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vendredi, 16 juin 2006

Au vendredi

On vous a placé au bout de la semaine de travail, fanal vert prévenant de l’entrée du port. Vous n’aviez rien fait pour cela : aucune tâche remarquable, pas de mérite particulier. Vous avez été désigné comme un autre eût pu l’être. N’allez pas croire à une promotion reconnaissant la qualité de vos services : vous n’êtes qu’un jour parmi d’autres, n’allez pas demander une augmentation, elle vous serait refusée.

 

Vous êtes prétentieux. Il est vrai que vous êtes parfois saint ; vous voilez alors les tambours comme on se voile la face.

 

Vous ne devriez pas bomber ainsi le torse. La semaine est une invention des hommes, comme l’est d’ailleurs tout le calendrier. L’être humain est ainsi fait, il faut qu’il découpe, structure et classe. Dites-vous bien cependant qu’un autre découpage eût pu vous assigner la première place, celle en général peu appréciée, qu’un mauvais hasard ou un tirage au sort trafiqué a donnée au lundi. Vous eussiez alors été le mal aimé. Alors, hein, je vous en prie, taisez-vous ! Inutile de la ramener. Il vous arrive même de sentir le poisson. Il n’y a pas de quoi se vanter.

Commentaires

C'est tout un bien joli petit livre que vous pourriez continuer à nous filer ainsi – comme on file les métaphores.
Sur votre hypothèse d'une autre partition de la semaine, l'une des dernières utopies en la matière, à ma connaissance, fut la proposition de Raymond Loewy, le père du design industriel, dans son livre de mémoires, "La laideur se vend mal" (Gallimard) : une semaine de douze jours – je crois, je n'ai pas le temps de vérifier – répartie en sept jours de travail d'affilée et cinq jours, continus eux aussi, pour la culture, la détente, les petits voyages de découverte et de loisir, les tâches domestiques de longue haleine (construire une bibliothèque, par exemple ?) … Cela sans week-end institué, de sorte que chacun profiterait pendant ses loisirs de tous les services publics et privés (organisés bien entendu selon le même principe 7 + 5, en faisant se chevaucher les plages de travail et d'absence au sein d'une même entreprise ou administration).
Plus insolite et, à mon avis, plus féconde encore, l'idée que Bertrand Poirot-Delpech évoqua un jour dans son billet hebdomadaire du "Monde" (à quand les italiques à disposition ? c'est exaspérant…) : en attendant le bus, un inconnu l'entretint des bienfaits d'une retraite prise immédiatement après les études de base, jusqu'à 40 ans, âge auquel notre maturité nous permettrait d'être des professionnels hyper performants, débarassés de vaines angoisses de pouvoir, sûrs de nous, productifs et épanouis par cette productivité. Poirot-Delpech se déclarait confondu par la pertinence, y compris sur le plan économique, du raisonnement.

Écrit par : Dominique Autié | vendredi, 16 juin 2006

Performants, de 40 à 80 ans : pas pour les métiers pour lesquels est requise la force physique en tout cas. Et ça représente le plus grand nombre (infirmiers, tranporteurs etc), sans compter les défaillances cérébrales possibles.

Je préfère la solution 7 + 5 jours.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 16 juin 2006

Je suis ravi de lire ces propositions. Je penche moi aussi pour la solution 7 + 5, qui ne m'étonne pas, d'ailleurs, venant de Loewy, un homme inventif, intelligent, créatif. Je tiens que notre calendrier est une affreuse contrainte. Lorsque je prends des vacances et que je décide de reprendre le travail un vendredi, on me regarde avec des yeux ronds : "Tu reprends un vendredi ?" Eh oui, mon Dieu, il faut bien reprendre un jour, pourquoi pas un vendredi si cela me convient et si ça tombe juste par rapport au nombre de jours de vacances disponibles ? L'essentiel, dans la vie, étant de ne léser personne et de n'ennuyer point son voisin, je ne comprends pas qu'on ne puisse pas reprendre un vendredi sans être regardé comme un fou dangereux. A telle enseigne qu'à la prochaine rentrée, on m'a presque fait obligation de rentrer le 4 septembre (un lundi) au lieu du 1er comme j'en avais l'intention (un vendredi.)

On devrait pouvoir en arriver à la solution de Loewy. Attention toutefois à ne pas encourager ainsi la flexibilité vue du côté des patrons, c'est-à-dire la disposition totale de l'employé, avec une récupération à la saint-glinglin ou par petits bouts de temps inutilisables.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 juin 2006

Et d'ailleurs, tel qui rit vendredi dimanche pleurera.

Écrit par : fuligineuse | vendredi, 16 juin 2006

J'approuve la suggestion de Dominique Autié : un livre d'apostrophes tendres et mélancoliques.

Sinon, c'est aussi le jour de Vénus (avec ponctualité).

Écrit par : Guillaume | lundi, 19 juin 2006

On aura remarqué, je pense, que j'ai créé il y a quelques jours une catégorie rassemblant tous ces textes, intitulée "Apostrophes insolites". Mais je rappelle l'explication donnée dans un commentaire précédent : ce sont des "A la manière de", le talent en moins.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 juin 2006

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