vendredi, 28 octobre 2005
Chasse gardée
J’ai publié en mai dernier un petit livre, Les Films de Claude Sautet, aux éditions Atlantica-Séguier. Depuis six mois bientôt, ce travail n’a obtenu aucun article, aucune recension, aucun écho de quelque nature que ce soit. Un ouvrage dont on ne signale pas l’existence est mort-né, tout le monde le sait. J’ai trouvé cela étonnant puisqu’il existe tout de même un public – le sujet est connu – mais j’ai accepté, c’est la règle du jeu, c’est ainsi.
De toute façon, ce volume, prévu pour février, avait paru avec trois mois de retard et j’avais trouvé les relations avec Atlantica lamentables : délai invraisemblable pour l’établissement du contrat (honteux mais accepté par moi puisque je n’avais pas le choix) après accord du patron, lenteur excessive pour la moindre réponse ou le plus petit envoi, temps infini pour l’expédition de mes exemplaires d’auteur, bref, une catastrophe. La responsable de la fabrication, elle, s’était montrée rapide, efficace, précise, agréable, intelligente, je n’avais rien à dire. Mais les services éditoriaux et administratifs, eux, furent en-dessous de tout. Quant au service de presse… On m’a téléphoné début juin – un mois après la parution – pour me demander ce que je comptais faire. Heureusement, j’étais assis. J’ai bredouillé : « Mais… Je croyais que c’était fait depuis longtemps… » Réponse : « J’attendais que vous m’appeliez ». Voilà qui était nouveau : « Ah ! Parce que c’est moi qui devais vous appeler ? » Bref, à quelques jours du mois de novembre, rien, aucun article, aucune recension, aucun écho.
La semaine dernière, Atlantica m’envoie un courrier électronique, me faisant part d’une invitation qui m’était faite par Michel Ciment à participer à son émission de France Culture, Projection privée, le 4 novembre prochain. Thème : « Autour de Claude Sautet », en compagnie de Dominique Rabourdin et N. T. Binh, eux-mêmes auteurs de Sautet par Sautet, à paraître aux éditions de la Martinière. Ledit ouvrage, un album de trois cent quatre vingt quatre pages, très illustré, vendu cinquante-trois euros, n’est pas encore en librairie mais a déjà obtenu un article dans Première et cette émission de radio. Soit, c’est le jeu et l’attachée de presse de la Martinière est plus efficace que celle d’Atlantica, c’est tout. Rien à dire. Mais je suis agacé et réponds, poliment, que je ne pourrai pas participer à l’émission, ce qui d’ailleurs aurait supposé que je prenne un jour de congé car, naturellement, tout cela a lieu aux jours et heures ouvrables.
Hier, je me dis que, tout de même, il n’est guère courtois de rabrouer ainsi Michel Ciment par l’intermédiaire d’Atlantica et je décide de lui envoyer un petit mot par Internet. Je lui écris donc, via France Culture, sur le site de son émission. En substance, je lui dis mes six mois de déception et mon peu d’empressement, par conséquent, à participer à une rencontre avec d’autres… J’ajoute que même Positif n’a pas signalé la parution de mon ouvrage (alors que Positif soutient Sautet depuis quarante-cinq ans), en sachant très bien que Ciment fait lui-même partie de Positif. J’ajoute que Binh est auteur d’un documentaire sur Sautet, que le documentaire en question est sorti en DVD, que voici maintenant le livre et, avec une ironie un peu triste, je demande : « À quand un CD-rom et un porte-clefs ? »
Et puis, hier soir, je décide d’aller voir, sur le site de La Martinière, de quelle manière est annoncé l’ouvrage à paraître. Et je reste sans voix devant la notice biographique des auteurs. Binh, en plus de ce que j’avais relevé, fait partie du comité de rédaction de Positif. Ciment reçoit donc son collègue du journal dans son émission. Ce n’est pas interdit. Il y a autre chose : le coauteur, Dominique Rabourdin, est directeur de collection de Ramsay-Poche Cinéma. Or, en même temps qu’Atlantica, j’avais contacté Ramsay pour proposer mon manuscrit. Je n’ai jamais reçu la moindre réponse : ni oui, ni non, ni zut. Je comprends mieux aujourd’hui : un des collaborateurs de Ramsay avait un projet similaire en cours. Je dérangeais. D’où le silence qui a entouré la parution de mon petit travail de cent quarante pages à peine, sans illustrations, à couverture uniquement typographique (titres blancs sur fond noir), vendu dix-sept euros, qui paie moins de mine que l’autre, vraie boîte de chocolats pour Noël qui, curieusement, approche.
Qu’on n’aille pas lire ici l’envie ou l’amertume, surtout. Je n’ai rien contre les réseaux, inévitables : on ne peut pas empêcher les hommes de se connaître, de s’apprécier, de s’aider. C’est le côté « chasse gardée » qui me gêne beaucoup plus. Qui êtes-vous, monsieur ? Je l’ai dit cent fois : on ne peut pas publier si l’on n’est pas journaliste ou universitaire, voire les deux (Ciment, par exemple, est aussi professeur à Paris VII). Tant pis pour mon texte, uniquement tourné vers le travail du cinéaste, examiné très en détail et sans anecdotes ni images.
J’ajoute que le sujet n’est pas en cause ici. Qu’on apprécie ou pas Sautet ne fait rien à l’affaire. D’ailleurs, les éditions Textuel m’avaient joué un tour similaire en 2003, pour un tout autre domaine d’étude.
