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samedi, 26 novembre 2005

La boue et la grâce

Les éditions Tallandier publient le premier tome du Journal de Goebbels. Ce volume sera suivi de trois autres.

 

Je suis tombé hier sur ce livre, qui m’a fait me poser mille questions.

 

Il est précisé que les droits correspondants seront versés à la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Je crains qu’il ne s’agisse d’un effet pur et simple. Les sommes, sans doute, ne seront pas significatives et la Fondation ne sera guère avancée dans son action. Au rebours, le mal que pourront faire de telles « idées » sera forcément plus important. Je demande : qu’est-ce que publier les délires de Goebbels dans un pays où Mein Kampf est interdit ? Où veut-on en venir ? Le nazisme est le mal absolu – il s’est bien appliqué à le prouver, me semble-t-il – et les journaliers de Goebbels ne peuvent pas, à mon avis, être considérés ainsi qu’un document historique comme un autre. Le nazisme n’est pas anodin. Une édition scientifique de ces saloperies n’est pas une édition scientifique comme une autre. On peut, même si l’on déteste Napoléon, lire sa correspondance ou le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases sans risque majeur pour l’avenir de l’humanité. On ne peut pas lire l’hystérie nazie sans risque, même si l’on est cuirassé, blindé, bétonné.

 

Car il faut dire une chose.

 

Nous en arrivons au point de la responsabilité éditoriale. Je m’explique. J’ai tenu dans mes mains cet ouvrage. C’est un livre magnifique. D’un format légèrement supérieur à la moyenne des publications, d’une épaisseur en parfait accord avec ses dimensions, il possède par conséquent une main merveilleuse. C’est terrible : ce livre est sensuel. C’est affreux. Il est extrêmement bien présenté, très bien imprimé, avec des marges agréables, bref, il est presque parfait en tant qu’objet. C’est même un des plus beaux livres qu’il m’ait été donné de voir depuis fort longtemps : le danger est immense. Il est rendu plus grand encore par le portrait du sinistre bonhomme qui figure en couverture. Un portrait était-il nécessaire ? Une couverture typographique n’eût-elle pas suffi ? Le portrait en question étant de grande qualité, le diariste risque de paraître séduisant.

 

Vous savez que l’édition est un de mes dadas. J’étudie les problèmes du livre depuis trente ans au moins et je pense connaître l’effet que peuvent avoir les livres sur le public, avant même d’être lus. Celui-ci est trop beau pour le poison qu’il contient. L’abjection n’a pas besoin d’être fleurie. La boue ne doit pas être ornée des rubans de la grâce. C’est bien trop risqué. Cela ne s’arrête pas là. En quatrième de couverture, une photographie en couleurs montre Goebbels aux côtés d’Adolf Hitler. Les deux hommes rient. Une image en couleurs des premières années 40, ce n’est pas fréquent et donc d’autant plus attirant pour l’esprit, la curiosité. Toujours en quatrième de couverture, figurent quelques mots de l’auteur du Journal, disant en substance que, parfois, Hitler lui demandait de rester avec lui parce qu’il avait beaucoup de choses à lui dire et que sa présence le rassurait ; le fou malade explique qu’il se sentait très honoré de cela. C’était exactement le genre de propos qu’il ne fallait pas reproduire : ils induisent un Hitler proche, affectueux, demandant à être rassuré (!).

 

Je résume : un texte dangereux et puant est édité dans une superbe présentation avec une couverture attirante. Il paraît un mois avant Noël. J’ajoute que, pour 766 pages de texte, ce volume ne coûte que 35 euros. C’est inadmissible. À titre de comparaison, le tome premier de la Correspondance générale de Verlaine (1857-1885) proposé cette année par Fayard dans l’édition de Michael Pakenham, coûtait 45 euros. C’était cher, j’avais abordé ce sujet dans un article de mon ancien blog. Toujours par comparaison, Le Corbusier, la planète comme chantier de Jean-Louis Cohen paru chez Textuel dans la collection « Passion » (191 pages très illustrées) est vendu 49 euros. C’est cher aussi. Verlaine et Le Corbusier me paraissent pourtant avoir été plus utiles à l’humanité que le pitre infâme Goebbels. Autrement dit, la monstruosité, l’ignoble, la honte de l’histoire ont droit à un prix raisonnable. Je ne sais pas à quoi l’on joue mais je sais que c’est avec le feu.

13:10 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (17)

Commentaires

Est-ce le prix des insanités de Joseph qui est ignoblement bas, ou celui de la correspondance de Popol scandaleusement haut ?

