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lundi, 06 mars 2006

Confusion garantie

Dans une vitrine de vêtements, j’observe une publicité pour un jean. Ne me demandez pas de quoi il s’agit, je n’en sais rigoureusement rien. Je suis l’anti-cible par excellence. Je ne vois pas les publicités et, lorsque, par exception, je les vois, je ne retiens jamais ce qui est paraît-il l’essentiel : la marque.

 

Bref, ce qui m’intrigue, m’attire, m’étonne dans cette vitrine, c’est ceci. La publicité tourne autour du thème des contes pour enfants. Les femmes montrées sur des cartons de toutes tailles, outre qu’elles ont cet air supérieurement idiot et ce regard désespérément vide qui n’appartiennent qu’aux mannequins, sont censées être insensibles aux contes et cela donne quelque chose comme : « Le jean lui va bien, le Prince charmant, elle s’en fout ». C’est très intéressant. J’en viens au fait : concernant Cendrillon, le slogan parle de la pantoufle de vair, comme il se doit. Ce n’est pas aux promeneurs de la rue Franklin que j’apprendrai ce qu’est le vair, ce petit-gris provenant d’un écureuil rare. Soit. Pour une fois, on n’a pas orthographié verre. Seulement voilà, la dame, sur le carton, tient à la main une chaussure de verre. Il y a, en vitrine, bien réelle celle-là, une petite chaussure de verre, d’ailleurs très mal réalisée et plutôt lourdingue.

 

Inévitablement, les enfants qui liront ces slogans et regarderont ces images penseront que le nom de ce matériau froid et fragile, dont on fait un usage quotidien, le verre, s’écrit vair. Forcément. Et cette confusion aussi vieille que le conte, qui, au début, paraissait évitée ici, se perpétuera.

07:00 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (41)

Commentaires

Eh non ! C'est l'inverse qui est vrai : les pantoufles sont bien de verre et non de vair. L'édition originale ne comporte pas d'autre indication. En outre, les souliers de verre se retrouvent dans des contes similaires qui appartiennent à d'autres langues, le terme ne prête pas à équivoque alors. La fourrure n'est apparue qu'au XIXe s. par souci de rationalité ; la correction est ensuite apparue comme la bonne version et la forme originale comme une erreur de l'imprimeur, tout simplement parce que l'on n'a pas regardé les contes étrangers.

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

Ah diable, j'en apprendrai toujours... Bon, j'en prends note.

Pour ce qui est de la vitrine, il y a tout de même confusion, puisqu'on écrit l'un et qu'on montre l'autre.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 06 mars 2006

Effectivement Dominique a raison. Je n'en reviens pas (non qu'il ne puisse pas avoir raison, mais que je me sois toujours trompé sur ce point).

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cendrillon

Écrit par : Feuilly | lundi, 06 mars 2006

Dominique a toujours raison. Trois ballades l'ont dit récemment.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 06 mars 2006

On est revenu à la version traditionnelle seulement à partir de 1957 lorsque Paul Delarue a comparé les différentes versions et examiné l'histoire du costume. Mais beaucoup d'éditeurs s'appuient encore sur les éditions du XIXe s. (parfois altérées) ou sur leurs souvenirs d'école, sans regarder les éditions savantes comme celle de Marc Soriano. Je signale que Chris de Diacritique (ex-Serndipity) a publié un texte à ce sujet la semaine dernière : http://serendipity.lascribe.net/ling-lang/2006/02/cinderella-vair-or-verre/
J'ai dû aussi répondre trois ou quatre fois dans fr.lettres.langue.francaise à ce sujet.

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

Bien, ce n'est pas pour rien, on s'en doute, que Dominique a été invité ici. Il est quasi omniscient et je l'aime bien.

Toutefois, mon histoire de vitrine reste valable, je crois. Elle sème le trouble.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 06 mars 2006

J'ai écrit un billet sur une autre altération orthographique du texte de Perrault : http://groups.google.com/group/fr.lettres.langue.francaise/browse_frm/thread/6ca303062382c4e4/a91acd1d0d9a65ac?q=f%C3%A9er&rnum=2#a91acd1d0d9a65ac
Là encore, on avait voulu normaliser le conte de fées.

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

La question vair/verre ne semble pas si tranchée que cela (ni même dans la page signalée http://serendipity.lascribe.net/ling-lang/2006/02/cinderella-vair-or-verre/, en tout cas d'après ce que je comprends mais je n'ai que des rudiments d'anglais). La version italienne de wikipedia indique qu'il n'est question de "verre" que dans la version de Perrault. A qui se fier?

http://it.wikipedia.org/wiki/Cenerentola

L'auteur d'une maîtrise sur Perrault publiée sur le net affirme que Perrault a raison (le côté féérique) mais en même temps semble dire qu'il n'a trouvé sa source pour ce conte que dans la tradition orale.

Je n'ai pas l'édition de Marc Soriano et je ne connais donc pas les arguments qu'il fait valoir. Je suppose qu'il reprend ceux de Paul Delarue. Mais puisque celui-ci invoque l'histoire du costume (impossible de trouver des pantoufles dans cette fourrure), ne s'agit-il pas d'un argument aussi rationnaliste que celui de Balzac ou Littré et donc pas forcément plus recevable?

