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vendredi, 03 mars 2006

Solidarité

Il y a quelques années encore, existait cette chose que je trouvais délicieuse. On proposait aux guichets de poste – je parle de la poste, service public, pas de cette officine récemment transformée en banque – une fois par an, un ouvrage publié par La solidarité par le livre. Le volume était vendu à un prix vraiment très raisonnable, au profit des orphelins des PTT (par la suite, P & T) vivant au foyer de Cachan (Val-de-Marne). En prime, on avait droit au sourire de l’employé et à ses remerciements. Un jour, on a remplacé le livre par des séries de cartes postales.

 

Il s’agissait de romans, la plupart du temps vraiment très mauvais, rédigés par des auteurs « maison », souvent les mêmes : Émile Pagès, Henri Blanc… Mais la question n’est pas là. La solidarité (non, non, je ne suis pas grossier, il s’agit bien d’un mot appartenant à la langue française) existait et se manifestait à travers l’imprimé. C’est de cette chose fantastique que j’aime à me souvenir. Je crois en avoir déjà parlé mais où ? Dans un livre, dans l’ancien blog, ici même ? La sénilité me guette.

07:00 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (13)

Commentaires

A partir du moment où l'Europe néolibérale a décidé de faire de l'argent avec tout (pardon, je m'exprime mal: de permettre à certains de faire de l'argent avec n'importe quoi), la mort des services publics était prévisible.

Si je prends l’exemple de la Poste ici en Belgique (que j’ai déjà évoqué ici mais qui me tient à cœur), il est clair qu’elle est en pleine mutation. On se demande bien pourquoi car elle a toujours bien fonctionné par le passé. Le courrier arrivait à l’heure à destination, il ne se perdait pas, il y avait des bureaux ouverts partout dans le pays et accessibles à tous.
Puis on a placé à la tête de cet organisme des managers (dont le salaire indécent vient d’être publié), qui ont commencé à restructurer. C’est ainsi que les petits bureaux de campagne ont commencé à être fermés. Conclusion :

1) ou bien les gens doivent se déplacer
2) ou bien parfois la commune joue le rôle de la poste, ce qui n’est pas logique puisque les frais de fonctionnement sont pris en charge par les villageois via leurs impôts communaux et plus par la SA La Poste (organisme encore public en voie de privatisation).
3) Ou bien un commerce local accepte de jouer ce rôle (vente de timbres, etc.)

Ensuite, comme il se doit, on a augmenté le prix des timbres, en inventant un tarif « coourrier rapide ». Le problème c’est que l’ancienne poste était si efficace que même le courrier lent est arrivé en même temps que le courrier rapide. On a donc bloqué volontairement le courrier lent, pour justifier l’efficacité du nouveau tarif.

Puis les facteurs ont été mis sous pression. Un ordinateur calcule pour chaque facteur le temps réel qu’il peut mettre pour effectuer sa distribution (en fonction du nombre de maisons à desservir, du milieu rural ou citadin etc.) et cela donne par exemple 1H 14 minutes là ou avant il avait une matinée. Conclusion : le rôle social du facteur dans les campagnes a été supprimé (personnes âgées isolées, etc.)

Ensuite, on a commencé à réduire le personnel (contractuels licenciés, etc.)

Enfin, quand tout a été prêt, on a vendu la poste aux plus offrants. On retrouve la banque Fortis, hollandaise (qui a déjà mangé l’ancienne Caisse d’épargne) et la Poste danoise (privatisée elle aussi). Le but de ces gens n’est évidemment pas de distribuer au mieux le courrier, mais de faire de l’argent. Ce qui intéresse Fortis, c’est la partie banque de la poste (qui lui faisait de l’ombre) et pas le courrier. Conclusion : on se met à vendre tous les biens immobiliers en supprimant les bureaux les uns après les autres (alors qu’ils avaient été achetés autrefois avec l’argent des citoyens).
Quand tout sera vendu et quand leur tirelire sera pleine, je parie qu’ils se débarrasseront de la partie courrier et qu’il absorberont la banque de la poste.

Je ne vois pas ce que les citoyens ont gagné dans cette opération.

Il en va de même dans les ministères. Ainsi le ministère des finances a vendu son arriéré fiscal à une banque. C’est de la folie. Cela veut dire que tout l’argent dont les contribuables ne s’étaient pas encore acquitté ne sera pas récupéré par les Finances (trop lentes, mais forcément puisqu’on ne recrute plus personne) mais par une banque qui a « acheté » la dette. Autrement dit s’il y avait par exemple 1 milliard d’euros à récupérer, la banque a donné 400 millions à l’Etat (et les politiciens n’ont pas manqué de dire que grâce à eux de l’argent frais rentrait dans les caisses) et elle a carte blanche pour récupérer le milliard (huissiers de justice, etc.) Bénéfice net : 600 millions.

