ils sont réécrits et donc plats mais lisibles. D'autre part, on ne peut pas se plaindre que les éditeurs ne font plus leur boulot auprès des auteurs, et ensuite dire qu'ils mobilisent des comités sur les livres d'un auteur comme Assouline. L'histoire littéraire est pleine de ces écrivants à succès dont les livres ne durent pas. Le temps fera son oeuvre, l'apoplexie et la calomnie sont bien inutiles.
Concernant les masses bernées par les auteurs à trois lettres, il est aussi facile d'oublier que leur notoriété est parfois acquise parce qu'ils ont un vrai talent, talent qu'ils gaspillent en surfant sur la facilité. Ils leur arrivent d'offrir parfois de vrais réflexions au delà de la pose médiatique. Par exemple, le papier de BHL sur Peter Handke dans Le point de la semaine dernière était rien moins qu'excellent.
Écrit par : Benoit | mercredi, 31 mai 2006
Non, ce n'est pas en effet mon intention. Par cette expression je désigne l'ensemble des lecteurs profanes et honnêtes, qui ne sont pas des spécialistes de la littérature (ayant souvent des connaissances ainsi qu’une profession dans d’autres domaines) mais qui lisent par goût, pour se détendre ou se cultiver.
Il est dommage qu’ils se fassent abuser par les paillettes d’or de quelques arrivistes dont les mérites se situent surtout dans la manière de savoir s’imposer par le biais des médias (ce qui suppose un savoir-faire réel, convenons-en) et bien peu dans l’art de tenir une plume.
Écrit par : Feuilly | mercredi, 31 mai 2006
Allons, Benoît, je ne veux pas calomnier, voyons ! Je n'ai aucune information particulière et ne fais aucun sous-entendu (pas mon genre.)
Ce que je dis, c'est simplement : ce type écrit comme un pied, ses billets nous le montrent suffisamment ; par conséquent, il ne peut pas écrire de livres, c'est impossible ; en tout cas, il ne peut pas parvenir à les faire paraître ; s'ils paraissent et si personne ne crie au scandale, c'est parce qu'ils sont récrits ; c'est le métier des éditeurs, comme je l'écris souvent ici : "peigner" les manuscrits, donc, rien à dire sur ce point ; cependant, ici, la réécriture ne peut qu'être considérable pour tenir la distance entre un billet illisible et un livre extrêmement plat mais qui tient debout ; question : jusqu'où peut aller la réécriture, justement ? Enfin, comment peut-on être dupe ?
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 mai 2006
Heu, je répondais à jacques, mais Benoit a été plus rapide.
A propos, Benoit, existe-t-il un lien vers cet article de BHL sur Handke (écrivain que j'apprécie par ailleurs alors que je déteste BHL)
Écrit par : Feuilly | mercredi, 31 mai 2006
Oui mais ne tardez pas, il deviendra sans doute payant sous peu:
http://www.lepoint.fr/edito/document.html?did=178765
Écrit par : Benoit | mercredi, 31 mai 2006
Benoit: merci pour le lien.
L'article est effectivement intéressant. Les questions, soulevées, les prises de positions me rappellent bien une discussion que nous avons eu ici il n'y a pas très longtemps. Il était aussi question de Céline, Camus et les autres.
Écrit par : Livy | mercredi, 31 mai 2006
Difficile de trancher sur le fond. Difficile de croire que Handke puisse être un dangereux fanatique sympathisant d'un régime meurtrier. Je crois plutôt qu'il faut voir plus loin. La Serbie a toujours été le noyau dur de l'unification yougoslave. Ainsi elle fut la première à se révolter contre l’empire ottoman. Dans les années 1990, elle risquait en effet de vouloir contrôler la région au nom d’un hégémonisme condamnable. Cela ne pouvait pas plaire aux Etats-Unis, qui cherchaient sans doute un prétexte pour s’imposer dans les Balkans. Cela leur plaisait d’autant moins que la Serbie restait quelque part un allié de Moscou (pour des raisons historiques : religion orthodoxe, etc.) De ce point de vue, tout était bon pour abattre la Serbie.