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

L'auteur d'une maîtrise sur Perrault publiée sur le net :http://membres.lycos.fr/cfucili/Maitrise.pdf

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

L'argumentation de Balzac s'appuie elle aussi sur le caractère merveilleux que pouvait revêtir le mot vair dans l'imaginaire:


Aux quinzième et seizième siècles, le commerce de la pelleterie formait une des plus florissantes industries. La difficulté de se procurer les fourrures, qui tirées du Nord exigeaient de longs et périlleux voyages, donnait un prix excessif aux produits de la pelleterie. Alors comme à présent, le prix excessif provoquait la consommation, car la vanité ne connaît pas d'obstacles. En France et dans les autres royaumes, non-seulement des ordonnances réservaient le port des fourrures à la noblesse, ce qu'atteste le rôle de l'hermine dans les vieux blasons, mais encore certaines fourrures rares, comme le vair , qui sans aucun doute était la zibeline impériale, ne pouvaient être portées que par les rois, par les ducs et par les seigneurs revêtus de certaines charges. On distinguait le grand et le menu vair. Ce mot, depuis cent ans, est si bien tombé en désuétude que, dans un nombre infini d'éditions de contes de Perrault, la célèbre pantoufle de Cendrillon, sans doute de menu vair , est présentée comme étant de verre . Dernièrement, un de nos poètes les plus distingués, était obligé de rétablir la véritable orthographe de ce mot pour l'instruction de ses confrères les feuilletonistes [Coquille du Furne : feuilletonnistes.] en rendant compte de la Cenerentola , où la pantoufle symbolique est remplacée par un anneau qui signifie peu de chose. Naturellement, les ordonnances sur le port de la fourrure étaient perpétuellement enfreintes au grand plaisir des pelletiers. Le haut prix des étoffes et celui des pelleteries faisaient alors d'un vêtement une de ces choses durables, appropriées aux meubles, aux armures, aux détails de la forte vie du quinzième siècle. Une femme noble, un seigneur, tout homme riche, comme tout bourgeois, possédaient au plus deux vêtements par saison, lesquels duraient leur vie et au delà. Ces habits se léguaient aux enfants. Aussi, la clause relative aux armes et aux vêtements dans les contrats de mariage, aujourd'hui presque inutile à cause du peu de valeur des garde-robes incessamment renouvelées, était-elle dans ce temps d'un immense intérêt. Le haut prix avait amené la solidité. La toilette d'une femme constituait un capital énorme, compté dans la maison, serré dans ces immenses bahuts qui menacent les plafonds de nos appartements modernes. La parure d'une femme de 1840 eût été le déshabillé d'une grande dame de 1540.

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

Ah, voilà un débat qui promet d'être intéressant. Erudition, érudition... C'est *vair*itablement passionnant. C'est*verre*tigineux.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 06 mars 2006

Erudition, érudition...: pas de ma part, je n'ai fait que taper dans google les mots cendrillon, vair et verre. De plus, je dois avouer que je n'ai chez moi aucune édition critique des contes de Perrault.
Que Perrault ait choisi "verre" plutôt que "vair", c'est un fait certain. Il est possible aussi qu'encore au XVIIe siècle, les prononciations de "vair" et de "verre" différaient (cet argument me paraîtrait plus valable que celui de dire "de tels souliers ne semblent pas adaptés à la danse" (moins que des chaussures de verre???)). J'ajoute que le Dictionnaire historique de la langue française maintient la version de Balzac (et l'on peut supposer qu'ils sont avisés en matière de prononciation).
Sinon, parmi les points communs entre toutes les versions, cela semble être que Cendrillon a de petits pieds (ou exceptionnellement fins) et que parfois ses chaussures ou pantoufles sont faites de quelque chose de précieux.

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

1) La Cendrillon chinoise – qui est la plus ancienne — a des souliers d'or, tout comme la Cendrillon allemande. La traduction anglaise de la Cendrillon de Perrault parle de souliers de verre. Les versions orales en Catalogne, Écosse, Irlande parlent de souliers de verre ou de cristal ; ces textes n'ont pu subir l'influence de Perrault. Il n'existe pas de versions parlant de vair avant Balzac qui invente sa version et de qui Balzac tient-il l'histoire de Cendrillon ? D'une tradition orale ou bien de Perrault ?
2) Le vair ne servait pas à doubler des souliers, mais des vêtements, ou il servait de parement. Les seuls souliers de luxe doublés entre le Moyen Âge et le XVIIe s. étaient faits alors de blanchet, drap de laine blanche, ou de serge.
3) Rien n'empêchait Perrault d'écrire vair, rien ne l'empêchait de rectifier : il y a quand même eu cinq éditions corrigées du vivant de Perrault. La première comprenait le titre fautif Riquet à la Aouppe. La pantoufle de verre figure en sous-titre, elle pouvait difficilement échapper au regard. Ce serait aussi prendre Perrault pour un sot que de croire qu'il ignorait ce qu'était le vair ou comment il s'écrivait.
4) Le double r était encore marqué, le e final était encore prononcé en dehors de Paris, ces deux mots n'étaient donc pas homonymes dans la prononciation populaire, ou même pour le double r dans la prononciation soutenue.
5) La conclusion de Wikipedia, de Serendipity et du mémoire de maîtrise ne laissent pas place au doute : c'est bien de verre qu'il s'agit dans la version de Perrault et c'est bien la seule qui compte vraiment puisque ni Balzac, ni Littré, ni Gide n'ont recueilli le conte. L'affaire est tranchée.

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

Bon, tranchée à coups de morceaux de verre sans doute. Cris et chuchotements.

Quelqu'un a-t-il d'autres arguments ? Personnellement, je porte intérêt à tous ces développements, mais suis bien incapable de donner un autre éclairage.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 06 mars 2006

Je pense que nos messages se sont croisés.

Je reprends avec les mêmes numéros les arguments que vous indiquez:
1°) "Les versions orales en Catalogne, Écosse, Irlande parlent de souliers de verre ou de cristal ; ces textes n'ont pu subir l'influence de Perrault." De quels "textes" parlez-vous puisqu'il s'agit de "versions orales"? De quand datent ces "versions orales" (cad quand ont-elles été établies) et où existent-elles?

2) "Le vair ne servait pas à doubler des souliers, mais des vêtements, ou il servait de parement. Les seuls souliers de luxe doublés entre le Moyen Âge et le XVIIe s. étaient faits alors de blanchet, drap de laine blanche, ou de serge." Faudrait-il en déduire qu'on fabriquait des souliers de verre entre le Moyen-Age et le XVIIe siècle? Cet argument "positif" n'est pas en soi plus valable que celui du "vair". Je m'étonne aussi qu'on n'ai jamais eu l'idée de doubler de fourrure des souliers ou de bottes avant le XVIIe siècle, mais c'est juste une question de bon sens.

