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mercredi, 19 octobre 2005

Les mémoires du taulier, 3

L’archétype de ce qu’il ne faut pas faire, en matière de blog, est le fichu carnet de l’amateur d’art qui rend compte avec une régularité maladive des expositions qu’il va finir par se croire obligé d’aller visiter, pratiquement par conscience professionnelle. Enfin, si l’on peut dire. 

Qui rend compte... en quelques phrases, provoquant aussitôt une cascade de commentaires de deux lignes dont la moitié est consacrée à s’extasier sur la qualité du blog en question : « Ton blog est une pure merveille », version bourgeoise de « Sympa, ton blog » mais qui ne va pas plus loin. J’enrage lorsqu’on qualifie de merveille ce qui demeure une imbécillité absolue. En un mot comme en cent, ce que pense Machin de telle exposition, je m’en moque complètement, et même un peu plus. Que Machin me confie, à titre personnel, son sentiment, est une autre affaire. D’individu à individu, tout me touche a priori. Après, on peut discuter d’éventuels désaccords. Mais que Machin, du haut de son blog, m’assène deux paragraphes mal tournés, à la syntaxe enrhumée, pour m’expliquer qu’il vient de découvrir un peintre du XXe siècle, un certain Picasso, est inacceptable. Encore une fois, je n’ai que faire de l’avis des gens et celui de Machin n’est pas plus autorisé que le mien. Ce qui, par parenthèse, pose le problème de l’autorisation que confèrerait un « tamis » éditorial, par exemple.

Un avis n’est pas une opinion ou un sentiment, deux choses que je respecte. Un avis n’a pas plus d’intérêt qu’un goût exprimé. Quand j’entends la sacro-sainte phrase : « On ne discute pas des goûts et des couleurs », j’entre dans une fureur biblique. Et de quoi, par tous les diables, pourrait-on donc discuter, sinon des goûts et des couleurs ? L’avis de Machin m’intéresse aussi peu que le compte rendu d’un livre par Ixe ou Ygrec, journaliste auto-proclamé critique littéraire.

Et pourtant, combien de milliers de blogs ne tournent-ils qu’autour de ça ? Des notes indigentes et mal rédigées sur des livres piteux ou des films à la mode. Avec des commentaires aussi puissants, aussi indispensables, aussi vertigineux que « Un bonjour en passant », « Ta note me donne envie d'aller voir ce film », « Quelle imagination ! ». Quand il ne s’agit pas, purement et simplement, de listes ! Ah, les listes ! « Livres lus », « Films aimés », « Disques que j’écoute en ce moment ». Assez ! Le taulier s’en tape.

11:08 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (15)

Commentaires

Il faut s'en tenir à « indiquer ». Et, si possible, donner à lire (l'autre), à voir. La modestie devrait être la vertu cardinale de tout « critique », professionnel ou amateur éclairé, peu importe. En retour, que de lectures je dois à d'autres, qui se sont ainsi contentés de m'indiquer un livre ! Mais rien de cela ne fonctionne sans une bonne dose de curiosité chez l'interlocuteur. Et j'en arrive parfois à me demander si la curiosité n'est pas une denrée encore plus rare que la modestie.
(Écrit entre deux rendez-vous, je ne pourrai en dire plus aujourd'hui, mais il y beaucoup à réfléchir sur tout ceci, sur la fonction de notre présence sur la Toile, encore et toujours.)

Écrit par : Dominique Autié | mercredi, 19 octobre 2005

Je rebondis juste sur la première réflexion : rendre compte avec une régularité maladive. Cela peut être bien de rendre compte d'une actualité dans un domaine précis et de tenter de la suivre, mais ce n'est pas sain d'en faire une prison. Je tente pour ma part de donner des nouvelles des langues et de voir ce qui se dit un peu partout, mais je décroche à certains moments : il faut aussi changer d'air, s'abstenir d'écrire ou bien aller voir dans d'autres domaines, vivre aussi tout simplement, peut-être paresser et rêver, se promener sans but dans les rues ou les chemins. Le temps perdu n'est jamais du temps gâché, il se retrouve toujours plus tard ; en revanche le temps que l'on voudrait exclusivement consacré à une activité stakhanoviste, c'est une erreur. Il faut toujours attendre que le texte, ou le sujet, ou nous-mêmes soyons changés. Je ne sais pas si le joli mot de patience (fait de subir et d'éprouver) est encore beaucoup de mise, pourtant les papillons ou les oiseaux sont plus patients et plus beaux que les tchatteurs.

Écrit par : Dominique | mercredi, 19 octobre 2005

Vous dites ce que je pense aussi mais, dans ces "Mémoires du taulier", j'ai adopté un ton mi-amusé, mi-ironique, mi-grinçant (oui, je sais, ça fait trois moitiés), pour créer une unité à cette chronique récurrente.

Votre domaine, toutefois, est bien plus vaste que les (mauvais) compte-rendus d'expositions que je visais ici et qui ne portent en eux que parisianisme et naïveté, sans réelles connaissances du domaine -- ce qui est exactement le contraire de votre travail. Je déteste vraiment le blog en question, surfait et inutile.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 19 octobre 2005

Pour ma part, j'ai choisi de
1) m'interdire de recenser des oeuvres trop communes. Je peux signaler que j'aime tel classique, voire en parler au détour d'une chronique, mais pas en faire un "sujet".
2) m'interdire une quelconque régularité de publication en l'espèce. Si je parle d'un film une fois tous les trois mois, peu importe. Si je recense trois livres en deux jours, puis ne parle plus de livres précis pendant trois semaines, cela ne regarde que moi...!
3) ne jamais me contraindre.

