mardi, 24 avril 2012
Pia s’habille chez le Lérot
Plus de cinq cents pages d’assez grand format (18 x 24 cm), de petits caractères serrés, des cahiers cousus et collés, non massicotés, une couverture rempliée, une impression en offset. S’agirait-il d’un volume d’il y a plusieurs décennies ? Point du tout, on est ici dans la maison dite « du Lérot », chez Étienne Louis, cet éditeur de Tusson (Charente) qui persiste dans l’érudition et le beau livre de conception traditionnelle.
La publication dont il s’agit est un recueil des chroniques que Pascal Pia signa autrefois pour l’hebdomadaire Carrefour auquel, si l’on en croit Jean-Jacques Lefrère qui a préparé l’édition et l’a préfacée, d’aucuns s’abonnaient uniquement pour les articles de Pia. La période considérée s’étend de 1954 à 1977 et l’ouvrage succède à un premier, initialement publié par Maurice Nadeau, ainsi qu’à deux autres, édités chez Fayard. On nous assure qu’il n’existe ici aucun doublon avec le contenu de ces trois parutions. C’est dire l’extraordinaire quantité de livres que Pia a pu chroniquer en plus de vingt ans d’exercice.
On observe que chaque feuilleton a sensiblement la même longueur que les autres, Pia ayant bénéficié, dans le journal, d’une rubrique fixe. Quatre pages, la dernière n’étant pas toujours entièrement pleine. Il arrive néanmoins que l'article soit plus long. Chacun traite d’une œuvre, parfois de deux, plus rarement de trois ou quatre. Dans ce cadre bien délimité, Pia use de phrases qui pourront paraître longues au lecteur d’aujourd’hui – elles sont pourtant simples, bien articulées, construites solidement : c’est notre regard qui a changé, pas en bien, et les habitudes de lecture.
On est frappé par l’érudition du critique, sa bienveillance qui cependant ne censure jamais le regret d’une faiblesse ou d’une insuffisance de l’auteur considéré, son humour léger, permanent, et même par un brin d’ironie arboré à fleur de sourire, comme à la boutonnière. Tout cela est servi par une langue, faut-il le dire, impeccable.
Une iconographie abondante est reproduite en fin de volume, et non au milieu comme la vogue des biographies en a généralisé la pratique. Ceci, encore, qui n’existe plus : un papillon encarté dans le livre signale deux minimes errata dans les légendes.
Et si cinquante euros, c’est une somme, il reste que cela ne représente pas plus – voire moins – que les deux tomes typographiquement « gonflés » qu’on n’aurait pas manqué de nous imposer, si ce livre avait été réalisé par un éditeur commercial sur l’immonde papier d’une presse Cameron, cette erreur historique, cette monstruosité de l’imprimerie.
Étude pour un portrait de Pascal Pia, stylo à bille, 2012
15:25 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (0)
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