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jeudi, 07 septembre 2006

Apollinaire parle de Claudel

« Vous m’avez parlé de Claudel dernièrement. Cet écrivain de talent est l’aboutissant du symbolisme. Il représente de façon absconse et réactionnaire la menue monnaie d’Arthur Rimbaud. Celui-ci était un Louis d’or dont celui-là est le billon. Claudel est un homme de talent qui n’a fait que des choses faciles dans le sublime. À une époque où il n’y a plus de règles littéraires, il est facile d’en imposer. Il n’a pas eu le courage de se dépasser et surtout de dépasser la littérature d’images qui est aujourd’hui facile. On s’est habitué aux images. Il n’en est plus d’inacceptables et tout peut être symbolisé par tout. Une littérature faite d’images enchaînées comme grains de chapelet est bonne tout au plus pour les snobs férus de mysticité. C’est à la portée de tout le monde et je me demande pourquoi les Annales ne publient pas du Claudel afin que les cousines se croient désormais aussi thomistes qu’elles sont bergsoniennes ou nietzschéennes. »

 

Apollinaire, lettre du 12 juillet 1915 à Madeleine Pagès.

Commentaires

Je n'ai presque rien lu de Claudel mais ce texte formule parfaitement les préjugés que j'ai à l'encontre de cet auteur.

Cependant, à l'heure où Apollinaire écrivait, la "littérature d'images" avait encore de beaux jours devant elle.

Il paraît que c'est bien, néanmoins, Claudel. Y a-t-il quelqu'un sur votre blog pour défendre Claudel et me donner envie de m'y mettre un jour? J'ai l'impression que Claudel est l'auteur classique le plus détesté et j'ose croire que ce n'est pas uniquement pour des considérations biographiques ou idéologiques.

Écrit par : gluglups | jeudi, 07 septembre 2006

Je connais surtout le volume simplement intitulé "Poésies" dans la collection Poésie-Gallimard. Apollinaire vise juste, vraiment. Cependant, j'aime bien Claudel poète, de toute façon, en dehors de son idéologie. C'est un vrai poète, on ne peut pas dire le contraire. Pas un très grand, mais un vrai.

Martine n'aime pas le fait qu'il ait abandonné sa soeur dans des asiles. De plus, dit-elle, il ne s'est jamais occupé de faire connaître son travail.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 07 septembre 2006

Eh bien moi non plus je n'aime pas Claudel, mais alors pas du tout, avec son emphase pompeuse, son catholicisme à tous crins et son attitude regrettable envers Camille, en effet. Je savoure donc d'autant mieux cette note...

Écrit par : fuligineuse | jeudi, 07 septembre 2006

Nous en avons déjà parlé, Fuligineuse. Je ne suis pas un claudélien passionné, mais on ne peut nier certaines beautés dans sa poésie. Moi, je veux bien qu'on ironise à l'envi sur sa foi ou ses opinions, ensuite, il reste les textes. Je parle uniquement, naturellement, de ce que je connais : les poésies du volume dont je parlais plus haut.

Je ne pense pas qu'à l'instar des très grands, il ait réellement exploré des territoires nouveaux en matière d'expression, moins encore créé son registre propre, sa langue. Je ne crois pas, pour lui, à une postérité considérable (mais qu'est-ce que la postérité, finalement ?) Cela dit, on ne peut pas, relevant des beautés dans ses poèmes, nier qu'elles s'y trouvent.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 08 septembre 2006

L'idée que Paul Claudel a demandé l'internement de sa sœur et qu'il ne s'en est plus jamais occupée est une légende qui repose sur un travestissement des faits.
http://www.accessia.fr/mmm/francais/actualites/bio.asp

Écrit par : Dominique | vendredi, 08 septembre 2006

J'en prends volontiers acte. Martine et Fuligineuse liront aussi cette chronologie, je pense.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 08 septembre 2006

Peut-être une réponse ici:

http://www.lepoint.fr/spectacles/document.html?did=182939

Écrit par : Feuilly | vendredi, 08 septembre 2006

Bonjour, Feuilly.

Merci pour le lien. Mais je m'aperçois que l'auteur du livre en question est Dominique Bona, qui est nullissime.

Je ne le dis pas sur le forum de Gary pour éviter les polémiques puisque nombreux sont ceux qui apprécient sa biographie de Gary. Elle est consternante. Je l'avais lue lors de sa parution et je n'ai jamais osé recopier sur le site les observations que j'avais faites sur un feuillet, toujours encarté dans mon exemplaire.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 08 septembre 2006

Bon, merci Dominique, du lien assez bref mais explicite. Claudel s'est conduit "normalement" avec sa soeur. En l'absence de son père, à cette époque, c'était la moindre des choses. D'ailleurs, il devait faire partie de ces gens qui se sentent coupables facilement et, ne serait-ce que pour cette raison, il a écrit cette préface à l'exposition. Mais sa grande affaire, comme tous les artistes, c'était lui-même.
Pour la fragile Camille aussi, je sais... Cela ne me le fait pas aimer pour autant, simplement, cela me fait ne plus le détester.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 08 septembre 2006

Dominique Bona est nullissime? C'est ce que je craignais. Mon lien n'est donc pas bon.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 08 septembre 2006

De 1917 à sa retraite en 1933, Claudel a vécu à l'étranger, notamment au Japon et aux États-Unis. Ce n'est pas la porte à côté.
http://www.paul-claudel.net/homme/diplomate.html
Une visite par an, c'était sans doute ce qu'il accordait aussi au reste de sa famille pendant ces années-là. Cela ne fait pas de lui un saint, mais on est loin du salaud qui est parfois peint. Il aurait pu prendre Camille chez lui durant ses dernières années, mais il s'était rangé auparavant à l'avis des médecins et il n'était plus du genre à se révolter contre les idées officielles, d'autant que l'état de Camille s'était vraiment dégradé.

