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vendredi, 20 avril 2007

Un visage de la critique vaillandienne

Les Cahiers Roger-Vailland viennent de publier une recension des articles de presse écrits lors de la parution des romans de Vailland. Il s’agit d’un premier tome, l’autre étant malheureusement reporté à 2008 au moins, on se demande bien pourquoi. L’intérêt d’un tel travail était précisément, en premier lieu, de tenir en un seul volume. Surtout, on s’est encore et toujours limité aux romans, soit neuf (magnifiques) livres sur une bibliographie de plusieurs dizaines de titres, recouvrant à peu près tous les genres habituellement reconnus. Ces deux erreurs sont fondamentales, à mon avis.

Ce qui est à relever, dans ce panorama de la réception des œuvres (romanesques) de Vailland, c’est que, presque systématiquement, et peut-être même systématiquement, les auteurs commencent par raconter l’histoire. On observe qu’il s’agit de billets beaucoup plus longs que ceux qu’on peut lire aujourd’hui. Une critique littéraire, entre 1945 et 1955 puisque ces dates bornent ce tome premier, compte environ trois fois plus de texte qu’aujourd’hui. Elle procède ainsi : introduction sur un ton personnel, souvent ironique ou distancié, exposé de l’intrigue, considérations sur l’engagement politique et social de l’écrivain, défauts et qualités, regrets, souhaits, conclusion sur un ton personnel, souvent ironique ou distancié, le plus souvent soit admiratif, soit admiratif en dépit de. Incroyablement, le schéma est grosso modo le même d’un article à l’autre, au fil de onze années de recensions portant, toujours en ce qui concerne le tome un, sur six livres. Pourtant, les textes sont donnés in extenso (c’était bien la moindre des choses) et les regards souvent très différents. Les auteurs sont Maurice Nadeau, Claude Roy, Marcel Arland, René Lalou, Louis Parrot, Émile Henriot, Claude-Edmonde Magny, Thierry Maulnier, Pierre Courtade, Eugène Ionesco, Roger Stéphane, Luc Decaunes, Roger Nimier, Jean Duvignaud, Louis-Martin Chauffier, Robert Kanters, André Wurmser, Kléber Haedens, François Nourrissier, Claude Mauriac, Jean Blanzat, Antoine Blondin, Henri Lefebvre et quelques autres, soit le gratin de la critique du moment. Eh bien, dans l’ensemble, les méthodes, l’exposé, sont les mêmes, au moins sur le plan technique. Comme s’il était fatal que des époques entraînent des modes de pensée, des comportements induits. Alors que le découpage de ce Cahier Vailland est parfaitement arbitraire et, à mon avis, sot au possible. Déjà, isoler la réception des romans de celle des autres livres est un non-sens. Ensuite, considérer que Vailland, publiant Drôle de jeu en 1945 et mourant en 1965, a une vie littéraire de vingt années (alors que les parutions posthumes continuent aujourd’hui), c’est idiot. Décider de couper purement et simplement en deux cette période de vingt années, c’est consternant. Effectuer cette coupure systématique juste avant La Loi, c’est-à-dire le Goncourt pour 1957, c’est-à-dire avant le désintéressement (trop affirmé pour être réel) de l’écrivain, c’est condamnable. Réduire la recension des dix dernières années aux trois romans qui demeurent les plus mal compris (La Loi, La Fête et La Truite) et renvoyer à l’année prochaine cette parution complémentaire, c’est suicidaire.

En dépit de cela (et c’est beaucoup), on observe donc des constantes, comme je l’ai dit, dans l’attitude critique. C’est encore ce qui m’étonne le plus dans ce relevé interrompu. Ces articles ne disent pas que des sottises, certes non, même quand ils sont peu favorables aux ouvrages retenus. Mais ils le disent tous sur la même lancée, dans un schéma presque scolaire, quelque chose d’obligatoire, de convenu. On s’étonne rétrospectivement. On se demande si, vraiment, l’audace d’une critique peut-être pas plus intelligente mais simplement différente, était impossible. Et cela nous rappelle, si nous l’avions oublié, combien la société d’avant 1968 était calibrée, corsetée, définie, arrêtée, établie et, pensait-on, définitive parce qu’incontestable.

