mercredi, 05 juillet 2006
Au Lot
Monseigneur,
Je vous ai découvert en 1975, par la grâce d’un ami connu auparavant au lycée, à Marseille. Bien que né à Saint-Germain-en-Laye, il était, par sa grand-mère maternelle, originaire de chez vous. Il m’a fait cette fois-là, sans le savoir, un cadeau immense, m’offrant la possibilité de trouver une terre d’adoption où j’ai poussé de nouvelles racines. À bord de ma deux-chevaux d’alors, je vous avais rallié au départ de Marseille et ce fut un enchantement.
On vous qualifiait jadis, sur les panneaux touristiques, de « Terre des merveilles ». L’expression était singulière et digne de vous, de vos plus de quatre-cents monuments et sites classés. On l’a, depuis lors, remplacée par le slogan, bien plus prosaïque : « Une surprise à chaque pas. » Quand la merveille cède le pas à la simple surprise, il y a quelque chose qui ne va plus. Mais je n’ai pas besoin de cela, j’ai appris à vous connaître bien plus secrètement, au fil des années incroyablement vite écoulées. À deux reprises, j’ai loué à l’année ma part de votre territoire. Une fois, c’était dans une école de village, désaffectée. À présent, c’est un bout de maison dans un hameau minuscule. Si je ne compte pas ceux qui habitent l’autre partie de la bâtisse, le premier voisin est à deux-cents mètres. Je dis toujours : « Mon bout de Lot loué » et c’est exactement cela. Je jouis, pour un peu d’argent, d’un morceau de terre des merveilles.
Je vous ai fait découvrir à de très nombreuses personnes. Toutes sont tombées amoureuses de votre splendeur (j’aimerais à ce propos savoir pourquoi on tombe amoureux, pourquoi on tombe enceinte : quelle est cette idée de chute impliquée par ce verbe, alors qu’il ne s’agit nullement de choses honteuses ?) Il y a votre architecture magnifique et votre gastronomie hors-pair, hors-concours, qui ferait se lever Lazare, sa serviette autour du cou. Il y a vos paysages infiniment différents. On ne compte plus les auteurs et les artistes qui se sont installés chez vous, à commencer par André Breton, mais il n’est pas de grand écrivain quercynois, c’est dommage.
Plus tard, j’avais composé pour vous une petite chanson de rien du tout qui, demeurée sans musique, doit dormir dans mes cartons. Elle commençait ainsi : « Nous avions le Lot à portée d’oreilles / Quand il bruisse un peu dans l’été qui court / Et que dans le vert d’arbres de secours / Vient mourir le bruit de mille merveilles / Les chevaux Peugeot broutaient le bitume / Chaque tour de roue était un appel… » – le reste à l’avenant : je n’ai jamais su par cœur un de mes textes.
Dans trois jours, je partirai vous rejoindre, en Renault cette fois. La voiture connaît le chemin par cœur, elle ira seule.
12:00 Publié dans Apostrophes insolites | Lien permanent | Commentaires (16)
Commentaires
Il y a tout de même eu Clément Marot.
On pourrait citer aussi Pierre Benoît, qui vint s'y installer, mais est-ce un grand écrivain?
Sinon, il y a l'école de Brive (Corrèze) avec Peyramaure et Claude Michelet, mais on se rapproche de la littérature du terroir.
Écrit par : Feuilly | mercredi, 05 juillet 2006
Ouh là là, niet, Feuilly !
J'avoue, j'ai oublié Marot, né à Cahors, mais enfin, il faut bien chercher, quand même.
Pour le reste :
Pierre Benoit appréciait Saint-Céré, mais c'est tout. Il s'y fit remettre son épée d'académicien. Il avait une chambre attitrée à l'hôtel qui est sur la place. Mais ce n'est pas un grand écrivain et il n'est pas lotois du tout. Il a situé trois romans dans le pays (Le Déjeuner de Sousceyrac, Alberte, Lunegarde) et c'est tout.
L'école de Brive n'existe pas. C'est une invention pure et simple de Jacques Peuchmaurd, autrefois numéro deux chez Laffont, qui a regroupé quelques auteurs de son catalogue, lesquels chantaient la Corrèze et la Dordogne, qui ne sont absolument pas le Lot. Je confesse avoir lu quelques romans de ces auteurs, mais ce n'est pas sérieux. Claude Michelet (fils d'Edmond Michelet, compagnon du Général), passe encore. Christian Signol, pas fou, a tiré sur la ficelle tant qu'il a pu, c'est un fabricant de romans de Dordogne, c'est écoeurant. Michel Peyramaure est un vieil auteur de Laffont, il est simplement consternant. Tous les autres ont été agrégés aux premiers, par la suite, quand Peuchmaurd a vu le succès qu'avait cette appellation d'école de Brive, appellation totalement fallacieuse puisque ces auteurs, justement, rien ne les réunissait (idées communes, style, volonté, objectifs, manifestes...) qui eût pu constituer une école à proprement parler. C'est donc bien une appellation commerciale, en tout et pour tout.
J'ajoute qu'une supposée école dont tous les membres sont publiés chez le même éditeur a tout pour être suspecte. Tu vois bien que c'est une invention éditoriale.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 05 juillet 2006
De Michelet, je n'ai lu qu'un livre, "La nuit de Calama", qui se situe dans les prisons d' Amérique du Sud (on est loin du Quercy). Peyramaure, j'en ai acheté un et n'ai jamais eu le courage de le lire.
