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lundi, 28 novembre 2005

La boue et la grâce, 2

Les droits du Journal de Goebbels seront donc versés à la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Soit.

 

Précisons ici ce qu’on entend habituellement par « droits ». N’allez surtout pas imaginer que l’éditeur de cette cochonnerie ne touchera rien. Les bénéfices de l’éditeur, s’il y en a, et il y en aura, ne sont pas considérés comme des droits. De quels droits s’agit-il alors ? Certainement pas de ceux des traducteurs. On ne voit pas pourquoi les trois traducteurs professionnels, Dominique Viollet, Gaël Cheptou et Eric Paunowitsch, ne serait pas payés pour leur travail, un travail d’ailleurs considérable. Grands dieux, pourquoi ont-ils accepté une telle commande ? Si j’étais traducteur, je refuserais tout net ce genre de besogne.

 

Les droits de Pierre Ayçoberry, qui a établi et annoté le texte français ? Sûrement pas.

 

Alors, les droits de qui ? Les droits d’auteur. Il n’y en a pas d’autres. Or, l’auteur est mort. S’il avait pu mourir beaucoup plus tôt, d’ailleurs, c’eût été encore mieux. Il faut donc chercher du côté des ayants-droit. Qui est l’héritier de Goebbels ? Un banquier suisse. François Genoud est l’héritier de Goebbels et d’autres dirigeants nazis, si j’en crois Le Point du 24 novembre 2005. Ce serait donc ce monsieur qui, très large, n’est-ce pas, très généreux, donnerait ses droits. Quelle hypocrisie. Comme je suis infiniment naïf, j’aurais pensé, a priori, que l’héritier de Goebbels se serait fait tout petit, aurait bien pris soin de cacher une telle ascendance ou, s’il n’a pas avec le fou de liens de famille, une telle relation, et n’aurait en aucun cas autorisé la publication des ordures du malade.

 

Au lieu de cela, ce type s’en sort avec les honneurs, passe pour généreux et pour racheter l’horreur.

 

Oui, je suis très naïf.

10:30 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (19)

Commentaires

Mais Genoud s'est tiré une balle dans la tête en 1996 ! Il est mort. Voir sa biographie par Pierre Péan « le Banquier noir ». Il a été le financier non seulement d'Eichman ou de Barbie lors de leurs procès, mais aussi du FPLP ou de Carlos. En Suisse, il a contribué à faire de l'UDC de Blocher le parti dominant et en Europe il a été un des artisans de la Trilatérale. Une constante : le soutien aux mouvements terroristes ou antisémites.

Écrit par : Dominique | lundi, 28 novembre 2005

J'ai parcouru l'article et je ne vois pas comment vous l'auriez mal compris, à part pour le fait non signalé que Genoud n'est plus. La question de l'édition a dû être négociée avec Genoud avant le commencement de la traduction et cela doit dater déjà de dix ans, mais il n'est plus l'ayant-droit puisqu'il est mort : ce sont donc ses héritiers qui pourraient avoir des droits et qui les ont peut-être abandonnés (héritiers fort mystérieux dans l'état actuel de mes connaissances). Il avait négocié de la même manière sa biographie et ses entretiens par Péan, juste avant de se suicider. Il a eu un certain nombre de provocations ainsi vers la fin.

Écrit par : Dominique | lundi, 28 novembre 2005

Comme les carabiniers, j'arrive un peu tard dans ce débat.

En bref:
Cacher les idées nazies tend à faire croire qu'on les falsifie. Ainsi, Le Pen, de son côté, c'est suffisamment plaint qu’il était mis de côté par les journalistes. Les partisans de ce genre d’idées parlent alors de complot et cela renforce leurs convictions. Sans compter que l’idée d’appartenir à un cercle restreint et maudit leur plaît beaucoup.

Dévoiler ces idées à grand renfort de pub. N’est pas malin non plus. Il en restera toujours quelque chose.

Mieux vaut publier ces textes au nom de la vérité historique (avec une bonne introduction et de bonnes notes qui en expliqueraient le côté dangereux) mais ne pas en faire un succès de librairie.