Pour être honnête, je dois ajouter que, sur son blog, l’ami Ludovic avait rédigé une note sur mon livre.
10:40 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (37)
Commentaires
On tourne en rond. Il faut d'abord être connu et puis publier ensuite.
C'est comme pour les jeunes qui cherchent un emploi. Il faut avoir 25 ans, un diplôme et cinq ans d'expérience.
Le fait d'être professeur d'université confirme ce que j'ai déjà dit auparavant. Les sciences humaines (socilologie, anthroplogie, psychologie, etc.) ont pris le pas sur la littérature pure. On n'écoute que les personnes ayant officiellement un pied dans l'Institution. Ensuite, comme elles sont les seules à être publiées, leur aura prend encore plus d'importance.
Pour ce qui est de l'exemple vécu par Jacques, il est éclairant. Je me demandais souvent pourquoi tel ou tel écrivain était invité à une émission de radio. On comprend mieux, maintenant, comment tout cela fonctionne.
Cela me fait penser aux propos d'Yves Simon (l'ex-chanteur devenu écrivain). Il s'était rendu compte que pour survivre dans ce métier il lui fallait un réseau influent autour de lui. Il ne trouvait pas sa démarche anormale et la justifiait par son désir de continuer à écrire.
Écrit par : Feuilly | vendredi, 28 octobre 2005
Une fois encore, ce ne sont pas les réseaux qui me gênent. Ciment a le droit d'inviter son ami Binh. Aucun problème. On peut parler de copinage, mais bref, ça ne m'ennuie pas.
Ce qui est inacceptable, c'est que Layani (ou un autre) ne puisse pas exister à côté. Le sujet autorise plusieurs livres. Ce qui est inacceptable aussi, c'est que l'écrivain (même tout petit, très humble, hein) n'existe plus face aux journalistes et aux universitaires qui ont certes le droit de publier, mais pas celui de manger le voisin.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 28 octobre 2005
Votre expérience du monde de l’édition est intéressante, Jacques. Ceux qui ont des réseaux efficaces autour d’eux sont publiés par les éditeurs les plus puissants — La Martinière est un poids lourd de l’édition — et leurs ouvrages sont signalés à leur sortie. Et ce sont eux qui raflent les prix littéraires. Exemple avec le "Dictionnaire égoïste de la littérature française" de Charles Dantzig, prix Décembre 2005, qui n’a reçu que des éloges depuis sa sortie (alors qu’il est critiquable par bien des côtés, ne serait-ce que par la manière dont il dédaigne des écrivains majeurs comme Bloy ou Claudel), a été publié en bonnes feuilles dans la Revue des deux mondes, dont le rédacteur en chef n’est autre que Michel Crépu, lequel dirige le Prix Décembre. Ceci explique cela.
Heureusement, il y a des gens qui refusent ce copinage, comme le chanteur Jacques Bertin. Mais ils en paient les conséquences en terme de notoriété.
Écrit par : Sébastien | vendredi, 28 octobre 2005
Oui, Bertin rame depuis... Combien ? Quarante ans ? Plus peut-être ?
Cela dit, je ne comprends pas en quoi mon petit livre pouvait, en mai, gêner le gros album qui sort maintenant, manifestement mis en vente pour Noël. Plusieurs mois séparent les deux parutions, les lecteurs intéressés pouvaient très bien acquérir les deux. Non, c'est vraiment "Domaine réservé, on ne touche pas". La barbe.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 28 octobre 2005
Je ne peux que vous rejoindre, Jacques, dans cette agacement face à la main-mise journalistico-universitaire. Il faut être dans les petits papiers de cette organisation très organisée et un autre exemple me vient immédiatement à l'esprit, le silence là encore assez écrasant sur le Fritz Lang de mon ami Michel Marmin.
Votre livre est une approche sensible et non tonitruante, en un mot inactuelle de Sautet, et c'est bien en cela qu'il a sa place et qu'il laissera trace.
"Tant pis si t'es dans la débine...t'avais qu'à être dans la maffia !"
Écrit par : Ludovic | vendredi, 28 octobre 2005
Je pensais bien que vous réagiriez, Ludovic, et je vous remercie. Naturellement, j'avais pensé à la chanson de Léo. J'ai même failli intituler ainsi la note...
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 28 octobre 2005
« Ce qui est inacceptable, c'est que Layani (ou un autre) ne puisse pas exister à côté. »
Vous avez tout dit, Jacques. C'est ce que j'appelle « la question des strapontins ». Nous sommes dans une salle de spectacle qui n'est plus équipée que d'une scène et d'un premier rang réservé. Alors que des auteurs comme nous se contenteraient volontiers d'un strapontin, confiants indéfectibles que nous sommes dans le cheminement mystérieux des livres publiés, qui finissent toujours, parfois tardivement il est vrai, à rejoindre leurs lecteurs.
Ce que vous décrivez est une sorte de délit d'initiés, le grand ordinaire, ces temps-ci, d'un métier dont vous savez ce que je pense, contre vents et marées.
Votre livre, sans nul doute, va cheminer… Et devant cette débâcle des professionnels du livre, je vous propose cette règle de vie, rudement épousée depuis quelque temps (mais antidote efficace à d'inutiles tristesses : pour écrire heureux, publions cachés.