Faut-il, parce que Joseph raconte à longueur de pages des insanités vomitives, les imprimer sur du papier-toilette ?

Les historiens du IIIe Reich et de la Seconde Guerre Mondiale, sous prétexte qu'ils travaillent sur des sujets que d'autres fouille-merdes du côté de Lyon III ont sali de leurs négations, doivent-ils travailler sur un livre de poche moche et mal broché ?

Allez, 35 euros, ce sera toujours trop pour le petit jeune un peu couillon, qui risquerait de tomber dans le panneau. Et ceux qui franchiront le pas de mettre 35 euros là-dedans seront soit des fanatiques du petit brun malingre hystérique, et donc déjà irréparables, soit des gens qui sauront où ils mettent les pieds, et pourquoi ils achètent un tel texte. Non ? Du moins je veux le croire... et ne pas surestimer le pouvoir d'un livre dans un monde où la bêtise lit de moins en moins.

Cela dit, effectivement, reste une interrogation... Si Mein Kampf est interdit, pourquoi Goebbels est-il autorisé ?
Mais enfin, d'une manière générale, je ne suis pas sûre que la censure, officielle (comme pour Mein Kampf) ou de fait (ne pas publier Goebbels) soit le meilleur moyen de combattre des "idées". N'est-ce pas au contraire les mythifier, les entourer d'un goût d'interdit et d'un voile de mystère qui ne pourront qu'attirer les adolescents sans repères et en mal d'émotion fortes, qui font souvent le lit des fascistes ?

Vomir (même sur beau papier) la parole de Goebbels (et son utilisation des formidables potentialités des médias d'alors) sur la place publique ne peut-il pas aussi servir à aider à faire un parallèle (en respectant évidemment toutes les nuances de mise ici) avec un autre petit brun hystérique manipulant les formidables potentialités des médias du moment ?
Il est vrai, encore faudrait-il que la France réfléchisse. Ce dont je doute lorsque je vois certaines "cotes de popularité"...

Pas de réponse à tout ça, juste quelques questions qui se posent.

Écrit par : Fanny | samedi, 26 novembre 2005

Oh, mais ce n'est pas si simple, Fannette.

"Les historiens du IIIe Reich et de la Seconde Guerre Mondiale (...) doivent-ils travailler sur un livre de poche moche et mal broché ?" : c'est admettre que le Journal de Goebbels est un document historique. Le sens de ma note était justement que le nazisme ne peut pas s'inscrire dans l'histoire comme le reste, en tout cas pas encore. Le Journal de ce mec n'est pas un document historique mais, aujourd'hui encore, une tourbe immonde qu'il faut manipuler prudemment. Oui, j'avais JUSTEMENT pensé à un livre de poche mal fichu, pourquoi pas ? Ne trouves-tu pas qu'il y a ambiguïté à publier juste avant Noël un livre attirant parce que bien fait ? Avec un portrait de belle facture en couverture ?

As-tu bien réalisé qu'il y aura QUATRE tomes de cette prose ? J'ai essayé d'imaginer la place que cela prendra dans une bibliothèque. Compte tenu des dimensions, de l'épaisseur et du nombre de volumes, ce sera énorme, on ne verra que ça. Tout cela me paraît infiniment imprudent.

"Je ne suis pas sûre que la censure, officielle (comme pour Mein Kampf) ou de fait (ne pas publier Goebbels) soit le meilleur moyen de combattre des "idées". N'est-ce pas au contraire les mythifier, les entourer d'un goût d'interdit et d'un voile de mystère" : ça, c'est un vieux débat entre toi et moi, il a dû commencer quand tu avais douze ans, à peu près. Je répète toujours cet exemple incontestable : en 1972, Le Pen totalise 0, 4 % des voix. En 2002, il est second à l'élection présidentielle, littéralement fabriqué par le commentaire de son action.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 26 novembre 2005

Fanny : Si Mein Kampf est interdit

Mein Kampf n'est pas interdit ! Peu d'éditeurs le réimpriment, c'est tout. Il est en vente libre, sans aucune restriction légale (à la différence des pamphlets de Céline où l'interdiction vient des ayants-droit). Mais bon... pour obtenir un exemplaire il faut ou bien chercher dans une bibliothèque avec des réserves locales d'accès, ou bien fréquenter des librairies et des stands de brocantes mal famées. On n'a pas plus interdit les pamphlets de Drumont, j'ai « la France juive » dans un recoin (achetée à vil prix chez un bouquiniste qui ne connaissait pas les prix officieux du torchon, je me suis dit que c'était mieux chez moi que chez un nazillon).

