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jeudi, 08 juin 2006

Portières et conventions

Je n’ai jamais bien compris les conventions, mais celles en usage dans le cinéma m’ont toujours étonné et ne cessent de m’amuser.

 

Comme on le sait, dans les films, les voitures se garent juste devant l’endroit où se rend le personnage qui les conduit ; elles le font en marche avant, ce qui suppose qu’il y ait vraiment beaucoup de place ; les portières ne sont jamais verrouillées, au grand jamais. Pourquoi cela ? Je n’ai jamais pu le comprendre. Est-ce que « ça fait riche » de ne pas fermer une portière à clef ?

 

À l’opposé, quand le personnage doit voler une voiture, il trouvera toujours des portières fermées, s’il doit, pour le scénario, utiliser des clefs. Un autre cliché consiste pour le voleur à marcher très vite le long d’une file d’automobiles garées en essayant d’ouvrir les portières. Elles sont toutes verrouillées (ce qui est incompréhensible puisqu’on ne les ferme jamais), sauf une, qu’il vole donc au bout d’un moment sacrifié à la vraisemblance, cette même vraisemblance qu’on refuse lorsque le conducteur est le légitime propriétaire du véhicule.

 

Quand j’étais petit, dans les années 50, mon père me le faisait déjà remarquer en souriant. Rien n’a changé.

 

Une autre convention, celle de la consommation servie et non bue. Au comptoir, à une table à laquelle prennent place les personnages, les boissons demandées restent dans les tasses ou les verres. Au mieux, boit-on une gorgée avant de s’en aller, en général en laissant sur le guéridon ou le zinc un billet dont on ne songe pas une seconde à réclamer la monnaie.

 

Je ne pense pas m’accrocher ici à un désir de réalisme dont on se moque, c’est vrai, éperdument. Je ne crois pas non plus qu’il y ait là une simple ellipse. L’ellipse, c’est un personnage qui monte un escalier et se retrouve au cinquième étage d’un plan à l’autre. Dans le cas des voitures et des boissons, j’ai bien plutôt l’impression de conventions, de clichés jamais remis en question, si ce n’est de chevilles pures et simples, créant un produit fabriqué.

 

Les conventions scéniques, au théâtre, passent la rampe. Le théâtre est un monde d’illusion acceptée, où s’expriment des sentiments réels dans un décor de carton ou de bois. Quand un comédien déguste le délicieux nectar contenu par une tasse manifestement vide, personne n’y trouve à redire. On n’est pas là pour ça. À l’écran, un verre doit être plein, même s’il s’agit d’un faux alcool, par exemple. Mais il sera plein. Le cinéma est-il condamné à montrer – je sais, c’est un très vieux débat – et donc astreint à un minimum de réalisme, y compris dans les films totalement étrangers au réalisme ? En tout cas, jusqu’à quand ne fermera-t-on pas les portières des voitures ?

 

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Commentaires

C'est un peu propre au cinéma français : il y a davantage d'ellipses dans les films américains, même les téléfilms américains ont une narration plus souple. Le simple fait de prendre sa voiture prend un temps infini chez les cinéastes français et on ne nous épargne aucun des mouvements de portières ou de clé de contact (mais il est peu fréquent que les conducteurs attachent leur ceinture er règlent leurs phares). D'ailleurs, il faut montrer que le héros part, puis qu'il arrive. Cela fait une vingtaine de plans sans intérêt et sans enjeu entre deux scènes.

Écrit par : Dominique | jeudi, 08 juin 2006

Ça se fait depuis toujours dans les romans d'aventure : pourquoi attacher le héros dans une cave où le niveau d'eau monte avec une lenteur dramatique, au lieu de le zigouiller sans attendre ?
Je ne trouve pas ça spécialement consternant, c'est une des lois du genre, le lecteur ou le spectateur s'attend à une bonne ration de péripéties, difficultés et autres retournements. L'intérêt réside plus dans la façon dont tout cela est amené et dans l'articulation des épisodes.

