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mercredi, 26 octobre 2005

Dans le détail

Il faudra que je parle des détails. J’ai pour les détails une affection considérable. Je ne comprends pas l’expression : « C’est un détail », je ne peux pas la comprendre. Je ne parle évidemment pas de l’allusion que fit un porc, quelque jour, associant ce mot, dans l’imaginaire collectif, à une provocation sordide.

Dans un ouvrage documentaire, historique, biographique, j’aime trouver des détails, beaucoup de détails, énormément de détails. J’estime qu’il n’y en a jamais réellement assez. J’ai toujours envie de crier aux auteurs : « Allez plus loin ! Précisez ! Soyez plus juste dans votre discours. Mais encore ? »

Comprenons-nous. Il n’est pas question ici de faire des fiches, des enquêtes policières, d’établir des comptes rendus cliniques. Je ne veux pas de biographie à l’américaine ni d’ouvrage desséché. Je cherche des textes bâtis, écrits et détaillés, tout cela dans le but de parvenir au dire le plus exact possible. Je ne veux pas de scalpel, mais un pinceau très fin.

« Dieu est dans les détails », dit-on. Je souscris à cette phrase. La lumière, l’exactitude, la précision, le sérieux, la justesse, l’honnêteté sont dans les détails. On peut résumer tout cela par « Dieu ». Pourquoi chercher à déchristianiser la langue à tout prix, si l’on entend parfaitement ce que l’on veut dire ? Je trouve la tournure explicite.

Le détail n’exclut pas la sensibilité. Au contraire, conjointement et galamment accordés, tous deux œuvrent à la richesse d’un texte. Naturellement, le détail n’a rien à voir avec l’anecdote, la petite histoire et surtout pas avec le secret d’alcôve. Le détail est précieux, il n’est pas racoleur. Il éclaire mais ne tient pas la chandelle. Détail d’un tableau, d’un vitrail, il faut savoir trouver votre équivalent littéraire.

Commentaires

Jl : « Dieu est dans les détails », dit-on. Je souscris à cette phrase. La lumière, l’exactitude, la précision, le sérieux, la justesse, l’honnêteté sont dans les détails.

Le diable est dans les détails. Descartes.

Écrit par : Dominique | mercredi, 26 octobre 2005

Je me demande si en fait Descartes ne citait pas une formule antérieure, sans doute d'origine religieuse et inquisitoriale*, mais en la détournant : il faut diviser, pour lui, l'énoncé du problème en autant de parties (donc de détails) qu'il y a de questions différentes.
* J'ai l'impression de l'avoir croisée au détour d'un texte médiéval ou sur le Moyen Âge.

Écrit par : Dominique | mercredi, 26 octobre 2005

"il faut diviser, pour lui, l'énoncé du problème en autant de parties (donc de détails) qu'il y a de questions différentes" : je suis bien d'accord avec cete manière de procéder. Je suis très cartésien, en fait. Quand on dit ça, les gens rient parce que "les français sont cartésiens", n'est-ce pas, et gnagnagna et gnagnagna.

Cela dit, je ne connaissais pas cette phrase mais, venant de vous, je ne révoque rien en doute, alors...

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 26 octobre 2005

Je comprends la sentence de deux (voire plus) manières différentes. Un inquisiteur devait chercher la présence du diable non dans l'aspect général d'une sorcière, mais dans un fait anormal et une particularité qui montrait une présence lors des sabbats. Pour Descartes, c'est le fait qui trahit le déséquilibre et la contradiction d'une construction logique générale qui ne serait pas passée d'abord un examen approfondi de tous les points. On peut avoir aussi une vision plus banale du détail révélateur : certaines erreurs de forme peuvent nous révéler comme indignes ou bien nous disqualifier du fait des contradictions. Je vais faire une comparaison picturale : on sait très bien si quelqu'un est doué en dessin ou en peinture s'il sait bien dessiner les mains, on sait aussi à qui il emprunte ses mains ou s'il les fait d'imagination, de chic, ou sur le motif. On voit avec précision la main qui dessine dans ce détail. « Je vois trop la main » (Valéry).