Écrit par : Dominique Autié | vendredi, 28 octobre 2005
Cher Jacques,
Je ne connais pas exactement le contenu de votre courrier à Michel Ciment mais je dois dire que j'ai du mal à comprendre cette attitude qui consiste à ne pas participer à une émission, au motif que l'auteur d'un ouvrage sur le même sujet sera présent (même si c'est moins bon, même si c'est injuste, etc.).
Le seul fait que Michel Ciment (qui certainement cumule les fonctions mais reste quelqu'un de respectable et de valable humainement, intellectuellement) ait songé à vous inviter était la preuve qu'il s'est intéressé à votre travail.
Vous multipliez des arguments qui me paraissent parfois complètement - pardonnez-moi - "à côté de la plaque" et, je n'ose le dire, de mauvaise foi (par exemple la journée ou les heures que vous devrez prendre sur vos congés ou rattraper).
Quels qu'aient été les déboires ou les désillusions avec votre éditeur, vous savez très bien que le service de presse d'une petite maison d'édition n'a pas les moyens de rivaliser avec ceux d'un éditeur plus important. Je crois aussi que vous vous mettez en faute par rapport à votre attachée de presse (même si cette invitation ne doit rien à son travail par ailleurs): il est très possible qu'elle ne fasse vraiment plus rien désormais pour votre livre (je le sais, j'ai travaillé qq temps dans un service de presse et ce genre d'attitude de la part de l'auteur est souvent jugé inacceptable). Vous savez aussi que la présence d'un auteur à une émission, très souvent, suscite d'autres invitations et qu'elle peut "réveiller" un service de presse.
Il est compréhensible qu'une revue spécialisée "oublie" de faire le compte rendu d'un ouvrage, dont l'existence dépend moins des impératifs de l'actualité qu'un autre, et le réserve pour un dossier ultérieur, davantage en rapport avec l'actualité éditoriale, cinématographique, etc. (l'"erreur" est alors effectivement imputable à l'éditeur qui n'a pas su évaluer la bonne date de publication). Il est faux d'ailleurs de penser que deux livres sur le même sujet soient placés dans une situation de concurrence: très souvent, ils s'aident l'un et l'autre à "exister" et tout dépend alors de ce que cherche le lecteur.
Vous vous complaisez dans une forme de "malédiction" et vous ne pouvez reprocher aux journalistes et aux universitaires leur omniprésence (ce qui est à relativiser d'ailleurs car je doute qu'un spécialiste de la poésie élégiaque du XVIe siècle ait plus de facilité que vous à faire "exister" son ouvrage) tout en refusant de vous rendre à une émission à laquelle vous étiez pourtant bien invité.
Evidemment, je vous dis tout cela sur un ton de reproche qui reste néanmoins amical.
Écrit par : gluglups | vendredi, 28 octobre 2005
C'est sans doute ce geste d'acceptation, sans intransigeance et en toute bonne foi, que vous eussiez eu vous-même, n'est-ce pas, Gluglups. Je suis impatiente de voir vos écrits un jour relayés par du vrai papier : les personnes qui ont quelque chose à dire se doivent de l'écrire.
Écrit par : Martine Layani | vendredi, 28 octobre 2005
Je ne suis pas sûr de tout à fait comprendre votre message, Martine, ni de bien en évaluer le degré d'ironie (ou non).
Disons que, pour répondre à votre question, mes hésitations dans une situation comparable seraient davantage liées à des problèmes de trac, de timidité, de ne pas savoir défendre le livre, de trouver les mots pour expliquer, etc.
Écrit par : gluglups | vendredi, 28 octobre 2005
Sans ironie aucune, Gluglups, au vu de vos interventions, il me semble un vrai gâchi de ne point "écrire". Quant à votre timidité...vous parlez à une timide ; donc je sais qu'on en vient toujours a bout.
Mais on connaît bien mal, et c'est l'essence de mon message, un être aperçu uniquement virtuellement, et donc, lui prêter quelque intention que ce soit relève d'un pari absurde (d'où la-non ironie).
Est-ce plus clair comme cela :-) ?
Écrit par : Martine Layani | vendredi, 28 octobre 2005
Tout à fait d'accord avec vous sur les problèmes de perception de l'autre par internet. Par exemple, je crois que j'ai mis longtemps à comprendre que JL était davantage dans une logique de doute, d'inquiétude, pê même de désamour de soi, etc., une question encore peut-être d'énonciation, décidément bien problématique sur internet.
"Quant à votre timidité...vous parlez à une timide ; donc je sais qu'on en vient toujours a bout.": oui, d'autant plus si l'on a travaillé de longs mois sur quelque chose. J'ai du mal à comprendre effectivement l'assurance des journalistes à parler avec la même verve de sujets complètement différents, qu'il n'ont pu vraiment approfondir. Mais c'est ce qui fait probablement leur valeur de "pros".
J'ai oublié de préciser que je peux ressentir l'écoeurement de Jacques Layani par rapport à ce système, que je conçois qu'on soit dans une logique de résistance (même par rapport à un média comme France Culture, en particulier depuis sa laureadlérisation), mais que bon...c'est un peu hors-sujet, Jacques n'assure pas...bref, voir plus haut.
Écrit par : gluglups | vendredi, 28 octobre 2005
Disons qu'il y a un ensemble de considérations à la fois personnelles et générales (par ex. le problème des libraires, qui ne peuvent garder longtemps un livre dans les rayons, compte tenu des arrivages massifs qu'on leur impose) que Michel Ciment ne pouvait guère prendre en compte.
Son erreur, c'est doute d'avoir "manqué" la publication de votre livre et/ou d'avoir préféré attendre la sortie de celui de son collaborateur.