Alors mon pauvre Jacques, venir parler de solidarité dans un tel contexte, c’est faire preuve d’archaïsme. Ce monde est révolu. Il faut se faire à l’idée que de citoyens nous sommes devenus des moutons à tondre et à exploiter. Et on va encore dire que je crie au loup !

Écrit par : Feuilly | vendredi, 03 mars 2006

Eh eh mon vieux Feuilly, tu nous brosses le tableau de la poste française, en faisant celui de la poste belge. C'est pratiquement la même chose, ici. Je suis d'une famille de postiers (grand-père, mère, oncle) et, quand j'étais lycéen, j'ai travaillé à la poste deux étés consécutifs. Je suis catastrophé par ce qu'on en a fait. C'est répugnant. Récemment, une lettre envoyée par mes soins du Lot a mis trois semaines pour parvenir à Rennes, au tarif rapide bien entendu. Le démantèlement d'un service public impeccable me fait mal au ventre.

Mme Rimbaud mère, au XIXe siècle, se plaignait, dans une lettre, de n'avoir pas eu de courrier le dimanche : "Hier, dimanche, la poste se reposait". Il y a eu jusqu'à sept tournées quotidiennes, autrefois.

Evidemment, ce n'est plus utile à présent, avec internet. Mais on n'a même plus une tournée par jour assurée. A-t-on remarqué que, neuf fois sur dix maintenant, le tampon de la poste -- qui, officiellement, fait toujours foi -- n'est pas lisible du tout ? Je suis très sérieux, j'ai longuement observé la chose. Donc, impossible de râler contre le retard de la distribution, certes, mais impossible aussi de prouver la date d'un envoi.

Et je ne parle pas de la destruction des CCP et de l'abandon des télécommunications.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 03 mars 2006

Tout le monde sait que les moutons, de plus, ne sont pas syndiqués. Mais peut-être peuvent-ils n'être pas au courant eux-mêmes, et dans ce cas, se réunir et, gardant un mâle à leur tête, les cornes hautes, faire front en masse devant l'agresseur.

Maintenant, si l'agresseur arrive avec une mitraillette... alors, il faudra mourir la tête haute.

Ce rêve est le mien.

Écrit par : Martine Layani | vendredi, 03 mars 2006

Diable, Martine en appelle aux béliers !

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 03 mars 2006

Il y avait en fait dans les villes deux tournées dans la journée, une le matin et une l'après-midi. Je crois aussi que dans des capitales comme Londres et Paris, c'était trois à quatre fois par jour : on a des exemples de cartes où les personnes se répondaient immédiatement et à la suite, d'où des mentions d'heures et plus simplement de jour. Mais le courrier électronique ou le téléphone n'existaient pas. En outre, il existait les petits bleus qui permettaient une réponse confiée au porteur.

Écrit par : Dominique | vendredi, 03 mars 2006

"Je crois aussi que dans des capitales comme Londres et Paris, c'était trois à quatre fois par jour " :

A Paris, dans les années 80, juste avant l'arrivée de la micro-informatique, il y avait trois tournées... dans le quartier des affaires. Eh oui. Je travaillais (1983-1988) au ministère de l'Inculture, avenue de l'Opéra, tout près de la Bourse, des banques, des grands couturiers, des joailliers. Bref, les beaux quartiers. Et hop, trois tournées. Ailleurs, c'était une ou deux.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 03 mars 2006

Cela me rappelle la chèvre de Monsieur Seguin (nous sommes tout de même sur un blog littéraire) qui se battait courageusement toute la nuit.
Mais si on admirait la beauté de son combat inutile, on se disait aussi qu'elle avait désobéi en se sauvant de son enclos (les contes sont toujours très moraux, comme vous savez) et que quelque part elle avait mérité ce qui lui arrivait (encore que... Mieux vaut mourir libre qu’attaché à un piquet. C’était déjà le message de Malraux dans L’Espoir et La Condition humaine).

Nous, par contre, nous ne comprenons pas quelle faute nous aurions bien pu commettre pour qu’on nous mange ainsi en brochettes.

La démocratie est morte mon bon monsieur. L’Assemblée nationale fonctionne selon les désirs des partis politiques lesquels subissent la pression des « lobbies » du monde des affaires. Quant à la Commission européenne, c’est le repère du loup.

Pour revenir au vaillant bélier de Martine, veillons à ce qu’il ne devienne pas un bouc émissaire (oui, je sais, je passe des ovins aux caprins). Une fois qu’il aura échoué dans sa mission, il risque d’être rejeté par les siens. Ainsi, j’entends autour de moi que tout le monde critique les syndicats qui seraient la cause de la fermeture de la sidérurgie. « S’ils n’avaient pas toujours fait grève, les patrons ne seraient pas partis. » Pourtant quand les grandes firmes qui font du bénéfice licencient à tour de bras, il ne me semble pas que ce soit à cause des syndicats mais pour faire plaisir à leurs actionnaires. Donc, si vous êtes un loup aux dents longues, tout est permis. Si vous êtes un mouton qui veut se défendre, c’est mal vu.