Dans le cas présent, la qualité de l’édition proposée et le choix des fêtes de Noël n’est pas gratuit. Je ne pense pas que le but soit de répandre ces idées fascistes, mais simplement de faire de l’argent à bon compte (en caressant certains « lecteurs » dans le sens du poil, c’est-à-dire en donnant à leur côté trouble l’occasion de se manifester). C’est donc dangereux en effet.

Je me demande comment ils parviennent à un prix aussi bas pour un ouvrage de cette qualité (typographie et reliure). Quand on voit le prix d’un livre de poche « Pluriel »…

Écrit par : Feuilly | mardi, 29 novembre 2005

Feuilly : "Je me demande comment ils parviennent à un prix aussi bas pour un ouvrage de cette qualité (typographie et reliure). Quand on voit le prix d’un livre de poche « Pluriel »…"

Ah, ce n'est pas moi qui le dis, cette fois !

J'ai encore regardé la couverture de ce livre aujourd'hui. Le portrait qu'on y voit est d'une excellente qualité. Or, cette photographie a plus de soixante ans. Je n'imagine pas le nombre d'heures de Photoshop qu'il a fallu passer pour la traiter... Et le prix de l'infographie...

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 29 novembre 2005

"Je me demande comment ils parviennent à un prix aussi bas pour un ouvrage de cette qualité (typographie et reliure). Quand on voit le prix d’un livre de poche « Pluriel »…"

N'est-ce donc pas le livre de poche qui est vendu bien plus cher qu'il ne pourrait - devrait - l'être ?

Écrit par : Fanny | mardi, 29 novembre 2005

Question qui porte en soi sa réponse, mais ne répond pas à l'interrogation initiale de Feuilly. A revoir, mademoiselle Fanny.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 30 novembre 2005

Fanny : N'est-ce donc pas le livre de poche qui est vendu bien plus cher qu'il ne pourrait - devrait - l'être

Il ne s'agit pas, en effet, d'un vrai livre de poche, mais d'un livre au format de poche. La qualité du papier, de l'impression, de l'encollage est supérieure à mettons... un simple « Livre de poche ». Certains éditeurs distinguaient les poches des semi-poches d'un format un peu supérieur (L'Imaginaire, le Cabinet cosmopolite, les Cahiers rouges, la Bibliothèque 10-18, l'avant-dernière version de la Série noire), mais ces catégories sont brouillées puisque des éditions en semi-poche peuvent être fort mal imprimées et qu'il existe le livre à 10 francs ou à deux euros (Librio, Classiques d'aujourd'hui, Mille et une nuits) qui est en fait la première version de ce qu'était le poche. Parler de livre de poche n'a plus guère de sens.

Écrit par : Dominique | mercredi, 30 novembre 2005

@ JL : je sais bien que j'étais hors-sujet... mais enfin, que veux-tu, à force de corriger des hors-sujets, on y prend goût.

Pour Dominique : il est vrai que le terme livre de poche n'a plus grand sens... et ce brouillage des cartes entre les différentes qualités de livres au format poche ne permet-il pas, globalement, d'augmenter les prix de tous, pour se rapprocher d'une moyenne qui, elle, n'est plus au format poche (ou en tous cas, qui s'éloigne du format de la mienne) ?
J'ai l'impression de n'avoir jamais payé mes livres aussi chers que ces temps-ci. Je sais que l'inflation est générale, mais enfin. Le phénomène ne serait-il pas plus marqué pour le livre ? Vous qui connaissez mieux ce milieu que moi...

Écrit par : Fanny | mercredi, 30 novembre 2005

Fanny: Hors sujet peut-être, mais votre remarque n'en est pas moins pertinente (n'en déplaise au papa qui se croit obligé de prendre avec vous un ton grondeur). Le livre de poche est devenu bien cher. Dès que le livre est un peu volumineux, le nombre de "points" augmente et le prix aussi. Ainsi, le Canto general de Neruda, dans la collection Poésie-Gallimard est à 11 euros à la Fnac. Pour quelques euros de plus vous avez une édition reliée...

