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jeudi, 08 juin 2006

Aux odeurs

Vous êtes les promeneuses de l’atmosphère, le déshabillé blanc de l’air doux, des raconteuses d’histoires inédites pour nez curieux, référencés.

 

Je suis un senteur, un renifleur. De loin, je sais immédiatement qui est là, je comprends si telle personne vient de passer. Quand je rentre à la maison et qu’une promesse olfactive de dîner m’accueille, j’en identifie les composants. À l’odeur des ingrédients qui fondent et s’enroulent dans le même lit, celui de la casserole, s’associent immédiatement leur nom et leur goût. Je suis un fichier sur pattes, un nez promeneur, un espion de l’odeur.

 

Quand vous êtes la femme, qu’elle soit parfumée ou sente seulement la savonnette et que j’attrape au vol son sillage dans la rue, ou qu’elle soit intime et que je brûle en mille enfers, je vous reconnais très vite. Dans mon disque dur cérébral, je trouve, sans utiliser la fonction de recherche, l’emplacement de votre dossier et le nom de vos informations.

 

Je vous sens de loin, vous, l’essence, la mer, le papier, les fleurs, les livres, le cuir, le froid, l’odeur du soleil dans les cheveux derrière l’oreille gauche des femmes, dans le cou des enfants. Je vous sens, tissu qu’on étale, juste au moment où on vous déplie un peu vite, pour que la caresse de l’air vous détende. Je sentirais un jour l’âme des gens que ça ne m’étonnerait pas plus que ça. Je suis une parabole du parfum, je capte les odeurs spécialisées, les cryptées, les odeurs à péage, même.

 

Il m’arrive d’entrer dans un établissement public et d’en ressortir instantanément, en une étonnante et rapide volte-face qui fait que, parfois, Martine se retrouve seule, le temps de réaliser que, déjà, j’ai fait demi-tour. Et je crie : « Ça pue, ici ! » – enfin, des fois, je le crie intérieurement mais, pour moi, c’est comme si je l’avais dit intelligiblement.

 

Quelquefois, « vous sentez comme. » J’ai une odeur dans la tête, rangée dans un classeur mauve, et soudain, je la retrouve ailleurs. Brusquement alors, ça sent à tel endroit comme à tel autre. Il me semble à ce moment que le lieu, la situation ou la personne de référence vient me faire signe. Cette main tendue est la preuve la plus sûre de cet ordinateur portable qu’on a installé dans mon nez, à ma naissance.

 

J’ai pour les parfums de femme la plus grande défiance. Je veux dire que, souvent, ils ne conviennent pas aux dames qui les portent. Il faut savoir choisir son parfum. Il y faut une connaissance intime de soi, un sens de l’harmonie entre le grain de sa peau, sa couleur de cheveux, l’odeur sui generis et les fragrances choisies. Quelquefois, je voudrais dire aux femmes : « Vous vous trompez, ce n’est pas ça », mais ce n’est pas possible. Je voudrais leur confier, d’une voix basse : « Venez avec moi, je vais vous expliquer » et puis, je les emmènerais dans les plus grandes parfumeries du monde, évidemment, et je leur offrirais, à toutes, le parfum qui leur sied, celui-là et pas un autre. Je sais qu’elles comprendraient, qu’elles aimeraient. Je ne suis pas assez riche pour ça, naturellement. Je voudrais qu’elles sachent, en tout cas, qu’il vaut mieux ne pas se parfumer et sentir le savon de Marseille plutôt que de se tromper, au risque de devenir un contresens olfactif. Certaines fois, j’ai envie de demander aux dames qui passent dans la rue : « Est-ce que je pourrais vous sentir, madame ? Partout, partout ? » Martine m’assure que je ne serais pas bien reçu. Je ne comprends pas pourquoi.

Commentaires

Tu as manqué ta vocation ! Tu aurais dû être "nez" chez un grand parfumeur...
Quant à la proposition d'expertise, je suppose en effet que les femmes y verraient sans doute une technique de drague inédite !

Écrit par : fuligineuse | samedi, 10 juin 2006

J'ai souvent pensé à cette profession, en effet. Mais il y faut des compétences autres que les miennes. Etre capable de reconnaître tous les composants d'un parfum à simplement le sentir, c'est presque de l'espionnage industriel. Et d'ailleurs, les "nez" ne se privent pas d'analyser les parfums concurrents, lorsqu'ils ont du succès, pour en détourner les recettes. Enfin, ça m'aurait plu, mais c'est un milieu très fermé. Des "nez", des vrais, pas des "nez" de banlieue comme moi, il y en a quelques uns dans le monde entier, c'est tout. Et on les paie à prix d'or. Je me demande d'ailleurs ce qu'ils font quand ils sont enrhumés. Congé de maladie ? Accident du travail ?

Draguer, moi ? Tu plaisantes ? C'est indigne de moi, voyons. Je n'ai jamais dragué de ma vie. Je n'en ai pas besoin. Les femmes viennent toutes seules (rires.)

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 10 juin 2006

Une ode aux odeurs... à quand le sonnet sur les sons ?

Écrit par : Guillaume | dimanche, 11 juin 2006

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