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mercredi, 05 avril 2006

Fable

On raconte qu’à Colombey-les-Deux-Églises, il y a deux nuits de cela, les habitants ont tous été réveillés, au même moment, par un inhabituel grincement. Quelque chose comme le bruit qu’eussent fait de lourdes dalles, pivotant l’une sur l’autre. Cela ne dura pas longtemps mais tous eurent le loisir de mettre le nez à la fenêtre. Cela provenait de la petite église et, plus précisément, du cimetière qui la jouxte. Les yeux écarquillés, le cœur partagé entre l’effroi et l’ahurissement, ils l’ont vu sortir de sa tombe. Il était toujours aussi grand, toutes ces années ne l’ayant pas voûté. Et là, se produisit plus curieux encore. On vit apparaître une DS noire, sortie d’où ? Le chauffeur descendit et se précipita pour ouvrir la portière arrière. Puis la voiture fila sans même un feulement de belle mécanique dans la nuit froide de printemps.

 

Rue du Faubourg Saint-Honoré, personne n’osa arrêter le véhicule. Il eût été étonnant qu’on le fît ! Il paraissait revenir chez lui, tout naturellement. La Citroën se gara avec grâce dans la cour. Il sortit, l’œil sombre. On s’écarta.

 

Dans le bureau du président de la République, sous la lampe, Chirac observait béatement le vieillissement de ses mains. La porte s’ouvrit, mais ce n’était pas un huissier. Le président leva les yeux, sa bouche s’arrondit, son cou descendit.

 

Il était revenu, une fois encore, une fois de plus. Ce diable d’homme ! Il se leva, moins vite qu’autrefois.

 

–  Monsieur le secrétaire d’Etat !

 

Chirac n’en crut pas ses pauvres oreilles. Il lui redonnait son titre d’autrefois, lorsqu’il était au Budget. Mais il avait grandi, depuis, il occupait même son bureau de jadis, son bureau à lui, et du bon côté de la table, encore ! Il n’osa pas répliquer. Les petits yeux aux lourdes paupières le fixaient.

 

La gifle partit droit, fort, sonore, humiliante. Chirac tomba sur le tapis, grotesque.

 

Dans la cour, près de la voiture noire, on assure avoir entendu dire : « Nous rentrons, Marroux ».

 

La DS a repris la route, s’est arrêtée devant le cimetière de Colombey. On a de nouveau pu entendre le sinistre grincement. Puis la nuit remit tout en place.

 

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Commentaires

Je vais me répéter : nous en sommes aujourd'hui dans la même situation que sous la fin de la présidence écourtée de René Coty, à cette différence près que ce ne sont plus les partis qui gouvernent, mais un seul parti et son chef auquel on confie la tâche de récrire une loi devant être appliquée en principe mais ne le devant pas selon les injonctions élyséennes, tandis que le Président ne préside plus rien et ne demande même pas à son Premier ministre d'assumer la responsabilité d'un texte qu'il a fait passer en fraude (amendement de dernière minute dans une loi sans aucun rapport, aucun passage en conseil d'État ou en conseil des ministres, forçage avec le 49-3, aucune concertation sociale contrairement avec les principes de la loi Fillon votée précédemment). La posture gaullienne ne suffit pas pour être gaulliste. Les véritables héritiers de de Gaulle ne sont surtout pas issus de l'UMP : ce n'est même plus un parti de godillots, mais une chambre d'enregistrement dont on pourrait se passer. Et je suis moins révolté par le CPE que par cette déliquescence de l'État et cette confusion des rôles car cela ouvre la voie à un prétendu homme providentiel qui est exactement la réplique plus cynique du précédent (après la mythologie gaullienne, la mythologie chiraquienne, voici la mythologie sarkozyenne). Enfin, je suis très inquiet. Et il est temps de passer à la VIe République. Arrêtons de triturer un cadavre.

Écrit par : Dominique | mercredi, 05 avril 2006

Quand général de Gaulle fâché, lui toujours faire ainsi.

Écrit par : Guillaume | jeudi, 06 avril 2006

Guillaume ? Tu es souffrant ?

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 06 avril 2006

Oui, en permanence, je suppose ; mais, en l'occurrence, c'est peut-être l'allusion à Tintin qui t'a échappé (ce qui n'est pas scandaleux, hein...).

Sinon, reviens quand tu veux ponctuer, de neuf tercets, mes photographies de poissons.

( ? )

Écrit par : Guillaume | jeudi, 06 avril 2006

Ah ? Pas compris l'allusion...

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 06 avril 2006

"Quand lama fâché, lui toujours faire ainsi." (le lama vient de cracher à la figure du capitaine Haddock).

Comme je suis fort peu tintinolâtre et comme je n'ai pas lu la moitié des albums, j'ai une fâcheuse tendance à m'imaginer que ce que je connais de Tintin appartient au vivier commun :)

Geluck a aussi transposé ça en "quand dalaï-lama fâché, lui toujours faire ainsi" (le Dalaï Lama crachant à la figure du Chat).

Bon, j'arrête...

Écrit par : Guillaume | jeudi, 06 avril 2006

Que voilà donc une belle et bonne fable : bonne idée, belle écriture, il a tout bon ce Jacques-là (pas l'autre).

(Guillaume : j'ai ajouté quelques tercets...)

Écrit par : fuligineuse | jeudi, 06 avril 2006

Ah, tiens, moi j'ai tout de suite saisi.
Faut dire, j'ai presque appris à lire dans Tintin, et jusqu'à 12 ans, lisait religieusement mes hebdos Tintin et Spirou.
Curieux tout de même à quel point on peut rester marquer par Le Temple du soleil.

Écrit par : Benoit | jeudi, 06 avril 2006

Fuligineuse : j'ai vu.

Écrit par : Guillaume | jeudi, 06 avril 2006

Merci, Fuligineuse, pour la "belle écriture", mais ce n'est vraiment pas écrit. C'est même un peu conventionnel et ça manque d'odeurs, de couleurs, de sons, bref, de sensualité. C'était juste pour sourire.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 06 avril 2006

« Neuf tercets » et « photographies de poissons »
Des vers délirants me suivent, et rient de ces allusions
Le musicien parle de Tintin et du capitaine Haddock
Les phrases du prof. battraient-elles la breloque
Une autre occasion de sourire derrière mon écran
Je vous promets d’intervenir de temps en temps

Écrit par : Aurélie | jeudi, 13 avril 2006

Nous saluons l'arrivée d'Aurélie, et lui souhaitons la bienvenue rue Franklin.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 14 avril 2006

Les commentaires sont fermés.