Écrit par : Dominique | samedi, 26 novembre 2005

Merci Dominique de récupérer les exemplaires des livres horribles pour éviter de les laisser traîner... Voilà un bel acte militant.

Je vous crois bien sûr sur parole mais j'étais vraiment persuadé que Mein Kampf était interdit. Je pensais même qu'il était le seul ouvrage en permanence interdit en France, où la librairie et l'imprimerie sont libres.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 26 novembre 2005

Les livres peuvent faire l'objet de plusieurs sortes d'interdictions qui ne disent pas vraiment leur nom. Par exemple, l'incitation au suicide (cas de Suicide, mode d'emploi) ou l'atteinte à la vie privée (le livre de Gubler) ou la diffamation (le livre sur la mort de Yann Piat qui visait Gaudin et Léotard) : ils ont été interdits dans leur forme par la justice. Toutes ces interdictions existent encore. D'autres livres peuvent l'être par voie de décret (cas de quelques livres récents prétendument suspects de complaisance envers la pédophilie, ou dans le cas de Vuillemin une sotte assimilation pasquaïenne au nazisme du fait de son album "Hitler = SS"). Mais il n'y a jamais eu de décision gouvernementale ou d'action en justice contre Mein Kampf ou les livres de Drumont et même contre les Protocoles des sages de Sion* ! Tout ou presque peut être imprimé, diffusé, vendu, acheté. Mais celui qui le fait sait ce qu'il fait. L'opprobre suffit. Il n'y a jamais eu de volonté de la part des organisations anti-racistes d'éliminer ce qui est les preuves historiques. Les seuls ouvrages attaqués en justice sont les textes récents des négationnistes comme ceux de certains débiles de Lyon-III.

* La dernière BD (dernière car il est mort récemment) de Will Eisner est consacrée à la dénonciation de ce faux. Elle vient juste d'être traduite. http://www.actuabd.com/article.php3?id_article=1213

Écrit par : Dominique | samedi, 26 novembre 2005

Les livres peuvent faire l'objet de plusieurs sortes d'interdictions qui ne disent pas vraiment leur nom. Par exemple, l'incitation au suicide (cas de Suicide, mode d'emploi) ou l'atteinte à la vie privée (le livre de Gubler) ou la diffamation (le livre sur la mort de Yann Piat qui visait Gaudin et Léotard) : ils ont été interdits dans leur forme par la justice. Toutes ces interdictions existent encore. D'autres livres peuvent l'être par voie de décret (cas de quelques livres récents prétendument suspects de complaisance envers la pédophilie, ou dans le cas de Vuillemin une sotte assimilation pasquaïenne au nazisme du fait de son album "Hitler = SS"). Mais il n'y a jamais eu de décision gouvernementale ou d'action en justice contre Mein Kampf ou les livres de Drumont et même contre les Protocoles des sages de Sion* ! Tout ou presque peut être imprimé, diffusé, vendu, acheté. Mais celui qui le fait sait ce qu'il fait. L'opprobre suffit. Il n'y a jamais eu de volonté de la part des organisations anti-racistes d'éliminer ce qui est les preuves historiques. Les seuls ouvrages attaqués en justice sont les textes récents des négationnistes comme ceux de certains débiles de Lyon-III.

* La dernière BD (dernière car il est mort récemment) de Will Eisner est consacrée à la dénonciation de ce faux. Elle vient juste d'être traduite. http://www.actuabd.com/article.php3?id_article=1213

Écrit par : Dominique | samedi, 26 novembre 2005

JL : Effectivement, j'avais un peu oublié l'affaire de Suicide, mode d'emploi.

Interdit de réédition, mais pas totalement de vente (les exemplaires existants et déjà vendus ne sont pas saisis). On peut parfaitement le revendre de particulier à particulier.

JL : Le livre de Gubler, lui, vient de reparaître cette année sans que la famille de Mitterrand puisse cette fois s'y opposer.

Ne pouvait juridiquement ou matériellement ? Le livre était un événement il y a dix ans, mais il a aussi circulé ailleurs sous forme d'extraits ou de copies. Maintenant ce n'est plus un événement et la famille qui pourrait s'opposer juridiquement avec les mêmes arguments (mais aussi contre le fait que le contenu a été largement divulgué ailleurs) ne veut pas s'exposer à un ridicule. Juridiquement, la famille Mitterrand a toujours raison et elle peut encore exciper le premier jugement, mais vu la tournure des faits je crois qu'elle préfère faire le dos rond et la sourde oreille afin de ne pas se voir désavouée par un tribunal.