Écrit par : Dominique | vendredi, 08 septembre 2006

"il s'était rangé auparavant à l'avis des médecins et il n'était plus du genre à se révolter contre les idées officielles" : je crois en effet que c'est ce qu'on lui reproche, à propos de sa soeur. Ce doit être de là qu'est partie la légende du frère indifférent.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 08 septembre 2006

Il est par ailleurs exact que la vie avec une personne "différente" est une lourde charge. Mais jusqu'où va et où commence la normalité ? Apercevoir Dieu derrière une colonne, si l'on veut, n'est pas courant non plus...

On ne saura jamais ce qu'il aurait pu faire. Il aurait fallu être dans la situation.

On a fait tout de même, me semble-t-il, des progrès dans l'acceptation des gens dits "fous" depuis une centaine d'années. Et, heureusement, certains malades, soignés en milieu hospitalier, peuvent avoir une vie moins carcérale que cette pauvre Camille.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 08 septembre 2006

Claudel n'a pas *aperçu* Dieu derrière une colonne. Il a eu la révélation de Dieu à cet endroit, ce qui est différent.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 08 septembre 2006

Il n'y a pas que le fait de vivre avec une personne différente. Claudel a fondé une famille assez tard dans sa vie, il avait des enfants en bas âge au moment de l'internement de Camille et il faut savoir que Camille avait fait l'objet de plaintes précédemment de la part de ses voisins pour son alcoolisme, sa conduite obscène (thème qui revient dans les rapports médicaux)*. Un père de famille peut hésiter devant le risque. Quand il n'était pas encore ambassadeur, avant 1916, ses revenus étaient très modestes car il était dans les emplois subalternes du consulat : il n'aurait jamais pu payer une ou deux personnes à charge ou un logement indépendant. Quand il a eu de vrais moyens financiers, il s'est posé la question de la faire sortir, mais c'était trop tard car il était pris par ses engagements familiaux et diplomatiques. En outre, il y a un autre motif plus secret et plus profond : cela le renvoyait à sa propre crainte de la folie lorsqu'il était jeune, les lettres de jeunesse montrent cette hantise de la folie chez lui.
* C'est un leitmotiv des psychiatres de l'époque face à la folie féminine.

Écrit par : Dominique | vendredi, 08 septembre 2006

Jacques: votre retenue face à Bona et une possible polémique m'étonne. Moi j'aurais bien aimé savoir ce qui vous a déplu. Son livre souffrait du manque d'accès aux sources, ce qui est problématique pour tout biographe, mais il n'était compensé par aucune passion, aucune flamme, pas d'analyse, c'était surtout ennuyeux il me semble, mais la vision d'un biographe m'aurait intéressé.

Écrit par : Benoit | samedi, 09 septembre 2006

Je n'étais pas biographe à ce moment-là, mais voici les notes que j'avais prises lors de ma lecture.

Mme Bona ne sait pas maîtriser le temps. Mme Bona fait trop de chapitres, ses coupures sont très contestables (trente et un chapitres!)

Mme Bona ne sait pas corriger les épreuves : que de coquilles (et celle-ci, superbe : "affection" pour "affectation" -- les diplomates sans affection !)

Mme Bona consacre de trop longs développements à l'affaire Ajar. Trop longs, en ce sens que son livre n'a "que" quatre-cents pages. Il convenait ou bien de raccourcir "Ajar" ou bien de faire un livre de cinq ou six-cents pages. Mais cinq ou six-cents pages, c'eût été trop. Mme Bona ne sait pas maîtriser l'espace.

Mme Bona est fâchée avec la précision bibliographique, elle cite -- souvent, pas toujours, c'est vrai -- des journaux sans donner leur date de parution, des ouvrages sans donner de date non plus.

Mme Bona, dans l'ensemble du texte lui-même, donne fort peu de dates. Rapportée à quatre-cents pages, sa précision historique est insuffisante.

Mme Bona a des approximations stylistiques et quelques phrases bancales.

Mme Bona ignore, dans ses notes infra-paginales, l'usage de la mention "op. cit."

Cela dit, ce livre se lit sans déplaisir (je n'ai pas écrit : "avec plaisir") mais la biographie de Gary reste à écrire.

La cérémonie aux Invalides, son dernier chapitre (quatre pages, quel souffle !) aurait pu être décrite par Léon Zitrone.

NB : Mme Bona est agrégée des lettres. Paraît-il.

Et j'en ai marre, marre, marre, de ces biographies au ton romancé et sans aucun intérêt littéraire.

Voilà donc, Benoît, ce que je notais à l'époque (1987). Je ne sais plus exactement à quoi je faisais allusion, en faisant telle ou telle remarque. Mais c'était une note pour moi, donc, il n'y avait pas de volonté de faire un "effet". J'avais vraiment senti ça comme ça.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 09 septembre 2006

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