Je crois que c’est là que Handke s’est révolté et qu’il a vu dans l’attaque de la Serbie une offense à un peuple. Il s’en est expliqué quand il a dit qu’il se mettait du côté des plus faibles (ce que la Serbie était devenue sous les frappes de l’Otan). Evidemment, en agissant de la sorte, il mettait le doigt où il ne fallait pas, car on ne peut nier par ailleurs que le régime serbe, basé sur l’hégémonie raciale, soit condamnable. D’autant plus que des massacres gratuits de Croates et de Musulmans avaient bien eu lieu. Mais quelque part il a voulu montrer que la vérité était plus complexe. Et elle l’est. Prenons l’exemple du Kosovo. Nous savons avec Ismail Kadaré depuis les années 60 que ce peuple albanophone est la victime des Serbes. Nous avons été rétablir l’équilibre. Le problème, c’est que la situation s’est maintenant inversée et que ce sont les populations serbes du Kosovo qui sont pourchassées (suite à un esprit de vengeance qui se comprend). Mais Handke, je crois, a voulu montrer qu’il ne suivait pas aveuglément la version officielle, politiquement correcte. Il se place du point de vue des individus qui souffrent.
Ceci étant dit, il aurait pu dénoncer la politique ambiante anti-serbe sans aller jusqu’à assister à l’enterrement de Milosevic. Je crois qu’il est lui-même victime de ses idées. Il va trop loin.
Quant à BHL, il a tort d’oublier, puisqu’il parle du sort des Juifs en 1940-45, qu’à ce moment ce sont bien les Croates qui soutenaient les Allemands. On ne peut le leur reprocher d’ailleurs, ils agissaient de la sorte pour tenter, par ce moyen, de se débarrasser de l’hégémonie de la Serbie. Comme quoi tout est complexe.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 01 juin 2006
Hum. Je crois qu'il ne faut pas accuser les USA d'une quelconque visée sur la région, ils sont intervenus contraints et forcés, après bien des appels européens et s'ils avaient eu des visées dans la région cela se serait manifesté plus tôt ou bien ils auraient gardé une présence.
Le cas de Handke est compliqué parce que c'est le fils naturel d'un Slovène autrichien qui n'a jamais parlé slovène ou une quelconque langue slave. Dans sa mythologie personnelle, il refuse l'Autriche, sa langue l'allemand, l'Europe et il va vers une Yougoslavie de plus en plus mythique qui finit par se confondre avec la cause de la Serbie laquelle devient de plus en plus extrémiste. Je vois une hallucination d'un grand esprit qui prend son histoire personnelle comme l'histoire collective. Cela n'ôte rien à mon admiration pour Handke, mais je pense qu'il n'a pas vu que ce sont les Serbes qui ont plus opprimé les Slovènes que les Autrichiens. Un bon petit tour sur le divan de tonton Sigmund serait souhaité.
Écrit par : Dominique | jeudi, 01 juin 2006
Possible. Il se sentirait incompris en tant que pseudo-slovène et donc l'attaque contre la Serbie serait vue comme une attaque contre le monde slave qu'il vénère, donc contre lui-même. D'où l'acharnement un peu incompréhensible tout de même à défendre Millosevic.
Quant aux USA, je serais moins affirmatif. Je me souviens que ce sont les généraux américains qui secouaient les Européens. Ne se servent-ils pas de leurs alliés pour étendre leur influence par personne interposée?
Écrit par : Feuilly | jeudi, 01 juin 2006
Jacques ou Martine, votre nez est vraiment trop long dans la bannière, on ne peut vraiment pas vous croire !
Écrit par : Dominique | vendredi, 02 juin 2006
Eh oui, c'était évidemment l'idée de Patrick.
Écrit par : Jacques Layani | samedi, 03 juin 2006
"Quant à BHL, il a tort d’oublier, puisqu’il parle du sort des Juifs en 1940-45, qu’à ce moment ce sont bien les Croates qui soutenaient les Allemands. On ne peut le leur reprocher d’ailleurs, ils agissaient de la sorte pour tenter, par ce moyen, de se débarrasser de l’hégémonie de la Serbie. Comme quoi tout est complexe."
Ouais. Je ne vous suis pas. S'allier avec les nazis pour se libérer, c'est irrecevable. Ça peut se comprendre, comme un fait historique, soit, mais ça ne peut se justifier, ni alors, ni maintenant.
Handke: ce qu'il raconte, ce n'est quand même pas Duras délirant devant un fait divers "forcément sublime". Les charniers et les massacres, c'est autre chose. Aider à comprendre la complexité d'un conflit tel celui de la guerre en Yougoslavie: c'est le rôle des intellectuels, et si Handke avait effectivement joué son rôle, on aurait pû applaudir. Mais aller faire du "hiking" dans des contrées dans lesquelles "il n'entend pas" les soi-disant massacres, moi, ça m'empêche complètement d'admirer. Il y a une vraie césure dans l'Histoire avec l'Holocauste, historiquement parlant. Entre apprécier un écrivain des siècles passés, et même jusqu'aux années 30, qui par ailleurs, a commis quelques textes au parfum antisémite, passe encore. Lire un écrivain négationiste aujourd'hui, ou un Peter Handke, en tout cas pour moi c'est rédhibitoire, en travers de la gorge, ça ne passe pas. Il peut écrire tout le théâtre le plus exquis qui soit, son délire yougoslave en fait pour moi un artiste déchu.