Je pense aussi qu'il est néanmoins capable de comprendre la tristesse, dont vous lui avez fait part dans votre courrier.
Bien sûr, vous méritez davantage ce genre d'invitation que d'autres. Bien sûr, ce genre de rendez-vous est important pour vous, beaucoup plus que pour quelqu'un qui sera perpétuellement sollicité dans les médias. Mais je trouve que c'est dommage pour votre livre, que c'est dommage pour vous... Vous prenez les choses trop à coeur.
Écrit par : gluglups | vendredi, 28 octobre 2005
"Vous prenez les choses trop à coeur" : c'est certainement vrai, vous voyez, vous aussi vous finissez par me connaître... Mais comme ça fait cinquante trois ans qu'on me le dit, je crois que ça ne changera plus.
En tout cas, je raconterai ici la suite de cette histoire, s'il y en a une. Je ne pensais pas qu'elle intéresserait à ce point les promeneurs de la rue Franklin.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 28 octobre 2005
Risque aussi de passer pour prétentieux, arrogant, méprisant. Bref d'être perçu comme le contraire de ce qu'on est.
Écrit par : gluglups | vendredi, 28 octobre 2005
C'est vrai, et j'en suis conscient. Ce serait dommage, mais pas la première fois... :-)
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 28 octobre 2005
[Je reprends le fil après quelques heures loin de l'écran en ce début d'après-midi.]
Ce que je vais dire s'appuie sur dix-neuf années d'exercice éditorial, de jounées passées pour une part significatives à recevoir des auteurs dans mon bureau d'éditeur. Je tente d'oublier un instant que je suis aussi auteur, confronté à aux mêmes difficulté que vous, Jacques.
Eh bien, il subsiste un mystère, à mes yeux, que ces centaines d'entretiens avec des auteurs candidats à la publication n'ont pas levé : pourquoi il existe, d'une part, des auteurs (parfois médiocres, à l'usage) à qui l'édition sourit et, d'autre part, des auteurs (porteurs de bons manuscrits, voire d'une œuvre) qui n'essuient que refus polis dans le meilleur des cas, indifférence plus couramment, et sur qui souvent s'abat la guigne, pour faire bon poids (la grève des cameramen le soir où vous êtes convoqué pour une télévision en direct – j'ai connu ça…). Sans nul doute, éditeur, j'ai contribué à cette forme d'injustice.
Il me semble que ce que je tente de décrire est hors du temps, les circonstances actuelles de l'édition, si elles en accusent les effets (ce qui n'est même pas certain), ne font que perpétuer une sorte de loi du genre.
J'en veux pour preuve les quelques passages entrevus des lettres que Céline adressait à Gaston Gallimard (je n'ai pas acquis l'ouvrage, je répugne à payer un livre signé de M. Destouches).
Il y a, dans la relation entre l'auteur et son (ses) éditeur(s), un paramètre humain qui interdit à l'édition d'être une science exacte. Le plus étonnant, toutefois, est que ce paramètre ne s'en tient absolument pas à des critères d'empathie, comme dans la vie courante. C'est infiniment plus subtil, plus compliqué que cela. Au point que je me demande si, dans un certain nombre de cas, l'attitude de réserve apparemment irrationnelle dont font preuve (sans se concerter) plusieurs éditeurs à l'égard d'un même auteur n'est pas, avant la lettre, l'expression d'une problable, voire certaine, désaffection du public à l'égard des livres qui seraient, malgré tout, publiés sous sa signature. Ce que j'avance est une simple hypothèse, peu vérifiable. Elle m'est venue souvent, toutefois. Je pourrais développer et soumettre en appui des clas cliniques assez frappants.
L'exemple inverse existe, cependant : l'auteur odieux dont les livres sont adulés des libraires et d'un public suffisant pour en assurer le succès commercial.
Il me semble que, devant la sur-médiatisation contemporaine, l'auteur sans visage pourrait acquérir une autorité enviable. Maurice Blanchot avait fait ce choix, dès la parution de ses premiers écrits, c'est-à-dire avant même l'affollement médiatique dont nous subissons, ces temps-ci, les pires effets. Tenter cette même attitude à l'égard de l'éditeur qu'on sollicite ne serait peut-être pas si absurde. Sans doute en raison de mon métier, j'ai toujours éprouvé la plus grande réticence à présenter moi-même mon travail à un éditeur, à me vendre, à me négocier.
Contrairement à une opinion dominante dans l'édition française, je suis un farouche partisan des "agents" qui, dans le monde anglo-saxon, prennent en charge les manuscrits d'un auteur et assument toutes les négociations avec d'éventuels éditeurs. Cela, afin que l'écrivain écrive… son temps est assez compté pour qu'il considère comme une épouvantable déperdition d'énergie et d'heures précieuses les stratégies plus ou moins maladroites que le système latin l'oblige à mettre en œuvre pour approcher les professionnels de l'édition.
Cela dit, je souscris pleinement à votre remarque, Jacques : publier caché n'a jamais été un déhonneur, mais pouvoir publier est essentiel ! Et je suis bien d'accord avec vous : ces temps-ci, le bât blesse.
Écrit par : Dominique Autié | vendredi, 28 octobre 2005
Bon, allez, j'ai réfléchi, j'ai trouvé une solution pour vous. Je vous la communique: avec tous ces jours de congés accumulés grâce à l'absence de votre collègue, partez en vacances en Irak et trouvez le moyen de vous y faire prendre en otage quelques semaines.