3°) "Rien n'empêchait Perrault d'écrire vair, rien ne l'empêchait de rectifier": nous sommes d'accord mais il peut s'agir d'un choix d'écrivain, l'idée de pantoufle de verre pouvant paraître plus "merveilleuse" ou "féérique" voire précieuse. Walt Disney pour son dessin animé a vu tout le parti qu'il pouvait tirer de cette idée.
"Ce serait aussi prendre Perrault pour un sot que de croire qu'il ignorait ce qu'était le vair ou comment il s'écrivait": Le Dictionnaire historique de la langue française doit donc "prendre Perrault pour un sot": "Vair [définition du mot] d'où l'acception "fourré avec la peau du petit-gris", sens vivant jusqu'au XVIIe siècle, tombé en désuétude à l'époque de Perrault qui écrit "pantoufle de verre" dans le conte de Cendrillon."


4°) L'argument phonétique me paraît effectivement plus intéressant, comme je l'ai dit. En tout cas, il n'effleure pas les auteurs du Dictionnaire cité plus haut. Or, c'est quand même leur domaine. Et là encore, rien n'interdit que Perrault ait effectué une modification ou un ajout on va dire "stylistique" et ce ne serait pas la première fois dans son oeuvre.

5°) Je m'étonne que vous puissiez conclure aussi abruptement que l'"affaire est tranchée" en citant wikipédia(!!!), un mémoire de maîtrise d'étudiant (qui n'apporte pas d'argument et s'efforce de souligner le coefficient de merveilleux que cette idée ajoute) et un article qui reprend vos précédentes interventions sur le sujet.

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

1) Perrault a recueilli son histoire au XVIIe s. et l'interprétation par la fourrure vair date du XIXe et ne se trouve qu'en français, de la part d'auteurs qui n'ont pas recueilli l'histoire. Quelles sont leurs sources ? Balzac.

2) L'histoire de la doublure sort de l'imagination de Balzac qui ne vivait pas au XVIIe s. pour entendre la bonne explication au sujet des pantoufles de la bouche d'une vieille paysanne.

3) Disney s'est servi de l'adaptation anglaise qui est fondée sur le conte de Perrault tel qu'il a été publié en français tout au long du XVIIIe s. C'est pourquoi Serendipity s'interrogeait puisqu'on croit en France que verre serait une trahison de Perrault.

4) Le mot vair ne figure pas dans Furetière (mais vairé et vairon si), il est chez Ménage qui était de l'académie comme Perrault. Le mot pouvait être en désuétude, il était encore enregistré. Je vous copie d'ailleurs un extrait du dictionnaire de l'Académie (1694, soit 3 ans avant la première édition des contes au complet) :


VAIR. sub. m. Terme dont on se servoit autrefois pour exprimer une fourrure blanche & grise. Il ne s'employe aujourd'huy qu'en matiere d'armoiries, & signifie, Un des emaux du blason, composé de plusieurs petites pieces esgales, de deux couleurs, qui sont ordinairement d'argent & d'azur, rangées alternativement l'une apres l'autre, & qui sont disposées de telle sorte que la pointe des pieces d'azur est opposée a la pointe des pieces d'argent & la base à la base. Tel porte de vair.
Perrault connaissait forcément le mot. Il l'aurait employé s'il en avait eu besoin : il use fréquemment de tournures archaïques et de termes désuets. Il n'a pas choisi de moderniser la graphie en verre puisque vair était celle qui était enregistrée. D'ailleurs, pourquoi aurait-il voulu à la fois moderniser la graphie et utiliser le mot avec son sens ancien ? Cela ne tient pas debout.

5) Qu'est-ce que l'on en a pour la forme vair ? Une fable de Balzac. Est-ce que c'est lui l'auteur des contes de Perrault ?

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

Il se trouve aussi (au risque de faire descendre d'un ou plusieurs crans le niveau des débats) que la version de Walt Disney reprend l'image de la pantoufle de verre (la traduction ayant gardé l'original, "glass slipper"). De nombreux critiques psychanlytiques se sont excités (c'est le cas de le dire) sur les connotations métaphoriques du verre, comme du vair d'ailleurs. Je crois que les uns et les autres ont raison, et que, comme tout grand conte, l'amphibologie permet d'enrichir l'inconscient collectif : fourrure chaude et synonyme de *** [je vous laisse apprécier] ou froideur transparente et analogue à *** [ditto], le soulier de Cendrillon est un fétiche textuel et linguistique.

Écrit par : Guillaume | lundi, 06 mars 2006

Je n'ai jamais dit que Perrault avait cherché à moderniser la graphie de "vair" ni qu'il ignorait le sens de ce mot. J'ai parlé d'un ajout ou d'une modification possible, c'est tout. Comme il en existe dans le reste de son oeuvre ou dans celle (celui?) de La Fontaine.

Vous ajoutez des éléments qui sont étrangers à la discussion mais je suppose que c'est l'intitulé de ce fil qui vous y invite...

Alors, sur les deux arguments qui me paraissent les plus percutants à savoir 1°) les versions orales de ce conte et 4°) la prononciation au XVIIe siècle:

1°) Je ne doute pas que ce soit Balzac qui ait introduit définitivement cette notion de "vair" et qu'on ne trouve pas de version avant lui qui y fasse mention. Mais, inversement, quels sont les textes antérieurs à Perrault où il est question de "verre"?

Vous nous parlez de "versions orales en Catalogne, Écosse, Irlande [qui] parlent de souliers de verre ou de cristal ; ces textes n'ont pu subir l'influence de Perrault." Alors, je repose mes questions: "De quels "textes" parlez-vous puisqu'il s'agit de "versions orales"? De quand datent ces "versions orales" (cad quand ont-elles été établies) et où existent-elles? " Ne peut-on pas supposer qu'il s'agit d'une dérivation orale du texte de Perrault, éventuellement (et correctement, nous sommes d'accord) traduit?

"Ces textes n'ont pu subir l'influence de Perrault": cela, c'est vous qui l'affirmez. Je crois qu'il faut prendre avec une extrême prudence ce qui a été recueilli par les savants "folkloristes" de toute époque. Les exemples d'approximations voire d'arrangements a posteriori sont multiples dans cette "discipline".