Écrit par : lamkyre | jeudi, 08 juin 2006

"Ça se fait depuis toujours", "c'est une des lois du genre" : oui, c'est une convention... J'attends toujours qui la contournera ou la détruira carrément.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 08 juin 2006

Autre cliché: les portes qui ne se referment pas. On voit le personnage monter à l'étage, prendre sa clé, ouvrir la porte, entrer et laisser la porte ouverte. Cela peut se comprendre à cet endroit puisque la caméra continue à suivre ses mouvements. Mais au plan suivant, la caméra est à l'intérieur de la pièce et on voit le personnage qui continue à s'avancer, en ayant laissé la porte ouverte. C'est systématique. A chaque fois j'ai envie d'aller la fermer à sa place. Idem pour les lampes qu'on n'éteint jamais.

Pour las voitures, il est à remarqué qu'il y a toujours une place de parking juste devant l'immeuble où le héros se rend.

Écrit par : Feuilly | jeudi, 08 juin 2006

Tu as raison, je n'avais pas pensé à cette histoire de portes. Qu'est-ce qu'il doit y avoir comme courants d'air !

"Pour les voitures, il est à remarquer qu'il y a toujours une place de parking juste devant l'immeuble où le héros se rend." Euh, je l'avais noté au début : "Comme on le sait, dans les films, les voitures se garent juste devant l’endroit où se rend le personnage qui les conduit."

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 08 juin 2006

C'est curieux cette distinction entre films français et films américains, concernant l'ellipse. On m'a déjà raconté que Godard et son À bout de souffle était une petite révolution au niveau du récit par l'apparition de l'ellipse comme système narratif. En tout cas, je sais qu'aujourd'hui je suis incapable de regarder un Hitchcock sans m'endormir. Tous ces plans de voiture qui arrive devant un building, Cary Grant qui en sort et monte TOUTES les marches, entre dans le building, se rend à la réception, zzzzzz. Et vous avez revu Psychose récemment ? Toute la looooooongue première partie avec Janet Leigh, aucun détail ne nous est épargné. Curieusement, les cinéastes de la Nouvelle Vague ne juraient que par lui. Peut-être, concernant le cinéma français contemporain, ceci explique t-il cela ?

Cela dit, ces plans dans des films français (hors le polar ou la comédie) ne me dérangent pas. Dans les tranches de vie, on est avec le personnage, enfin, pour peu que le récit fonctionne, on déambule avec lui. Installer une ambiance, un climat, parfois ça passe par des moments ou il ne se passe rien. Un film comme l'extraordinaire Caché de Haneke est inimaginable aux USA. Et ce film de Claire Denis, Nénette et Boni, absolument magnifique et pourtant, que se passe t-il ? Petits matins gris, solitude, et par petites touches, on en sort après 90 minutes, bouleversé.

(Je remarque Jacques, que votre désamour du roman-récit semble se transposer dans votre impatience avec les conventions des récits de genre au cinéma. Serez-vous bientôt condamné à ne voir que des documentaires ?)

Moi ce qui m'énerve, me fait décrocher, ce sont ces moments dans lesquels, après avoir baisé comme des bêtes, l'homme, mais plus souvent la femme, se mettent à se cacher dans les draps, la dame remonte le sien pour cacher ces seins que l'on ne saurait voir, nous faisant, de ce fait, sentir comme des intrus dans le récit, dans la chambre ! On pense au contrat de l'actrice et à sa clause concernant la nudité interdite. Plutôt que de cadrer pour qu'on ne voit pas. Je trouve ça d'un ridicule ! Le spectateur se sent alors comme s'il était assis au bout du lit, comme un voyeur. Passe encore en 1950 mais en 2006 !

Écrit par : Benoit | jeudi, 08 juin 2006

Oui, je sais, je reviens sur un très vieux billet, mais je souligne un fait idiot mais qui compte tout de même : les consommations commandées dans un bar sont rarement bues... pour éviter les problèmes de raccord. Si, d'un plan à l'autre, en fonction des prises, le niveau des boissons monte et descend dans les verres, il y aura toujours des pointilleux pour le souligner.
Par ailleurs, si mon souvenir est bon, Woody Allen a soulevé une partie de ces problèmes dans "La rose pourpre du Caire", où un personnage de cinéma devenu personnage de chair et d'os s'étonnait que les voitures ne démarrent pas toutes seules, comme dans sa vie à lui...

Écrit par : Ignare | jeudi, 20 décembre 2007

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