A votre retour, vous écoulerez votre marchandise "invendable" comme des petits pains. :-)
Bien à vous.
Écrit par : gluglups | vendredi, 28 octobre 2005
Gluglups : voilà une bonne idée.
Dominique Autié : si c'est un mystère pour vous, alors, ce sera aussi incompréhensible pour moi.
Concernant Blanchot, Gluglups répondra peut-être. C'est un connaisseur.
Les agents ? Dominique Barbier m'avait dit ça, lui aussi. Mais avec quoi le payer, l'imprésario (car c'est bien ça, n'est-ce pas) ? Si le pauvre prélève un pourcentage sur ce que je touche, il lui faudra des milliers de types dans mon genre pour vivre chaque mois !
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 28 octobre 2005
Exactement, ce qui signifie qu'il va se mettre en quatre pour vous trouver un éditeur, qui assure de surcroît la promotion de votre livre ! J'ai eu deux ou trois agents anglo-saxons sur le dos pour des livres anglais dont nous avions racheté les droits (aux agents… et non à notre confrère anglais ou allemand). Je vous assure qu'ils veillent au grain, puisqu'ils sont payés sur les ventes, comme l'auteur qu'ils représentent.
Il est émouvant que vous évoquiez la position de Dominique Barbier : elle avait évolué lentement sous l'effet (notamment) de plusieurs conversations que nous avions menées à ce propos. La première fois, il m'a regardé avec de grands yeux, puis, peu à peu…
Écrit par : Dominique Autié | vendredi, 28 octobre 2005
J'en suis encore aux grands yeux... Je me vois mal -- mais c'est culturel, certainement -- en vente, dans les mains de grossistes en écriture.
Et puis, comment en trouver un de confiance ? Qui ne vous dise pas en gros : "J'ai obtenu tant, voilà ce qui vous revient", alors qu'en fait il a obtenu trois fois plus et gardé pour lui la différence ? Comment voulez-vous accorder quelque crédit (c'est le mot !) à quelqu'un qui mange sur votre dos ?
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 28 octobre 2005
Vous me faites penser au contribuable qui se plaint de payer trop d'impôts… S'il en paie trois fois plus que moi, c'est qu'il lui reste dix fois plus d'argent qu'à moi pour vivre !
Rassurez-vous, le seul auteur français – sauf omission d'un cas récent et significatif qui m'aurait échappé – représenté par un agent est Philippe Djian. Il y a un tel refus des éditeurs, dans notre pays, que la profession n'existe quasiment pas.
Nous en sommes, aujourd'hui, à point tel dans le caractère aléatoire, non rigoureux, décourageant, des relations entre auteurs (obscurs) et éditeurs que j'en déduis cette autre règle : publier ou écrire, il faut choisir ! Vous mesurez, Jacques, le temps et, encore une fois, l'énergie vitale et spirituelle que vous pompent ces questions, cette attente de réponses qui ne viennent pas ou qui, quand elles vous parviennent enfin, consistent en de méchantes circulaires signées (comble de l'odieux !) "Le Comité de lecture"… à savoir, de gens qui n'ont même pas le courage de se nommer, alors que c'est devenu un réflexe depuis plusieurs années, au téléphone, chez les fonctionnaires du fisc ou de la Sécurité sociale ! Sans parler des déconvenues que vous évoquez aujourd'hui une fois le livre publié.
Mettez-vous sur les bras le chantier d'un "opus major" qui va vous prendre dix ans de lectures et d'écriture, je vous assure. C'est d'un confort prodigieux, croyez-moi. Et quand vous en verrez le bout, j'en serai au même point que vous et je vous promets que l'édition française se portera beaucoup mieux. Nous prendrons le même agent pour caser nos chefs-d'œuvre…
Et, avec un peu de chance (je ne parle que pour moi), un bon infarctus, la tâche achevée, confiera notre manuscrit à la dévotion de nos veuves et de nos enfants.
Je crois qu'il faut vraiment se faire une sagesse orientale devant ces questions, par les temps qui courent.
Écrit par : Dominique Autié | vendredi, 28 octobre 2005
"le seul auteur français – sauf omission d'un cas récent et significatif qui m'aurait échappé – représenté par un agent est Philippe Djian"
Il y en a d'autres. Michel Houellebecq est représenté par son agent François Samuelson. Et David Kersan est l'agent de Maurice Dantec. Sans doute y a-t-il encore d'autres exemples que je ne connais pas.
Écrit par : Sébastien | vendredi, 28 octobre 2005
Ces gens sont-ils devenus célèbres parce qu'ils avaient un agent littéraire ou un agent littéraire s'est-il intéressé à leur cas parce qu'ils étaient en train de devenir célèbres?
Et qu'en est-il de leur valeur intrinsèque? Il y a de très bons écrivains qui ont un lectorat confidentiel et d'autres plus connus qui ne méritent pas d'être lus.
Il n'empêche qu'être publié et être peu lu a de quoi vous démotiver et vous oblige souvent à vous interroger sur votre valeur.
Il en va de même pour "l'écrivant" qui ne parvient même pas à se faire éditer. Et Martine a beau dire plus haut à Gluglups que ce serait un gâchis de ne point écrire, il n'en demeure pas moins que des refus successifs finissent par vous faire douter de vous. Si au contraire certaines opportunités vous sont offertes, l'expérience vient en travaillant et elle finit par gommer l'imperfection des premiers manuscrits. Du moins on peut l’espérer.