D'autre part, vous parlez d'une version chinoise (là encore, il faut vous croire sur parole lorsque vous dites qu'il s'agit de la plus ancienne version de Cendrillon) qui parle de souliers d'or. Je suppose que c'est cela qui inviterait à penser que les chaussures de Cendrillon, c'est du ferme, donc plus sûrement du verre que des poils. Cependant, il n'est nul besoin que des chaussures soient en or ou en verre pour qu'un grand pied ne puisse les enfiler. Essayez de mettre les souliers (si possible fourrés :-)) d'une petite fille de votre connaissance et dites-nous si vous y parvenez. Il me semble aussi que la question de la taille du pied est très importante dans la civilisation chinoise. [toute cette partie du développement est bien évidemment destinée aussi à Guillaume :-)]

De plus, il est certain que les frères Grimm n'ont pas eu connaissance de cette version.

Alors, moi j'ai effectivement trouvé une version chinoise (annamite pour être précis). Avec mes moyens du bord, c'est-à-dire internet. C'est une traduction publiée dans le Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient, en 1907. Je ne sais pas s'il en existe d'autres mais en tout cas, à l'époque, elle est présentée en quelque sorte comme un "scoop" par ceux qui la publient (http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-93381). Or, sauf erreur de ma part, s'il est bien question de pantoufles, il n'est nullement question de pantoufles d'or.

2°) La prononciation. Moi aussi, j'ai consulté un dictionnaire. Le dictionnaire des rimes de Richelet, qui date également du XVIIe siècle. C'est tout de même un indicateur précieux sur la façon dont on prononçait les mots au XVIIe. Or à la rime en -ère, l'auteur renvoie aussi aux mots qui se terminent par -ière, -erre et -aire. Je ne crois pas que le "e" muet final était plus marqué qu'aujourd'hui. Donc "vair" devait bien se prononcer comme "verre".

Ma conclusion (provisoire, j'espère):
-que Perrault et Balzac (en fait un "feuilletoniste") n'ont ni tort ni raison. Chacun a son propre imaginaire (avec pour Balzac certainement une dimension "positiviste", qui le conduisait à faire des hypothèses historiques ou étymologisantes farfelues, que ses spécialistes se font le plaisir de relever).
- qu'il est libre à chacun d'imaginer Cendrillon avec des souliers de verre ou de vair, selon ce qui paraît le plus confortable à son imaginaire (cf Guillaume).

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

Mais bon sang ! on parle de la Cendrillon de Perrault. Il a écrit verre et on le lui corrige alors qu'il n'y a pas de pantoufles de fourrure ailleurs. Il faudrait aussi donner les versions avec les textes qui parlent de pantoufles de verre ou de cristal alors que les autres versions étrangères qui parlent de pantoufles de fourrures se font un tout petit peu attendre... Il publie cinq éditions dont il corrige les erreurs d'imprimerie et on veut encore croire qu'il a négligé cette erreur. Il participe à l'Académie, accepte le mot vair dans le dictionnaire de cette institution, et on fait comme s'il ignorait l'existence de ce mot ou comme si ce mot n'existait plus à cette époque. Il recueille une histoire qui ne se retrouve pas dans le folklore régional français et c'est comme si sa version était fausse puisqu'un polygraphe un siècle et demi plus tard décrète que ce n'est pas vraisemblable (comme s'il était question de vraisemblance dans un conte de fées) et sort de son chapeau une histoire de pantoufles doublées qui ne se retrouve pas dans les documents historiques. Cela ne tient pas debout, c'est incohérent de bout en bout : Perrault a écrit verre et c'est lui l'inventeur (le trouveur) de cette histoire, c'est lui qui l'a mise en forme. La version de Balzac n'a vraiment aucun intérêt à part la cuistrerie manifeste. Et Balzac n'a pas écrit Cendrillon, ni l'a entendu d'une autre source que Perrault. Lequel est un écrivain.

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

Après de telles explications, je suis fort content que mon cerveau -- du moins je l'espère -- n'est pas de verre.

Écrit par : Stéphane De Becker | lundi, 06 mars 2006

"Il faudrait aussi donner les versions avec les textes qui parlent de pantoufles de verre ou de cristal": ben oui! Puisque vous dites que c'est la the vraie version de Cendrillon. Bien sûr que c'est dans le texte de Perrault, personne n'en a jamais douté.

"c'est lui l'inventeur (le trouveur) de cette histoire": c'est donc lui, maintenant, dans votre esprit, qui a décrété que les chaussures de Cendrillon étaient en verre? Excusez-moi, mais jusqu'à présent, j'avais compris que pour vous, Perrault ne faisait que reprendre une tradition.

Personne, y compris Balzac, n'a jamais prétendu que Perrault ignorait l'orthographe ni le sens des mots.

"un polygraphe", "cuistrerie manifeste"...
"Balzac n'a [certes] pas écrit Cendrillon" mais la "Comédie humaine", ce qui à mon avis, ne le rend pas moins "écrivain" que Perrault.

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

Quand un francophone parle de Cendrillon, il se réfère à celle de Perrault ou à une de ses adaptations, pas à une des autres Cendrillon étrangères. C'est donc la pantoufle de verre et jamais la pantoufle de vair (correction abusive). La pantoufle de vair est une invention tardive et infondée qui dénature le texte et qui fait croire que les autres seraient dans l'erreur. C'est une sorte d'usurpation reposant sur une argumentation assez perverse, incapable de montrer sur quelle tradition le polygraphe un peu cuistre se serait appuyé, mais tenant quand même à son erreur malgré tout.

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

D'accord avec Dominique (sur le texte de Perrault) et avec Gluglups (sur l'admiration pour Balzac).

Écrit par : Guillaume | lundi, 06 mars 2006

Je ne connaissais pas ce dédain de Dominique pour Balzac. C'est étonnant.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 06 mars 2006

OK, nous sommes d'accord: Perrault a bien écrit "verre", il pensait "verre" et on doit penser "verre" quand on lit son texte.

