jeudi, 09 mars 2006
Autoportrait
Je suis laid
Je suis bête et prétentieux
Je suis inculte et je ne sais rien faire
Je suis imbuvable, invivable
Je suis veule, un imbécile invétéré
Je suis faible et lâche, égoïste
Capricieux
Vantard, fanfaron, léger, pas courageux
Compliqué et tortueux
Peu fiable et sans ressort
Sans rien de valable ni de ferme
Pas solide
Un crétin remarquable
À consigner dans les annales
Insupportable en somme
Insupportable en homme
Je ne mérite que ce qui m’arrive
Rien de bon
Je me déteste
Pour de bon
Louis Vaugier, Le taureau n’écrit jamais.
14:55 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
Vaugier était un baby boomer ?
Vous revenez à Vaugier, et j'avoue que cette fois itou, je ne comprends pas bien cette fascination pour une noirceur, une haine de soi qui ne me semble pas particulièrement originale en soi, pas plus par le style d'ailleurs. Que lui trouvez vous donc ?
Je suis toujours méfiant avec les artistes qui professent leur nullité. En fait, c'est très précieux. Bobo exquis.
Écrit par : Benoit | jeudi, 09 mars 2006
Fichtre, quelle sévérité ! Vous n'avez peut-être pas tort, dans la mesure où cette accumulation de défauts, outre qu'elle est certainement très exégérée, est manifestement travaillée, avec des rimes, des assonances notamment.
Ce qui m'intéresse davantage, c'est le pourquoi. Lorsqu'un type, comme ça, prend un crayon et commence à écrire son propre dénigrement, c'est ce déclic qui m'intéresse. Qu'est-ce qui lui prend ? Pourquoi ?
Après, c'est vrai, c'est fabriqué de toutes pièces. Mais au départ ?
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 09 mars 2006
Hum... Louis Vaugier est-il la part sombre de Jacques ?
Écrit par : lamkyre | jeudi, 09 mars 2006
Non non, pas de part sombre. Le taureau n'écrit jamais (titre que j'aime d'autant plus qu'il est incompréhensible) est un gros livre de 1500 pages, paru en 1973. Dans un tel pavé, il y a forcément des pépites et beaucoup de terre, de gravier et de tout-venant. Cela aussi me fascine. Déjà, être capable de pondre 1500 pages, c'est pas mal. Qu'on y trouve des registres très différents est encore plus amusant.
Alors, ce déclic qui pousse au dénigrement, personne n'a d'opinion sur la question ?
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 09 mars 2006
Humm, je dirais peut-être une dernière tentative de sincérité, avant l'apogée de la mauvaise foi.
Non, non, la consultation est gratuite.
Écrit par : Martine Layani | jeudi, 09 mars 2006
Un désespoir certain qui espère trouver chez les autres sa propre réfutation.
Quand on dit de soi-même qu'on est médiocre (du moins quand on le dit à ce point-là), c'est que dans le fond on n'y croit pas soi-même. Les autres qui vous lisent ne peuvent donc que réfuter votre néant.
Il y a une sorte de voyeurisme malsain dans cette introspection négative, surtout quand elle est exprimée publiquement par l'intermédiaire d'un écrit.
C'est ta méditation déseséprée sur le baby-bomm qui t'a fait rouvrir ce livre, Jacques?
J'espère que tu ne t'y reagardes pas comme dans un miroir (ce qui nous obligerait à tenir le rôle des réfutateurs).
Écrit par : Feuilly | jeudi, 09 mars 2006
"Un désespoir certain qui espère trouver chez les autres sa propre réfutation" : voilà qui est très intéressant. Y a-t-il d'autres points de vue ?
Non, je ne me regarde pas là comme dans un miroir. Le miroir, ça suffit, le matin, quand je me rase...
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 09 mars 2006
Il est tout de même étrange qu'on ne trouve pas ce Vaugier dans les moteurs de recherche.
Jacques, tu sembles être le seul lecteur de cet auteur fantôme.
A-t-il vraiment existé?
De quand date son livre, quel éditeur, etc. ?
Écrit par : Feuilly | vendredi, 10 mars 2006
Je l'ai dit un peu plus haut, c'est un livre de 1973. L'éditeur : "Pour le texte". Certes, ce n'est pas Gallimard. Et puis, Vaugier, c'était peut-être un nom de plume, je n'en sais rien.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 10 mars 2006
Je viens d'effectuer plusieurs recherches sur les catalogues de la Bnf. L'auteur est inconnu, son ouvrage également.
Serait-ce un écrivain sénégalais, ayant édité à compte d'auteur ?
Écrit par : Stéphane De Becker | vendredi, 10 mars 2006
Vous savez, contrairement à tout ce qu'on pourrait croire, le dépôt légal n'est pas toujours effectué. Surtout par les petits éditeurs, surtout dans ces années-là. Dans toutes les années qui suivent 1968, on est très loin du légalisme, il y a toujours un air militant et associatif qui flotte.
De même qu'en dépit de toutes les précautions, des livres parviennent à disparaître de la BN.
De même que la loi Lang impose que le prix du livre soit imprimé sur la couverture, mais que certains éditeurs ne le font pas.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 10 mars 2006
Il me vient un doute sur l'existence du sieur Vaugier... ne serait-ce pas un double maléfique du taulier ?
Sinon, quant à son texte, je suis assez de l'avis de Feuilly. Il y a aussi tout un aspect "extrême" : puisque je suis si médiocre, je veux être le plus médiocre qui soit, le comble du médiocre. Comme les prétendants à la sainteté qui en rajoutent dans l'humilité : vouloir être le plus humble des humbles, c'est d'un orgueil incroyable.
Écrit par : fuligineuse | dimanche, 12 mars 2006
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