D'accord avec Dominique, on a assez reproché aux américains leur lenteur à réagir en Yougoslavie, leur innaction au Rwanda, sans parler du fiasco somalien, on ne peut quand même pas commencer à les diaboliser à rebours sur le conflit yougoslave !
Écrit par : Benoit | lundi, 05 juin 2006
Benoît, Itzbegovic et Tudjman auraient dû aussi comparaître devant le TPI, mais ils sont morts avant Milosevic et sans avoir été en prison comme ils l'auraient dû. Quels intellectuels se sont rendus aux obsèques d'Itzbegovic ?
Écrit par : Dominique | lundi, 05 juin 2006
Je ne suis pas sûr de comprendre. Vous voulez dire qu'Handke aurait eu raison de souligner qu'Itzbegovic et Tudjman n'ont pas été inquiétés, et qu'en se rendant aux obsèques de Milosevic, Handke a d'abord fait oeuvre utile en soulignant ce fait ?
Écrit par : Benoit | mardi, 06 juin 2006
Non, Benoît, ne n'approuve pas le fait que les Croates ont soutenu le régime nazi. Je dis simplement que leur attitude a été en partie dictée par leur désir de se détacher de la Serbie, c’est tout.
Pour Handke : je ne pense pas qu’il nie les massacres et les charniers. Voir à ce sujet le site du Stalker (toujours très prompt par ailleurs à défendre les gens condamnés par ce qu’il appelle « la pensée de gauche »), mais dont j’approuve pour une fois le point de vue pour des raisons différentes des siennes.
http://stalker.hautetfort.com/archive/2006/06/03/sur-l-affaire-handke.html
Je crois que depuis le début Handke voit dans les frappes de l’Otan un complot contre la Serbie (en ne perdant pas de vue ce que ce pays représente dans son imaginaire personnel, comme Dominique l’a expliqué plus haut). Il n’est pas le seul. Le groupe Voltaire, qu’on ne peut guère accuser de sympathies pour des thèses racistes et hégémoniques, n’a pas dit autre chose à l’époque. Il rejoint finalement ce que j’expliquais : une manière pour les Etats-Unis de faire de l’ingérence et de démanteler l’ancien bloc soviétique.
http://www.voltairenet.org/article127330.html?var_recherche=yougoslavie?var_recherche=yougoslavie
Écrit par : Feuilly | mercredi, 07 juin 2006
Comme par un fait exprès, voici un article daté de ce jour sur l'éclatement de la Yougoslavie. Même s'il faut prendre souvent du recul avec les idées du groupe Voltaire, il n'en reste pas moins qu'il démontre que la situation dans les Balkans est plus complexe qu'on ne veut bien le dire.
Entre les Serbes dominateurs et les Croates indépendantistes, la différence ne serait pas de nature, mais de degré (la Serbie avait une armée puissante, pas la Croatie). La situation est identique au Kosovo: les anciens dominés savent se venger (et on les comprend tout en ne les approuvant pas, Benoît) et se montrer dignes de leurs anciens maîtres. Je crois que c'est tout cela qu'à voulu exprimer Handke.
http://www.voltairenet.org/article139972.html
Écrit par : Feuilly | mercredi, 07 juin 2006
Handke va plus loin, beaucoup plus loin.
Cet extrait d'entrevue à un quotidien allemand (que j'avais lu déjà à l'époque et dont, déjà également, je m'étais étonné qu'on puisse y trouver quoi que ce soit pour excuser l'écrivain) dans lequel Handke se livre à un palmarès d'intensité dans les douleurs subies par le peuple serbe en relation avec les juifs pendant l'Holocauste, c'est insupportable.
La vengeance, il y a belle lurette qu'on sait qu'elle fait partie du problème. Qu'un intellectuel comme Handke, plutôt que de chercher un chemin sinon pour en sortir, du moins pour mieux comprendre, se porte à la défense d'un dictateur, et ce, QUAND BIEN MÊME il y aurait eu complot, (et qu'alors il dénonce LES DEUX - les rationalisations, qu'elle vienne de Stalker ou du groupe Voltaire n'excuse pas le délire. D'ailleurs, lire les textes émanant de ces lieux est un exercice inutile tant il faut filtrer les outrances et délires qui leur sont propres - et les prises de position sont tellement prévisibles) c'est précisément pourquoi Handke s'est déshonoré.