Écrit par : Feuilly | samedi, 29 octobre 2005
Effectivement, Djian, Dantec, Houellebecq intéressent les agents, Sébastien et Feuilly. Sincèrement, Dominique Autié, je ne crois pas que Layani et Dutruc-Machin puissent les intéresser.
Feuilly : ça fait trois cent quatre-vingt dix-huit fois que je te dis de ne pas douter, crénom ! Ou bien alors, que ton doute soit moteur, tires-en une force comme on le fait de la peur, par exemple. Que ton doute soit ta parole, ton acte, ta marche, ta cascade ! Il faut douter de la qualité de ce qu'on écrit, certes, mais surtout ne pas cesser de le faire. Améliorer sans cesse, revenir durant trente ans sur des manuscrits (si si, trente ans, ça m'est arrivé), bref, être sérieux, travailler sérieusement, sans jamais se prendre au sérieux. Et dire zut aux refus successifs.
Écrit par : Jacques Layani | samedi, 29 octobre 2005
"Concernant Blanchot, Gluglups répondra peut-être. C'est un connaisseur."
Hum, j'ai dû lire deux ou trois livres, c'est tout. Je trouve néanmoins l'exemple de Dominique Autié intéressant. Même si Blanchot, à ses débuts, était une notoriété dans les milieux littéraires, un éditorialiste activiste et influent (cf biographie de Christophe Bident). Ce qui l'a peut-être aidé, par la suite, à devenir un écrivain sans visage, respecté et reconnu, parce qu'il l'était déjà. Il reste d'ailleurs à la tête d'un réseau intellectuel qui va de Barthes à Derrida, de Foucault à Deleuze, etc. Il continue d'envoyer ses propres ouvrages à Breton (cf vente Drouot), même si celui-ci restait probablement étranger à ses préoccupations.
Jacques a désormais son réseau clandestin, grâce à son blog. Mais je ne suis pas sûr que la présence d'intervenants style gluglups-machin-truc puisse beaucoup l'aider...
Une question que je me poserais si j'étais éditeur: combien de personnes, aimant le cinéma de Claude Sautet, sont susceptibles d'acheter un livre qui lui est consacré? 100, 200? Par exemple, j'aime le cinéma américain et je n'ai chez moi qu'un seul livre sur John Ford, deux sur Hitchcock, un sur Minnelli, zéro sur John Huston, bref, c'est peu.
"je me demande si, dans un certain nombre de cas, l'attitude de réserve apparemment irrationnelle dont font preuve (sans se concerter) plusieurs éditeurs à l'égard d'un même auteur n'est pas, avant la lettre, l'expression d'une problable, voire certaine, désaffection du public à l'égard des livres qui seraient, malgré tout, publiés sous sa signature." Il faudrait développer, je trouve cela très intéressant.
Dans le train (TGV, désolé), une expression de Jacques Layani m'est revenue: un "livre mort-né". On se demande si tout cela ne relève pas aussi de l'imaginaire que Jacques peut se faire de son propre livre. Et de ce que cela induit: une fatalité de l'échec?
Je me souviens aussi de la description que Jacques avait faite de la sensation étrange qu'il éprouvait lors de la publication d'un de ses livres.
Et d'ailleurs, n'écrit-on pas un livre pour le tuer?
Écrit par : gluglups | lundi, 31 octobre 2005
Je trouve fascinant le fait d’envoyer ses ouvrages à quelqu’un qui n’est pas sur la même longueur d’ondes. Plus précisément, je trouve fascinante l’aura de Breton et le respect intellectuel que lui vouaient les gens de son temps (à part les bagarres avec d’anciens amis).
Non, je n’ai aucun réseau. De toute façon, je ne saurais pas m’en servir, vraiment. Pas mon genre.
Combien de lecteurs pour un livre consacré à un cinéaste connu ? Aucune idée mais cela peut dépasser le millier, quand même. Et puis, il y a deux types de livres de cinéma : les albums illustrés qui, même lorsqu’ils sont de qualité, n’apportent pas grand-chose et les études fondées, la plupart du temps sans images ou presque. De toute façon, ce Sautet-là, on ne le trouve déjà plus. Il y a une semaine encore, il restait à L’Écume des pages, boulevard Saint-Germain, tous les exemplaires mis en vente avant l’été (et directement rangés par le libraire sous la table « Cinéma », au ras du sol, si bien qu’il fallait savoir qu’il existait pour le trouver). J’ai vérifié hier, il n’y en a plus : retour à l’éditeur, évidemment.
Fatalité de l’échec ? Non, justement pas, je lutte contre ça, beaucoup. Autrement, je ne tenterais plus rien depuis longtemps. Si j’ai dit « mort-né » pour celui-là, c’est uniquement parce que, vraiment, personne n’a su qu’il existait. En aurait-on parlé un tout petit peu, ne serait-ce qu’en mentionnant son existence, et ne se serait-il pas vendu, je n’aurais rien dit, bien sûr. Comme je l’écrivais l’autre jour, j’accepte même les strapontins cassés. Là, j’ai dû m’asseoir par terre. On n’en meurt pas.
La sensation que j’éprouve quand sort un ouvrage ? Oui, c’est vrai, j’avais raconté ça. Mais ça, c’est personnel, je le feuillette, je me dis « Bof » et je le range. Ça n’empêche pas qu’on en parle un tout petit peu.