Il a probablement ajouté ce petit "plus", qui n'existait pas ailleurs. C'est ce petit plus qui trouble Balzac. Peut-être parce que cela ne correspond pas à l'idée qu'on peut se faire de l'imaginaire classique, y compris dans les contes, qui reste somme toute codifié. Comme cela "interpelle" forcément, on va essayer de chercher si ce "verre" n'est pas explicable par la tradition ou par une erreur d'interprétation de la tradition, qui serait ici favorisée par une homophonie. Je ne vois pas ce qu'il y a là de cuistre ou de scandaleux de la part de Balzac, qui d'ailleurs n'avait pas forcément la possibilité de consulter l'édition originale. D'autres, plus spécialistes que lui (Littré, apparemment), ont jugé cette hypothèse vraisemblable.

Et ce n'est pas lui qui est le premier auteur de cette hypothèse, puisqu'il écrit: "Dernièrement, un de nos poètes les plus distingués, était obligé de rétablir la véritable orthographe de ce mot pour l'instruction de ses confrères les feuilletonistes". Il ne faut pas l'accuser de tous les maux non plus et il serait bon de le relire de temps à autre, au cas où l'on douterait de son génie d'écrivain.

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

Je suis en train de lire Béatrix, après Les Paysans, et avant l'Histoire des Treize et Dom Gigadas - curieuse confluence.

Écrit par : Guillaume | lundi, 06 mars 2006

J'ai eu aussi ma période Balzac ces deux dernières années, je lisais, dévorais tout. On sent la puissance du génie à toutes les pages, comme pour Proust. Les seuls trucs qui m'aient déçu, ce sont ses récits courts et je crois que Jules Renard signale dans son journal que Balzac est médiocre en dehors du grand format.

On peut trouver des grâces dans Perrault, surtout si l'on est 17emiste, mais je doute qu'on trouve chez lui la même profondeur que chez La Fontaine.

Pour achever d'énerver Dominique, en espérant qu'il ne m'en voudra pas trop: je trouve quand même qu'il est obligé au fur et à mesure de restreindre son propos, ne pouvant plus guère s'appuyer sur le folklore ni sur la prononciation. Il y a tout un pan de son argumentation qui s'effondre, lol. Je suis de mauvaise foi, mais lui aussi, en partie :)

Autre élément à verser au dossier: dans la version de Mme d'Aulnoy, "Finette Cendron", écrite à peu près à la même époque, il est question de pantoufles... rouges: "elle laissa tomber une de ses mules, qui était de velours rouge, toute brodée de perles."

Voilà qui relance tout de même l'hypothèse de "vair" entendu à l'oral, dans la mesure où dans cette notion de vair, il y a l'idée de couleur (pas vraiment dans les rouges, certes, mais idée de couleur chatoyante, variée, "bigarrée en parlant d'une étoffe [ce qui pourrait satisfaire l'historien des costumes], d'une fourrure" (Robert hist.)).

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

Scrogneugneu... Il n'y a jamais eu aucune réfutation à propos des pantoufles de verre, mais juste des tentatives de plus en plus maladroites pour dire que les pantoufles de vair étaient la bonne version et pour discréditer la version d'origine. On dit d'abord que Serendipity et Wikipedia ne tranchent vraiment pas, contrairement à ce qui est écrit. On cite un mémoire de maîtrise en lui faisant dire le contraire de ce qu'il affirme, puis quand l'autre s'appuie sur lui on le récuse. On n'écoute aucun des différents arguments proposés. Il faut à tout prix que ce soit des pantoufles de vair dans une version qui n'existe pas ! ou seulement à partir de Balzac (qui ne cite pas ses sources, son fameux poète). Je suis excédé par cette mauvaise foi constante qui veut maintenir la fausse version postérieure comme aussi authentique que la bonne version ancienne. Cela m'a fait penser à un fil de la Boîte à images :
http://laboiteaimages.hautetfort.com/archive/2005/04/23/manuel_a_l_usage_des_petites_s.html
Mêmes procédés...

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

Gluglups : Autre élément à verser au dossier: dans la version de Mme d'Aulnoy, "Finette Cendron", écrite à peu près à la même époque, il est question de pantoufles... rouges: "elle laissa tomber une de ses mules, qui était de velours rouge, toute brodée de perles."

On peut aussi revisiter l'histoire du Petit Poucet ou d'Hansel et Gretel à ce compte avec exactement le même conte et dire que Perrault ou les Grimm se sont trompés quand ils ont écrit ces histoires. C'est une compilation mondaine de situations venues de différentes histoires, sans autre souci que la bienséance et la vraisemblance. Le type même du faux conte de fées, fabriqué pour le public noble, à partir de ce sale malotru de Perrault que l'on jugeait trop rustre et qui devait être adouci pour les salons. Les imitateurs et plagiaires passent comme la vraie source et la preuve suprême... Savoureux...

Écrit par : Dominique | lundi, 06 mars 2006

Non, j'ai seulement dit que Wikipédia (je suppose que vous savez comment cette encyclopédie est réalisée), Serendipity, le mémoire de maîtrise n'étaient pas forcément des sources fiables ou ne donnaient pas d'arguments suffisants permettant d'infirmer l'hypothèse en faveur de "vair". Je maintiens que l'auteur du mémoire n'apporte aucun argument de ce point de vue-là et qu'il ne fait que justifier l'emploi de "verre" par Perrault (en gros, que cela contribue au climat merveilleux).

Je n'ai jamais parlé d'une erreur d'orthographe de la part de Perrault.

Simplement, j'ai voulu montrer que l'interprétation de "souliers fourrés de vair" n'avait rien de nul:

- La prononciation de ces mots est identique donc Perrault a pu interpréter un récit oral à sa façon, avec ses préoccupations d'auteur de contes.
- Les sources (?) "antérieures" (?) voire exotiques proposant souliers de verre sont citées très allusivement et restent problématiques.
- Une version quasi contemporaine de Cendrillon évoque la couleur et le velours de ces pantoufles. C'est un élément à prendre en considération.