Je sais, l'honneur n'est plus guère à la mode.
Je suis bien conscient que je passe désormais à côté d'un "grand écrivain", mais basta.
Qu'on se penche sur la biographie d'un Pound, Drieu ou autre pour tenter de comprendre leurs errements, avec de la distance, je veux bien. Mais qu'on se livre à de la psychanalyse sur l'écrivain bien vivant et pas du tout consentant pour comprendre et faire la part des choses, je trouve ça un peu pathétique.
Enfin, une pensée claire sur un problème complexe, c'est au minimum, ce à quoi on peut s'attendre d'un intellectuel. Or: "Je crois que c'est tout cela qu'à voulu exprimer Handke." Pour moi, cette phrase, parmi d'autres, c'est précisément le problème. Tous ces "je crois que, il a sans doute voulu dire, n'oublions pas qu'il a une haine de ses origines qui fait que probablement" etc etc." sont autant, à mes oreilles, de tentatives de relativisation à outrance. Le cas Handke sert au moins à démontrer l'état de décomposition, ou du moins, les limites de l'analyse sur la seule base de la pensée droite/gauche. Les énormités d'Handke vont au delà des positionements stratégiques. Il est question d'humanité.
Ou plutôt, de son absence criante.
Écrit par : Benoit | mercredi, 07 juin 2006
Oui, assimiler le sort des Serbes à celui des Juifs en 1940, c’est pour le moins curieux, j’en conviens.
Par ailleurs, on peut condamner l’intervention américaine en Irak sans pour autant soutenir Sadam Hussein. Ici, Handke aurait pu regretter l’attitude de l’Otan sans pour autant soutenir le bonhomme Milosevic, on est d’accord.
D’un autre côté, méfions-nous des clichés (non pas droite-gauche, mais blanc-noir). Dans cette région du monde qui est multiraciale et multiculturelle, les problèmes sont évidents. La solution du moment, pour toutes les parties, semble maintenant la création de petits états-régions mono culturels et mono ethniques. Cette fièvre d’indépendance s’appuie donc elle aussi quelque sur une partition raciale. Je suis en me montrant différent de mon voisin. La Serbie ne tenait pas un autre discours (mais en plus elle envahissait ses voisins et voulait les dominer, voisins qui avaient par ailleurs été ses anciennes provinces, ce qui complique encore la donne). De représailles en représailles, il y a eu des massacres de tous côtés. Difficile de dire qui sont les bons et qui sont les méchants.
De toute façon, en étant contre le discours officiel, Handke ne pouvait qu’être frappé d’ostracisme. La France et l’Allemagne elles-mêmes ne l’ont-elles pas été en refusant de participer à l’invasion de l’Irak ?
Écrit par : Feuilly | mercredi, 07 juin 2006
"De représailles en représailles, il y a eu des massacres de tous côtés. Difficile de dire qui sont les bons et qui sont les méchants."
Donc, en effet, tous coupables, à un moment ou à un autre. Dès lors, tout discours "à la défense" des souffrances serbes CONTRE les autres peuplades n'est qu'une surenchère. En se rendant à Belgrade, Handke est devenu un partisan. C'est son droit. Mais alors, qu'il assume. Et ses admirateurs aussi.
C'est comme le prophète Dantec, si apprécié sur les sites que vous citiez. À une époque, je lisais des fragments de son Laboratoire, vers 95-96, en trouvant son discours provocant, au milieu de délires pas encore complètement foubrac comme on dit par chez nous. Hélas, depuis, c'est devenu un militant de l'Opus Dei...
Écrit par : Benoit | mercredi, 07 juin 2006
Oui, Dantec, c'est non seulement illisible, mais en plus particulièrement réactionnaire. Je ne comprends l'engouement de certains pour ce monsieur.
Pour Handke: vous avez raison. Mais s'il avait soutenu les Croates, personne n'y aurait trouvé à redire.
Il n'empêche, une nouvelle fois on voit que les gens se positionnent en fonction de leurs convictions personnelles et non en fonction des faits. Jamais on ne verra le Stalker défendre un écrivain qui se serait fait réprimander pour son admiration envers Fidel Castro, par exemple.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 08 juin 2006
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