La révolution démocratique du livre de poche s'emborgeoise drôlement.

Notons que ce n'est pas Hachette qui est l'inventeur du livre de poche (en 1953 je crois). Marabout, à Verviers l'avait déjà fait en 1948, immitant en cela l'édition américaine. Et puis avant il y avait déjà eu la littérature de colportage...

Écrit par : Feuilly | mercredi, 30 novembre 2005

C'est difficile de comparer les prix des livres de poche mettons sur vingt ou trente ans. On peut dire qu'ils ont augmenté bien plus que l'inflation, mais les éditeurs ont des astuces pour faire passer les choses et en gros il y a toujours plus ou moins le même écart de prix entre un J'ai Lu et un 10-18.

Un titre qui existait en Folio se retrouve en Imaginaire ou dans l'Étrangère, en semi-poche. On change la classification en passant des carrés ou des étoiles aux lettres et des lettres aux chiffres arabes puis aux chiffres romains. Tout cela suit généralement une refonte de la maquette et l'emploi d'un meilleur papier, d'une meilleure impression (dans un premier temps). On fragmente le recueil en livres prétendument bon marché (une nouvelle là où on avait un recueil, une pièce au lieu de trois ou quatre) : le professeur peut recommander le texte pour ses élèves, mais ceux-ci perdent en nombre de pages car certains livres à 2 euros coûtent globalement plus cher en rapport page-argent (ou de manière plus pertinente nombre de signes-argent). Il y a encore la foule des déclinaisons possibles pour justifier un petit supplément : le cahier pédagogique ou thématique, les annexes, la préface de l'universitaire, les illustrations hors-texte, l'appareil de notes pour une édition scolaire, la version bilingue.

Il y a donc des situations très variées : tout ce qui est plus ou moins scolaire ou classique est l'objet d'une foule de tripatouillages puisqu'il s'agit de séduire les prescripteurs que sont les enseignants. Les ouvrages du fonds ne sont pas réimprimés ou réassortis, en attendant leur reparution dans une formule plus chère. Les textes de sciences humaines ou de poésie subissent la loi générale de l'édition de sciences humaines et de poésie : ils sont tirés à moins d'exemplaires que dans les années 60-70 et ils le sont à un prix prohibitif (déjà heureux qu'il y ait encore des livres de poche dans ces domaines). Ce sont ces deux derniers secteurs qui me semblent les plus sinistrés, si l'on excepte les philosophes d'opérette sur petit écran et les essais d'éditorialistes de la presse. Il y aurait un nouveau Duby, un nouveau Le Goff, un nouveau Le Roy Ladurie, un nouvel Ariès, ils n'arriveraient pas à l'édition de poche comme cela se faisait dans les années soixante ! La célébration de Christian Bourgois cette année ressemble fort à un enterrement de ce que fut le livre de poche et l'accès de tous à la littérature ou à la pensée.

Écrit par : Dominique | mercredi, 30 novembre 2005

Pourquoi un prix aussi bas, demande, l'ami Feuilly ?

Je tente de répondre par l'anti-phrase : pourquoi la nrf vend-elle si cher (17,50 E) un livre de format 12 x18 - 150 pages ? C'est, il est vrai, en Bibliothèque de philosophie. J'ai vraiment envie de répondre "et alors !".

Certes, personne ne m'oblige à dépenser autant pour réfléchir... ça doit être du vice.

M. Sartre, quand il a créé cette collection -- comme lorsqu'il a voulu faire un journal (émission de France Inter d'hier) -- n'avait pas songé à toutes ces dérives.

Écrit par : Martine Layani | mercredi, 30 novembre 2005

Bien entendu, l'opinion de Dominique Autié, sur ces sujets, est attendue avec impatience.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 30 novembre 2005

JL : Enfin, mais Dominique l'a déjà dit, le maquillage pur et simple que constitue le semi-poche et le passage en Imaginaire de ce qui figurait en Folio depuis des années est une hypocrisie sans nom.