JL : Celui sur la mort de Yann Piat entrait dans le cadre d'une simple (égale classique) procédure de diffamation.

Sauf que c'était le fond essentiel du livre, sa thèse. Deux lignes diffamatoires, cela ne permet pas d'interdire un livre, tout juste le pilon et un rectificatif, mais tout un livre orienté pour détruire une personne c'est autre chose.

JL : Je ne sais pas pourquoi j'étais persuadé d'avoir lu quelque part -- mais où ? -- le fait que Mein Kampf était symboliquement et volontairement interdit.

La question d'une édition critique par des universitaires (exempts de tous reproches négationnistes) a été posée il y a à peu près dix ans. On parle du texte par sources indirectes le plus souvent (sauf chez les vrais chercheurs qui ont le texte à leur portée) et c'est une fort mauvaise chose car cela propage des rumeurs ou bien des démentis mensongers. D'un autre côté, cela revient à remettre ces idées en avant. C'est un peu compliqué de décider de ce qui serait le mieux : faut-il donner accès à tout pour tous ? On y a de toute manière accès si l'on est nazi ou chercheur ! Ce serait alors faire le jeu des nazis ? Mais cacher un texte et le donner en seconde source, c'est entretenir aussi le mythe de la conspiration que les nazis aiment tant. Le problème me paraît insoluble, on est dans l'aporie totale. Je crois que la solution est le problème posé comme problème (et là je fais un peu mon Levinas de sous-préfecture).

Écrit par : Dominique | samedi, 26 novembre 2005

Ta note est très bien écrite, ce qui ajoute encore, au second degré, à tes remarques. Non, je plaisante... et partage entièrement ton analyse.

Écrit par : Guillaume | dimanche, 27 novembre 2005

"c'est admettre que le Journal de Goebbels est un document historique. Le sens de ma note était justement que le nazisme ne peut pas s'inscrire dans l'histoire comme le reste, en tout cas pas encore. Le Journal de ce mec n'est pas un document historique mais, aujourd'hui encore, une tourbe immonde qu'il faut manipuler prudemment. "

Sauf que justement, "sortir" le nazisme de l'histoire, c'est ça qui le fait plus dangeureux encore, c'est lorsque l'on en fait quelque chose d'exceptionnel. C'est tout le débat qu'il y avait eu lors de la sortie du film La Chute : on lui reprochait de montrer Hitler comme un homme et non un monstre... Je crois que toute la question est là : faire d'Hitler et du nazisme des monstruosités, au sens étymologique du terme, c'est les sortir à la fois de l'histoire et de l'humanité, les renvoyer dans une altérité par rapport à ce que nous sommes qui est trop confortable. C'est justement parce que le nazisme est le fait "d'hommes ordinaires" (Browning) qu'il prend tout son poids. Enfin bref, je pontifie... Tout ça pour dire qu'au contraire, pour moi il est à inclure, entièrement, totalement, et en toute responsabilité, dans l'histoire.

"As-tu bien réalisé qu'il y aura QUATRE tomes de cette prose ? J'ai essayé d'imaginer la place que cela prendra dans une bibliothèque. Compte tenu des dimensions, de l'épaisseur et du nombre de volumes, ce sera énorme, on ne verra que ça. Tout cela me paraît infiniment imprudent."
La forme, encore une fois, ne m'inquiète pas autant que toi. Tu as bien vu dans ma bibliothèque le pavé biographique d'Hitler par Kershaw. Fallait-il que je ne l'achète pas sous prétexte, là encore, que c'est plutôt un beau livre ? Fallait-il que je ne le lise pas parce qu'il parle d'Hitler ? Fallait-il que je le cache pour qu'on ne voie pas que l'un des plus gros livres de ma bibliothèque porte écrit au dos, en énorme et en majuscules, Hitler, en blanc sur fond noir ?

Écrit par : Fanny | dimanche, 27 novembre 2005

Sauf que la couverture de ce livre reprend, graphiquement, l'esthétique des années 30 dans sa composition...
http://images.amazon.com/images/P/2082125297.08.LZZZZZZZ.jpg

Écrit par : Fanny | dimanche, 27 novembre 2005

Elle évoque surtout une croix gammée. Je demande : était-ce nécessaire ?

Tu t'opposes à mon point de vue, soit, mais tu ne réponds pas au fond de ma question.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 27 novembre 2005

Je lis cette phrase de René Char qui me paraît trouver sa place dans cette discussion :

"Bien qu'elle affecte d'avancer à coups d'excès, l'histoire adore la modération ; c'est pourquoi l'histoire est trouble, non troublante".