Vos derniers messages se focalisent exclusivement sur le terme utilisé par Perrault lui-même, ce que nul aujourd'hui ne conteste. Mais cela n'exclut pas totalement qu'il ait pu se tromper ni invalide donc complètement l'hypothèse exprimée par Balzac et par d'autres.

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

J'ai manqué votre dernier message: "Le type même du faux conte de fées, fabriqué pour le public noble, à partir de ce sale malotru de Perrault que l'on jugeait trop rustre et qui devait être adouci pour les salons. Les imitateurs et plagiaires passent comme la vraie source et la preuve suprême... " vous parlez de Mme d'Aulnoy?

Écrit par : gluglups | lundi, 06 mars 2006

Une page en anglais (http://europa.eu.int/comm/translation/reading/periodicals/language_matters/2/2_foot.htm) fait le point sur la question et apporte des précisions, qui me paraissent beaucoup plus pertinentes que l'article français de Wikipédia:

1. Le poète sur lequel s'appuie Balzac est Théophile Gautier: "Cendrillon vaut Desdémone, et la pantoufle de vair (et non de verre, matière peu propice aux pantoufles) ne nous semble pas un moyen dramatique inférieur au mouchoir d'Othello." Article du 4/11/1839 indiqué en référence dans la Pléiade. Autre mention de la pantoufle de vair chez Gautier: "ses petits pieds, vrais pieds d'Espagnole ou de Chinoise, et qui eussent été au large dans la pantoufle de vair de Cendrillon, étaient chaussés de cothurnes demi-antiques, lilas tendre, avec un semis de perles." (Omphale)

2. Une autre hypothèse en faveur de l'erreur vair/verre a été émise un temps: ce serait une erreur initiale de traduction du français à l'"allemand" et Perrault aurait repris cette erreur.

3. Avant Perrault, il n'existe aucune version de Cendrillon avec des souliers de verre. C'est donc un ajout personnel.

4. L'auteur de l'article en question conclut sur cette Perrault's touch: en choisissant de parler de "pantoufle de verre", Perrault ajoute en quelque sorte un coefficient de poéticité, de merveilleux, d'imaginaire supplémentaire (d'où référence de l'art. à Bettelheim).


Conclusion: * l'article français de Wikipédia, lorsqu'il parle de "pantoufles de verre ou cristal dans les contes catalans, écossais, irlandais" mériterait d'être rectifié. De même lorsqu'est avancé cet argument rationalisant particulièrement inepte, qui n'est qu'une citation d'une édition critique parue en poche: "outre que l'on ne fourra jamais par le passé de petit-gris des chaussures, de tels souliers ne semblent pas adaptés à la danse."

* Que pendant des années d'éminents lexicographes (de Littré au Robert historique, en passant par le Dictionnaire de l'Académie et le TLF), beaucoup plus érudits et savants que nous tous réunis, aient accordé du crédit à cette thèse de la confusion verre/vair, cela montre que cette thèse pouvait être digne d'intérêt, autant, sinon plus, que la thèse folklore+histoire du costume (Delarue/Soriano).

Écrit par : gluglups | mardi, 07 mars 2006

Je réponds en principe, vous le savez, à la quasi totalité des commentaires, à 90 % au moins, en tout cas. Mais à ce niveau de débat -- merci à tous les deux -- je n'ai plus compétence suffisante. Je suis bien content d'apprendre que Gluglups aime La Fontaine, que j'apprécie tant aussi.

Je serais vraiment curieux de connaître l'opinion de Dominique sur Balzac. On n'est certes pas absolument obligé d'aimer Balzac, mais j'aimerais savoir pourquoi Dominique lui accorde si peu de considération.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 07 mars 2006

Je n'ai pas envie de poursuivre ce fil puisqu'on y voit un exemple flagrant de malhonnêteté intellectuelle et de falsification.

Écrit par : Dominique | mardi, 07 mars 2006

Ouh la la, tout de suite les grands mots.

On aura fait tout de même progresser le schmilblick: sources de l'interprétation en "vair" du XIXe au XXe, prononciation de verre/vair au XVIIe siècle, interprétation possible de l'emploi du mot "verre" par Perrault.

Écrit par : gluglups | mardi, 07 mars 2006

Bon... Qu'est-ce que je dois faire, moi, en tant qu'hôte ?

N'empêche, Dominique, j'aimerais bien en savoir plus sur cette opinion à propos de Balzac.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 07 mars 2006

Allez, je vois que Dominique boude. Pour me faire pardonner, je lui offre un poème amusant.

"Ballade des souris

Où trouver la côte et la mer
Groënland, Afrique, Islande, Espagne,
Où je pourrais m'en aller fier,
Moi qui n'ai pas trouvé mon pair ?

J'ai la misère pour compagne
Et dans l'appartement désert
On n'entend pas un souffle d'air.
Les souris sont à la campagne.

Mais par ce temps de pain très cher
Où l'on perd le beurre qu'on gagne,
Malgré qu'il fasse rose et clair,
On me donne un conseil d'hiver :

" Allez-vous-en sur la montagne
Vous vivrez d'un rien dans l'éther. "
Je pars, quittant le monde amer,
Les souris sont à la campagne.

Et je devrais, chaussé de vair
Comme l'empereur Charlemagne,
Mener le monde avec du fer,
Riant du ciel et de l'enfer

Et de la prison, et du bagne
Et du cimetière et du ver,
Ayant sous le front un éclair,
Les souris sont à la campagne.

Malgré les vents Borée, Auster,
Chaste Muse, ôte un peu ton pagne,
Livre-moi librement ta chair.
Les souris sont à la campagne."

Charles Cros

Écrit par : gluglups | mardi, 07 mars 2006

Salut à Charles Cros, l'inimitable.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 07 mars 2006

Oui, son "chaussé de vair/Comme l'empereur Charlemagne" et son "malgré que" sont bien délectables.