N’écrit-on pas un livre pour le tuer ? Certainement. Il faut qu’il sorte de soi et que, délivré, on continue sa route. Mais c’est toujours pareil : le tuer ne concerne que son auteur. Pour autrui, c’est là qu’il commence à vivre.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 31 octobre 2005
Je pense que votre livre s'écoulera néanmoins et qu'il trouvera son public, au bout du compte: c'est l'avantage de ce genre de publications, qui peuvent exister en dehors de l'actualité. Il faut bien reconnaître que les sites de vente par correspondance (style alapage, amazon, etc.) offrent une seconde chance au livre: l'amateur véritable de Sautet finira bien par le trouver.
Je comprends que l'on soit déçu de n'obtenir aucun écho, aucune réaction (même négative). Il n'est pas sûr en même temps que cela ait beaucoup d'influence sur le chiffre des ventes.
Ce qui est dommage, c'est effectivement que votre livre n'ait pu bénéficier de "l'actualité Sautet" (cela correspond à quoi? à un anniversaire?) et de l'effet boîte de chocolats.
Le problème aussi, c'est que l'auteur ne sait jamais "comment ça marche". Avez-vous des indications concernant le tirage, les ventes de vos livres, la "stratégie" qui est déployée?
Écrit par : gluglups | lundi, 31 octobre 2005
Non, il n'y a ni anniversaire, ni actualité Sautet. En ce qui me concerne, c'est un texte écrit en 1996-1997, revu partiellement avec lui en 1997 et puis, pour mille raisons, tout s'est arrêté. J'ai repris ça tout seul en 2004 et, le temps de trouver un éditeur et que le livre sorte, c'était le mois de mai 2005. Les aventures éditoriales sont toujours très longues.
Pour le nouveau livre que je ne connais pas encore, je ne sais pas. Binh a fait un documentaire, puis un DVD, maintenant voici le livre. Au départ, le même "matériel" : des entretiens avec le réalisateur.
Non, bien sûr, aucune indication ni sur le tirage (le contrat dit hypocritement qu'il ne pourra être supérieur à 6000 exemplaires, mais il ne fixe pas de minimum...). La stratégie, il n'y en a pas, apparemment. Les ventes, je saurai ça vers l'été 2006... Les droits ? Un à-valoir de zéro euro zéro centime, et un pourcentage sur les ventes de... 4 % du prix de vente hors-taxe (avant déductions et avant impôts bien sûr). Je n'avais jamais vu de contrat à moins de 8 %, ce qui est déjà ridicule, eh bien c'est fait.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 31 octobre 2005
Quelques précisions.
Yves Simon n'a pas commencé par faire de la chanson pour pouvoir s'adonner ensuite à la littérature. Il a fait un premier disque et publié son premier livre en même temps. Il a délaissé la chanson après.
Il y a un nombre de plus en plus important d'auteurs qui sont représentés par des agents et des éditeurs ont même recours à eux. Voir pour quelques noms (hors BD) :
http://www.latribune.fr/Dossiers/Edition.nsf/DocsWeb/200503183102B9461137BECAC1256FC7007984C7?OpenDocument
Blanchot est resté à l'écart des grands médias, mais il a bénéficié longtemps d'une tribune critique (le Journal des débats avant et pendant la guerre, puis Critique, la NRF). En fait, il a bénéficié de plusieurs réseaux à la fois et il les a aidés en même temps : celui des philosophes bien avant le structuralisme (il était l'ami de jeunesse de Levinas), mais aussi celui des anciens de l'Action française ou de la droite nationale qui se sont investis dans la Résistance et ensuite dans l'opposition à la guerre d'Algérie, à mi-chemin on trouve Dominique Aury qui fait le lien avec le troisième réseau de la NRF via Paulhan. Enfin, une solide fortune bourgeoise, cela aide à vivre et à prendre de la distance. Blanchot était plus proche de l'écrivain-rentier du temps de Proust ou de Flaubert que de l'écrivain-travailleur du temps de Giono ou de Céline. Et le refus de l'image n'a pas empêché la peoplisation de Blanchot lorsque Libération a publié des photos prises sur un parking de supermarché (le même journal avait déjà fauté auparavant quand Michaux était venu assister au cours introductif de Barthes au Collège de France).
Écrit par : Dominique | mardi, 01 novembre 2005
Merci pour toutes ces précisions, Dominique. Et, comme vous dites, "une solide fortune bourgeoise, cela aide à vivre et à prendre de la distance", oh oui. Dans une prochaine vie, je compte d'ailleurs en avoir une.
Je vois que, comme je l'avais imaginé, les agents ne sont intéressés que par les grands noms en vogue ou ceux qui sont en passe de le devenir... L'article cité est bien clair sur ce point.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 01 novembre 2005
Dans la BD, les grands noms sont de plus en plus nombreux à avoir recours à des agents : Bilal, Zep, Wolinski... C'est patent chez les grosses machines qui n'ont pas leur propre maison d'édition à l'instar d'Uderzo. Mais il faudrait aussi voir chez les jeunes auteurs sans aucun album à leur actif. Le phénomène a été accru par l'absence récente de journaux spécialisés (ou alors de l'apparition de faux journaux comme des catalogues de prépublications), la naissance d'une bédé-blogosphère comme book : l'agent est la seule solution si le rédac' chef est inaccessible. On a aussi les familles qui se confient à des agents pour faire fructifier une œuvre avec les reprises (Morris, tout Peyo, Greg, Dupa, Charlier, etc.) C'est le secteur de l'édition qui fait le plus prospérer les agents en fait (il faut recaser les planches à droite et à gauche ou faire du merchandisage).