Il me semble que de nos jours les contes finissent bien mal. La phrase « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » est devenu obsolète.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 03 mars 2006

Comme on dit en Belgique : "La cabro de moussu Séguin, que se battégue tonto la neui erré lou loup, e piei lou matin lou loup la mangé."

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 03 mars 2006

Pour ceux qui désirent en savoir plus sur le foyer de Cachan :

http://www.foyercachan.asso.fr/index.htm

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 03 mars 2006

Oc. Voici la fin de l'histoire:


Ah! se poudiéu teni jusqu’au matin!
A cha uno lis estello s’esvaliguèron.
E zóu li cop de bano! e zóu li cop de dènt! Eilalin, lou cèu blanquejè. Lou cacaraca
d’un gau enraumassa mountè d’uno bastido...
- Ié sian! enfin!... diguè la pauro bèsti. E se couchè sus l’erbo dins soun bèu jargau
de velout blanc tout ensaunousi.
Alor lou loup se jitè sus la pichoto cabro, e la mangè.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 03 mars 2006

Oh, bravo Feuilly ! Bravo ! Quand je disais que c'était ainsi qu'on parlait en Belgique, hein !

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 03 mars 2006

À propos du tout à l'économie et de la vie en société (et donc les services sociaux) qui ne sont plus gérés que par des managers obsédés par le rendement, voici quelques citations d'une entrevue dans la presse montréalaise avec John Saul, auteur de l'excellent "La civilisation inconsciente", qui vient de faire paraître "Mort de la globalisation" (Payot). Je pensais à Feuilly en lisant certains passages.

"Au coeur de la réflexion critique de l'essayiste Saul, repose la fausse notion de la primauté de la culture technocratique sur l'esprit civique. Plusieurs politiciens ont cédé: de leaders, ils sont devenus managers. Au lieu de chercher des solutions à des problèmes comme le chômage, le vieillissement de la population (...) ils se sont contentés de les gérer, de réagir aux chocs créés par les forces dérégulées des marchés. Les premiers grands exemples de ces chefs d'État qui ont castré leurs pouvoirs politiquesont été le Français Giscard d'Estaing et l'Allemand Helmut Schmidt. Cest technocrates ont aussi accepté que les grandes entreprises dictent leurs volontés aux élus"

Sur la "pseudo propriété intellectuelle", il parle de l'acte fondateur de l'Organisation Mondiale du commerce comme étant "bancal parce qu'il attribue trop de droits à quelques lobbies dont celui des géants pharmaceutiques", incluant l'ADPIC, c'est-à-dire les droits de propriété intellectuelle qui touchent le commerce. "Les ADPIC ne sont rien d'autre qu'une taxe privée en échange de laquelle les citoyens n'ont aucun service, tout comme le sont les frais bancaires. Cela n'obéit pas à la logique de la concurrence, mais à celle des oligopoles qui s'efforcent de la limiter en procédant à d'immenses fusions-acquisitions qui ne créent aucune valeur". En fait, il souligne que sous couvert de propagation de la démocratie via le libre marché dérégulé, on se dirige vers un mercantilisme façon XVIIIe siècle, l'âge d'or des grands monopoles coloniaux. "Il permet la création de quelques grandes fortunes, en faisant voler en éclats l'appareil social qui permet l'existence des classes moyennes pourtant porteuses de l'idée démocratique."

Il y plein d'autres trucs passionants sur la Chine (sur la réussite de la globalisation dont la Chine serait l'exemple criant, il dit qu'elle est "menée par des dirigeants qui ne laissent pas les forces du marché rogner leurs pouvoirs. Ils cherchent plutôt à les réguler dans le sens ou ils croient que l'empire du Milieu progressera le mieux. C'est avant tout une approche nationaliste et non globaliste qu'ils ont adoptée et poursuivent avec succès.") Adam Smith, le père de la science économique, auteur "le plus malhonnêtement cité depuis 50 ans" qui a pourtant posé dans sa "Théorie des sentiments moraux" que "L'homme sage et vertueux est toujours prêt à ce que son intérêt privé soit sacrifié à l'intérêt public de l'ordre ou de la société auxquels il appartient en particulier."

Pour finir sur une note positive: "La question fondamentale est de savoir si les citoyens ont plus de pouvoir que les entreprises, quand ils prennent la peine d'essayer. La réponse est oui."

Écrit par : Benoit | vendredi, 03 mars 2006

Ce qui me plaît chez vous, Benoît, c'est votre éclectisme. Vous avez toujours des tas d'illustrations de toute nature, sur tous les sujets. Ici, la conclusion est rassurante.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 03 mars 2006

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