Écrit par : gluglups | mardi, 07 mars 2006

Dans le Dictionnaire des œuvres de Laffont-Bompiani, on ne précise pas de quelle matière est la chaussure de Cendrillon (forcément, c’est un résumé), on parle juste de « sa fameuse chaussure ».
Par contre on fait une distinction intéressante entre Perrault et Grimm. Perrault ferait une description qui correspond au siècle de Louis XIV (carrosse, or, etc.) tandis que les frères Grimm donnent une version plus romantique. Ainsi la fée serait remplacée par un oiseau (proche de la nature). Celui-ci aurai t même oublié de fournir un carrosse à Cendrillon pour qu’elle puisse se rendre à son bal. Elle s’y serait donc rendue à pied et c’est les chaussures poussiéreuses qu’elle serait arrivée.

Ce détail n’est pas anodin. Outre qu’il rappelle discrètement l’origine modeste de Cendrillon (ne perdons pas de vue non plus l’origine de son nom : la cendre), il s’oppose probablement au verre ou au cristal transparent et étincelant. En renversant la version de Perrault, il nous confirme donc que ce dernier parlait bien de chaussures de verre.

Tout ceci étant dit, comme l’a fait remarquer Glupsglups, personne ici ne conteste que Perrault ait bien voulu parler d’une chaussure de verre. Par contre, il ne faut pas perdre de vue que dans la tradition orale, les versions d’un même conte sont nombreuses. Voir à ce sujet les Mythologiques de Lévy-Strauss sur la tradition américaine. Le même mythe se transforme dans sa forme (mais pas sur le fond) selon la latitude et les constellations visibles à tel ou tel endroit du continent. A un certain endroit d’Amazonie le héros sera un jaguar, en Patagonie il deviendra autre chose (parce que la disposition des étoiles à cet endroit ne permet plus de voir un jaguar et parce que cet animal est absent de cette région). Quand Lévy-Strauss remonte vers l’Amérique du Nord, l’histoire elle-même est souvent inversée (homme/femme, tueur, tué, etc.). Je parle évidemment ici des traditions orales des Indiens (Apaches, Cheyennes, etc.) et non de celles des blancs qui les ont poussés vers la sortie de l’Histoire.

Donc, il faudrait encore voir si Perrault n’a pas privilégié une version plutôt qu’une autre. S’il a bien accentué le côté « voyant » et « tape-à-l’œil » de la tenue de Cendrillon pour qu’elle corresponde à la mode à la Cour de Versailles, il aurait bien pu faire de même pour la chaussure. Sans compter que la tradition populaire orale elle-même avait sûrement adapté spontanément les anciennes versions pour les faire correspondre au goût du moment. C’est ce qui différencie un conte vivant (il évolue avec son public) et un conte figé dans l’écriture (aujourd’hui la version de Perrault fait autorité et elle a supplanté toutes les autres. Du coup l’histoire n’évolue plus. Cendrillon conservera à jamais son carrosse et il ne viendrait à personne l’idée de lui confier une Poche décapotable ou une Golf GTI. Et pourtant…)

Maintenant, le mythe de Cendrillon existait-il en France avant Perrault ? Je pose la question. Ne l’a-t-il pas importé de régions plus nordiques ? Et quelle est la version que l’on retrouve en Espagne ? La sienne (auquel cas la version catalane de la chaussure de verre se serait qu’une copie), une tradition locale ou une imitation des pays nordiques (Norvège) ?

Ainsi, dans le texte que je donne ci-dessous, on apprend :

1) que l’origine de Cendrillon est Chinoise et qu’il y aurait des milliers de versions.
2) Que la focalisation sur la chaussure fait référence aux traditions chinoises des petits pieds (serait belle et digne d’être aimée celle qui aurait accepté de souffrir pour avoir de petits pieds). Le sens moral change donc par rapport à notre version.
3) Qu’il s’agit ici d’un soulier d’or « léger comme une plume »
4) Que sans la version de Perrault, on n’aurait conservé qu’une version écossaise « Rashin Coatie »
5) Que dans ce conte écossais la chaussure est simplement caractérisée par sa forme (plate)
6) Que la belle-mère coupe le pied de sa fille pour qu’il corresponde à la chaussure conservée par le prince
7) Qu’il il a de nombreux exemples européens où la fille de la belle-mère est ainsi mutilée, pour pouvoir chausser une pantoufle plate, de cuir ou de peau.
8) Que dans la version que Perrault aurait entendue, il s’agissait bien d’une chaussure en fourrure, mais que le génie de l’auteur a été d’inventer la chaussure de verre (dont les dimensions ne peuvent se modifier). Il a même incorporé le mot verre dans le titre.
9) Que le conte européen le plus ancien serait dû à un certain jena-Baptiste Basile, un Italien qui aurait recueilli la tradition orale napolitaine.
10) Chez lui cendrillon est appelée Zezolla et est maltraitée depuis son enfance. Elle assassine sa belle-mère, mais son père épouse une autre femme encore plus méchante.

Voici le texte :


LA CENICIENTA (siglo IX, China)

La historia de la Cenicienta se considera el cuento de hadas más popular del mundo. Es posible que tuviera mil años de antigüedad como mínimo, en diversas formas escritas y orales, cuando Perrault lo transcribió. En muchas de esas versiones se describía la brutal mutilación de los pies a que se sometía a las mujeres, en el vano intento de que pudieran calzarse la misteriosa zapatilla.

El cuento, tal como se les narra hoy a los niños, que la pobre fregona logra asistir a un baile suntuoso gracias a la benevolencia de una hada madrina, se debe enteramente a Charles Perrault. De no haber sido por su hábil narración, es posible que el mundo occidental conociera tan sólo las peripecias de “Rashin Coatie», la hija hermosa pero pobre de una popular versión escocesa.

Según este cuento, las tres feísimas hermanastras de la muchacha obligan a ésta a vestir harapos. En vez de una hada madrina que satisfaga sus deseos, Rashin Coatie tiene un carnero mágico, al que su maligna madrastra mata y asa vengativamente. Transida por el dolor, Rashin Coatie, que anhela asistir a un baile, formula el deseo de un vestido nuevo ante los huesos del carnero. Ataviada con “«el más lujoso” de los vestidos, cautiva a un príncipe y, al volver apresuradamente a casa, pierde una preciosa zapatilla de raso.

