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dimanche, 30 octobre 2005

Passions et partis

Le samedi 16 novembre 1867, Flaubert écrit, de Croisset, à Amélie Bosquet. Il l’entretient du livre dont elle est l’auteur, Le Roman des ouvrières.

 

Il note : « En quoi, dans le domaine de l’Art, MM. les ouvriers sont-ils plus intéressants que les autres hommes ? Je vois, maintenant, chez tous les romanciers, une tendance à représenter la Caste comme quelque chose d’essentiel en soi. (…) Cela peut être très spirituel, ou très démocratique. Mais avec ce parti-pris on se prive de l’élément éternel, c’est-à-dire de la Généralité Humaine. Je sais bien tout ce que vous pourrez me répondre ! C’est une chicane que je vous cherche pour vous engager à faire sortir votre Muse des classes pauvres. Il faut représenter des Passions et non plaider pour des Partis ».

 

Capitales et soulignements sont de Flaubert lui-même. Source : Gustave Flaubert, Correspondance, tome III, janvier 1859-décembre 1868, collection « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1991.

 

Quel sentiment est le vôtre face à ces conseils d’un maître ? Que doit-on penser de l’opposition que Flaubert estime exister entre les passions et les partis ? Sont-ils vraiment exclusifs les uns des autres ? Si oui, en quoi sont-ils incompatibles ?

Commentaires

Si ce n'est que je suis heureux de voir qu'il t'arrive aussi des mésaventures avec les balises sous H&F (mais cette première phrase n'aura aucun sens dès que tu auras supprimé les balises encore à cet instant visibles et lisibles), j'admire cette remarque de Flaubert, qui fut d'ailleurs suivie, presque à la lettre, par Zola, qui a cherché à représenter toute la société, et l'ensemble des classes, non seulement les laborieuses. Le point le plus curieux, en effet, est l'assimilation des ouvriers à un Parti (en un sens non strictement politique, je pense), et la presque impossibilité que Flaubert semble voir dans l'expression des passions humaines universelles dans un roman "ouvriériste"...

Écrit par : Guillaume Cingal | dimanche, 30 octobre 2005

Pour ce qui est des balises, Guillaume, je ne les vois pas. Avec Firefox, on ne voit rien de tout ça. Je devrai donc m'occuper de ça demain, au travail.

Flaubert n'avait pas aimé Les Misérables, pour des raisons similaires à celles qu'il évoque ici. Il le dit dans sa correspondance privée, ajoutant qu'il doit garder ça pour lui parce que Victor Hugo est intouchable.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 30 octobre 2005

C'est vrai que les romans qui se voulaient réalistes ou naturalistes ont parfois eu tendance à privilégier la description des classes laborieuses. Peut-être parce que le dénuement de ces gens étant bien réel, l'artiste avait l'impression de toucher du doigt la réalité. A contrario, raconter les états d'âme d'une marquise aurait été moins réel.

C'est oublier deux choses.

D'une part que pour la marquise ses états d'âme sont bien réels et qu'ils peuvent vraiment la faire souffrir.
D'autre part la littérature n'est jamais le réel mais l'illusion du réel. Ce ne sont que des personnages de papier qui s'agitent devant nous. Quel que soit l'objet décrit, il relève de l'imaginaire.

Maintenant, on pourrait très bien décrire la vie d'un ouvrier sans pour autant décrire celle d'un parti politique. Il y a confusion quelque part. C'est un peu comme si le fait de déplorer la misère dans laquelle vit un individu particulier obligeait l'écrivain à prendre conscience que des milliers d'autres individus vivent de la même manière. Du coup son discours qui n'était au départ qu'une description psychologique ou existentielle devient forcément politique. Quand François Mauriac décortique pour nous le noeud de vipères qui se cache dans l'âme de certaines personnes appartenant à la bourgeoisie aisée du Bordelais, il reste dans une description individuelle. Quand Zola le fait pour les mineurs dans Germinal, son discours débouche sur autre chose.

Écrit par : Feuilly | dimanche, 30 octobre 2005

J'aimerais bien qu'on m'explique, moi, en quoi passions et partis sont incompatibles. Je suis étonné de cette prise de position de Flaubert, que j'admire beaucoup.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 31 octobre 2005

Ne faut-il pas replacer cela dans le contexte du socialisme naissant? L'ensemble des revendications de la classe ouvrière était alors identifié à l'idée du parti ouvrier, dont l'unicité est toujours restée lettre morte. Autant dire que le terme de "Partis" aurait un sens plus vague, à la fois plus sociologique et plus idéaliste, qu'aujourd'hui.

Écrit par : Guillaume | mercredi, 09 novembre 2005

Certainement, mais en quoi les passions sont-elles incompatibles avec ça ?

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 09 novembre 2005

Ah non, du tout incompatible de mon point de vue. De nombreux romans victoriens lient explicitement la question des passions à celle des classes sociales.

Écrit par : Guillaume | mercredi, 09 novembre 2005

Les commentaires sont fermés.