lundi, 20 février 2006
En lisant le Petit Littré, 2
Il est amusant de constater que, parfois, l’adjectif ne suit pas le substantif dans ses aventures et ses évolutions. Si complainte possède plusieurs sens : plainte en justice ; lamentation ; chanson populaire de quelque événement tragique ou sur une légende de dévotion – en revanche, complaignant n’a qu’une seule acception, celle qui se rattache au sens premier du substantif : qui se plaint en justice. Il ne peut donc s’agir d’une personne qui se lamente ou d’une autre, qui chanterait une chanson populaire.
Curieux, n’est-ce pas ? Si j’en crois, du moins, le père Émile, et je n’ai pas de raison de douter de sa parole.
11:10 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (9)
Commentaires
Et s'il ne tenait qu'à nous d'introduire ou de réintroduire ces usages laissés en friche ou retranchés ? Car en cherchant bien, dans Littré justement, on constate souvent qu'un mot venant sous la plume est bel et bien attesté, quoi qu'en dise – ou n'en dise pas – aujourd'hui Le Robert, dans l'usage même que la langue s'apprête à en faire, en nous, comme spontanément !
J'aime cette idée de faire vivre la langue à rebours… Réintroduire l'usage de l'adjectif "vite", par exemple…
Combien avons-nous croisé de complaignants, qui nous ont requis, en privé, nous confondant avec le tribunal de grande instance ! Le mot est magnifique. Je le retiens et vous remercie de l'avoir débusqué… Ce que vous évoquez est tout le contraire d'une posture compassée. La langue vit ! elle gigote, les mots parfois s'impatientent, depuis des lustres, des siècles. Un jour, enfin, ils nous trouvent.
Écrit par : Dominique Autié | lundi, 20 février 2006
On peut remarquer deux choses :
a) Ce qui est retenu tient au côté collectif, à la vie en société
b) Du sentiment - féminin- , le sens retenu donné, tend vers le politique - masculin (qui bien sûr se décline). Mais on sait bien que TOUT est politique... :-)
Écrit par : Martine Layani | lundi, 20 février 2006
Réintroduire des usages est effectivement tentant (comme sont tentants les néologismes, mais là, il faut bien du talent). Cependant, quel éditeur accepterait cela sans penser que, décidément, l'auteur ne *sait* pas écrire ou n'écrit pas *bien* ?
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 20 février 2006
… comme cet éditeur, jadis, qui refusa obstinément d'imprimer le titre exact de ma contribution à un hommage collectif rendu à un artiste contemporain : "l'œuvre calligraphié de X." a paru avec son "e" excédentaire, il n'y a rien eu à faire, ni avant, ni après. Il ne s'agissait pas de néologisme, mais d'un usage attesté, en partie perdu (si ce n'est sur la couverture d'un superbe ouvrage publié jadis par Gallimard : "Tout l'œuvre peint de Léonard de Vinci".
Rehausser le niveau culturel de vos éditeurs ne vous tente donc pas, Jacques ? C'est pourtant une des fonctions les plus nobles de l'auteur…
Écrit par : Dominique Autié | lundi, 20 février 2006
Ah, le coup de "l'oeuvre peint", "l'oeuvre complet", c'est quelque chose, ça. Impossible de le faire passer.
Non, je sais par expérience que toute initiative en matière de langue et de construction de l'ouvrage est très mal reçue. L'édition aujourd'hui réclame du digéré d'avance, du convenu, du light. Pas de vagues.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 20 février 2006
Vous devriez jeter un œil dans le TLFi :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=complaindre
Écrit par : Dominique | lundi, 20 février 2006
"l'oeuvre peint": c'est pourtant repris dans Grevisse et bien connu. C'était même enseigné dans les lycées. En tout cas de mon temps.
Écrit par : Feuilly | lundi, 20 février 2006
Dans le TLFi, je n'ai pas vu de différence. Toujours un seul sens pour l'adjectif. Ai-je mal lu ?
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 20 février 2006
Le TLFi enregistre l'adjectif dans son sens spécialisé, mais il ne mentionne pas le substantif qui semble plus fréquent cependant. Bon... les catégories substantif-adjectif sont très souvent perméables en français. Le sens spécialisé de l'adjectif est assez éloigné de celui des deux acceptions retenues pour le verbe (se complaindre n'est pas du tout retenu au sens juridique). Un dictionnaire, c'est un choix et une vision à travers des réalités multiples. Le matériau du TLFi ou de Littré ne montrait aucun exemple de complaignant adjectif au sens de qui pousse une complainte, le TLFi n'avait pas non plus dans ses relevés littéraires d'exemples de complaignant comme substantif ou de se complaindre en justice. Ces différents sens peuvent exister, d'autant qu'il est très facile de passer du participe présent à l'adjectif verbal (certaines constructions de phrases peuvent être équivoques ou peuvent prêter à des chipotages sur la taxinomie). Bref, ce n'est pas parce qu'un sens n'est pas enregistré dans un dictionnaire (ouvrage historiquement daté, géographiquement situé, partiel, partial et arbitraire) qu'il n'existe pas ou qu'il est impossible. En fait, les indications d'un dictionnaire reposent sur le matériel de départ : les exemples d'un corpus. Peut-être, les rédacteurs du TLFi ou du Robert ont-ils dans leur grosse banque de données des exemples des sens ou des classes grammaticales négligés, mais ils n'ont pas cru bon de les mentionner parce que cela doit être pas grand-chose et que le principe des dictionnaires français a toujours été de faire un tri pour les ouvrages généraux, sans jamais viser à l'exhaustivité.
Écrit par : Dominique | lundi, 20 février 2006
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