Écrit par : Dominique | mardi, 01 novembre 2005
Pour Franquin, c'est fort complexe : il a vendu les droits de tous les personnages apparaissant dans Spirou (le maire, le comte, Zorglub, etc.) à Dupuis. Il avait auparavant cédé ses personnages de Modeste et Pompon au Lombard. Il a ensuite cédé à la fin de sa vie les droits du Marsupilami à une sorte d'aventurier financier établi à Monaco lequel a ensuite revendu Marsu Productions. La famille Franquin ne possède de droit moral ou de droits sur les produits dérivés que pour Gaston et son univers. Les objets tirés de l'œuvre doivent passer par des montages financiers complexes.
Écrit par : Dominique | mercredi, 02 novembre 2005
Oui oui, ça, je sais, mais le droit moral ? Est-il inaliénable comme en France depuis 1957 ? Auquel cas, la famille aurait toujours un mot à dire.
Ce qui me fait enrager, ce sont les planches toujours inédites en album, malgré ce que fait Dupuis (dans le plus grand désordre) et ce qu'a pu faire Rombaldi. Pour mémoire, "Un reportage de Spirou et Fantasio à la brasserie Piedboeuf", supplément distribué sur les plages belges quand nous étions de ravissants garçonnets comme Petit Noël et non les vieux râleurs comme Dupilon que nous sommes devenus. Or, cette histoire, c'est quand même QUATRE planches du Franquin de la plus grande époque.
Pour mémoire, les premiers Starter, aussi, ceux d'avant Jidéhem.
J'ai fréquenté un temps le forum Franquin mais j'en suis parti, ce n'était pas très intéressant. Personne n'a jamais réagi, d'ailleurs, à cette question des planches inédites et introuvables.
(Heu, excusez-nous, mais si nous commençons à parler de Franquin, Dominique et moi, vous allez peut-être vous ennuyer).
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 02 novembre 2005
Franquin a abandonné tous ses droits sur ses personnages de Spirou en 1967 (sauf le marsupilami cédé plus tard et autrement) : il a juste perçu un pourcentage sur les deux premiers albums de Fournier. Cela veut dire que l'éditeur peut faire reprendre tous les personnages comme il l'entend. La gestion de l'univers de Spirou appartient à l'éditeur seul depuis quasiment le début. Il faudrait faire des archives Franquin comme c'est le cas pour la rétrospective Hergé, mais tout le monde n'a pas le caractère coriace et rapace de Nick Rodwell. Il y a une foule d'inédits publicitaires ou dans le journal ou pour des fanzines qui sont en sommeil. Pour rappel, il y a au moins six pages entières et en couleur parues dans Fluide Glacial qui ne sont dans aucun album, ou encore tous les crobards du Trombone illustré. Récemment, j'ai acquis un recueil de chansons publié par une MJC vers 1980, le tout avec des illustrations rares : du Franquin réaliste ou fantastique en noir et blanc. Ce genre de chose n'est pas assez commerciale et cela ne fait pas fonctionner assez la nostalgie alors que ce sont des dessins superbes. Chez Dupuis, on rentabilise les séries (voir le massacre des couvertures et de la pagination de la nouvelle série dite complète des Gaston), mais il n'y a pas de politique d'auteur. En outre, je soupçonne fort les responsables d'édition dans la BD de trafiquer personnellement un peu dans le système des collectors et d'utiliser leur position pour l'alimenter.
Écrit par : Dominique | mercredi, 02 novembre 2005
C'est bien ce que je crains. Et le guide de Lyon avec le personnage de Soudy atteint sur E-bay des sommes astronomiques.
Le recueil du Trombone illustré se trouve relativement facilement. Les titres ont même été regroupés récemment dans un album à l'italienne, ainsi que la série "Un monstre par semaine".
Les pages de Fluide se trouvent aussi.
Mais les inédits comme "Piedboeuf", bernique. J'espérais vivement que vous les auriez...
Quant à Starter, j'en ai constitué un recueil factice, mais impossible de le compléter, il me manque toujours les planches de certains numéros.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 02 novembre 2005
Dominique:
"Yves Simon n'a pas commencé par faire de la chanson pour pouvoir s'adonner ensuite à la littérature. Il a fait un premier disque et publié son premier livre en même temps. Il a délaissé la chanson après"
Heu, j'ignorais cela. En effet, j'ai vérifié, vous avrez raison. Il n'empêche qu'une fois qu'il a eu abandonné la chanson il s'est vite rendu compte qu'il ne pourrait pas vivre de sa plume (même lui). Ou bien il retounait à l'enseignement, ou bien il se débrouillait pour que ses livres se remarquent. D'où sa réflexion radiophonique sur les réseaux d'influence. Il était conscient que son succès futur dépendait d'eux, mais il considérait aussi que c'était sa volonté de vivre de sa plume qui le poussait ainsi à faire intervenir des gens en sa faveur. Autrement dit, sa volonté d'écrire conditionnait la tactique à adopter (en l'occurence la seule possible).
Pour le dire autrement: il ne se posait pas la question de savoir si son succès venait de son talent ou de son réseau, il considérait que sa volonté d'écrire avait su vaincre les obstacles.
Je dis cela sans aucune arrière-pensée cririque, d'ailleurs. Finalkmeent, il avait sans doute raison.
Écrit par : Feuilly | mercredi, 02 novembre 2005
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