Quant à P. Benoît, on raconte que cette séance de remise d'épée à St Céré avait fini d'une manière inattendue puisqu'il avait demandé à une des participantes de se promener en tenue d'Eve. On est loin en effet de la mentalité paysanne du coin.
Bref, pas d'écrivians vraiment marquants, j'en conviens.
Mieux vaut donc retenir ceci:
http://marielaure.monde.free.fr/ma_region/gariotte.html
Ou encore ceci:
http://www.jedecouvrelafrance.com/f-458.lot-causse-de-gramat.html
Il faudrait pourtant citer Champollion, né à Figeac.
Écrit par : Feuilly | mercredi, 05 juillet 2006
Ah, je retrouve là mon ami Feuilly, le Belge qui connaît le mieux tous les recoins de France. Extraordinaire. (Que Lamkyre et Stéphane De Becker n'en prennent pas ombrage.)
14, rue Franklin, le blog qui a des contacts partout.
Champollion le Figeacois, moui, certes.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 05 juillet 2006
Et les habitants de Cahors, comment se nomment-ils au fait? Des Cahorsiens? Des Cahorsois? Là, j'avoue que...
Écrit par : Feuilly | mercredi, 05 juillet 2006
En attendant, voici Cazals où j'aurai l'honneur d'aller dimanche faire le marché :
http://www.quercy-tourisme.com/cazals/communes.html#cazals
Et l'office de tourisme de Salviac où j'irai louer un ordinateur (un euro l'heure) pour venir jeter un oeil à ce blog, de temps en temps :
http://www.tourisme.fr/office-de-tourisme/salviac.htm
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 05 juillet 2006
Commentaire précédent croisé avec celui de Feuilly.
Les habitants de Cahors sont des Cadurciens, mon cher.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 05 juillet 2006
Et le château de Moncléra, dont Martine a décidé qu'il était le sien :
http://www.quercy.net/lieux/didon/montclera.html#home
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 05 juillet 2006
Elle a bien fait d'en décider ainsi. Pourquoi laisser les trésors architecturaux uniquement à ceux qui ont les moyens de se les payer? Voilà un rêve qui prend des couleurs drôlement politiques.
Cadurciens? D'où vient le "d", de quelle racine?
Écrit par : Feuilly | mercredi, 05 juillet 2006
Je ne sais pas d'où ça vient, c'est une colle. Une altération de Cahorsins ? En occitan, la ville s'appelle Caurs.
Le château de Moncléra est privé. J'ai entendu dire qu'il y avait eu en ses murs une sombre histoire d'assassinat (la femme du propriétaire, ou quelque chose comme ça.)
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 05 juillet 2006
Ah si ! Je prends ombrage, tout l'ombrage possible même, un verre de sombre auxerrois à la main.
Cela dit, je ne prétends pas connaître la France dans les rabicoins mais j'ai parfois le sentiment de la connaître mieux que la Belgique.
Écrit par : lamkyre | mercredi, 05 juillet 2006
Mais de la tribu des Cadurces, voyons ! L'étymologie de leur nom est liée à un totem : le sanglier (très gaulois, donc). Je précise aussi que Cahors et Quercy sont le même nom, mais avec une accentuation différente en gallo-romain (plus le -s locatif pour Cahors). C'est la même différence qu'entre Bourges et Berry, Poitiers et Poitou.
Écrit par : Dominique | mercredi, 05 juillet 2006
Eh bien, voilà, Feuilly, je savais bien qu'il suffisait d'attendre que Dominique passe par là...
Allons, Lamkyre, pas de dépit. Feuilly, en réalité, refuse d'être Belge. Il a tort.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 05 juillet 2006
Pierre Benoît est plutôt revendiqué par les Landes. Sa maison de Saint-Paul-lès-Dax a été transformée en Musée consacrée à l'écrivain, qui, s'il ne casse pas des briques, n'était pas non plus un mauvais écrivain mineur.
Écrit par : MuMM | mercredi, 05 juillet 2006
Bon on comprend. Dans "cadurces", le d intervocalique tombe, d'où Caurs en occitan et Cahors en français avec un h dans la graphie. Mais pourquoi Quercy alors? Pour le début du mot, on comprend encore (adu devient au puis aw puis èw et finalement è), mais le y final? C'est plutôt typique de la toponymie de la France du Nord (Orly, etc.) tandis qu'on a le suffixe "ac" en occitan (Bergerac, etc.)
Pour la Belgique, je me sentirai belge le jour où on cessera de me faire comprendre que je suis un quasi-étranger parce que ne possédant pas une double culture. Evidemment ce n'est que dans la capitale qu'on vous fait ce reproche, pas en Walllonie. De toute façon ce pays est une invention politique de 1830 et il est en train d'éclater sous la pression de la Flandre nationaliste. Quand on remonte dans l'histoire, le seul point commun de toutes ces régions est d'avoir toujours été sous la domination des autres (Espagne, Autriche, Hollande), ce qui, on en conviendra, ne constitue pas un ferment idéal pour la fierté nationale.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 06 juillet 2006
C'est bien ce que je disais. Feuilly refuse...
Allons, Feuilly, c'est un pays magnifique.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 06 juillet 2006
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