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mercredi, 16 novembre 2005

Trace épuisée

Quand Martine a vu la douzaine de bannières proposées par l’ami Patrick Dalmasso pour notre blog, elle s’est exclamée, à l’ouverture de celle qui a finalement été retenue : « On dirait chez nous ! » Le monde est un livre.

 

Je peux penser le monde sans moi avant ma naissance parce que, par la culture ou simplement l’instruction, je sais ou je puis étudier ce qui s’est produit. Je ne peux pas penser le monde sans moi après ma mort parce que je n’aurai jamais de référent pour le faire. Malheureusement, plus j’étudie l’histoire du monde avant mon humble passage, plus se rapproche l’absence de référent pour après. D’un côté, le temps s’étire et m’éloigne de tout ce qui fut, de l’autre, le temps se contracte et me rapproche du but absurde parce qu’imposé. C’est curieux, cela : lorsqu’on se fixe soi-même un but, on a souvent toutes les peines du monde à l’atteindre ; celui qui nous est imposé, on y parvient tout seul, inéluctablement. C’est mal fait, n’est-ce pas ? Au vrai, le temps n’existe pas, c’est une invention des hommes. La durée existe, la nôtre, pas le temps. La durée, c’est notre empreinte à nous, notre trace épuisée dans la sueur du monde.

07:00 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (6)

Commentaires

« Les mourants ne devraient-ils pas se douter combien tout ce que nous faisons ici n’est que subterfuge ?
Rien n’est lui-même. Heures de l’enfance
Ou derrière le visage des choses il y avait plus que du passé
Et devant nous point d’avenir…
Certes nous grandissions et avions hâte parfois d’être grands.
Et pourtant, dans notre marche solitaire, nous goûtions ce qui demeure (…)
Mais ceci : la mort, toute la mort qu’on doit
Avec tant de douceur contenir AVANT même d’être en vie
Et n’en pas devenir méchant.
C’est ineffable. »

Rainer Maria Rilke, « Les élégies de Duino », quatrième élégie (in RM Rilke, Poésie, Seuil, p. 358).


« Et nous, spectateurs toujours et partout,
tournés vars tout cela et jamais vers le large.
Nous en sommes débordés. Nous y mettons de l’ordre.
Tout s’effrite. Nous l’ordonnons à nouveau
Et nous tombons nous-mêmes en poussière.
Qui donc nous a retournés de la sorte que,
Quoi que nous fassions,
Nous avons toujours l’air de celui qui s’en va ?
En haut de la dernière colline, celle qui
Pour une dernière fois lui fait voir toute la vallée,
Il se retourne, s’attarde,
Ainsi vivons-nous faisant sans cesse
Des adieux."

Rainer Maria Rilke, « Les élégies de Duino », huitième élégie (in RM Rilke, Poésie, Seuil, p. 368).

Écrit par : Feuilly | mercredi, 16 novembre 2005

Merci Feuilly pour cete évocation de Rilke. Je suis toujours étonné qu'on puisse traduire la poésie. C'est splendide.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 16 novembre 2005

"Heures de l’enfance / Ou derrière le visage des choses il y avait plus que du passé / Et devant nous point d’avenir". C'est curieux que tu cites ça ce matin, alors que je viens de lire, sous la plume d'Yves Bonnefoy dans sa préface aux "Poésies" de Marceline Desbordes-Valmore (Poésie-Gallimard), ceci : "Pour Marceline, cette équipée, après l'enfance où le temps dormait, ce fut sûrement un grand choc".

En fait, l'enfance est le seul temps où l'on est libre, vraiment, fondamentalement.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 16 novembre 2005

Ce qu'il y a d'amusant, dans cette édition du Seuil de 1972, c'est qu'on y donne deux versions des "Elégies de Duino". L'une est traduite par 'Armel Guerne, l'autre (celle que j'ai citée) par Lorand Gaspar. Je dois avouer que si le texte de Gaspar m'enchante, l'autre demeurait pour moi plus obscur, moins poétique et moins compréhensible.

Tout cela pour dire à quel point le texte traduit doit obligatoirement réveiller en nous le sens poétique (mais sans trahir l'esprit de l'auteur). Tâche difficile et périlleuse.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 16 novembre 2005

C'est splendidement dit. Tu ne serais pas loin de la vérité scientifique, Jacques. Le temps n'existerait pas, c'est ce qu'ont réussi à démontrer des chercheurs américains.

Écrit par : Richard G | mercredi, 16 novembre 2005

Salut à l'ami Richard, trop peu présent ici, dont je vous recommande le blog de photos et de textes.

Je ne sais pas si c'est scientifique, mais j'ai toujours été persuadé qu'effectivement, il n'y avait pas de temps, seulemnt notre durée à nous, c'est tout.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 16 novembre 2005

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