Écrit par : Guillaume | jeudi, 20 octobre 2005

Aïe aïe, effectivement grinçant le taulier. Peut-être même dure avec Machin et Ygrec. Il y a peut-être derrière tout ça juste l'envie de partager et pas forcément l'intention de s'auto-proclamer guru en matière d'art. Pourquoi le taulier continue-t-il à lire ce blog (avec régularité?) s'il a remarqué que le taulier (l'autre) se force (avec régularité) à aller voir et à consigner ses visites dans les musées? Hein? (bon je sens que je vais me faire un peut lyncher après avoir écrit tout ça mais bon je sais que le taulier (pourquoi pas tôlier?) n'est pas méchant au fond alors, je me permets...
J'aime bien certains blogs dont les notes sont axées sur l'art mais à petite dose. Bien vite, le souci de faire professionnel m'ennuie car ce qui m'intéresse c'est ce qui a touché le taulier, pourquoi, les connections qu'elle/il fait avec l'expo, le passé, les souvenirs etc. Le "proustisme" quoi, (je sais ce n'est pas un mot qui existe en Français (euh ni en Anglais d'ailleurs) même si Proust me fatigue au bout d'un moment.

Écrit par : Livy | lundi, 24 octobre 2005

Larousse (le petit (aucune idée s'il est aussi jeune ou vieux)) dit que tôlier c'est aussi le patron d'un hôtel peu recommendable.

Écrit par : Livy | lundi, 24 octobre 2005

Cela m'étonne beaucoup. Il faut croire que le dictionnaire entérine une erreur orthographique répandue. A moins que l'on considère que l'argot a une orthographe flottante. Il faut être prudent et ne pas négliger les risques de contagion. Je demande immédiatement une consultation au docteur Dominique, seul spécialiste capable de fournir un diagnostic dans un cas aussi grave. Le 14, rue Franklin ne recule devant rien pour s'assurer le concours des plus éminents représentants du savoir universel.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 24 octobre 2005

Larousse rajoute à côté du mot: "n. Pop.
1.Patron de...
2. Patron, patronne d'une entreprise"
Pop signifiant peut-être dans le language populaire ou argot?

Écrit par : Livy | lundi, 24 octobre 2005

Certes. C'est bien ça. Mais le docteur Dominique, quand il sera sorti du bloc où il opère depuis plusieurs heures, tranchera.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 24 octobre 2005

Le docteur rappellera alors ce fil un peu ancien de LSP :
http://correcteurs.blog.lemonde.fr/correcteurs/2005/06/de_la_planche_t.html
L'étymologie pour la taule comme lieu, c'est la tabula latine conçue comme une pierre, donc un revêtement qui n'a rien à voir avec le métal. Mais les premières occurrences sont tole (1321, pierre, régional), tôle (1800, lieu en général, chez les bandits d'Orgères), et c'est vers la fin du XIXe s. que l'on utilise taule (1888) sans doute pour éviter l'homonymie autant que par remotivation étymologique. Il y a remotivation de tôle ensuite par le sens de prison (1889 au moins, avec un changement de sens : le tôlier est le soldat qui sort de prison) par le fait que le métal évoque les fers, les grilles, la cage. Le patron de bistrot, de bordel ou d'usine peut alors aussi être assimilé à celui qui enferme alors qu'à l'origine c'était celui qui offrait un toit.

Le Larousse de l'argot (Colin) accepte taulier et tôlier, taule et tôle. Je pense que taulier est venu d'argotiers un peu plus versés en orthographe ou étymologie que les premiers utilisateurs du mot. Ensuite, pour l'argot on a très souvent une multitude de graphies parfois enregistrées dans les dictionnaires spécialisés : les variantes sont innombrables pour certains mots, certaines sont des hapax ou des fantaisies ou des erreurs flagrantes. Très souvent, il y a une analogie réciproque entre deux mots comme ici (un autre exemple assez parlant, c'est le feignant ou celui qui feint, devenu fainéant à cause de faire néant).

Écrit par : Dominique | lundi, 24 octobre 2005

Merci docteur!

Écrit par : Livy | lundi, 24 octobre 2005

Eh oui, j'avais complètement oublié cette discussion de LSP... Mais j'ai eu bien raison de faire appel à un éminent professeur, non ? Je pense que vous avez la réponse, Livy ?

(A propos, comme cliché, on ne fait pas mieux : un professeur est toujours éminent, pourquoi ?).

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 25 octobre 2005

Je n'ai toujours pas compris qui était l'auteur du blog visé.

Écrit par : Des noms, des noms! | mardi, 25 octobre 2005

Il n'est pas question de citer un nom. Je ne montre personne du doigt. C'est le cas qui est ici en cause.

"Les mémoires du taulier" sont des réflexions sur les blogs et leur pratique, jamais sur des personnes. Je m'interroge sur la pratique du blog comme sur l'écriture, l'édition, l'imprimerie, la librairie et mille autres choses.

En règle générale, je ne peux pas pratiquer moi-même un art, une discipline ou simplement le blog (qui n'est pas encore élevé au rang de l'un ou de l'autre) sans observer ce qui se fait aujourd'hui, tout en étudiant parallèlement l'histoire de l'art ou de la discipline en question. Ou du métier, s'il s'agit d'un métier.

Si tu veux, je ne peux pas rester indifférent, c'est plus fort que moi. Mais il n'est pas question de condamner telle personne, ça non, je respecte bien trop les individus.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 25 octobre 2005

Oui, j'ai ma réponse.
"un professeur est toujours éminent, pourquoi ?": est professeur celui qui a atteint un degré supérieur dans la connaissance qu'il a de son domaine de recherche (par rapport par exemple au maitre de conférence ou au non spécialiste), alors éminent serait en effet ici une répétition, ou un pléonasme peut-être.

Écrit par : Livy | mardi, 25 octobre 2005

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