Puesto que el príncipe quiere casarse con la muchacha que demuestre ser la propietaria de la zapatilla, la madrastra corta los dedos de los pies de su hija mayor, y como el pie todavía es demasiado grande, le rebana el talón. El príncipe acepta a la hija fea y secretamente mutilada, pero más tarde un pájaro le revela que el pie que oculta el zapato no está entero... y que Rashin Coatie es la bella muchacha a la que él anda buscando. El príncipe se casa con ella y “siempre más vivieron felices”.

En numerosas versiones europeas antiguas del cuento, el pie de la hija más fea es mutilado para que pueda introducirse en una zapatilla de raso, cuero o piel, y algún tipo de pájaro advierte del engaño al príncipe. En el cuento francés, que Perrault oyó contar en su infancia, este calzado parece ser de una piel jaspeada (vair en francés) más bien que de cristal (verre). Pero el genio de Perrault percibió los méritos de una zapatilla de cristal cuyas dimensiones no pudieran alterarse y que fuera transparente. Su captación de lo llamativo que resultaba el cristal resalta en su elección del título: “La Cenicienta o la zapatilla de cristal”.

En Europa, el cuento más antiguo basado en la Cenicienta se atribuye a Giambattista Basile, y se incluyó en el “Peníamerone” con el título de “La gata del hogar”. Un napolitano trotamundos, poeta, soldado, cortesano y administrador, Basile, escribió cincuenta cuentos que supuestamente le fueron relatados por mujeres de Nápoles. Su Cenicienta, llamada Zezolla, es víctima de malos tratos desde su infancia.

El cuento de Basile comienza con la infeliz Zezolla planeando el asesinato de su malvada madrastra. Finalmente, le rompe el cuello. Por desgracia, su padre se casa entonces con una mujer todavía más odiosa, con seis hijas a cual peor, que obligan a Zezolla a trabajar todo el día ante los fogones de la cocina.

Deseando asistir a una fiesta de gala, Zezolla explica su anhelo ante un árbol mágico, una palmera, y en el acto se ve ataviada con sus ropas lujosas, cabalgando un caballo blanco y asistida de doce pajes. El rey queda embelesado ante su belleza, pero a medianoche el único recuerdo que le queda de ella es una zapatilla vacía... que no corresponde a ningún ser mortal excepto, claro está, Zezolla.

Aunque la versión italiana presenta notables semejanzas con la de Charles Perrault, los historiadores creen que éste no conocía los cuentos de hadas publicados por Giambattista Basile, y que sólo estaba familiarizado con la versión oral francesa.

Entonces, ¿quién escribió la primera Cenicienta?

La más antigua versión fechada de este cuento aparece en un libro chino escrito entre los años 850 y 860 d.C. En ella, Yeh-hsien es maltratada por una madrastra de mal genio, que la viste con harapos y la obliga a sacar agua de pozos de peligrosa profundidad.

La Cenicienta china guarda un pez mágico de tres metros de longitud en un estanque junto a su casa, pero, disfrazada con las prendas harapientas de su hija, la madrastra engaña, captura y mata al pez. Cenicienta, que anhela tener ropas lujosas para asistir a una fiesta, formula este deseo ante las espinas del pez y, de pronto, se encuentra magníficamente ataviada con plumas y oro.

En la fiesta china no hay príncipe ni rey, pero al abandonarla precipitadamente, Cenicienta pierde una zapatilla de oro, “ligera como el plumón y que no hacía ningún ruido, ni siquiera al pisar las losas de piedra”. Finalmente, la zapatilla cae en manos del mercader más rico de la provincia, y una laboriosa búsqueda le lleva hasta Cenicienta, en cuyo pie encaja la zapatilla y que, al ponérsela, se torna tan bella “como un ser celestial”. El comerciante se casa con ella mientras un alud de piedras entierra a la perversa madrastra y a su feísima hija.

Este cuento chino del siglo IX fue registrado por Taun Cheng-shih, uno de los primeros recopiladores de folklore en la historia. Taun escribió que lo había oído por primera vez de labios de una sirvienta que llevaba largos años con la familia. Nada más se sabe de los orígenes de este cuento, que tantas semejanzas guarda con las posteriores versiones occidentales. Hasta la fecha, se han recopilado setecientos cuentos diferentes sobre el tema de la Cenicienta.

Del libro "Las cosas nuestras de cada dís" de Charles Panati



Conclusion : Perrault semblerait à l’origine de la chaussure de verre. La tradition orale parle soit de la forme (plate, étroite), soit du poids (légère), soit de la taille (petite), mais pas de la substance.

Quoi qu’il en soit, le fait d’imaginer une chaussure en verre est admirable. Certes ,c’est peu pratique pour danser, mais :

1) le verre est transparent et laisse voir le pied nu
2) par métonymie, ce pied renvoie érotiquement au corps nu de Cendrillon (d’où la réaction du prince qui focalise toute son attention sur cette chaussure). Le conte finit d’ailleurs par un mariage
3) pudiquement, le conte parle donc du désir sexuel. Ainsi Cendrillon veut aller au bal (forme socialement acceptée du rapprochement des partenaires), il n’y a que le pied qui soit dénudé, le mariage final rend l’aventure acceptable moralement.
4) Comme on est aussi dans le merveilleux (prince charmant), il fallait que le jeune fille soit pauvre et malheureuse. Le soulier de verre laisse voir sa pureté et sa beauté. Il laisse voir ce que les haillons ne permettaient pas de deviner.

Écrit par : Feuilly | mercredi, 08 mars 2006

Merci Feuilly de toutes ces informations et de ces éclairages nouveaux. J'ai tout copié-collé pour me faire un petit dossier "Cendrillon".
Je suis un peu pris par le temps ce soir, mais j'ai quelques questions à vous poser (ce we, par ex.)

Écrit par : gluglups | mercredi, 08 mars 2006

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