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 27 novembre 2005

Je ne réponds pas au fond de ta question sans doute parce que je ne la comprends pas bien.
Le problème est-il que les éditeurs fassent du fric avec Hitler ? Ils en font avec n'importe quoi, c'est quand même leur but, au fond, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à éditer. Le système du marché est ce qu'il est, et les éditeurs y sont des acteurs comme les autres, et finalement, je ne suis pas sûre que dans la logique de fond, il y ait une quelconque différence entre Gallimard et Carrefour.
Le problème est-il que cela ne te semble pas moral ? Depuis quand l'argent a-t-il une morale ? On est dans une logique d'entreprise, là. Je ne dis pas que c'est bien, je ne m'en félicite pas, loin de là, tu le sais bien. Je me borne à constater - et déplorer.

Écrit par : Fanny | dimanche, 27 novembre 2005

Bon, je vais essayer d'être plus clair.

Je t'accorde qu'on ne doit pas faire sortir le nazisme de l'histoire et que ce serait périlleux. Accorde-moi qu'il n'est pas, cependant, un fait historique comme un autre.

A partir de là, si le Journal du dingue malade est un document historique, ce dont je ne suis pas entièrement convaincu, mais admettons, admettons -- était-il nécessaire d'en proposer une édition ATTRAYANTE ? Et de la proposer à prix (relativement) bas compte tenu du nombre de pages, le tout juste au moment des achats de Noël ? Je ne trouve pas immonde que Tallandier et les autres gagnent de l'argent. Je trouve immoral qu'il en gagnent avec Goebbels et surtout qu'ils présentent Goebbels comme -- comment dire ? -- un repas de fête ! Un cadeau ! Je tiens qu'une édition brochée toute simple, sous une couverture typographique, aurait suffi, ainsi qu'un lancement (ah, ce terme, déjà !) plus discret, en une période où tout ne vaut pas tout. Car on sait bien qu'à Noël, tout vaut tout et que, dans la fièvre consumériste qui s'empare de nos concitoyens en ces jours, on achète absolument n'importe quoi (surtout dans les dernières heures) parce qu'il faut offrir quelque chose à oncle Jules et que tante Irma : "Mon Dieu, qu'est-ce qu'on va lui prendre ?". Tallandier vogue sur ces flots-là (en novlangue : Tallandier surfe sur cette vague).

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 27 novembre 2005

Mouais, tu avoueras qu'il faudrait quand même être singulièrement atteint pour offrir le journal de Goebbels en cadeau à la vieille tante Marthe ou au cousin Gérard !

Quant au nazisme en tant que "fait historique pas "comme un autre", on ne va pas ergoter sur l'épistémologie ici, d'autant que notre dialogue a l'air d'avoir fait fuir tes amis, mais il faudrait déjà se mettre d'accord sur ce qu'est un "fait historique", et sur le fait qu'il y ait, ou non, potentiellement des "faits historique" de nature égale, et là, on y est encore demain matin.

Pour ce qui est de l'amoralité (plus que de l'immoralité) des éditeurs... cf. ce que je disais plus haut : leur métier est de gagner de l'argent, pas de faire de l'éthique, même si on peut le regretter. Dès lors, pourquoi s'en étonner ?
Ou alors, tu as tout à coup une singulière bonté à l'égard de la partie commerçante du genre humain, qui me surprend de ta part.

Écrit par : Fanny | dimanche, 27 novembre 2005

J'ai surtout beaucoup de patience envers toi, belle fourmi. :-))

Notre dialogue n'a fait fuir personne, voyons.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 27 novembre 2005

Il est au contraire assez passionnant ! Je pense, Jacques, que rien ne doit rester caché, qu'il ne sert à rien de manipuler doucement, pour reprendre vos temes, de la tourbe ou une grenade qui explosera et/ou salira de toutes façons. Les propos d'un acteur de l'Histoire, même s'il s'agit d'un bourreau, de Goebbels à Pol Pot, ne doivent pas être tabous ni se parer de l'attrait du fruit défendu ; ils conservent de plus toujours un intérêt, qu'il soit historique, sociologique, littéraire, psychanalytique, politique etc...
Maintenant, vous avez tout à fait raison de souligner que le Nazisme est devenu un marché à part entière, choquant et morbide à souhait, car il est vrai que le sexe cru d'Angot ou de Millet, ça va cinq minutes (mettons deux-tois ans) et qu'il faut ensuite passer à plus corsé. N'attendons pas des commerçants de l'éthique.

Écrit par : Ludovic | lundi, 28 novembre 2005

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