jeudi, 07 mars 2013
Demy, 3 : demeurer un chef-d’œuvre
Pourquoi le film Les Parapluies de Cherbourg demeure-t-il un chef-d’œuvre ? Au moment de son tournage, pouvait-on se douter qu’il ferait le tour du monde et que, cinquante ans plus tard, on en parlerait encore, mieux : que la ville de Cherbourg organiserait des manifestations commémoratives ?
Comme toujours, il n’y a pas de réponse et l’on ne peut avancer que l’exposé d’une série de causes, d’un faisceau de raisons. L’authenticité absolue du cinéaste, évidemment. L’invention géniale d’un genre, naturellement. La création de couleurs et de costumes encore jamais vus, en tout cas, jamais vus réunis. La rencontre parfaite, faut-il le dire, de deux créateurs, deux artistes, Demy et Legrand, et l’osmose de leur collaboration. L’exigence et la rigueur de l’auteur, palpables dès la première vision, vérifiables au long des dizaines qui suivirent. La fluidité d’un filmage et d’un montage, parfaitement incontestables. La photographie, juste et précise, d’une société donnée à une époque donnée, tellement juste et tellement précise que, paradoxalement, elle sort du temps et devient universelle, un peu comme ces photographies de classes qui deviennent, avec les années, l'école elle-même.
Et ce film magnifique, non content de ramasser le prix Delluc et la Palme d’or au passage, comme sans s’en apercevoir, révèle et consacre en même temps un réalisateur, un compositeur, une productrice et une actrice. Seulement.
Les Parapluies de Cherbourg : tournage de la scène du départ de Guy, sur le quai de la gare : le travelling arrière est effectué à une vitesse différente de celle du train, ce qui crée un bel effet visuel (Photo DR, Ciné-Tamaris).
07:00 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
L'air de Geneviève est-il étonné Non, il est craintif et coupable. Ce "détour" par Cherbourg est énorme dans tous les sens du terme. On pourrait presque dire que l'"assassin revient toujours sur les lieux de son crime". Crime d'oubli et de faiblesse, sur lequel elle ne s'est jamais expliquée, et c'est là qu'intervient le remord, le pourquoi, sans doute, du détour.
Le châtiment n'est qu'un renvoi à la réalité. A présent, elle va pouvoir grandir et Guy, finalement pas si malheureux avec sa femme et son fils, retrouve définitivement et sans regrets, le bonheur et la spontanéité qu'il a toujours cherchés, on le voit bien dans son jeu avec le petit.
Écrit par : Martine Layani | jeudi, 07 mars 2013
C'est aussi ce que je pense.
Geneviève est revenue volontairement à Cherbourg, ça oui. Mais rien, dans le film, n'établit qu'ayant besoin d'essence, elle arrive volontairement chez Guy. A priori, elle ne sait pas qu'il est devenu garagiste, elle ne sait pas, non plus, où se trouve sa station. Là, je pense vraiment qu'il s'agit d'un hasard.
Je l'ai dit dans une note précédente : Cassard a rendu service à Guy, d'une certaine manière, en épousant Geneviève : cela n'aurait pas marché, elle l'oubliait déjà. Guy est bien mieux avec Madeleine.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 07 mars 2013
Finalement, c'est Geneviève la grande perdante dans cette histoire... comme toutes les femmes avant la pilule, bien sûr. Une perdante en vison, certes, mais son air de chien battu est terrible. C'est très moral dans le fond : elle a les sous, mais pas le cœur gai.
Écrit par : Martine Layani | jeudi, 07 mars 2013
Perdante, je ne sais pas. Même si elle n'avait pas été enceinte, elle n'aurait pas épousé Guy, puisqu'elle l'oubliait : ("C'est drôle, l'absence. Pourquoi Guy s'éloigne-t-il de moi ? Moi qui serais morte sans lui, pourquoi ne suis-je pas morte ?", je cite de mémoire).
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 07 mars 2013
Elle se posait des questions, elle ne demandait peut-être qu'à être contredite par sa mère... qui, elle, comme elle-même a raté sa vie, se sent poussée à obliger sa fille à faire de même - tout cela caché par de "bonnes intentions" du genre protection et réussite matérielle.
Ce "pourquoi ne suis-je pas morte ?" rend surtout compte de sa lâcheté (que Guy connait bien, puisqu'il le lui reproche : "tu n'as rien dit à ta mère") ; reste que deux ans lorsqu'on en a dix-sept, c'est très long et on change à cet âge.
Écrit par : Martine Layani | jeudi, 07 mars 2013
Eh oui. Donc, Guy l'a échappé belle.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 07 mars 2013
"La photographie tellement juste et précise qu'elle sort du temps et devient universelle." Bravo pour parler aussi bien de ce chef-d'oeuvre du cinématographe. Dire qu'ado, je trouvais ce film gnan-gnan, moquant mon père qui le tenait pour l'un de ses films préférés...
Écrit par : Richard | vendredi, 08 mars 2013
Ah, mon cher Richard, l'adolescence est impatiente et pas toujours clairvoyante (oh dis donc, je parle comme un vieillard, carrément !).
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 08 mars 2013
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