mercredi, 12 avril 2006
L’arrêt Jean Ferrat
Un jugement du 8 février dernier, rendu par la Cour de Cassation, donne à présent la primauté aux droits des artistes sur ceux de leurs maisons de disques. Grâce à Jean Ferrat, très à cheval sur certaines choses.
Il vient de gagner le procès qui l’opposait à Barclay (en fait, Universal, Barclay n’étant plus qu’une marque depuis longtemps). La multinationale avait l’intention d’intégrer certaines de ses chansons dans une compilation fourre-tout, portant sur la chanson française en général. On connaît Ferrat, intransigeant. Des chansons signées André Dassary, qui avait chanté autrefois Maréchal, nous voilà, devaient y figurer. Ferrat a aussitôt exigé d’Universal qu’il retire ses propres œuvres de la compilation. Bien entendu, la firme phonographique n’a pas pris en compte sa demande. D’où engagement d’une procédure…
Le tribunal, dans un premier temps, a estimé que la seule « juxtaposition » d’enregistrements n’avait « rien de dégradant » pour Ferrat. Ce n’est pas l’avis de la cour de cassation, qui, elle, affirme à présent que la justice n’a pas à se prononcer sur l’aspect « dégradant ». Cela appartient à l’intéressé. En ne tenant pas compte du désaccord de Ferrat, Universal n’a pas respecté le code de la propriété intellectuelle. La maison est donc contrainte de retirer les chansons de l’artiste, comme il le demandait initialement, et de le dédommager (préjudice moral).
D’ores et déjà, on parle, dans le métier, d’« arrêt Jean Ferrat ». Les éditeurs ne sont plus seuls maîtres. Peut-être cela nous évitera-t-il d’être inondés de ces compilations sans intérêt, tiroirs de rangement sans signification artistique, qu’on peut voir en vente depuis plusieurs années.
10:25 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Je me demande si la même chose se fera en poésie et qu'on pourra éviter ces horribles recueils qui sortent chaque Saint Valentin ici, intitulés les meilleurs poèmes d'amour ou les poèmes d'amour les plus courts (car faciles à retenir comme ça le jour J. on peut les réciter à l'amoureux/se).
Écrit par : Livy | vendredi, 14 avril 2006
Je pensais justement, en signalant cette histoire, à un prolongement de cet arrêt vers le livre, l'imprimé. Mais, dans le cas de ces recueils de circonstance, je ne pense pas que ce soit possible puisque -- sauf erreur de ma part --, la plupart du temps, ce sont des poèmes du domaine public, libres de droits (ce qui permet à l'éditeur de faire de plus substantiels bénéfices). Par conséquent, il n'y aura personne pour râler.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 14 avril 2006
Il y a eu quelques précédents pour les manuels scolaires, mais pas à cause de voisins pénibles, non, c'était plutôt par refus de figurer dans des livres de littérature institutionnelle. Cela n'avait pas été jusqu'au tribunal car les éditeurs avaient su s'entendre. Je ne me souviens plus du nom des auteurs (ce n'était pourtant pas des écrivains de seconde zone) et cela remonte à au moins vingt ans.
Néanmoins, un manuel scolaire est un ouvrage où les textes sont présentés, encadrés, remis en perspective. On peut donc avoir dans le même ouvrage des textes racistes de Gobineau ou de Céline comme documents et puis l'Affiche rouge ou Nuit et brouillard, mais cela fonctionne de manière dialectique alors et tout n'est pas sur le même plan.
Écrit par : Dominique | vendredi, 14 avril 2006
Effectivement, un manuel scolaire n'est pas qu'une compilation. De plus, les ouvrages anthologiques de littérature fonctionnent en général par siècles, alors que l'espace-temps du disque est très différent, plus restreint. Enfin, les disques de compilation, surtout d'artistes multiples, n'ont en général pas de livrets, ou bien quelque chose d'étique, et ne se soucient guère d'explications.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 14 avril 2006
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