On terminera sur une constatation : autrefois comme aujourd’hui, Maurice Nadeau écrivait comme un pied.

Commentaires

Tu devais bien te douter que j'allais réagir sur ce billet...
Je viens de recevoir également ce numéro des Cahiers. En tant que proche des gens qui les font, je me sens un peu le devoir de les défendre. Je ne trouve pas qu'il soit absurde de séparer la critique de l'oeuvre romanesque du reste. Ce qu'il faudrait dans l'idéal, c'est avoir un autre numéro des Cahiers rassemblant les articles relatifs au reste de l'oeuvre.
Quant au découpage en deux périodes, je suppose qu'il a été tout simplement induit par le volume matériel des articles. Tel quel, ce numéro des Cahiers est déjà un numéro double (bon, ce n'est pas exactement une pagination double de celle qu'ils ont couramment, mais tout de même beaucoup plus.)
Enfin, le report à 2008 de la 2e partie correspond probablement (c'est mon interprétation des choses du moins...), d'une part à la nécessité de publier des actes de colloques récents qui sont en souffrance, de l'autre au fait que la collecte des articles qui paraissent aujourd'hui est le fait d'un seul homme, Jean Sénégas, qui fait depuis des années un travail énorme pour la connaissance de l'oeuvre de Vailland.
Par ailleurs, et par contre, je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis des points communs entre les critiques de cette époque, en ce qui concerne la conception et la présentation d'un article de critique d'un livre.

Écrit par : fuligineuse | dimanche, 22 avril 2007

Bien sûr, je t'attendais là.

Pour ce qui est du numéro double, je m'en étais déjà moqué dans la note "Marguerite de Servanches à Rabassa de Lépine". Je te rappelle qu'un seul numéro a été servi au titre de 2005 et un seul, supposé double, au titre de 2006 -- on avait cependant payé pour deux, chaque fois. Et je reçois en même temps un bulletin de réabonnement ! C'est mesquin, sans doute, de relever ça ?

Etre membre des amis de Vailland, être abonné aux Cahiers, c'est quoi ? Payer cotisation et abonnement et se taire ? Avec moi, c'est raté. J'ai toujours dit ce qui ne me plaisait pas. D'abord, que les numéros tombaient en lambeaux quand on les ouvrait : ça, ça s'est amélioré. Ensuite, que c'était composé dans un corps trop petit : même avec mes lunettes, je me crève les yeux. Mais là, rien à faire, c'est toujours aussi minuscule. Et je passe sous silence le fait que ce soit relu à la mords-moi-le noeud : criblé de coquilles !

Je continue à penser que séparer les romans du reste, c'est découper Vailland en tranches, en rondelles de saucisson et que c'est absurde. Non, même un autre numéro rassemblant les articles relatifs au reste de l'oeuvre ne compenserait pas : ce qui est intéressant puisqu'on étudie la RECEPTION de l'oeuvre, c'est précisément que cette réception soit étudiée dans sa SIMULTANEITE et dans sa CONTINUITE. On ne peut pas concevoir de réception fragmentée, ça n'a aucun sens. Ou bien alors, on n'étudie pas la réception et ce numéro n'a pas lieu d'être.

Quant à Sénégas, je ne nie pas son travail, mais j'en ai assez du principe qui veut que, lorsqu'il s'agit d'une action associative, de bénévolat, de dévouement, on ne puisse rien dire et qu'on doive dire amen et féliciter les responsables pour ce qu'ils font. Je fais le même travail, et certainement beaucoup plus d'ailleurs, dans vingt autres domaines, de front. Je n'attends pas de remerciements. Cela dit, Sénégas écrit comme une enclume, navré de le dire. Son texte d'introduction est illisible, chaque phrase pèse cent kilos.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 22 avril 2007

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