Il y a pire encore à mon avis. J'ai en tête des livres qui étaient imprimés avec un papier certes un peu fragile et fort peu épais, mais qui étaient au moins composés. Or lorsque certains volumes passent en semi-poche, ils sont très souvent photogravés. Le résultat, c'est un papier épais, glacé et fort joli, des caractères agréables en apparence (tiens, c'est ancien et c'est joli !), mais d'abord un bousillage de la maquette par le passage à un autre format (on grossit la taille des caractères ou bien on les écrase ou bien on se contrefiche de la marge), ensuite un salopage des pages qui étaient plus ou moins effacées sur l'exemplaire qui a servi à la réimpression : il y a parfois une ligne sur deux qui est effacée ou bien des moitiés de lettres seulement ou bien des morceaux de texte qui manquent dans un coin ! Ce qui est absolument normal quand on connaît le sort des livres imprimés entre 1920 et 1960 (victimes d'une malédiction du papier, mais qui sont aussi victimes ici d'une malédiction des photocomposeurs). Le semi-poche recèle une foule d'escroqueries éditoriales quand on compare les versions en édition classique, en poche et dans le simili-poche qu'est pour moi le semi-poche. On fait payer plus cher pour des textes plus mal édités qu'en poche !

Écrit par : Dominique | mercredi, 30 novembre 2005

Tiens, ça me fait penser aux "reprints" qui sont des rééditions par photocomposition, avec des caractères écrasés, effectivement. Le résultat est horrible. Un tel procédé peut se comprendre lorsqu'il s'agit de textes un peu anciens, devenus introuvables (Slatkine reprints fait ça, et d'autres aussi), pas quand il s'agit uniquement d'avoir des retirages à moindre coût, lorsqu'on veut rhabiller des collections existantes.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 30 novembre 2005

Sans parler des éditions photocomposées qui, je l'ai vu plusieurs fois, reprennent pour certaines pages des éditions différentes du reste (du moins, je ne vois pas d'autre explication), avec une police parfois sensiblement différente. De quoi me faire totalement "sortir" de la lecture.

A Feuilly : merci de la solidarité face au "ton grondeur" paternel ! Il ne peut s'en empêcher ! ;o)

Écrit par : Fanny | mercredi, 30 novembre 2005

On s'éloigne de Goebbels et je préfère ça (parmi les nazis, c'est vraiment le type que je vomis le plus). Les reimpressions notamment dans la collection Reprint de Slatkine-Champion sont une bonne chose et je n'ai pas vu trop de bousillages dans la masse que je possède (il faut dire que ces réimpressions coûtaient environ 120 francs vers 1985 et que ce n'était vraiment pas du tout du livre de poche), mais le principe de donner un texte essentiel qui n'était plus accessible est un très bon principe. En revanche, lorsque Stock, Grasset ou Gallimard donnent des livres de leur fonds par photogravure, ils se fichent souvent du monde ! Les textes devraient être recomposés et devraient bénéficier d'une pagination n'ayant rien à voir avec l'original dont c'est une version très dégradée. Je précise que ce n'est pas le cas de tous les volumes des collections, mais de certains qui sont pour moi une des hontes de l'édition et qui sont vraiment plus mal faits que les premiers poches.

Écrit par : Dominique | mercredi, 30 novembre 2005

Jeanne Laffitte, à Marseille, faisait (fait peut-être encore) la même chose que Slatkine, avec Laffitte reprints. D'anciens textes sur la Provence, l'Occitanie, us, coutumes, histoire, dans une présentation semi-luxueuse comme Slatkine.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 30 novembre 2005

Je ne crache pas sur les réimpressions par photogravure, Jacques ; le bouquiniste de Hans en fait régulièrement pour des monographies qui concernent ma contrée et c'est assez réussi car il se sert toujours de deux ou trois volumes dont il regarde d'abord l'état et il fait imprimer seulement après souscription.

Écrit par : Dominique | mercredi, 30 novembre 2005

Oui, c'est vrai que ça se fait beaucoup, aussi, en matière d'édition et d'érudition régionale. Pas mal de monographies -- je l'ai constaté dans le Lot -- sont faites ainsi. Cela va du format A5 encollé à la diable au bel album illustré.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 30 novembre 2005

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