Écrit par : Dominique | mercredi, 26 octobre 2005

Je trouve passionnantes vos deux interprétations. Rien à ajouter. Qu'en pensent les autres participants ?

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 27 octobre 2005

"Qu'en pensent les autres participants ?"
Très beau texte initial, on n'ose rien y ajouter, franchement.

Disons qu'il y a peut-être deux sortes de détails. L'un qui relève de la reconstitution romanesque, qui entre dans un déploiement rhétorique et contribue à l'effet de réel (on restitue avec tous les moyens de la fiction un décor, un climat, une époque, une conversation, etc.). L'autre, dont vous parlez, qui paraît être un comble de réalité, duquel on ne saurait rien retrancher, comme l'état dernier de la matière. La difficulté, c'est de l'amener, de le faire exister dans le texte.

Dans le premier cas, ce serait le diable cartésien (l'illusion trompeuse), dans le second, "Dieu" .

On ne finit aussi par voir un tableau ou une photo que lorsqu'on y a repéré un détail. Beaucoup d'admiration pour les "explications" de texte qui, partant d'un détail, finissent par "déplier" l'ensemble. On a su tirer le bon fil, le reste se dévide.

Écrit par : gluglups | jeudi, 27 octobre 2005

J'aime bien les termes employés par Gluglups : déploiement rhétorique, comble de réalité, état dernier de la matière, "déplier" l'ensemble. Je trouve qu'ils collent bien à ce que je tente d'exprimer -- tout en le cherchant moi-même, d'ailleurs.

L'ami Benoît disait l'autre jour, en substance, qu'on n'allait pas accoucher d'un art d'écrire à plusieurs et par internet. Finalement, on commence en tout cas à rassembler pas mal d'éléments...

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 27 octobre 2005

Oui, c'est un beau texte. Les détails méritent qu'on les défende. En un sens, je trouve toujours certain détail plus durablement touchant que la beauté plus générale, et moins absolument généreuse, d'une oeuvre en son entier.

J'avais, dans la partie professionnelle de mon existence, consacré, il y a déjà quelques années, une communication à un détail d'un roman de Breyten Breytenbach, ce dans le cadre d'un colloque "Lire le Détail" qui se tenait à Reims. Ce détail me semble toujours aussi férocement merveilleux: une femme écrit à son foetus et l'appelle "my blackbird" (mon merle). Ailleurs, dans le roman, le "black bird" (en deux mots) est le sexe de son compagnon.

Écrit par : Guillaume | jeudi, 27 octobre 2005

Dans cette rubrique qui se veut une apologie du détail, il ne faudrait pas oublier de signaler l'importance que peut prendre ce dernier dans notre existence quotidienne.

Ainsi, ce sont souvent les petites choses de la vie qui contribuent au bonheur (ou au malheur). Une personne croisée le matin, un geste, un sourire, un rayon de soleil et votre journée s'en trouve changée.

Inconsciemment, c'est peut-être ce que les participants viennent chercher sur les blogs: un article intéressant, un échange, un clin d'oeil complice avec un inconnu sur un sujet qui les captive. Puis ils repartent vers leurs activités, rassurés de savoir qu'ailleurs d'autres êtres humains déroulent le même fil qu'eux.

Quant aux êtres en chair et en os qu'ils croisent dans la rue, c'est souvent aussi un détail qui fait qu'ils s 'approchent d'eux. Ainsi en va-t-il dans l'amour. Une belle inconnue a pu attirer votre attention, mais c'est finalement un détail (la manière de ramener d'un geste ses cheveux, sa réflexion sur un sujet anodin, etc.) qui vous la feront connaître.

Ou qui du moins vous feront croire qu'elle est ainsi que vous l'imaginez. Car le détail peut être trompeur et menteur. A trop extrapoler à partir de rien, on peut aussi se fourvoyer. Et quand il s'agit de sentiments, alors ce n'est plus un détail.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 28 octobre 2005

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